À moins que vous ne soyez un rabelaisien pur et dur, cette histoire de « paroles gelées » n’est peut-être pour vous, au mieux, qu’un vieux souvenir de collège. Pourtant, il n’y a pas plus belle métaphore de ce qu’est l’écriture d’un livre de mémoires, un livre où l’on convoque autour de soi les voix de tous ceux que l’on a croisés, ceux que l’on a aimés, ceux à qui l’on doit le jour et ceux à qui on l’a donné, ceux que l’on a admirés, ceux que l’on a perdus, ceux qui nous manquent… Un livre dont les lecteurs savoureront chaque réminiscence ainsi offerte.
Les mots libérés par le thermomètre
Pour le plaisir, voici un rappel des chapitres LV et LVI du Quart Livre, écrit par François Rabelais en 1552 :
Pantagruel et ses compagnons naviguent sur une mer arctique quand ils entendent des paroles et des bruits venus de nulle part, semblant flotter dans l’air. Après des instants de surprise et d’interrogation, le mystère se dissipe, quelqu’un explique : « Icy est le confin de la mer glaciale, sus laquelle feut au commencement de l’hyver dernier passé grosse & felonne bataille, entre les Arismapiens, & les Nephelibates. Lors gelerent en l’air les parolles & crys des homes & femmes, les chaplis des masses, les hurtys des harnoys, des bardes, les hannissemens des chevaulx, et tout aultre effroy de combat. A ceste heure la rigueur de l’hyver passée, advenente la serenité et temperie du bon temps, elles fondent et sont ouyes. »
Si belle et poétique, la magie des paroles gelées est à la portée de tous : écrivez votre livre et elle opèrera.