De la préhistoire à l'époque gallo-romaine en Morvan

Roland Niaux

(1995)

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Durant les époques préhistoriques, les traces de la présence humaine sont généralement ténues. Elles consistent le plus souvent en trouvailles d'outillage lithique, trouvailles d'objets isolés - simples jalons d'un passage - ou trouvailles d'objets groupés, signifiant l'existence d'un stationnement, habitat ou zone de travail.

En Morvan, certaines périodes de la préhistoire n'ont laissé aucune trace (de cette absence de traces, on ne peut tirer aucune conclusion).

Chronologiquement, la présence humaine se manifeste dans notre région aux époques suivantes :

(nous verrons ensuite plus en détail région par région)

- Paléolithique moyen, moustérien de tradition acheuléenne et moustérien (soit entre 60000 et 40000 ans avant notre ère). Des stations ont été repérées le long des rivières, dans la haute vallée de l'Arroux (Igornay) et dans la région de Toulon-sur-Arroux.

- Paléolithique supérieur, époque solutréenne ( - 20000 ans). Le site type est Rigny-sur-Arroux (avec ses célèbres "feuilles de laurier" de Volgu, au Musée Denon) sur la basse vallée de l'Arroux mais on trouve également une présence solutréenne, quoique faible à Igornay et Toulon.

- Mésolithique Tardenoisien (entre 9000 et 5000 av. J.C). Son industrie microlithique se rencontre seulement dans la Nièvre, entre les vallées de l'Alène et de la Somme.

- Néolithique. Les néolithiques moyen et final sont représentés à peu près partout. Ils doivent correspondre à une période de peuplement important de nos régions. C'est l'époque de l'apparition

des premiers villages, de l'agriculture, de la sédentarisation, des sépultures collectives et du mégalithisme. C'est l'époque du Chasséen (Chassey-le-Camp, près de Chagny) très présent autour d'Autun.

Le mégalithisme se manifeste essentiellement dans nos régions par la présence de menhirs dont beaucoup ont disparu. Au XIXe. siècle, on donnait des primes pour les abattre ! Le menhir de

Pierrefitte (près de la Genetoye) a été détruit en 1820, celui d'Auxy, la Grande Pierre, abattu en 1852, ceux du Champ de la Justice (St. Pantaléon) au nombre de 26, mis au jour vers 1880 , ont dû être ré-enterrés, par ordre du Tribunal. Sept d'entre eux ont échappé à ce sort, parce que placés dans une haie. On en voit assez bien encore trois, passé l'Orme, à l'Est et pas très loin de la N81 (classés MH) . Perpendiculairement à cette haie, on peut voir, alignés sur 1000 mètres, dix buttes de terre de 50m de long, 10m de large et à 2 à 4m de hauteur, peut être des tumuli. Entre menhirs et tumuli, des enclos funéraires apparaissent en photographie aérienne. Et l'on touche le ''Champ de la Justice" l'une des stations néolithiques les plus riches de la région tant par le nombre que par la qualité du matériel recueilli. L'ensemble forme certainement l'un des sites préhistoriques les plus intéressants de Bourgogne.

On trouve encore des menhirs à Charmeau, commune de Broye, à Sussey (Pierre Pointe) à la limite du Morvan et de l'Auxois, à Tazilly, dans la Nièvre. Mais sans aucun doute, le plus bel ensemble mégalithique bourguignon se trouve à Couches, lieu-dit Epoigny, où 7 menhirs de grande taille ont été sortis de terre, leur emplacement fouillé et les monuments relevés en 1986. On ne sait pas grand chose des menhirs. Ce sont très probablement des monuments de caractère religieux, non funéraires, rarement isolés.

Beaucoup de pierres remarquables par leur forme, leur emplacement, les légendes ou superstitions qui s'y attachent, ont été considérées - à tort - comme des menhirs ou tout au moins comme des oeuvres humaines (exemple les pierres d'Uchon) alors que ce ne sont que des phénomènes géologiques naturels.

