C’est un signe, à peine franchi le pallier de la maison, que de gros flocons se mettent à tomber du ciel. En route pour l’aéroport avec Maman et Philou, avec une tension déjà palpable : Maman « Fais gaffe Philou ça glisse » « Ralenti tu roules trop vite » J’en passe et des meilleurs… Les adieux sont compliqués, déchirants, je contiens mes larmes.
Ca y est, je suis seul et ce n’est que le début. C’est la première fois que je pars à l’aventure en solo, moi, ma bite, mon couteau et mon sac à dos !
Le planning de ces derniers jours a été très chargé, entre visa russe quasiment impossible à obtenir et la préparation de mon sac à dos qui doit aussi bien me servir pour affronter les – 30° de la Sibérie et profiter des 40° au soleil de l’Asie du Sud.
Et comme toujours, c‘est la course jusqu’au dernier moment mais comme toujours le timing est parfait.
Ca y est, c’est l’heure d’embarquer, en direction de Mourmansk avec une escale à Moscou. Mourmansk est la ville la plus au Nord du cercle polaire, 1500km au Nord de Saint Petersbourg , avec un peu de chance je vais croiser le Papa Noel avant l’heure et quelques aurores boréales ;)
Premier gout de Russie lorsque j’entre dans l’avion : « Dractvecte » me dit la charmante hotesse de l’air de la compagnie russe Aeroflot.
L’avion tarde a décoller je me demande ce qu’il se passe, et voilà qu’arrive 4 camions autour de l’avion, je me demande vraiment ce qu’il se passe. Au micro, on nous explique que c’est la procédure pour dégivrer l’avion, les camions asperge l’appareil de fond en comble d’une certaine mousse. C’est bon, nous pouvons décoller avec une bonne heure de retard. Du coup, l’escale à Moscou est très courte, je me demande même si je ne vais pas louper ma connexion. C’est bon, nous décollons, le soleil se lève à peine à l’horizon, il doit être environ 8h du matin, je m’assoupi, mort de fatigue. Je me réveille 2h plus tard et voilà que j’ai encore la même vision, le soleil peine à se lever. Je me dis qu’on monte vers le Nord donc on suit le lever du soleil. Mais j’avais complément oublier ce paramètre, je vais vivre quelques jours au rythme des nuits polaires. C’est à dire qu’on n’aperçoit pas de soleil de la journée, on est plongé dans une sorte d’obscurité, qui dure de 11h à 16h.
Je foule mes premiers pas dans la neige, quel plaisir, et en plus il ne fait pas trop froid, il doit faire -5°. Je prends un mini bus qui me conduit à la gare de train dans le centre ville de Mourmansk. En sortant du bus, Maxim vient à ma rencontre, il sera mon hôte pour ces 3 prochains jours. On se pose dans un petit resto pour avaler des « Pelmenis » ( sorte de ravioli fourré à la viande), un grand plaisir. Puis nous nous dirigeons vers chez lui en trolleybus. Il habite dans ces grands immeubles soviet, qu’on rencontre dans tous les coins de la Russie, ce qui ressemble étrangement à nos belles cités françaises. A peine arrivé, j’envoie un mail à la famille puis je m’écroule de fatigue. A mon réveil, nous partons en direction du centre, avec Maxim nous continuons à faire connaissance, il a 36 ans, il a une fille qu’il ne voit pas souvent, il travaille à la police et sera à la retraite dans un an ! Il me fait visiter la ville, nous passons par une église orthodoxe dont j’aime tant le parfum, me fait découvrir un lac gelé ou les gens se baignent sans combinaison pendant plus d’une demie heure, puis il m’emmène dans cette énorme patinoire en extérieur où la musique résonne à gogo, une bon petit bœuf strogonoff et c’est l’heure d’une repos bien mérité.
Mourmansk est une ville de moyenne taille, il y a environ 300 000 habitants. La ville n’a à peine plus que 120 ans et elle a été créé pour être le port de Moscou. La vie n’y est pas très simple pour ces habitants, puisque ils vivent la moitié de l’année pendant plein jour et l’autre moitié dans la nuit complète. Pour inciter les Russes à venir y travailler, le gouvernement leur verse une petite prime.
