Après 4 jours de stop, je m’octrois un jour de repos. Chiena me propose d’aller découvrir les terrasses d’eau calcaire à Baishuitai. Il n’y a pas de bus pour y aller, on doit y aller en taxi. Pour éviter de payer une fortune, on trouve dans notre hôtel un couple franco-cambodgien pour partager les frais, Laurène et Philip. On part tôt le matin, la route est à moitié enneigée. Le chauffeur conduit avec prudence, ce qui ne l’empêche pas de faire quelques glissades. Le paysage est somptueux, de hautes montagnes de pinèdes avec un brouillard dans la vallée. Après trois heures de route on arrive sur place, la vue s’est un peu dégagée. Les terrasses ressemblent à du marbre blanc, elles sont remplies d’une eau bleu ciel. Vraiment dépaysant. Sur le chemin sur retour, notre chauffeur, nous fait découvrir un lieu sacré, il nous fait passer dans une faille pour arriver dans une grotte, ou se trouve un petit Bouddha. Chiena, nous fait rire, elle possède une bande-son de petits gémissements, en fonction de son humeur : lorsqu’elle a le vertige, ou peur du chauffeur, qu’elle monte ou descente une pente, qu’elle se prenne une branche dans le visage, ou tout simplement fatiguée, une sacrée aventurière… Elle est très indécise, et hésite de venir avec moi en stop demain. Toutes les dix minutes elle change ses plans. Sa décision finale est de prendre le bus ce soir. Tant pis pour elle, elle ne découvrira pas les joies de l’autostop !
Je passe la fin de la journée avec Laurène et Philip, on se promène en ville. On dance avec les tibétains. Je suis de plus en plus fan de ce peuple. On pourrait les comparer à des Cowboys chinois, chapeau sur la tête, bronzés, et portant des bottes. En rentrant à l’hôtel, on se boit une bière, entrecoupé de quelques shot d’un breuvage local, qui décape comme il faut !
Et pour terminer cette belle journée, et je ne sais par quel miracle, j’ai eu, en visioconférence mes deux grand mères bien aimées ! On peut l’avouer, elles ne sont pas les plus doués en informatique. Mais en revanche, ce sont les meilleures grand mères qu’on puisse avoir. Elles ont toutes les deux une énergie débordante et inépuisable. Et elles sont pour moi une source d’inspiration au quotidien.
Dernière étape de mon mon tour du tibet, je souhaite rejoindre Kunming, soit 600km. Ca fait beaucoup, mais je suis assez optimiste. C’est réalisable. Et quand on veut, on peut ! L’autostop a toujours sa part d’incertitude. On ne sait jamais si on va décoller et où est ce qu’on va arriver. Les temps attentes peuvent paraître interminables, on rumine, cherche des alternatives, désespère. Puis vient le moment d’excitation extrême lorsque une voiture, camion ou autre, nous ouvrent la porte. Et ca descend lorsque le chauffeur annonce que c’est la fin du voyage et qu’il va falloir trouver une autre voiture. A vrai dire c’est une sorte de montagnes russes pendant lesquelles on fait toujours de belles rencontres.