Les dolmens sont des monuments funéraires de sépultures individuelles ou collectives, généralement recouverts de terre à l'origine. Ce sont alors des tumuli, la terre recouvrant soit les grandes dalles que l'on connaît bien, soit des constructions de pierres de plus petites dimensions (allées couvertes). On n'en connait point en Morvan, exception faite du "Champ de la Justice", si les buttes évoquées plus haut sont bien des tumuli. Par contre, ils sont très nombreux dans les terrains calcaires bordant

la Côte d'Or (La Rochepot , les Chaumes d'Auvenay , etc ...) , la nature des roches favorisant leur construction . Malheureusement, la plupart d'entre eux ont été détruits.

Revenons aux principales zones de peuplement (passage fréquent ou séjour) des peuplades préhistoriques :

- La Vallée de l'Arroux (les rivières étant des voies de communication et de pénétration). Au confluent de l'Arroux et du Ternin, l'emplacement de ce qui sera Autun attire déjà les peuplades primitives :

- un camp néolithique, repéré en prospection aérienne par R. Goguey en 1976 : enceinte visible sur 200m, clôture à poteaux et fossés protecteurs.

- un menhir à Pierrefitte

- de l'outillage en silex et de la céramique dans tous les champs voisins depuis l'époque moustérienne jusqu'au néolithique final, l'âge du bronze, La Tène, l'époque gallo-romaine, en sorte qu'il ne semble pas y avoir eu de grandes interruptions dans la présence humaine jusqu'à nos jours.

De ce fait ressort l'importance du site et éclaire le choix qui en a été fait pour l'implantation d'Augustodunum.

En aval d'Autun, la région de Toulon-sur-Arroux, confluent Arroux-Pontin, carrefour naturel comme Autun : nombreuses stations, du paléo-moyen (moustérien) au néolithique, sur toute une zone qui s'étend de Toulon à Montmort et La Boulaye (stations de l'Abergement , Armecy, le Sac, l'Aubépin, Montmort) le long des rives de l'Arroux et sur les collines avoisinantes. Il faut noter que cette occupation se prolonge vers l'intérieur des terres sur Ste. Radegonde, Issy l’Évêque et le Mont Dardon.

En amont d'Autun, la région de Rozereuil-Igornay. C'est encore un confluent, celui de l'Arroux et du Trévoux et donc la rencontre de deux voies naturelles de pénétration, l'une vers le nord (Trévoux) sur la région de Saulieu, l'autre vers le nord-est (Arroux) sur la région d'Arnay-le-Duc. Là encore, on rencontre des témoignages de présence humaine depuis le paléo-moyen (moustérien de tradition acheuléenne) jusqu'au néolithique final et les sites d'occupation s'étendent largement sur Cordesse, Dracy St.Loup jusqu'à la limite nord de St.Pantaléon avec le fameux "Champ de la Justice" qui a été (et qui est toujours) prospecté en surface avec bonheur après chaque labour depuis la fin du siècle dernier. A Rozereuil , c'est surtout le paléolithique. Au Champ de la Justice, c'est surtout le

néolithique moyen (plus de 2000 pièces aux musées d 'Autun, sans compter les autres musées et les collections particulières qui finissent dans les poubelles ou les jardins... ).

Le Champ de la Justice est le site exceptionnel qui allie la présence d'une vaste station de taille de silex(et donc sans doute d'habitat (cf. photos R. Goguey) avec la présence de menhirs et de tumuli

(contestés mais bien réels).

Mis à part tous ces sites de la vallée de l'Arroux, on peut encore citer, comme lieux de présence humaine préhistorique mais à des degrés moindres :

- Le plateau d'Antully avec les nombreuses trouvailles de la fin du XIXe siècle, dites de la Celle d'Auxy, mélange de paléolithique et de néolithique, sur une zone dont l'épicentre se situe près de la Celle d'en Haut, au sud de la voie romaine Autun-Chalon mais qui s'étend largement sur Antully, Prodhun, la Croix Brenot... où l'on rencontre de petits gisements.

