Euthanatos

- Bonsoir , chéri .

-Bonsoir .

- Comment a été ta journée ?

-ça va .

Comme il posait son par - dessus sur la penderie , il semblait qu’ un poids infini allait s’ abattre sur les épaules d’ Alain . Laure avait déja vu cet air sur le visage de son mari , toujours le vestige d’ une journée effroyable . Donner la bonne mort n’ est pas toujours une sinécure , surtout lorsque l’ empathie , qui fait notre humanité nous lie a notre proie .

Laure avait connu cela ; Mais maintenant ...

La jeune femme comprit qu’ il ne servirait a rien de questionner Alain ; il fallait attendre que la douleur sourde par elle mème , de la volonté mème d’ Alain . Alors seulement , son mari serait libéré .

Pourtant comme les sillons ardents de larmes séchées marquaient le visage marmoréen de son épous , Laure comprit que ce drame dépassait en ampleur tous ceux qu’ avaient connus Alain .

Ils mangèrent en silence . Laure appréciait l’ économie de mouvement de son conjoint . Comme il avait du controle ... Il semblait mème , que par le jeu de quelque atharaxie , le calme se communiquait a l’ esprit de Alain et peu a peu , le visage du colosse se lissait .

Lorsqu’ ils prirent le café , Alain sourit , et le coeur de Laure s’ illumina . Elle eut voulu en ce moment partager son secret avec son mari , et le doute faillit la faire chanceler , en cet unique instant de cet existance . Mais Laure aimait trop son mari , et cet amour fut plus fort en son coeur . Et elle se tut . Laure remarqua le regard intense de son mari ; intense et aimant . Elle comprit qu’ il pouvait la vaincre , mème elle , une adepte , et malgrès son secret . Le pouvoir est ce que l’ on prend , mais aussi ce que l’ on laisse . Une dimension nouvelle , presque infini s’ ouvrait a Laure .

- Je t’ aime .

Ce fut un choc ; pour la première fois en son existence , Alain avouait ses sentiments a Laure . Tout repassa devant les yeux de la jeune femme : mille batailles, mille étreintes communes , mille intrigues et mille ruses ; et tout s’ effaça devant ces mots ; vanité ...

Alain sourit ; il entraina Laure sur le lit nuptial; et comme au premier jour , il s’ aimèrent , désespérément , éperduement presque passionément .

Comme ils reposaient , défaits et vaincus sur le grand lit , Alain lui avoua son drame , qu’ il connaissait son secret et l’ accord secret qu’ elle avait passé .

Alors , ils s’ étreignirent en pleurant , Laure s’ excusant pour le pacte indicible qu’ elle avait tissé : la chute . Elle sentit qu’ elle emmenait avec elle son mari , et que par amour , il la suivait . Mais comme l’ étreinte de Alain se durcissait , Laure comprit : Que Alain n’ avait pas fini sa journée , et que ce meutre la lui couterait plus que tout autre ; et comme elle lui murmurait des mots tendres , elle mourut .

- Maintenant oui , nous serons réunis ma femme, dit Alain dont les pleurs maculaient le visage enfin libéré de Laure .

Et il mourut a son tour .