INSTINCTOTHÉRAPIE : SUR UNE MÉTHODE ALIMENTAIRE RÉVOLUTIONNAIRE
Partons des définitions de ces deux concepts :
Pour "science", les dictionnaires nous indiquent : ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d'objets ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par les méthodes expérimentales (Larousse) ; on appelle "science" un ensemble structuré de connaissances qui se rapportent à des faits obéissant à des lois objectives (ou considérés comme tels) et dont la mise au point exige systématisation et méthode (CNRTL) ; ensemble des corps de pensée sur la nature, l'homme, la société, faisant l'objet d'études selon des méthodes objectives (Québec).
Nous ne trouvons en revanche aucune définition pour "pseudo-science". Le préfixe "pseudo" est tiré du grec ψευδ(o)-, lui-même tiré de ψευδής "faux, trompeur". On entend donc par pseudo-science un ensemble de connaissances ou de croyances revêtant les aspects d'une science sans respecter les règles de l'objectivité, de l'émission des hypothèses, ni de leur vérification. Il existe autour de cette notion un certain flou laissant la place à toutes sortes d'arguties.
Une tendance propre aux milieux sceptiques, notamment à la zététique, consiste à ne reconnaître comme scientifiques que des résultats de recherches effectuées et vérifiées dans le cadre du corpus scientifique. C'est évidemment là une position abusive, car de nombreuses notions qui ont ultérieurement transformé la science ont été d'abord émises en dehors du cadre institutionnel et ont été longtemps rejetées. Exemple phare : l'héliocentrisme. Un examen plus attentif, du point de vue épistémologique, fait de plus apparaître que la "science", en dépit de ses prétentions à l'objectivité et à l'universalité, est en réalité enfermée dans un paradigme qui n'a rien d'absolu, mais dépend au contraire d'une époque, d'une société et des "complicités" non-dites entre les représentants du savoir. Il faut donc trouver un autre critère que la non acceptation par le corpus scientifique. Ou alors, il faudrait accepter l'idée qu'une pseudo-science puisse être à la fois une fausse science et une source de science...
Première précaution : une idée farfelue est généralement rejetée par le consensus. La réciproque n'est pas vraie : ce n'est pas parce qu'une idée est rejetée qu'elle est farfelue. Mais ce n'est pas non plus parce qu'une idée est rejetée qu'elle n'est pas farfelue... La question est donc de savoir pour quelle raison une idée pertinente peut être rejetée par des esprits prétendument scientifiques ? Par attachement aux modes de pensée usuels : les savants ne sont pas exempts de ce défaut de l'esprit humain qui consiste à croire dur comme ferme en ce qu'il estime savoir ou avoir antérieurement démontré. S'ouvrir à une idée qui remet en cause les certitudes malmène à la fois la sécurisation (tout savoir représente une manière de se prémunir contre l'ignorance et le danger), l'amour-propre (il est désagréable de devoir reconnaître une erreur), et le "coût cognitif" (reconstruire un point de vue exige un effort intellectuel beaucoup plus grand que de rester sur ses positions).
Or, il se trouve que l'instinctothérapie est particulièrement désécurisante pour qui refuse de mettre ses propres habitudes alimentaires en question. L'hypothèse d'une inadaptation génétique de l'organisme humain aux productions de l'agriculture et de l'art culinaire revient à dire : vous vous rendez malades en mangeant comme vous mangez. Chacun étant attaché par le plaisir à ses habitudes de table, il y a immédiatement conflit entre les croyances dans le bien-fondé de l'alimentation traditionnelle, prôné tout au cours de l'éducation, et les angoisses de mort ou de maladie que suscite une théorie nouvelle, angoisses d'autant plus prégnantes que la théorie est plus logique et évidente. La solution la plus immédiate est de rejeter la théorie gênante et de mettre en œuvre toutes les stratégies de défense possibles pour conforter le système de pensée dominant.
