Elric le nécromant3

Le Prince Assoupi

“C’est pour votre bien , mon seigneur “ Baatezu tendait les herbes sèches a Elric, prince héritier de Melnibonée. Le régent avait une pose soucieuse , et Elric tenta en vain d’ y lire quelque perfidie.Il savait qu’ une lourde torpeur allait bientot l’ envahir , dont il ne s’éveillerait que le Lendemain d’ un sommeil sans rève. Car Elric était différent , albinos et s’ il ne prenait pas régulièrement les drogues que lui tendait Baatezu , il ne serait bientot que l’ ombre de lui- meme . Pourtant la déchéance pour le prince héritier , c’était avant tout de ne pouvoir se réveiller de ce sommeil drogué qui devait le soigner.Il ne souhaitait pas que quiconque fut témoin de sa lassitude et il s’ isolait en ses appartements royaux.

Tout juste sentait -il les larmes couler sur ses joues blèmes, ses membres s’ engourdissaient, et bientot il n’ etait plus capable de les mouvoir , comme si toute volonté l’ avait quittée. Pourtant son esprit continuait a vagabonder encore longtemps; il épiait les bruits du palais: parfois le hurlement d’ un esclave supplicié s ‘élevait, et il ne pouvait l’ empécher. Il sentait confusément parfois des discussions proches, mais ses paupières lourdes refusaient de s’ ouvrir , et seule la crispation de ses machoires trahissait sa lutte.

Au petit matin, il s’éveillait d’ un monde de brumes la joie au ventre ; puis il réalisait qu ‘il dormait encore , et cela se reproduisait a l’ infini. Et de son corps alangui s’échappait un long soupir. Le temps éveillé se rétressissait et devenait une lutte entre le sommeil et la veille.

Et Baatezu , le grand prétre d’ Arioch régnait , et Elric lui délaissait les affaires d’ Imrryr , se contenetant d’apposer sa signature au bas d’ un traité . Il paraissait parfois chancelant , devant son peuple ,sa longue chevelure de soie emmélée.

Cymoril, parfois venait a lui soucieuse, le conseillant de se priver de ses drogues , et par amour pour sa cousine il tentait de se sevrer des herbes amères de Baatezu. L’ engourdissement quittait ses membres et son esprit et il croyait en sa prochaine libération ;

Puis la douleur envahissait son corps et son ame , car il n’ était qu ‘un albinos et il était différent ; Lorsque la souffrance devenait intolérable et vrillait chaque parcelle de son étre , il réclamait ses drogues a Baatezu et le pretre lui répondait :

“Bien , mon seigneur, la est le véritable courage” ;Mais il sentait dans sa bouche le gout de fiel de la défaite .Et tout recommençait ...

Dyvim Tvar s’introduisit discrètement dans la chambre du Prince Albinos . Les Tueurs Silencieux avaient été endormis par le vin des songes et plus personne ne protégeait Elric.

Sur un dais sombre la silhouette fantomatique de l’ Heritier reposait ;Les traits superbes d’ Elric étaient figés en une terreur sans nom. La main calleuse du Maitre aux Dragons parcourut la joue délicate de l’ albinos :

“Pardonne moi mon seigneur , mais cela doit etre fait”

Il chargea le corps frele de l’ adolescent sur ses épaules massives et quitta la pièce silencieuse.

Baatezu avait réuni la cour a son complet ; La princesse Tanariss , l’ amiral Magum Collim ,le jeune Yyrkoon son fils ainé étaient la . Seuls manquaient Dyvim Tvar le maitre aux dragons et Cymoril , l’autre fille du régent . Baatezu prit la parole :

“Un événement tragique s’ est produit cette nuit: la garde de l’empereur a été droguée et le prince héritier Elric a disparu ; Nous soupçonnons un enlèvement ou pire un meurtre et les tueurs silencieux sont sur la piste de Dyvim Tvar qui devra se justifier .Puisse Arioch le seigneur des 7 ténèbres nous aider a retrouver le fauteur de troubles et le punir du supplice éternel .”

Quelque part , dans les régions infèrieures ,une entité préta l’oreille et exauça le voeu avec un sourire moqueur.

