Sévérian le vampire1

Croyez vous aux vampires ?

Le siècle qui m’ a vu naitre y croyait , lui .

Le roi a la barbe fleurie réignait alors , pour la plus grande gloire de l’ Eglise catholique romaine , mais les ombres menaçaient les frontières de l’ empire sous forme de barbares , paiens et athés .

Il vint a moi pourtant , en la belle ville de Paris , ceinte de murailles imprenables et peuplée d’ église répendant les cloches du seigneur a toute heure du jour et de la nuit .

Je me prenais un peu pour un vampire moi - meme : jeune avoué a la cour du roi , je dispensais l’ ordre de Charlemagne sans pitié , et le bras séculier entrainait parfois une victime hurlante vers un sort innomable .

Je crois que je portais bien mon nom de Séverain et rarement le sombre de ma fonction ne quittait mes hautes épaules . Je n’ éprouvai nulle cruauté moi- meme , mais ayant été épargné de tout soucis par une enfance séminariste , je ne concevais pas que l’ on put souffrir .

Je ne craignais personne , hormis l’ empereur et l’ épée que je portais au coté n’ était pas uniquement le symbole de ma charge .

Les femmes meme n’ évéllaient pas un désir insoutenable ; je ne composai nulle ballade désespérée pour une belle .

Il faur dire que ma jeune seur remplissait parfois plus que ses devoirs fraternels .

Nous vivions dans une grande maison couverte de lierre et remplie de vieux domestiques .

L’ absence de compagne avait été remarqait a la cour et l’ on me soupçonnait de préférer les garçons . Mais le crime dont je m’ étais rendu coupable ne troublait pas ma conscience . Avions - nous seulement conscience que nous commettions le pire des adultères ?

Et Adam et Eve ne furent -t- ils pas frères et seurs avant d’ etre amants ?

Nos parents avaient été pris par la maladie et la guerre et quelque ailleul avait reçu les domaines familiaux .

Nul ne vit un vieux serviteur emmener un sac vagissant et le jeter dans la seine ; et nous ne nous plaignimes pas qu’ il mourut peu après sans avoir reçu les ultimes sacrements .

Voila pourquoi j’ envoyai les soddomites a l’ échaffaut avec le sentiment du devoir accompli .A cette époque bul ne pensait que l’ on devait faire preuve de probité soi - meme avant de juger les autres et cela malgrès les parole du Christ a ce sujet .

Voila pourquoi quand le vampire vint a moi , je ne l’ attendais pas ; il semblait que le temps ne s’ écoulait pas , alors ; et c’ est certainement un des signes du bonheur .

Pourtant j’ envoyai une catain a l’ échaffaud avec au coeur l’ image de babylone l’ impure .

Très vite , sa mort , a laquelle j’ avais du assister quitta mon esprit . Je me rappelai juste son visage vrillé sur moi , avec comme la promesse d’ éteintes et d’ alcoves ; en cet instant , je crois que je l’ avais désirée .

Lorsque Viviane m’ accueillit le soir , elle portait une robe diaphane , ceintrée sous les seins , et la lumière mourante faisait danser les voiles , révélant son corps presque nu .

En moi se mellaient l’ amour fraternel qui nous vient de dieu et le désir de chair qui nous vient du diable .

Pourtant , je me couchai seul ce soir la ; une étrange mélancolie avait prise mon ame , et je me prenais a réver a d’ autres mains sur mon corps élancé .

Le sommeil vint enfin , comme la rue devenait sombre puis opaque et je m’ y abandonnai , comme on s’ abandonne a la mort , caressant la pensée secrète de ne plus me réveiller .

Dans mon rève , mille mains pales éffleuraient mon corps nu et leur douceur , leur volupté leur finesse me rendaient fou ; pourtant , je ne pouvais échapper a leur extase et mon corps se courbait comme sous la torture .

Mes yeux s’ ouvrirent dans la chambre sombre et froide .

Assise sur mon ventre , une silhouette me contemplait avec une secrète et supèrieure satisfaction . Mon regard ébahi remontait du nombril au cou en passant par les mamellons lourds et fermes qui eussent damné les martyrs . Je la reconnaissais pourtant , c’ était la prostituée Rachel ; Elle cessait d ‘etre cela pour moi pour etre la divine incarnation du désir .