C’est parti pour la première étape en train de ce voyage, entre Mourmansk et St Petersbourg, cette liaison s’appelle « ARTIQUE » puisqu’elle relie Mourmansk à la capitale. Départ 19 20, Arrivée prévue 22 16, soit un trajet de plus 26h ! Je m’installe dans le wagon 3, place 16. J’ai décidé de voyager en « Platzkart » équivalent de la 3ème. Classe. Le wagon est complètement ouvert où l’on trouve une soixantaine de couchettes, de l’un des côtés du couloir se trouve 4 couchettes et de l’autre 2. En face de moi se trouvent un jeune militaire du nom de « Bacilev » et une merveille de la nature, un véritable avion de chasse russe. Nous n’avons pas encore échangé un mot ensemble, tout le monde rivé sur son téléphone, j’espère que l’ambiance va rapidement se décoincer.
Le réveil sonne, il est 8 30, une longue journée s’annonce. Maxim nous prépare la « Kasha » pour le petit déj.
Petite frayeur, lorsque je rentre dans le Toyata RAV 4 de Vitaly, notre chauffeur. Il se met à toucher à la sécurité enfant de la portière, je me pense enfermer dans le 4x4. Je me demande vraiment se qu’il va se passer pendant le trajet de 2h jusqu’à Teriberka. Vont-ils me piller, couper mon corps en morceau et le faire disparaître au fond d’un lac gelé de l’artique?
La réponse est non ! Et heureusement !
Teriberka est un minuscule village paumé sur la côte russe bordant la mer de Barents. La route est vraiment impressionnante et totalement givrée, le paysage est d’un blanc immaculé et semble s’étendre à l’infini. Sur le chemin, on ne croise quasi rien si ce n’est qu’un petit village de pécheur vivant autour d’un lac, ainsi que quelques sapins que la nature à bien voulu laisser pousser lorsque le vent ne souffle pas top fort. Il est 11 heures le soleil commence à sortir le bout de son nez, laissant derrière lui une légère trainée orangée qui permet à peine de nous éclairer.
Le village de Teriberka est dévasté par les vents et le froid, les immeubles sont délabrés, la nature reprend ses droits, on se demande vraiment comment les gens peuvent y vivre. Ici, la population locale vit essentiellement de la pêche, et il est apparemment facilement possible de pêcher des poissons de 15kg ainsi que des crabes de 7kg!
Nous poursuivons la route pour nous rapprocher au maximum de la côte pour aller nous promener jusqu’au moment où le 4x4 s’enfonce dans quarante de centimètre de neige… Ce que je sentais, malheuseument, venir à plein nez. Nous avions repérer, quelques instant auparavant, la sœur jumelle de notre voiture, qui nous a rapidement sorti de la galère.
Nous partons, avec Maxim, à la découverte de l’endroit le plus au Nord du globe, tandis que Vitaly reste au chaud dans la voiture. La ballade dure deux bonnes heures, et chanceux comme nous sommes il fait beaucoup moins froid que prévu puisque il fait – 5° et surtout le blizzard ne souffle pas. On marche jusqu’à une cascade, où ruissèle un léger cours d’eau. On se pose au haut d’une montagne pour se réchauffer autour d’un bon thé et d’un casse-croute. Le panorama est impressionnant et la mer est d’un noir effrayant, ce qui me donne envie de plonger dedans. On se dirige vers la plage qui est constituée d’énormes rochers avec des algues très glissantes. Finalement, je me ravise concernant la baignade, je glisse seulement ma main dans l’eau et je l’a trouve étonnamment chaude et salée. A cet endroit, la mer ne gèle pas puisque c’est ici que se termine le Gulf Stream, un courant d’eau chaude qui prend sa source en Californie. Avec Max, on se tape une hallucination lorsque pense apercevoir au loin, quelqu’un assit sur un rocher à côté de sa tente de couchage, en se rapprochant on s’aperçoit que ce n’était que deux gros blocs de granit de couleurs différents.