- La région de Broye (vallée du Mesvrin) avec une station (Champbroye) proche du menhir de Charmeau (station néolithique).

- La région de Roussillon en Morvan, plus précisément le Mont Robert, chaos quartzeux dans lequel une grotte explorée au XIXe siècle par l'instituteur du lieu et ses élèves, a livré 160 outils du néolithique moyen qui sont au Museum d'histoire naturelle d'Autun.

- Toujours en Morvan proprement dit où les témoignages, hors vallées, sont quand même rares, il faut citer la cuvette d'Arleuf peut-être parce qu'elle est, elle aussi, un carrefour entre le chemin des oppida (qui n'existaient pas à l'époque néolithique, mais qui jalonnaient certainement des cheminements) et la voie naturelle entre le bassin autunois et le Nivernais. On a, dans cette cuvette d'Arleuf, de nombreuses trouvailles isolées sur une petite superficie (haches polies pour la plupart) et une station néolithique au-dessus des Brenet, vers le signal dit du Télégraphe.

- Enfin, à l'ouest de Luzy, entre l'Alène et la Somme plusieurs sites mésolithiques à Flety, où l'on trouve des stations d'industrie tardenoisienne qui ont livré plus de 100 pièces figurant au M.A.N. (Champs Seignon, la Combe, Chanaux). Dans cette même région, il faut signaler le beau menhir de Tazilly, réérigé le long de la D973, à quelques mètres de son emplacement original. C' est le seul restant, semble-t-il, sur ce versant du Morvan.

Époques protohistoriques

Nos connaissances devenant plus précises, ces époques sont, elles aussi, très précisément compartimentées en plusieurs séquences au sein des âges du bronze et du fer.

Pour les époques du Bronze les découvertes sont rares en Morvan et Autunois (ce qui ne prouve pas qu'il n'y ait pas eu présence humaine) sauf deux exceptions d'importance :

- la première est la découverte, vers 1850, d'une cache de 120 objets divers à Savigny-le-Vieux, commune de Curgy : anneaux et disques d'argent, épingles et objets usuels en bronze, bracelets,

couteaux, serpettes etc ... actuellement au M.A.N. Curgy est une commune suburbaine d'Autun. On est donc toujours dans une zone de grande circulation.

_ La seconde est une découverte récente - 1982- sur la commune de Blanot en Côte d'Or d'un dépôt d'objets en bronze, fiasques, jambières, bracelets , anneaux etc ... Hors ces deux trouvailles importantes, on ne peut noter que quelques découvertes d'objets isolés ou en petit nombre, notamment des haches, à Moux, Cordesse, Dracy St. Loup, la Tagnière, Curgy, l'Etang des Baumes à Antully.

Pour l'époque de La Tène, c'est évidemment Bibracte (Beuvray) qui tient la vedette, d'une part parce qu'il s'agissait du centre, capitale de la cité Eduenne, et d'autre part parce que c'est l'un des rares sites de cette époque dont l'histoire, d'un point de vue chronologique, se termine au tout début de l'époque gallo-romaine. Partout ailleurs, dans les campagnes éduennes, la vie ne s'est pas arrêtée autour de l'année 0 de notre ère. Les gens ont continué à vivre sur les mêmes lieux, à travailler dans les mêmes exploitations, à parcourir les mêmes chemins, de sorte que partout - sauf à Bibracte - il est très difficile, sinon impossible, de distinguer un site gaulois d'un site gallo-romain : tout est identique, et pour peu qu'il ait perduré un siècle ou deux, toutes les caractéristiques purement gauloises ont disparu, du moins quant aux objets. Par contre la religion, les usages, les coutumes et croyances évoluent peu. Le gallo-romain, surtout dans les campagnes, est beaucoup plus gaulois que romain et ce, jusqu'à la fin de l'Empire. Les routes demeurent les mêmes. Le réseau

routier en Gaule vers la fin de l'Indépendance est excellent. César en porte témoignage. Bibracte disparaît, Augustodunum apparaît à 20 km. Les nouveaux travaux routiers consistent simplement à se raccorder au réseau pré-existant .