Deuxièmement, les scientifiques portent une responsabilité face au public : ce qu'ils enseignent est censé apporter un bénéfice à ceux qui font confiance au système ou les informer d'un danger. Avoir occulté une hypothèse qui est à la clé du problème de l'alimentation et de la santé apparaît comme un manquement gravissime à ce devoir social essentiel. Pour chiffrer ce niveau de responsabilité, il suffit de compter les décès par maladies cardiovasculaires ou par cancer que l'on sait aujourd'hui imputables aux mauvaises habitudes alimentaires, survenus entre le moment où les scientifiques pouvaient prévoir le danger (dès les publications de Darwin sur les lois de l'évolution) et celui où ils se sont résolus à mettre publiquement l'alimentation en cause. Le monde de la science se trouve donc implicitement accusé dès que cette hypothèse sort de l'ombre. Chacun serait tenté de dire : vous nous avez laissé croire que tout était en ordre dans l'approche médicale du système alimentaire, alors qu'une lacune fondamentale minait la construction et que vous aviez tout en main pour poser le problème et avertir la population. C'est donc à la fois l'amour-propre et le poids de la responsabilité qui poussent les scientifiques à récuser toute hypothèse remettant en cause l'alimentation cautionnée par le système de croyances en vigueur.
Troisièmement, ce n'est pas un mince effort de recommencer un système de raisonnements construit sur une base erronée. Il faut tout recommencer de a à z, non seulement comprendre comment les enchaînements logiques se réorganisent, mais retraverser les anciennes relations de cause à effet sur lesquelles on s'était appuyé pour organiser le système de pensée dominant et le cautionner. Plus l'erreur est proche des bases du système, plus ce travail est important. La psychologie cognitive a montré que le psychisme humain répugne à entreprendre des opérations mentales dont le "coût cognitif" est trop élevé (= qui représentent un effort mental trop important). Or, remettre en cause l'hypothèse implicite de l'adaptation génétique à l'alimentation traditionnelle revient à reprendre à la base tous les raisonnements médicaux et toutes les recherches effectuées dans ce domaine, ainsi que toutes les recommandations diététiques.
En effet, le facteur "inadéquation des principes de l'alimentation traditionnelle aux données génétiques de notre métabolisme" constitue l'articulation la plus fondamentale des raisonnements concernant la pathogenèse. L'occultation de ce facteur dans les hypothèses de départ de toute recherche médicale a pu avoir pour conséquence une interprétation biaisée des résultats : les corrélations trouvées sont automatiquement attribuées à des facteurs secondaires, les rapports de causalité inversés, de fausses relations invoquées, etc. Par exemple, le surpoids est attribué à la sédentarité ou à une prédisposition génétique tout en négligeant les causes d'une ingestion excessive de calories (échec de l'instinct alimentaire face à des saveurs non naturelles) ; l'accumulation de matières adipeuses est rapportée à un simple excès de calorie tout en oubliant la présence de molécules dénaturées par la chaleur, etc.
Autres exemples : une corrélation significative a été mise en évidence entre le quotient intellectuel des enfants adoptés précocement et le niveau socioculturel de leur mères biologiques, alors qu'ils ne les ont pas connues. On en tire la conclusion que ce n'est pas le milieu dans lequel l'enfant grandit qui détermine son QI, mais le QI des mères biologiques, et donc que le QI serait héréditaire. Mais on ne trouve aucune corrélation entre le QI des différentes mères biologiques et celui de leurs enfants... On se dit alors que le QI dépend de quelque chose qui se passe déjà dans l'utérus des mères et qui est en rapport avec leur niveau socioculturel. La conclusion reste mystérieuse, on invoque les sons que le foetus perçoit dans le liquide amniotique, l'état émotionnel de la mère et toutes sortes d'impondérables, tout en négligeant le facteur alimentaire : des mères d'un niveau socioculturel inférieur ont statistiquement une nourriture de moins bonne qualité, contenant plus de céréales et de produits laitiers, que celles qui sont plus éduquées et disposent de meilleurs moyens financiers ; elles absorbent également plus d'alcool et de nicotine. Si ces facteurs avaient été pris en compte dans les hypothèses de départ, l'étude aurait pu conclure à l'effet de l'alimentation ou généralement de l'hygiène de vie de la mère sur le développement du cerveau du foetus. Ou à l'effet de la durée d'allaitement, celui-ci pouvant être statistiquement plus court ou plus rare chez les mères les moins bien loties.
