CAMP BERGER : les -1000 !

Le Gouffre Berger, les -1000 !

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Compte rendu

Nous voila parti pour LE gouffre mythique de la spéléo française. Comme souvent nous sommes les derniers à se mettre en route. A-t-on confondu heure de départ du camp et heure d'entrée dans le trou? Je ne sais pas, mais toujours est-il qu'au bout de la marche d'approche nous sommes surpris de voir se préparer Jef et son amie d'Abimes, supposés rentrer 2h après nous. Comme il y avait plusieurs groupes nombreux devant nous, ce n'est finalement pas plus mal de les avoir tous laissé partir. Nous descendons les premiers puits entre franciliens. Jef nous raconte l'histoire de ce grand cairn érigé en mémoire du spéléo anglais disparu et dont le squelette a été retrouvés 3 ans plus tard dans une première qui ne l'était plus vraiment... Nous nous séparons à l'entrée du méandre sineux. La roche patinée glisse mais les passages dangereux sont sécurisés. La progression est plutot aisée et nous avançons sans mal jusqu'à une belle série de puits. Sur les conseils du staff on laisse une bouteille d'eau en bas du puits Garby. Retour du méandre puis à nouveaux de belles verticales se concluant par le puits Aldo. Tout est jusque-là équipé en double avec une corde plein gaz pour la descente et une fractionnée pour la montée. On descend en parallèle, sachant que personne ne remontera de sitôt (la veille, aucun départ à cause de l'orage). Nous entamons la marche dans les grandes galeries, passons le lac Cadoux sans s'en rendre compte - il aurait pu se remplir suite au déluge d'hier - et arrivons au premier bivouac où termine de déjeuner un groupe de polonais. On sort à notre tour notre casse-croute qu'on engloutit suffisamment vite pour décoller avant eux.

A peine remis en marche, au détour du pan de roche qui longeait le camp surgit la salle des Treize. Splendide, majestueuse. Et cela continue. On évolue dans des galeries aussi larges que hautes, certaines concrétions sont réellement colossales. A notre allure de touristes nous finissons par être rattrapés mais c'est déjà l'entrée des coufinades, nous resterons devant. Autre ambiance. Grace aux mains courantes hors eau, nous surplombons la rivière dans des galeries plus mesurées, le gigantisme faisant place au subtil, au raffiné. Les plafonds sont riches de concrétions élégantes et de fistuleuses fragiles. L'équipement est visiblement récent et bien étudié. La progression sur la grosse corde verte nécessite un peu de technique pour avancer avec aisance. Bientot nous arrivons aux cascades. Check du débit de l'eau, tous les voyants sont au vert, comme nous l'avaient assuré de jeunes spéléos du Redan revenant du fond. On reprend les rappels. A nouveau brusque changement de décors. Les chutes d'eau ont disparu pour un nouvel espace de grande envergure au sol argileux, le Grand Canyon. Nous somme maintenant au bivouac numéro 2, à -800. L'objectif qu'on s'était donné. On commence à penser à tout le trajet qu'il faudra faire en sens inverse. J'ai l'impression qu'on manquera de bouffe (on a oublié de mettre les barres de céréales et le pain qu'il restait dans notre bidon). Petit débat. Demi-tour? Go au siphon terminal? Aller, on continue, on n'en est plus si loin. Nous avançons jusqu'au puits de l'Ouragan. Depuis une petite vire ou l'on progresse arque-boutés s'ouvre cet immense trou noir dans lequel se jette bruyamment la cascade. On ne voit rien, les faisceau de nos lampes sont incapables de percer les embruns. Nous franchissons les symboliques -1000 historiques tels que situés par les premiers explorateurs. En bas on commence à se questionner. Cette facette brutale de la grotte nous impressionne. Pour une première expérience c'est déjà pas mal. Nous avons mis plus de 9h à descendre, c'est beaucoup. On ne va pas risquer se mettre dans le rouge à la remontée.

S'entame le long périple du retour. Pour ma part tout allait bien. Jusqu'à cette une erreur, un excès de zèle. C'est ce fichu concours. Rapporter le plus de détritus possibles des anciennes explorations pour continuer de dépolluer le gouffre. Hélène choisit de ramasser des petits bouts de fil de téléphone de quelques grammes. Quant à moi, j'étais vaillant quand j'ai mis 7kg de ferraille dans mon kit. Je le suis beaucoup moins quand il faut repasser toutes les coufinades et reprendre la longue marche vers la série de puits. Les vires qui semblaient horizontales à l'aller sont en fait légèrement remontantes et sur certaines il faut bien tirer sur les bras. Les rappels guidés fatiguent aussi (même si grâce à la technique flamande ça passe bien)! Je suis passé vitesse tortue et je peine à suivre Hélène qui, elle, lutte contre la fatigue à cause de la longueur de la journée. En regardant notre montre on se rend compte qu'on progresse de moins en moins vite sur les tronçons qu'on a chronométré à l'aller. L'un comme l'autre on n'avance plus très droit. Au bivouac 1 pas question de se reposer. Ca ronfle bruyamment et tous les spots sont occupés. On termine donc notre dernière portion de salade d'épeautre sous nos ponchos et on reprend le chemin vers la sortie. Cela fait déjà 17h que l'on a passé sous terre. Hélène a froid dans sa combinaison mouillée et ce courant d'air qui nous poursuit dans le méandre n'en finit pas de nous agacer. Mais voila qu'après 23h sous la roche les derniers obstacles sont franchis et s'offre à nous le ciel ensoleillé. Wonderful ! We did it! On papote avec nos copains belges du camp que l'on a retrouvé sur les dernières tirées. Il faut 1h à Hélène pour réussir à se réchauffer sur le lapiaz. Le froid, la chaleur, la fatigue, la joie, les souvenirs de ces paysages, tout se mêle. On pensait que c'était gagné, mais... la marche de retour... Au bout de quelques centaines de mètres à travers la forêt Hélène s'écroule et s'endort littéralement au milieu du chemin. Avec mes kits douze fois trop lourd pour moi, je suis épuisé aussi et la rejoins pour ce petit somme improvisé. Il nous aura fallu 3 heures pour parcourir ces 2km qui nous séparent du parking. C'en est drôle après coup mais sur le moment on avait l'impression de faire un marathon, chaque pas étant une épreuve. On se rendormira comme des larves dès notre retour au camping. Ravis autant que rincés après une telle expérience et riches d'un kit orange tout neuf pour notre 2eme place au concours du remontage de déchets!

Plus d'infos sur le camp

Le rapport du Camp Berger 2023, riche en contenu, est disponible au téléchargement sur https://berger2023.ffspeleo.fr/