Ainsi, on comprend aisément qu'on ait beaucoup de mal à identifier des sites du second âge du fer : il faudrait sans doute nommer bon nombre de sites connus simplement comme gallo- romains.

Quelques exceptions toutefois : l'oppidum de Dun-les-Places plus vaste que Bibracte ; le petit site défensif de Verdun-Faubouloin ; la petite aggl omération rurale de l'Huis l'Abbé, près de Château Chinon ; au pied sud de Bibracte, le long d'une voie d'accès à l'oppidum , une autre petite agglomération, celle du Quart-du-Bois (commune de Poil) dont une fouille en 1985-86 a établi une date d'abandon contemporaine à l'abandon de Bibracte ; au nord de Bibracte enfin, l'un des sites les plus intéressants où beaucoup reste à faire, celui des Sources de l'Yonne. Site de carrefour, situé sur un col, site religieux lié probablement au culte des eaux, dont une fouille, menée sous l'égide du Dr . Olivier, n'a malheureusement pu être menée à son terme. Autour des Sources de l'Yonne un vaste habitat purement gaulois s ' étendait sur plusieurs hectares : à peine les vestiges en ont-ils été entrevus lors des travaux forestiers entrepris vers les années 1985.

Le cas des hauteurs entourant le mont Beuvray est difficile à traiter : Touleur, la Vieille Montagne, Glenne, le Vieux Château de Roussillon, Château- Chinon, plus lointainement Montjeu, Montcenis

ont vu s'ériger des forteresses médiévales dont l'occupation a rarement dépassé la guerre de Cent Ans. Dans tous ces sites une prospection attentive a apporté la preuve d'une présence gallo-romaine

dont seules, des fouilles permettraient de préciser l'ampleur et la datation précise. Dans l'état de nos connaissances, il n'est pas téméraire de leur supposer un rôle dans l'organisation du territoire éduen autour de Bibracte. La toponymie enfin révèle des indices non négligeables de l'implantation gauloise : les Dun et Verdun, Uxeau et Usseau rappellent des lieux fortifiés connus ou à découvrir.

Époque Gallo-romaine :

L'implantation gallo-romaine est beaucoup plus facile à identifier car elle laisse de nombreux vestiges mobiliers que l'on découvre à l'occasion de travaux : terrassements, labours ou même par une

simple prospection attentive des terrains .

Un bon millier de sites gallo-romains, hors le site urbain d'Autun, ont pu être positionnés dans un rayon de 40 km autour de la ville. Ils se répartissent principalement autour d'Autun-même, formant une grande banlieue, et le long des grandes voies de communication du pays éduen.

Particulièrement denses entre Autun et Bibracte, dans la vallée du Mesvrin et sur le plateau d'Antully, ils sont plus disséminés au nord et au nord-ouest d'Autun, dans le Haut Morvan et dans le massif d'Uchon.

- Autour d'Autun, la banlieue gallo-romaine s'étend de façon presqu'ininterrompue vers l'Est jusqu'à Curgy, vers l'Ouest jusqu'à Monthelon. Au sud, elle est rapidement arrêtée par la montagne

de Montjeu, au nord elle est plus clairsemée.

- les habitats s'ordonnent en fonction des axes routiers :

Entre Bibracte et Autun, le transfert de population s ' est effectué progressivement. Tout le terrain demeure occupé au cours des trois premiers siècles de notre ère et l'on rencontre des habitats

importants à Brange , Monthelon , Chantal, les Cheminots, le Buisson, la Boutière, le Rebout.

De Bibracte à Decize, on en trouve à Villapourçon, Onlay, Préporché et à Saint-Honoré-les-Bains, cité thermale de première importance mentionnée sur la Table de Peutinger.