Deuxième exemple : les chiffres montrent que l'obésité et les maladies cardiovasculaires sont corrélées. On en déduit donc que l'obésité est un facteur favorisant les maladies cardiovasculaires, voire une cause de maladies cardiovasculaires, vu que les malades sont obèses avant de souffrir d'un infarctus et que le surpoids peut fatiguer le cœur. Or, statistiquement, les personnes obèses sont parmi celles qui mangent le plus. Il est donc possible que le rôle favorisant qu'on attribue à l'obésité soit imputable à l'alimentation : une mauvaise alimentation, notamment un excès calorique, pouvant générer à la fois l'obésité et les maladies cardiovasculaires. Mais cette correction passe encore à côté d'un facteur qui pourrait être le principal : une alimentation mal adaptée aux données génétiques du métabolisme peut s'accompagner d'une accumulation de molécules mal dégradées conduisant à une prise de poids pathologique en même temps qu'à la formation de plaques athéromateuses minant le système cardiovasculaire. La cause serait dans ce cas la dénaturation moléculaire due aux préparations culinaires, génératrice de toutes sortes de molécules échappant à la dégradation normale par nos enzymes qui finiraient par s'accumuler dans les tissus adipeux. En fait, les observations semblent montrer que la surcharge calorique et l'accumulation de molécules dénaturées coopèrent à la genèse de l'obésité, la seconde conduisant à la constitution d'un stock de "toxines" beaucoup plus dangereux que la simple constitution de réserves caloriques. Il est d'ailleurs apparemment impossible de provoquer une surcharge pondérale en consommant un excès d'aliments non dénaturés.
Troisième exemple : la contamination d'une blessure par des bactéries pathogènes conduit souvent à une infection dangereuse si elle n'est pas traitée. Or, la médecine ne peut pas savoir comment une blessure contaminée se comporte lorsque l'organisme reçoit une alimentation originelle. Elle attribue donc l'infection à la contamination. Or, l'observation montre que les mêmes contaminations ne conduisent pas à l'infection dans le contexte d'une alimentation originelle, ce ne sont donc plus les bactéries qui doivent être considérées comme responsables de l'infection, mais la pratique alimentaire incompatible avec les données génétiques de l'organisme.
Malgré l'énorme hiatus entre le paradigme médical conventionnel et celui de l'anopsologie, plusieurs chercheurs se sont intéressés à l'instinctothérapie, mais ont dû abandonner leurs recherches sous la pression de leurs pairs. Par exemple le professeur Blanc, qui dirigeait l'Institut Suisse de Recherches Laitières, entreprenait dans les années 70 une étude sur les dénaturations moléculaires des protéines lors du traitement UHT : quelques années plus tard, il était contraint d'interrompre ses recherches, trop concluantes, sous la pression de son conseil d'administration, au risque de perdre son poste de directeur.
D'autres scientifiques se sont montrés complètement fermés. Un jeune médecin qui collaborait alors avec moi rencontrait en 1971 le Dr Neukomm, directeur de l'Institut Suisse de Recherches sur le Cancer, et lui exposait mon hypothèse selon laquelle des molécules dénaturées peuvent échapper à la dégradation normale par les enzymes digestives tout en conservant des structures antigéniques et, en pénétrant régulièrement dans le sang, induire des tolérances susceptibles de favoriser la prolifération des cellules cancérisées. Seule réponse : « Et la barrière intestinale ?! ». Je vois encore mon ami revenir tout penaud et me raconter sa déconvenue. A l'époque, on ignorait encore que cette barrière laisse passer environ une macromolécule sur mille, soit bien assez pour provoquer des désordres immunitaires. Sans compter les chilomicrons, petites gouttes de graisse combinées à des protéines, qui pénètrent passivement dans les entérocytes (cellules de la paroi intestinale) et peuvent introduire des quantités notables de molécules dans la lymphe.
J'avais fait connaître mes thèses au professeur Le Magnen autour de 1966, alors qu'il passait à l'Université de Lausanne pour recevoir le titre de Docteur honoris causa. Il me demanda de lui rédiger un résumé de mes idées et observations, ce que j'ai fait sous le titre l'Essai sur l'instinct alimentaire chez l'homme (voir pièce jointe). Je suis toutefois resté sans aucune nouvelle de la part de Le Magnen, si ce n'est que mon article s'est retrouvé publié dans La revue des professions de santé en 1984 [1], disponible dans diverses bibliothèques scientifiques Parisiennes (cité dans l'article de Wikipédia sur l'instinctothérapie).
En 1971, le physiologiste M. Cabanac proposait pour les variations perceptives du goût et de l'odorat le terme d'alliesthésie. La notion d'instinct alimentaire, fréquemment utilisée par les chercheurs pendant la première moitié du 20ème siècle (notamment par le physiologiste américain bien connu Curt Paul Richter), n'était plus à la mode à partir des années soixante [2].
