Écrire sa vie en livrant ouvertement un point de vue de femme et en adressant d’abord son livre à ses fille(s) et petite(s)-fille(s) est dans l’air du temps. Et il ne s’agit évidemment pas de partager des recettes de blanquette ou des secrets de broderie (quoique, c’est « aussi » possible) mais bien d’inscrire son expérience de femme dans une époque, d’éclairer les évolutions vécues, de tracer des chemins pour que d’autres changements adviennent.
Incarnation
Savoir « en l’air » que les femmes mariées n’ont pu gérer leurs biens propres qu’en 1965 n’est pas la même chose que comprendre que sa grand-mère n’avait pas le droit, dans sa jeunesse, de signer un chèque. Savoir qu’il y a cent ans, les femmes ne votaient pas n’est pas la même chose qu’imaginer son arrière-grand-mère restant sagement à la maison pendant que son époux se rendait aux urnes. Savoir qu’en 1980, Marguerite Yourcenar fut la première femme à entrer à l’Académie française (laquelle Académie existait depuis 354 ans) n’est pas la même chose que de lire l’enthousiasme de sa mère à l’annonce de cette nouvelle…
On ne soupçonne pas toujours la force du témoignage direct. Incarner l’histoire des femmes dans la sphère familiale et pour les générations qui suivent, c’est un projet de livre en soi.