D'Autun à Châlon-sur-Saône, la voie romaine dite d'Agrippa n'est que la reprise du grand axe éduen Est-Ouest Chalon-Bibracte-Decize. Entre Autun et la vallée de la Dheune, cette voie traverse une zone aujourd'hui forestière (Planaise, Pierre-Luzière). Cette forêt n'est apparue qu'après les grandes invasions de IVe siècle et perdure en grande partie depuis cette date, ce qui a permis la

sauvegarde de nombreux sites : sites industriels d'extraction et de travail des grès utilisés principalement à Augustodunum, mais aussi jusqu'à Bibracte, en revêtements de maçonnerie, meules, statuaire, monuments funéraires... Ce sont les carrières du Bois des Brosses et des Crots de Pauvray (Curgy, Auxy), des Bois des Mouilles et des Crots (St. Emiland et de Tintry.) Presque toutes ces carrières, exploitées au XIXe siècle, l'étaient déjà au 1er siècle de notre ère et parfois même avant. Outre les sites industriels, on y rencontre de grosses villae qui ont la particularité d'offrir des vestiges d'occupation allant du ler . siècle avant J.C jusqu'à l'époque mérovingienne villa de la Porcheresse (Auxy), de Pierre Luzière, de la Ronfette, de la Romine.

D'Autun vers le nord, (Saulieu-Auxerre-Sens) on trouve d'abord un segment rectiligne (l'actuelle D980) de 10 km qui est certainement une création augustéenne de raccordement sur un réseau routier plus ancien. Le point de raccordement, au pied des montagnesde Barnay-Lucenay, voit la présence sur Reclesne, d'un site d'habitat important, entre les Pelletiers et les Denizots. Une voie part vers le NE en direction d'Alesia; une autre vers le NO en direction de Quarré-les-Tombes. La voie principale s'élève sur la montagne par une suite de mauvais chemins et se raccorde à Brazey-en-Morvan sur une voie plus importante venue do SE et rejoignant Saulieu. Ce n'est qu'à partir de Liernais que l'on trouve à nouveau des habitats nombreux et rapprochés. La région intermédiaire semble peu habitée.

La Vallée du Mesvrin présente quant à elle une forte densité de peuplement à l'époque gallo-romaine. Nous sommes là en présence d'un second axe de communication, Bibracte-Chalon-sur-Saône, sur lequel s'embranchent les voies dirigées vers Montcenis-Mont-St-Vincent-Suin-Belleville et vers St.Sernin- St. GengouxTournus-Mâcon, voies auxquelles vient se raccorder le réseau

gallo-romain issu d'Autun. La butte de la Perrière, au nord d'Etang, était défendue par un château médiéval que Bulliot dit être construit sur des bases gallo-romaines. Il commandait un gué de l'Arroux où passait l'un des chemins venus de Bibracte. D'Etang à St. Sernin, les bords du Mesvrin, spécialement les pentes de la rive droite, exposées au midi, sont couverts de vestiges gallo- romains : le bourg et le prieuré de Mesvres, les carrières de granit de la Roche Mouron , Charmasse, le Bois de Magne, le Tronchet, Valvin, les Angles, Marmagne, les Sauvageots, les Descloix , St. Sulpice, les Gaudiaux, Chevroche, le Bas des Marais, pour ne signaler que les plus importants. St. Sernin, au croisement de deux vallées, est un site particulièrement riche, avec un lieu de culte des eaux dont les retombées superstitieuses, jamais bien christianisées, se sont manifestées jusqu ' à la fin

du XIXe.siècle. Il en va de même d'un autre haut lieu traditionnel, la Certenue, face à Montjeu, dont la chapelle et la fontaine miraculeuse héritent directement, avec leur vénération de la "Sainte", des cultes de fécondité rendus aux déesses-mères du monde gallo-romain. A St.Firmin, la voie du Mesvrin reçoit à la Grande Croix la voie romaine venant d'Autun à destination de Tournus et Mâcon. Cette voie, au sortir d'Autun, grimpe directement sur le Mont Jeu au sommet duquel sont les captages et l'origine du grand aqueduc d'Augustodunum. Près de l'actuel étang étaient les ruines du château médiéval de la Toison. Dans ces ruines, les sangliers mettent au jour de nombreux tessons d'amphores et de tuiles romaines. Sur le plateau, la voie laisse voir de beaux vestiges de son hérisson, en forêt de Planaise, près de l'Etang du Martinet et en forêt de St. Sernin. Elle traverse des

carrières de grès où étaient fabriquées, entre autres, les très nombreuses stèles funéraires qui jalonnent la région (la Croix Brenot). Après St. Sernin, on continue à trouver une forte densité

d'habitats sur St. Firmin, autour de Brandon (toponyme gaulois) et de son château et jusqu'à Couches.