Dés cet instant j’ étais a elle et nul cri n’ aurait pu franchir mes lèvres .

Je sentais confusément comme la prèsence du diable en cette apparition d’ outre - tombe , mais le danger que courait mon ame ne faisait que rajouter au plaisir .

Mes yeux devaient lui adresser comme une supplique , mes ses jambes , comme un étau me serraient plus durement que le chevalet du bourreau .

Ses mains , maintenant mes poignets m’ empéchaient meme de caresser ses grappes ou j’ eus bu la vie éternelle . Les ongles plantés profondément dans ma chair ne me causaient nul déplaisir .

Comme elle se penchait sur moi , je sentis ses tresses sombres et parfumées sur mon visage , comme une mer nocturne et chaude ou j’ aurais aimé chasser le feu qui m’ habitait .

Et ses dents étaient si luisantes que je les comparais aux reliques des saints conservées dans un écrin pourpre .

Je crois en cet instant que mon corps se tendit , mais le baiser ne vint pas .

- Un sorcier que j’ avais sauvé du bucher me promit une seconde vie , si la mort me prenait .

Il consacra mon corps a la gloire de dieux oubliés . Je viens partager ses bienfaits avec toi , afin que tu goutes toi aussi la nuit ou tu m’ as rejetée .

Cela était dit sans animosité , juste murmuré avec une sensualité que je n’ avais jamais connu . En cet instant , la mort ne m’ éffleurait pas ; j’ eus donné plus que mon corps , peut- etre mon ame pour qu’ elle m’ étreigne

Pour un instant de vie , de suprème et sublime vie ou mon coeur aurait vraiment battu , j’ étais prét a tout sacrifier ; et je crois meme que je sacrifiai aussi ma soeur avec moi .

Lisant ma réponse sur mes lèvres muettes et pincées , elle plongea les siennes , gonflées , brulantes et vermeilles sur ma peau nue .

Que dire de cet instant sans le trahir ?

Je préfere le garder dans l’ écrin de mon coeur de peur que tel un oiseau en cage , il ne s’ échappe .

Etait -ce baiser de vie ou étreinte de mort ?

Je crois que c’ était surtout l’ amour et je ne l’ oublierai jamais .

Merci belle inconnue , je ne devais jamais te revoir merci pour la damnation et le remord , merci pour le sang et les ombres . Je les acceptes si je peux garder ta marque sur mon cou et ton merveilleux baiser qui réchauffa mon ame .

Merci .

Le rèste de la nuit se passa comme dans un délire , je sentais mes fluides se vider comme la soif de sang grandissait en mon coeur . Puis comme la malédiction du jour approchait , plus par honte et dégout que pour épargner les domestiques et ma soeur , je me terrai a la cave ou je restai jusqu’ au soir .

Lorque la nuit vint enfin , la soif avait tellement grandi en moi qu’ elle occultait toute autre chose . J’ avais mille fois caressé le projet de boire au cou d’ un domestique et le remords n’ était rien face au désir qui m’ attendait .

Mais ce qui vint n’ était pas prévu , ni par les dieux ni par les hommes , encore moins par moi ; et l’ éternité ne suffira pas pour que j’ expie ce crime .

Lors que mes membres sortaient enfin de l’ immobilité d’ un gisant , ce fut ma seur qui se présenta devant moi .

Nous qui étions tant l’ un pour l’ autre , fallait - il que je t’ entraines dans la nuit ?

Je n’ en connais pas qui comme nous partagent le meme sang a ce point : nous sommes une ame dans deux corps . Pardonne - moi ma seur ; toi naguère si douce et bonne , tu fus pervertie par les ténèbres . Ou peut - etre avais - tu cette noirceur en toi , ma soeur .

Donc ouvrant le placard ou je gisais , je tombais dans ses bras ; elle poussa un petit cri voyant ma souffrance abyssale et contre son sein , appuya ma tete souffrante .

Mais moi je ne pensais pas a etre consolé et je voyais , tout contre son cou de cygne une veine palpiter .