Il est 9h30 et je me trouve sur le bord de la route, je marche une trentaine de minutes. Marcher est ma nouvelle stratégie, plutôt que de faire du sur place. Car j’avance vers la destination, lentement mais j’avance, mais surtout pour faire pitié et pour que les voitures s’arrêtent plus vite. C’est le cas, un camion s’arrête, je ne comprends pas où il va mais je monte. La cabine tremble, il roule vite, du moins c’est l’impression que j’ai. Car à vrai dire, il n’excède pas les 80km/h, ce qui ne l’empêche pas de doubler dès qu’il le peut. Il a une conduite relativement dangereuse et n’hésite pas un dépasser dans un virage sans voir ce qu’il se passe devant. Il nous est arriver de nous retrouver nez à nez avec une voiture nous faisant des appels de phare, avant qu’il ne se rabatte à la dernière seconde. Progressivement on sort de la montagne, et on arrive sur l’autoroute. Je me dis que c’est bien parti et qu’on va faire au moins la moitié de la route ensemble. Mais après quelques kilomètres il sort. Alors je me dis, qu’il va peut être déjeuner ou décharger son camion. En fait, il me dépose, quelques kilomètres plus loin à la station de bus, pour que je termine la route. Mais il est hors de question que j’abandonne si proche de mon but. Alors j’avale un bol de riz, je reprends mon sac et je retourne vers l’autoroute. Je longe une longue route, un terrible vent souffle, les voitures fonces et ne s’arrête pas. Pourtant à ce moment, je fais vraiment de la peine à voir. J’arrive devant le péage et pose mon sac, car je ne peux pas avancer plus loin. Et rebelote, je fais des grands signes à chaque voiture et montre mon panneau. Pendant une heure personne ne s’arrête si ce n’est un bus. Je refuse de monter à bord. Puis une première voiture ralenti, je comprends qu’elle va à Kunming mais me demande de l’argent, je décline la proposition, il commence à démarrer, je fais ma tête d’enfant battu, je prie et le supplie Il me fait un signe de la tête pour monter. Yes, cette fois, je vais rejoindre Kunming. Je remercie, en chinois et en tibétain « Chichiii ; Tou djé chiii ». A bord un couple avec un ado, pour changer personne ne parle anglais. Alors on communique grâce à un traducteur. Il me demander pourquoi faire du stop et ne pas prendre un bus. Je me pose moi-même la question. Et fini par répondre que c’est un challenge que je me suis lancé. Au bout de 20 minutes, on fait une pause pipi. Le chauffeur me demande si je sais conduire, je réponds affirmativement. Il me demande si je veux conduire. J’hallucine, on se connaît si peu, et il me fait confiance pour les conduire. J’accepte et prends le volant de sa Toyota Rav4. Il nous reste 400km à faire, et je roule 300km non stop, puis je fatigue et laisse le volant. Cette ville est gigantesque, comme la plupart des agglomérations en Chine, je n’ai pas envie d’y rester longtemps, surtout après avoir passé une semaine dans la nature tibétaine. J’envoie un message à Chiena pour lui demander où elle se trouve, elle est encore à Kunming, je la rejoins dans son hôtel. Il est 22h, j’ai mis 12h à faire la route, je suis épuisé et surtout j’ai la dalle. On dine ensemble, on trouve un bouibouin avec bon concept, un frigo plein de brochettes, on choisi celles qu’on veut et on les donne au maitre grilladin. Excellent. Elle me dit qu’elle part demain matin en direction de Yuanyang. Ca tombe bien, je voulais y aller et c’est sur la route du Vietnam. Et puis, je l’aime bien cette petite.
Mission accomplie, j’ai réussi à traverser une partie du Tibet en autostop. J’ai traversé d’incroyables paysages et fais de magnifiques rencontres. Bilan de cette semaine tibétaine, j’ai parcouru 1500km en 5 jours d’autostop dans 17 véhicules différents. Et sans débourser un centime !