Sur le chemin du retour, je propose à Vitaly, notre chauffeur et accessoirement un ancien collègue de Max, de manger un plat typiquement français, une tartiflette accompagné d’une bonne bouteille de St Romain. Il accepte avec plaisir et nous propose de venir diner chez lui.
En arrivant chez lui, il me présente sa fille, Elisabeth, je lui tends la joue pour faire la bise et en retour, elle jette un regard très froid, j’ai rapidement compris que ce n’était pas une coutume locale...
Nous passons une soirée très agréable, avec en apéro quelques litres de bière biélorusse avec différentes variétés de poissons séchés. Puis, j’enfile mon tablier pour me mettre derrière les fourneaux, afin de leur préparer cette fameuse tartiflette à base d’un reblochon spécialement ramené de France. C’était pour moi l’occasion, de dire officiellement au revoir à la France et de profiter d’un bon dernier repas frenchy arrosé d’un bon pinard bourguignon. Très très gros kif!
La soirée se prolonge autour d’une bouteille de Cognac russe, Vitaly et Max se mettent à débattre politique et le débat tourne rapidement à un affrontement d’idée concernant l’immigration en France, en Russie et dans le monde. Chacun ayant son point de vue très différent, Max a une ouverture d’esprit assez impressionnante tandis que son compère plutôt le contraire et se revendique lui même d’être « nationaliste », ne voulant pas d’étranger sur son sol. Je me sens vraiment mal à l’aise, au vue de mes racines internationales. La discussion s’éternise jusqu’à 4h du mat. Heureusement, pour nous, que sa femme Natacha qui rentre de discothèque, intervient pour couper court à cette discussion plus que fastidieuse.
Ca fait maintenant plus de 17h que je suis dans le train, et le temps passe plutôt vite. Le paysage est toujours le même des sapins enneigés, des lacs gelés, quelques villages croisés et encore et toujours des sapins enneigés.
J’ai passé une nuit peu compliquée, puisque mon grand gabarit ne correspond pas au standard russe et la banquette n’est pas la plus agréable. Donc mes pieds dépassent dans le couloir et je ne fais que de me tourner dans tous les sens pour trouver la meilleure position, cela ne m’a pas empêché de me faire une bonne nuit de 10heures.
Pendant ces 26h de trajet, le train s’arrête dans une vingtaine de ville et mon voisin du dessous a changé deux fois durant la nuit. Du coup, j’espère qu’ils sont partis avec mes 2 paires de chaussures que j’avais laissé séché en bas. Je suis un peu paranoïaque, mais en même temps, on m’a dit de faire très attention dans le train, donc je dors avec mes affaires précieuses. Natacha, ma grand mère m’a surtout prévenu de ne pas boire une goutte d’alcool avec des passagers. RAS pour le moment, je n’ai pas vu une seule bière dans le wagon.
Je viens de me faire doublement avoir par la contrôleuse / serveuse, elle me propose à nouveau un thé que j’accepte volontiers pensant qu’il était gratuit (elle nous avait offert le thé de bienvenue), en échange du thé elle me demande 50 roubles l’équivalent de 70 centimes, je lui en donne 100. Elle ne m’a jamais rendu la monnaie. Et en plus, j'avais prévu largement de quoi tenir le voyage du thé, pain, fromage, noddles,… Bref, je n’ai pas eu envie de quémander, car c’est le thé et les barres chocolatés qu’elle se fait un complément de salaire.
Encore quelques heures, avant de retrouver ma nouvelle Couchsurfeuse, Natalya. Le principe du Couchsurfing est très simple, mettre en relation des voyageurs avec des gens locaux, ils peuvent vous proposer de vous héberger, faire découvrir la ville, proposer des excursions,… Ce que j’adore avec ce concept, c’est qu’il permet d‘éviter les guesthouse, où les voyageurs s’entassent et font tous les mêmes activités attrapes touristes. Lorsque je vivais à Mallorque, j’avais accueilli une petite douzaine de voyageurs dans notre belle villa et je m’étais toujours dit que je ferais un voyage entier en utilisant ce concept. Et bien le temps est venu!