Au début des années 80, Mme Louis-Sylvestre (collaboratrice proche de Le Magnen) dirigeait les recherches sur la prise alimentaire au Collège de France. Elle se heurta à une véritable levée de boucliers lorsqu'elle voulut parler d'instinct alimentaire lors d'un colloque.
Puis il y a eu professeur Seignalet, qui s'est encore plus violemment heurté à ses pairs (par exemple un certain Dr Quiquempois) et à l'Ordre des médecins pour avoir préfacé mon livre Manger Vrai. Il n'en reste pas moins que son étude sur la polyarthrite rhumatoïde et autres maladies auto-immunes en rapport avec la consommation du blé et du lait apporte une confirmation majeure à mon hypothèse de l'inadaptation génétique aux modifications alimentaires survenues depuis le néolithique.
Face à tous ces obstacles, il me restait une solution pour étayer mes thèses : chercher dans la littérature existante des travaux confirmant les prévisions découlant de mes hypothèses. Or, il se trouve que chaque nouvelle découverte des dernières décennies concernant les rapports entre alimentation et pathologie n'ont fait qu'apporter des confirmations supplémentaires. On trouvera la liste des principales études dans la page 'Références scientifiques'. Il faut par ailleurs remarquer un fait significatif : on ne trouve dans les nouvelles découvertes aucune infirmation invalidant l'hypothèse de l'adaptation génétique à l'alimentation primitive ni les théories dérivées (rapports entre équilibre nutritionnel et régulation du système immunitaire, théorie du processus viral, etc.).
Que peut-on alors conclure du caractère scientifique ou pseudo-scientifique de l'instinctothérapie ? Je crois que la démarche théorique est fondée sur des hypothèses plausibles en termes de discours scientifique : les questions que je pose quant à l'adaptation génétique aux changements alimentaires intervenus depuis le néolithique, voire déjà plus tôt en ce qui concerne la cuisson, s'avèrent irréfragables au regard des lois de l'évolution. C'est-à-dire qu'il faudrait, pour rejeter ces questions, nier les lois de l'évolution et affirmer que le Créateur avait prévu l'invention de l'art culinaire afin d'y adapter l'organisme humain à titre préventif... Notez que, si tel était le cas, l'alimentation moderne ne se trouverait pas impliquée dans toutes sortes de maladies, notamment dans l'épidémie d'obésité et de surpoids qui gagne la planète en même temps que les mœurs alimentaires occidentales.
En revanche, je suis le premier à reconnaître que l'adaptation à l'alimentation originelle, ou l'adéquation de l'alimentation que j'ai définie sous le terme d'instinctothérapie, n'a pas été démontrée ni acceptée par le corpus scientifique. Ce n'est pas que je n'aie pas tenté d'y intéresser des scientifiques. Le Dr Seignalet invitait lui aussi vainement les chercheurs institutionnels à se pencher sur la question. J'ai dû me contenter pour le moment de mes propres observations (tout en sachant que des observations personnelles n'ont pas de valeur de preuve aux yeux des scientifiques) et n'ai pu que tirer des conclusions provisoires tout en attendant que des tiers entreprennent des recherches conformes aux règles en vigueur.
La situation est donc celle-ci :
Ceux qui entendent la qualifier de pseudo-scientifique doivent s'en prendre non pas à la théorie ni à mes propres positions, mais au refus ou à l'indifférence des scientifiques en place à qui revient la responsabilité de la confirmer ou de l'infirmer. C'est au contraire la médecine qui apparaît comme une pseudo-science pour avoir négligé un facteur potentiel fondamental de pathogenèse, à savoir l'inadaptation génétique de l'organisme aux modifications alimentaires survenues au cours de l'histoire.
Pour plus de détails sur les critiques positives et négatives de l'instinctothérapie, vous pouvez aller sur l'article que lui consacre Wikipédia, ou directement sur la section "Critiques" de cet article. Le fichier joint "Seignalet-Quinquempois" vous donnera une idée de la manière dont un chercheur, pourtant reconnu, qui s'écarte des sentiers battus se fait attaquer par ses pairs.
Références :
[1] Burger GC. Essai sur l'instinct alimentaire chez l'homme et définition de l'instinctothérapie. Revue des professions de santé 1984 sep-oct; 38: 27-42.
[2] Schulkin J. Curt Richter: psychobiology and the concept of instinct. Hist Psychol. 2007;10(4):325-43. [ www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18348430 ]