- Une autre voie quittait Autun par une porte aujourd'hui disparue dans les remparts ouest de la ville. Cette voie se dirigeait le long de la rive gauche de l'Arroux en direction d’Étang, Toulon et Fleurs. Quelques vestiges gallo-romains apparaissent à partir de l'étroit col séparant le massif du Mont Jeu de Mont Dru : Bois des Garennes, Bas des Riaux , Crot Pitois, Pignon Blanc, Brion, agglomération importante sur Laizy, Bas de la Perrière. En revanche, au sud d’Étang et jusqu'à St. Nizier, le peuplement semble rare (ou n'a pas été découvert). A cette hauteur, on rencontre

deux ouvrages défensifs , devenus ensuite mottes médiévales, Perpenna à l'est de la voie, les Mouilles de la Tour à l'ouest. Ensuite, entre Montmort et la Boulaye, sur les rives de l'Arroux et jusqu'à Toulon, on trouve plusieurs habitats associés à des gués : les Plaines et les Bruyères (face à l'ancien prieuré de Chevannes), la Velue, la "villa des Buis", la Roche Bazot (où les ruines du château des Rollin livre des tessons d 'amphores). Au sud de Toulon-sur-Arroux , on trouve encore des habitats nombreux

sur les deux rives de l'Arroux jusqu'à Gueugnon.

Le long de la voie Autun-Clermont (qui se détache sur la commune de Monthelon de la voie Autun-Bibracte et qui suit de très près la N81), le peuplement est dense. Une surveillance de chantier

(creusement d'une tranchée , en 1990 , entre Autun et Etang) a fait apparaître 24 traces de constructions gallo-romaines jusqu'alors inconnues sur les dix premiers kilomètres. On avait des habitats importants vers Pantonge , Chevannes, la Chassagne, Fontaine-la-Mère, Beau, la Comelle. Au pied du Mont Done, la voie de Bourbon se dirigeait vers Luzy, Maltat, Bourbon-Lancy (autre cité thermale gallo-romaine importante). Vers le même Mont Done, une bifurcation se dirigeait sur Decize par Fours et Cercy-la-Tour. On retrouve sur ce tronçon de nombreux sites sur Millay, le Moulin d'Anguy, Rechigny, la Garde, les Berthelots, Remilly, Fours ...

- Vers le nord-ouest d'Autun, la voie d'Entrains-Orléans longeait, dans la plaine, le site des Piquets, la villa de Chantal , le carrefour Milliore-Changarniers. A la Celle, la voie se divisait en deux branches. L'embranchement sud, dirigé vers Château-Chinon bordait deux agglomérations importantes, Aigreveau et le Pommoy sur la commune de Roussillon, puis la cuvette d'Arleuf, carrefour avec une voie Bibracte-Alesia et site d'habitats comportant un théâtre rural mis au jour et fouillé dans les années 1970 par le Dr. Olivier. Signalons encore sur Arleuf le "canal du Touron", ouvrage énigmatique, et deux mottes, le Closeau et Beauregard, à occupation gallo- romaine puis médiévale. Il en va de même pour Château-Chinon, premier verrou du Haut Morvan en venant de la plaine de la Loire. Château-Chinon était aussi un important carrefour (l'Huis Gaudry) avec des embranchements vers Lormes, Corbigny, Moulins- Engilbert, Onlay.

