Fils de l'ether

- Il a encore sniffé de l’ ether , docteur .

- Je vais aller le voir , Nicole ; son état m’ inspire les plus vives inquiétudes .

Lorsque le regard d’ un éveillé , en croise un autre , ils se reconnaissent .

Ainsi , le Docteur Morrand lut une intelligence supèrieure dans celui de son nouveau patient , son ancien collègue le professeur Edmond Blaum .

- Pourquoi vous infliger de telles souffrances , professeur ?

- il y a tout dans l’ ether .La quintessance du monde , un portail vers les jardins célestes . Ils m’ aident a échapper a la monotonie du quotidien .

Quel gachis , pensa le docteur Blaum . Mais il reprit d’ une voie professionelle , branchant le magneto :

- Pourquoi ne pas m’ en parler , professeur ; cela apaisera vos souffrances .

Le professeur Blaum recommença a délirer .

- Le prix , je le méritais , moi et pas mes imbéciles collègues . Que l’ on m’ ait supprimé les subventions , passe encore ; mais bruler ainsi toute une vie de travaux et d’ intuitions fulgurantes ...

- vos travaux sur la régression psychique ?

- mes travaux sur le temps et l ‘ espace , sur la nature des dimensions .Il est possible , par exemple en se plongeant dans un état de conscience altéré ,de s’ unir au Grand Flux . Le risque est d’ en rester prisonnier , mais si l’ on peut en sortir , on ammène avec soit des révélations sur les espaces lointains , passés ou futurs .

- J’ ai lu votre mémoire sur la transe onirique . Vous prétendez que l’ histoire qui nous a été présentée est une mascarade , une supercherie , que , je vous cite : “La blibliothèque d’ Alexandrie n’ a pas été détruite , mais demeure sous forme de microfilms accessible a une oligarchie de scientifiques “ : La thèse du grand complot , classique .

Le regard du professeur se fit acéré :

- épargnez moi votre logorrée sur mon état schizoide extrème provoqué par un surmenage professionnel .

- Je ne souhaite que vous aider , professeur . Vous étiez un modèle pour tous .

- Alors apprenez a écouter , la maieutique , Socrate , etc ...

Le docteur Morrand se calla dans son fauteil de formicca :

- Je vous en prie professeur , reprenez :

- Nous sommes tous les deux médecins , nous nous comprenons .La différence consiste en ce que vous pronez un état de santé identique pour tous les hommes , sans prendre en compte la particularité de chacun .

- Je ne comprends pas professeur .

- Vous etes prisonnier des sphères , voila tout . Vous voudriez batir un homme idéal , d’ après les crédos de la psychologie moderne .

- Quel mal y a - t- il a cela , professeur ?

- Vous avez oublié le sens premier de médecin : accoucheur : la vérité est différente en chaque homme ; elle est moins a batir qu’ a découvrir .

- Nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes , professeur Blaum : nous essayons simplement de libérer les hommes malades de souffrances indicibles .

- Mais la souffrance , c ‘est la vie . Avec votre pharmacopée de merde vous en ferez des assistés , dépendants de votre main ;Est - ce cela la liberté ?

- tout cela , c’ est des mots , professeur ; la réalité est toute différente .

- La réalité , je vais te la montrer , foutu technocrate .Toi aussi , tu verras l’ ether .

Il y eut a cet instant un grésillement : la bande magnétique avait sauté , perdant l’ intégralité de la conversation .Lorsque le docteur Morrand releva la tète , le patient avait disparu .Il poussa un juron et se leva d’ un bond .

L’ infirmière Nicole entra a ce moment ; elle eut un regard ébahi vers le docteur Morrand

- OU est le patient ? Demanda - t - il .

- Quel patient ?

L’ infirmière referma la chambre capitonée sur le nouveau patient , victime d’ hallucinations chroniques .