Le grondement des flots contre les rochers.Les embruns marins sur la peau.Les cris des oiseaux de mer . Elric s’ eveilla dans une petite pièce ronde . Par une alcove la lumière se répendait , éblouissante. Elric se leva en chancelant et se dirigea vers la fenètre en voilant sa face de la lumière trop vive. Lorsqu’ il ouvrit les yeux , il vit les nuages pastels ou tournoyaient une multitude d’ oiseaux ; en contre-bas les vagues s’ écrasaient sur la falaise et l’écume ruisselait des rochers .Un vent glacial lui procura un frisson délicieux et ses cheveux laiteux se mirent a voler. Il sentit une main douce sur son épaule .

“Merci Cimoril. Tu m’as presque rendu ma dignité”

Baatezu nonchalamment installé sur le trone de rubis s’adressa au capitaine des gardes silencieux Morleeth:

“Les gardes drogués seront sacrifiés au Chevalier des Epées .Personne ne doit savoir que nous avons favorisé l’enlèvement d’ Elric.Quand a Dyvim Tvar, une fois retrouvé , il sera remis au Docteur Bouffon , ou il avouera le meurtre d’ Elric”

“Le meurte , Sire Régent ?” Susurra Morleeth insidieusement.

“Oui , le meurte .Dyvim Tvar nous conduira au repère d’ Elric .tu feras en sorte que l’ empereur ne reparaisse plus jamais devant nous”

“Et vous , sire régent ?” Murmura Morleeth , mélodieusement.

“Il m’ importe peu de régner par l’intermédiaire de mon fils ou de mon neveu” Dit en baillant Baatezu.

“Et moi, sire régent ?”

“Comme promis ma fille Cymoril sera tienne”

Prostré dans la chambre qu’ il ne quittait jamais , Elric ne leva pas meme la tete a l ‘entrée de Cymoril.

“Savais-tu que tu allais m ‘imposer ses souffrances en m’ ottant aux griffes de Baatezu?”

“Tu peux te passer de ses drogues mon doux prince”

Mais l’aspect d’ Elric démentait les les paroles de la princesse Cymoril:

Ses joues étaient creusées faisant resortir encore d’ avantage les pommettes saillantes et dans leurs orbites , les yeux brulaient d’ une lueur dangereuse. Les cheveux , naguère lisses et brillants évoquaient maintenant un noeud de serpents.

“ Il est facile pour toi de dire cela . Mais je suis Albinos. Et je dois me satisfaire de ses drogues si elles me permettent de survivre”

Mais Cymoril était sortie silencieusement et s’il sembla au loup blanc que sa compagne ne se souciait pas de sa souffrance il ne vit pas les larmes couler des joues de la princesse et les ongles plantés dans ses adorables poignets

Le corps de morleeth foula l’ herbe grasse .Au-dessus de lui se dressait la silhouette monolitique du maitre des dragons l’ épée a la main

“Comme il lui fut facile de me défaire “ pensa Morleeth avec appréhension.Guettant la moindre aide de ses gardes , il se rendit compte que pas un n’ allait intervenir et que Dyvim Tvar allait l’occire devant ses hommes.

“maintenant je te suis “ dit Dyvim Tvar et il planta son épée dans l’ herbe.

Les gardes silencieux l’ encadrèrent et sans attendre que Morleeth ne se relève , ils se dirigèrent vers la citadelle .

La porte s’ouvrit en grinçant el l’adorable visage de Cymoril apparut dans la pièce sombre.

Ce qu’ elle vit lui fit peur .Miroir brisé , mobilier renversé ,Elric n’ avait pas méme touché a sa nourriture.Le prince héritier se tenait a mème le sol nu et il regardait Cymoril fixement:

“N’ aie pas peur Cymoril , je suis passé a travers la souffrance”

La princesse entra les mains jointes en une supplique silencieuse.

“Tu avais raison” dit Elric “tout a une fin meme la souffrance”

“Dyvim tvar est aux mains du grand inquisiteur” dit Cymoril.

“Tout cela pour moi, tout cela par ma faute”

Cymoril recueillit Elric entre ses bras contre son coeur

“Mais si tu souhaites que la douce vengeance nous soit accordée il me faut le Tome des songes ,je sais que ton père le possède”

Dyvim Tvar et le Docreur Bouffon étaient attablés devant un bon festin .IL était hors de question pour le haut inquisiteur de torturer le maitre aux dragons et dès que les gardes les avaient laissés il avait détaché Dyvim tvar et lui avait préparé le repas d’ un roi.