Embrassant son épaule nue , mes crocs vers son cou adorable se tendaient ; elle eut un hocquet quand je percai sa peau si douce , mais elle cessa vite de lutter comme le torrent bouillonnant de l’ étreinte nous menait au bord du gouffre . J’ entendis ; “oh mon frere “ avec une douceur qui rajoutait des échardes dans mon coeur et me permit de lever la tete avant que le mal ne fut entièrement consommé . Je devais etre bien atroce a voir , ainsi repu de sang , portant les stygmates d’ une bete sur mon visage naguère si marmoréen .

Oh , ma seur , apprécierai-je jamais a sa mesure ton sacrifice ?

Tu pris ma tete entre tes mains tremblantes et dans le creu de ton cou tu m’ attirais .

Je ne me souviens plus de rien par la suite .

Je passai une journée a me morfondre parmi les rats et les cafards et je me sentais le plus vil des sujets de l’ empereur .

Entendis - je les hurlements des serviteurs , assassinés par ma seur ? ; elle devait montrer dans la mort beaucoup plus de force que moi et le remord dont je me targuai n’ était qu’ un reliquat indigne des ténèbres .

La journéé passa silencieusement et le soir me trouva prostré attendant la justice du roi sans crainte et sans désir .

Des petits pas fins galopaient dans les escaliers . Eclaboussée de sang , son regard était insoutenable .

- C’ est merveilleux .

Ce furent ses premiers mots dans le monde des morts , et il est curieux qu’ elle les prononça avant moi .

- Ma seur , je suis ...

Elle coupa ma voie lancinante et geignarde .

- J’ ai tué tout les domestiques sauf un . Je l’ ai terrifié ; il est allé cherché une charette , nous devons partir avant que l’ on n’ envoie la garde ; J’ ai eu le temps de fermer les verrous la nuit dernière ; il vallait mieux .

Elle émit un petit rire ; c’ était horrible a entendre .

Je tendis la main vers elle , mais elle était déja partie en chantonnant .

La charette , pleine de foin nous conduisit a un vieux manoir connu seulement de nos parents , et que l’ on avait abandonné pour cause de sorcellerie .

Le serviteur n’ était pas seulement terrorisé ; il était sous l’ emprise de ma seur ; je l’ ai vue plusieurs fois murmurer des mots qu’ elle souhaitait que l’ on prononça . Je me rendis compte que ce genre de prodiges nous assoiffait et je ne m’ en servai qu’ a contre coeur mais ma soeur n’ avait pas ses appréhensions .

Comme nous nous installions a Sénard , entourés de serviteurs horiffiés, qui disparaissaient toutes les nuits ,leurs hurlements se mellant aux rires de viviane , je tentais de serrer ma soeur contre moi . Je me rendais compte a quelle point elle avait changée .

Elle avait trouvé dans la mort une joie de vivre qui avait chassé toute modestie et discrétion .

Elle prenait plaisir a séduire des voyageurs faisant halte a notre manoir ; et jamais elle ne refusait l’ hospitalité a quiconque de ce monde .

J’ appréciais peu son humour quand elle disait aux colporteurs qu’ elle attendait des nouvelles fraiches .

Ayant donné l’ étreinte a ma seur , je réalisai ma responsabilité dans tous ses crimes effroyables . Elle balayait toute objection et discussion d’ un baiser et me traitai de “rabas-joie” . Sachant ma force ténébreuse supèrieure a la sienne , meme si je n’ en faisais pas usage , je caressai meme l’ idée de la détruire . Pourtant l’ amour que je lui portai , car tout n’ avait pas changé en elle et la difficulté de détruire ceux de notre peuple retinrent mon bras . Un siècle passa ainsi . Nous nous occuppions peu des affaires de l’ autre monde , et il semblait meme que les armées et l ‘ église évitaient notre tanière .

On a parfois tellement stigmatisé le mal , que quand il frappe a la porte on ne peut plus le voir . Ainsi avais- je stigmatisé le mal en ma seur et restreignant ma soif , j’ en arrivai parfois a commettre des bains de sang dont la férocité dépassait tout ce que Viviane était capable .

Et les années passaient au point que l’ on peut les compter en siècles .