Les disciplines conduisent toutes
à connaître et à comprendre le monde
à connaître et à comprendre ce que nous sommes
à connaître et à comprendre la place qui est la nôtre dans le monde
Connaitre
Il appartient à l'éducateur de bien réfléchir à la portée de son enseignement quand il s'agit de faire connaitre. La réflexion est pédagogique mais aussi scientifique et philosophique. Depuis "Les Lumières", depuis Kant, on reconnait l'importance et les limites de la raison. On pourra consulter avec profit les éclairages de Charles Robin . Les limites de notre connaissance. Ce qu'on ne peut pas connaître Il aborde des notions essentielles : l'expérience, la perception, l'entendement, la raison, l'épistémologie. Il distingue : penser (imaginer) et connaître, le monde réel et le monde perçu, la réalité ensoi et la réalité des phénomènes. Il décrit les structures de notre perception et comment notre subjectivité conditionne notre connaissance. Finalement c'est le sujet pensant qui semble en jeu dans l'acte de connaitre. Tout cela est abordé avec talent et s'appuie sur des exemples captivants ( les couleurs réelles et les couleurs que l'on perçoit .... par exemple).
Comprendre
Il s'agit aussi d'agir et de comprendre. Quelles sont les causes des réalités portées à notre connaissance ? Même si on ne peut accéder à la cause ultime, au "pourquoi du pourquoi", l' enchainement des causes que l'on pressent laisse entrevoir un déterminisme. Déterminisme inquiétant. Serions-nous, nous aussi, soumis à ce déterminisme ? Notre liberté serait-elle remise en cause ? Spinoza a montré qu'il y avait une Joie réelle dans l'acte de chercher à comprendre ... Évidemment, toute situation confrontant l'élève avec la recherche de la compréhension et avec un certain déterminisme intéresse le pédagogue, surtout si cela peut se faire dans la Joie. Le point de vue de Spinoza sur la puissance d'agir est éclairé pour rappel par la présentation de Charles Robin. Ce déterminisme qui aboutit au constat inéluctable de notre finitude semble être une tragédie et mettre fin à notre liberté. "Pas du tout" nous dit le philosophe Spinoza. Charles Robin éclaire la conception de la liberté et du libre arbitre de Spinoza. Évidemment, la Béatitude selon Spinoza me convient bien. Elle peut malgré tout paraître inacceptable, dure et désespérante pour certains d'entre nous. Les Béatitudes selon St Matthieu sembleraient parfois convenir davantage : "Heureux les faibles en esprit car le Royaume des Cieux est à eux ...". Je ne veux choquer personne ... Simplement inviter à la réflexion et à la tolérance laïque dont Spinoza n'a pas bénéficié. Et parier sur la possibilité pour l'humain de compter avec les autres pour pallier à la dureté de vivre.
Imaginer ou Comprendre ?
Il faut accorder toute leur place aux émotions et à ces réactions devant la complexité du monde sans fin et qui engendrent imagination, créativité artistique et poésie. C'est un des objectifs majeurs de l'éducation artistique. Mais, ce n'est pas parce les explications ne sautent pas immédiatement aux yeux qu'il est impossible d'accéder à une compréhension des phénomènes. Il y a des raisons, des chaînes de causalités qui aboutissent au fait que nous soyons sur nos gardes quand nous sommes en forêt, la nuit. Il y a des raisons et chaînes de causalités qui aboutissent au fait que nous soyons sur nos gardes quand nous sommes en mer, surtout si nous ne savons pas nager. Il y a des chaînes de causalités qui aboutissent au fait que nous soyons sur nos gardes quand nous sommes aux abords d'un volcan. Il y a des raisons et chaines de causalités qui aboutissent au fait que nous ressentions de la joie, de la tristesse ou de la peur quand nous écoutons une musique, quand nous regardons un tableau et quand nous lisons un livre. Un musicien sait très bien l'effet que produira tel ou tel assemblage de sons. Un peintre sait très bien l'effet que produira tel ou tel assemblage de couleurs. Un romancier sait très bien l'effet que produira tel ou tel assemblage d'expressions imagées, et tel ou tel assemblage de métaphores et de figures stylistiques. Il nous appartient de comprendre comment fonctionne le langage des artistes. Il était de mon devoir d'initier les enseignants aux éléments du langage musical afin que, d'abord sensibles aux émotions, ils puissent comprendre ce qu'il leur arrivait. La connaissance des langages des artistes, c'est là aussi un des objectifs majeurs de l'éducation artistique. La connaissance et la compréhension en tous domaines met un terme aux croyances et aux superstitions qui peuvent se jouer de la faiblesse des êtres humains. Ce que nous ressentons dépend aussi de nous, de notre état d'esprit et de tout ce qui nous a façonné. La complexité est telle que nous avons du mal à saisir les raisons de notre état d'esprit, mais il y a des raisons... Quant aux questions ultimes "D'où venons-nous ? Où allons nous ? Que sommes-nous ?" elles sont susceptibles d'être battues en brèche elles aussi grâce à la raison et grâce à la connaissance. Nous avons pour habitude de préconiser le tact avec les enfants, de suggérer, par la musique et la poésie mais parfois s'impose le besoin de s'exprimer sans masque lorsqu'on s'adresse à des adultes comme c'est le cas ici. Notre corps est le produit de ce que nous mangeons : les végétaux entre autres. Les végétaux proviennent de l'humus. Notre esprit est le produit des connaissances que nous assimilons, elles aussi, grâce à un processus que nous nommons intelligence et qui n'échappe pas à la biologie. Nous venons de l'eau et des phénomènes chimiques et biologiques qui se produisent au sein de notre mère. Et oui, c'est un fait : notre corps, au terme de notre vie, va rejoindre l'humus. La Nature n'a que faire de nous, et de nos esprits torturés. La Nature n'est pas anthropocentrée. Elle peut continuer son chemin d'éternité sans nous. Cette prise de conscience progressive par l'enfant, l’École l'accompagne avec tact , dans la Joie évoquée par Spinoza, en ne cédant pas aux Passions tristes.
Que faire de sa propre vie ? Imaginer. Imaginer l'unité de la Nature dans laquelle, malgré les épreuves, nous pouvons prendre place dignement.
Une réponse possible : celle que font les musiciens !
Dans le Concerto, il y a 3 mouvements. Le musicien sait bien après les moments de gaieté naïve du premier mouvement, qu'il faut accorder toute sa place à la gravité dans le deuxième mouvement ....pour enfin retrouver un élan vital, joyeux et serein, dans le dernier mouvement. (Ecoutez le Concerto pour clarinette de Mozart !)
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