Pourtant le regard du vieux chevalier était voilé.

“Quand Baatezu apprendra ta traitrise , il te fera écorcher vif”

“Et par qui mon bon seigneur ? ”dit le docteur bouffon la bouche pleine.

Les deux hommes partirent d’ un grand rire.

Cymoril avait déposé le vieux tome et s’ était éclipsée, son absence pouvant etre remarquée par son père ou son frére incestueux.

“C’est le moment” pensa Elric” le moment d’etre roi”

Et tandis que sa haine de baatezu et son amour de Cymoril se cristalisaient, il ouvrit son esprit en des régions lointaines et brumeuses dont les éveillés ne gardent aucun souvenir, les terres du songe. Dans la petite piéce sombre , le jour avait fait place a la nuit et la nuit au jour. Enfin il parvint a la concentration adéquate et les mots qui s’élevaient de sa bouche ouvrirent le portail.

“A celui qui toujours fut endormi quand les autre veillaient

Accorde d’ etre éveille quand tous dormiront

Qu’ ils revent a la vengeance du prince des ombres , du seigneur des ruines

Que leur songe se teinte de pourpre et de sombre

Que le reve se fasse cauchemar

Accorde la vengeance a Elric de Melnibonée”

A ces mots , le gardien des songes entra dans la piéce sombre.

La brume avait envahie la cité d’ Imrryr.Dans chaque tour, un sommeil magique avait envahi les habitants. Princes comme esclaves étaient réunis dans les royaumes du rève. Seul Baatezu qui connaisssait le tome des songes avait pu se prémunir contre cette sorcellerie.IL arpentait anxieux sa blibliothèque a la recherche du précieux grimmoire.En contrbas des formes se dirigeaient vers sa tour .Craignant quelque perfidie , le régent vérifia les verrous du portail , il décrocha une lourde hache d’ airain et attendit ses adversaires en murmurant des litanies a la gloire du chaos.En contre-jour ,on devinait des silhouettes qui s’assemblaient devant la porte puis les coups se mirent a pleuvoir et la porte finit par chanceler et se briser. Les gardes silencieux rentrèrent et Baatezu vit avec effroi qu ‘ils avaient les yeux fermés. Le régent reconnut la un antique sortilège du tome des songes et comprenant qu ‘ils étaient possédés , il abattit sa hache avec violence sur un garde.Il reussit a contenir la marée humaine pendant quelque temps et les corps s’ amoncellaient dans le grand hall. Pourtant pour chaque garde tombé , un autre prenait la place et cela sans d’ autres bruits que les halettements et les malédictions de Baatezu. A la fin , le régent se trouva cerné par une marée de chair ne pouvant meme plus bouger. Il lacha son arme comme mille mains se tendaient vers lui...

Morleeth s’ eveilla d’ un songe désagréable , un songe ou il avait vu un loup blanc le poursuivant , ses yeux de braises braqués sur lui.Il était attaché et le regardant avec un sourire non dissimulé , le docteur bouffon attendait.Derrière lui les étranges appareils de ce qui était la plus grande salle de torture des jeunes royaumes.

Le grand inquisiteur saisit un scalpel et se tourna vers Morleeth

“L’ empereur Elric attend tes révélations”

Sur le trone de rubis L’ empereur contemplait sa pitoyable victime.

“Régent tu m’ as l’ air troublé . Tu devrais oublier tes soucis dans le vin des songes ou les herbes amères. J ai trop longtemps vécu grace a elles et il est temps que je t ‘ote les responsabilités du pouvoir. Par respect pour Cymoril tu ne seras ni torturé ni tué mais simplement banni .Merci d’ avoir pu me prouver que je pouvais etre autre chose qu ‘un malade balotté par les événements . Je devrais t’ etre reconnaissant. Sache que pour ce qui est de la mélancolie et des songes , personne ne battra jamais Elric de Melnibonée”

Comme Baatezu se retirait , une forme s’ agita dans les entre-mondes : le gardien des songes réclamait son prix .

Elric ajouta :

“Au -revoir Baatezu et que les songes te soient propices”

Mais cet humour la bien peu le comprirent totalement.