On arrive à la gare routière, à 9 30, avec Chieno. Elle a acheté son billet la veille. Son bus est déjà plein. Prochain bus à 18h, ça fait tard. La guichetière me propose de passer par Jianshui et de prendre un autre bus pour Yuanyang. Ce que je fais. 4 heures jusqu'à Jianshui et environ 2 heures dans le bus suivant. Le paysage commence à changer, ca ressemble de plus en plus à un climat tropical avec les premiers palmiers et bananiers. Mais toujours avec une température très fraîche. De plus, il y a un très fort brouillard. JE me demande vraiment comment que le chauffeur arrive à conduire, on ne voit pas un plus de 3 mètres devant. Il me reste encore une vingtaine de kilomètres jusqu’à Yuanyang, mais le bus s’arrête, c’est son terminus. J’arrive tant bien que mal à deviner le nom de la ville. Je suis à Xinjie. Il me faut trouver un moyen de trouver un nouveau moyen de transport. C’est pas bien compliqué, une dizaine de chauffeurs de taxis me saute dessus. Je choisi celui avec le prix le plus intéressant. Il me dépose une demi-heure plus tard, à la gare routière de Yuanyang. Mais je ne suis pas encore arrivé. Car avec Chieno nous avons décidé de choisir un hôtel qui se trouve à 40 minutes du centre. Je saute dans un mini bus. Le brouillard est encore plus insistant. Les warning allumés pour être distingué. Le chauffeur me jette en dehors de son véhicule. Et me dit, que mon hôtel se trouve en bas des marches. J’ai du mal à le croire, mais je lui confiance. Après 2 minutes, je trouve mon hôtel et Chieno, qui est arrivée une heure plus tôt. Elle est attablée avec d’autres voyageurs autour d’un Hotpot, et une bière à la main. J’en commande une, et ce ne sera pas ma dernière. La soirée s’annonce longue et arrosée. Le boss de l’hôtel paye sa journée d’alcool de riz. Enfin quelques unes. Belinda, la maitre de maison, nous propose de nous emmener faire un tour de van demain, pour nous faire découvrir le coin. Yuanyang, est réputé pour avoir les plus belles cultures de riz du monde. Cela me semble être un bon plan pour découvrir rapidement toutes les beautés de ce lieu. La soirée se poursuit. Il y a 3 australiens, un canadien, 2 anglaises et un grecque. Ce dernier commence à être particulièrement éméché et drague les anglaises. Je les entends rigoler, je me rapproche et écoute la conversation. Il n’arrive plus à aligner 3 mots et parle dans une langue incompréhensible. Je me tords de rire. Il poursuit son show en éclatant des œufs sur le sol et en jetant du PQ partout. On le calme et on le couche. J’en fais de même car on se lève tôt le lendemain.
Au réveil, le brouillard ne s’est pas dispersé. Je déprime. Et me dit que ca ne vaut pas le peine de faire le tour car on ne verrait rien. On attend une bonne heure que ca se dégage. Il n’en est rien. Mais on se décide tout de même à y aller. On s’arrête au bout de 10 minutes, Belinda, nous dit que c’est l’une des plus belles vues. C’est blanc de blanc, et on ne voit absolument rien. On s’arrête un peu plus loin, et on arrive à deviner 3 rizières, mais on est loin de la vue exceptionnelle qu’on est venu chercher. On décide d’aller manger un bout, en espérant que cela se dégage. On déguste du tofu, cuit sur une grille au barbecue, c’est très bon et très relevé lorsque qu’on le trempe dans la sauce. A chaque boulette de tofu avalé, elle met une petite pierre de côté. Ca lui permettra de calculer l’addition. Le vent s’est un peu levé. Il est l’heure de repartir. On s’arrête rapidement car la vue s’est un peu dégagée. C’est vraiment impressionnant. Sur toute la vallée se trouve des cultures de riz en terrasses. Elles sont incalculables. Durant l’hiver les paysans les remplissent d’eau, pour les conserver intactes. Le travail effectué par ces paysans est incroyable et d’une grande ingéniosité, notamment le système d’irrigation. Je m’empresse de m’en rapprocher, et de jouer à l’équilibriste sur les parois des terrasses. Du fait du brouillard, elles sont très glissantes, et j’évite à plusieurs reprises la chute dans le bassin d’eau, qui est loin d’être propre. Et plus la journée avance et plus la vue se dégage. Un spectacle magnifique. Malheureusement, il reste un épais nuage dans le ciel, qui nous empêche de voir le reflet du coucher de soleil sur les rizières. Cela donne envie de revenir pour voir à nouveau ce panorama, à divers période de l’année. En revenant à l’hôtel, j’hésite à changer mes plans pour rester un peu plus longtemps ici, en tant que volontaire, et bosser dans cette auberge, car j’apprécie énormément cette famille. Mais après un coup de fil à Pere, qui est également encore en Chine. On décide de se retrouver au Vietnam pour prolonger notre voyage ensemble. Je pars donc de partir dès le lendemain matin pour retrouver au plus vite le soleil et Hanoi.