Maltraitance

MALTRAITANCE

Certificat ou Signalement ?

UNAFORMEC 2005

Auteur : Dr Jean POUILLARD

ancien attaché consultant des hôpitaux de Paris,

Vice Président du Conseil National de l'Ordre des Médecins

membre de la Société Française d'Histoire de la Médecine

On entend par maltraitance toute violence physique, psychique, morale, toute atteinte sexuelle, toute cruauté mentale, toute négligence aux conséquences préjudiciables sur la santé et sur le développement physique et psychique des enfants.

Le certificat: demandé pour obtenir la modification du droit de garde ou de visite, au prétexte de sévices corporels et (ou) sexuels dont l'enfant « serait victime» de la part de l'ex-conjoint ou autre ... compagnon. Le médecin se doit d'être vigilant et prudent, se bornant après examen médical à constater, sans aucune interprétation, partiale ou hasardeuse, les lésions ou signes semblant témoigner de sévices ...

Ce certificat consignera avec précision les constatations de violence sans les présenter comme un fait avéré sur la seule foi de déclarations des uns et des autres et sans les attribuer à une personne qu'il ne connaît pas.

En cas de conviction de sévices, le médecin devra procéder à un signalement.

Le signalement: qui n'est pas une dénonciation mais, le signalement de l'état physique ou psychique d'une personne tel qu'on veut le faire reconnaître, en s'entourant de témoignages réels et concordants. (loi du 10/07/1999 )

Rappelons que dans ce domaine, il n'y a pas de fatalité, que se taire c'est laisser faire, jusqu'au décès, au suicide parfois, et dans l'indifférence générale souvent ..

Le signalement s'impose au médecin en tant qu'obligation déontologique, morale, juridique, d'assistance et de solidarité, et repose sur des éléments diagnostiques qui permettent au médecin d'envisager trois situations:

1°) le doute, le médecin suppose l'existence d'une maltraitance, sans pour autant en avoir la preuve formelle.

2°) La suspicion, le médecin dispose d'informations, graves, précises, concordantes, suffisamment significatives de maltraitance.

3°) la certitude, évidente en présence de signes avérés ou d'un état de santé préoccupant, justifie que le médecin alerte, de jour comme de nuit, le Procureur de la République par écrit, ou par téléphone, en gardant un double de son signalement. De façon générale, que ce soit en cas de suspicion probable de maltraitance et à plus forte raison en cas de certitude, l' hospitalisation d'urgence s'impose pour toute victime de sévices, graves et, évidents, éventuellement après consultation, dans une unité médico judiciaire, lorsque cela est réalisable. « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée ». : article R 4127-47du code de la santé publique ...

Il convient donc de rappeler les dispositions permettant, dans l'intérêt des victimes, un signalement aux autorités compétentes, sans violation du secret professionnel

1° les dispositions du code de santé publique. dans ses dispositions déontologiques

Article R 4127-44 ; « Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, «il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. »

S'il s'agit d'un mineur de dix huit ans (loi du 2/01/2004) ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique, «il doit, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives». L'accord des intéressés n'est pas nécessaire» (art R 4127-10 du code de la santé publique)

Article R 4127-43 du code de la santé publique :« Le médecin doit être le défenseur de l'enfant lorsqu'il estime que l'intérêt de santé est mal compris ou mal préservé par son entourage ».

2° les dispositions du code pénal

Article 434-3 alinéa 2 : « le fait pour « quiconque «ayant eu connaissance de mauvais traitements ou privations infligées à un mineur de 18 ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique. ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives , est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 fr. d'amende .... « Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13 », ( Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 08/10987 )

Article 226-13 : « la révélation d'une information à caractère secret par une personne gui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100.000 F d'amende» Cette obligation d'information ne s'imposerait donc pas au médecin à qui est reconnu le droit de s'en abstenir s'il estime devoir s'en tenir au secret professionnel et le médecin ne saurait ainsi être poursuivi du fait de son silence sauf lorsque la loi en dispose autrement, or « la loi qui en dispose autrement» est précisément celle prévue à l'

Article 226-14 : qui énonce : « l'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret, ( cf .. les dérogations au secret médical)

En outre il n'est est pas applicable non plus:

1° à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de 18 ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique;

2° au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises.

3° Aucune sanction « disciplinaire » ne peut être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans les conditions prévues au présent article.

Il s'agit là d'une des dérogations au secret professionnel, permises par la loi et garantissant les professionnels de santé de l'absence de poursuite ultérieure pour dénonciation calomnieuse lorsque le signalement se limite aux seules conditions fixées par le loi.

Il convient également de rappeler que « l'omission de porter secours » est considérée en cas de maltraitance comme un délit de non assistance à personne en péril, tel qu'il figure dans le code pénal à l'Article 223-6 : « quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours» et dans le code de la santé, à l'Article R 4127-9 « Tout médecin qui se trouve en présence d'un malade ou d'un blessé en péril ou informé qu'un malade ou un blessé est en péril doit lui porter assistance ou s'assurer qu'il reçoit les soins nécessaires »

D'autre part, l'article L.4124-6 du code pénal dispose « lorsque l'instance disciplinaire ordinale est informée de l'engagement, à la suite d'un signalement, de poursuites pénales pour violation du secret professionnel ou toute autre infraction commise à l'occasion de ce signalement, elle sursoit à statuer jusqu'à la décision définitive de la Juridiction pénale» : disposition cohérente, évitant ainsi toute contradiction dans l'appréciation des faits entre les juridictions pénales et les juridictions disciplinaires ordinales, l'intention du législateur étant de protéger de toute sanction disciplinaire le médecin qui s'est conformé au strict respect de l'article 226-14 du code pénal et de l'article R 4127-44 du code de la santé publique.

Le médecin reste cependant passible de sanctions disciplinaires ordinales si des «griefs d'ordre déontologiques» sont retenus contre lui, en particulier si le signalement est rédigé en faisant allusion à des faits ou (et) à des circonstances dont il n'a pas été témoin, en mentionnant l'auteur- réel ou présumé- des sévices., que celui-ci en ait fait l'aveu au médecin, qu'il ait été désigné par la victime ou par un tiers: cette révélation relevant exclusivement de l'instruction judiciaire.

Les doléances ou les « dires » des victimes de sévices ou de « témoins » doivent être rapportés avec circonspection et avec la plus extrême réserve, en prenant soin de mentionner entre guillemets l'origine de ces propos, de sorte qu'ils ne puissent être attribués qu'à leur auteur et à lui seul et qu'il ne puisse exister la moindre équivoque attribuable au médecin rédacteur du certificat, conformément aux articles R 4127-4 et-28 du code de santé publique concernant la rédaction des certificats médicaux et principalement tout rapport pouvant apparaître tendancieux.

Le signalement sera remis exclusivement dans les conditions rappelées supra, aux autorités désignées par le médecin, jamais à un tiers (avocat.) ..

Il est souvent utile de solliciter par prudence l'avis du Conseil départemental de l'Ordre des médecins auquel le praticien est inscrit.

Enfin, dans tous les cas de signalement pour maltraitance, il importe que la priorité soit toujours donnée à l'état de santé de la personne malade, justifiant avant toute chose le recours à l' hospitalisation en cas de danger imminent.

Le signalement de maltraitance par un médecin, est un acte médical, faut-il le rappeler, qui engage sa responsabilité : « l'exercice de la médecine est personnel; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes» ( art. R 4127-69 du code de la santé publique)

Page mise à jour le 27/05/2012