De la Celle-en-Morvan, où un branchement sur la rivière de la Celle amenait les eaux par un canal jusqu'aux portes d'Autun, le second embranchement de la voie Autun-Orléans remontait la vallée de la Chaloire et traversait le Morvan par Montcimet, les sources de la Cure, Planchez, région où - à part Anost-Dront - les sites d'habitat sont rares. Signalons près de la Petite Verrière, le Vieux Château de Roussillon, à occupation gallo-romaine et médiévale. Après Planchez, notre voie gagnait Lormes et rejoignait à Entrains la variante de Château-Chinon.

- Au nord-est d'Autun on rencontre un peuplement assez dense et d'abord les nécropoles tout au long du tronc commun des voies de Langres et Besançon jusqu' à St. Denis. A St. Denis, ateliers de

tuiliers et habitats s'étendent jusqu'au Champ de la Justice.

Ensuite, tout au long de la voie de Langres , on trouve des vestiges d'occupation à Brèche, Echaulée, la Tête au Loup , le Berlinguet , Veuvrailles, Vievy, la Chaume, Chasson, Malpertuis, Chassenay, Arnay-le-Duc et au-delà. A Curgy, le long de la voie de Besançon, l'église et le village sont bâtis sur une agglomération gallo- romaine. A Savigny-le-Jeune, on a une villa, avec des stèles funéraires, un trésor monétaire et de nombreuses ruines qui s'échelonnent vers St. Léger-du-Bois , Uchey, Thury et l'importante villa des Barres qui s'étend sur plusieurs hectares.

L'embranchement vers Beaune, à partir de Creusefond , est tout aussi riche avec des vestiges à Montartaux, Aubigny-la-Ronce, Santosse, Orches , St. Romain et les abords de Beaune.

Conclusions :

- A toutes les époques, et depuis la préhistoire, la vie humaine en Morvan se développe le long des voies naturelles de pénétration que sont les rivières. Population nomade, elle apparaît au gré d'événements climatiques ou de migrations et disparaît de même .

- A partir de la protohistoire et surtout au second âge du fer, on constate le double phénomène d'un essor démographique sur une population en voie de sédentarisation. Le peuplement s'ordonne principalement le long d'un axe Est-Ouest, colonne vertébrale de la puissance éduenne, de Chalon (Cabillonum) sur la Saône à Decize (Decetia) sur la Loire. Bibracte est au sommet de cet axe et par

son pied nord (source de l'Yonne) plonge sur le bassin de la Seine .

- Au ler siècle de notre ère, le centre névralgique de la Cité Eduenne se déplace de quelques kilomètres vers l'Est. Augustudunum est édifié sur le grand axe éduen, à un carrefour pré existant.

Il y a évolution et non révolution.

- Les événements de 276 (siège d'Autun) mettent un terme à cette évolution : amorce pour Autun d'un déclin irrémédiable, abandon de la plupart des exploitations rurales, désertification des

campagnes, apparition de la forêt. La renaissance du IVe siècle ne concerne que quelques sites urbains et quelques grosses villae.

Apparaissent les mottes de plaine et les châteaux de hauteurs, toujours occupés à l'époque médiévale.

- Dès l'apparition d'Augustodunum, Bibracte s'efface en tant que lieu de refuge, lieu permanent d'habitation et d'activités artisanales ou industrielles.

Bibracte demeure (relativement) en tant que centre spirituel (lieux de culte gallo-romain, puis chrétien), en tant que référence juridique (les contrats) et surtout en tant que lieu de

rassemblement périodique à caractère économique et festif : foire annuelle d'importance régionale, qui s'est maintenue jusqu'au XIXe siècle.

Autun existe depuis 2000 ans. Bibracte - ville gauloise- n'a sans doute existé guère plus de 200 ans . Son prestige n'en est pas amoindri et elle n'a pas encore livré tous ses mystères.

Pour en savoir · plus : Bibliographie indispensable

- Dr. Lucien Olivier : Le Haut Morvan Romain, voies et sites (supplément à la RAE - 1983)

- Alain Rebourg Carte archéologique de la Gaule (Autun et Saône et Loire - 1993)

R. NIAUX

Novembre 1995

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