INSTINCTOTHÉRAPIE : SUR UNE MÉTHODE ALIMENTAIRE RÉVOLUTIONNAIRE
...ne le faites pas n’importe comment !
Dites-vous que vous disposez d’un certain capital d’énergie, et utilisez-le à bon escient ! Les faux départs se soldent bien souvent par une cascade d'échecs, chaque nouvelle tentative ratant à son tour, comme si les réserves de volonté nécessaires pour se libérer de la cuisine étaient gaspillées. Même chose pour arrêter de fumer : mieux vaut ne pas louper le coche et réussir du premier coup.
Il faut être conscient des différentes attaches qui font de nous les esclaves de l’art culinaire. D’abord, la simple habitude, les gestes que l’on fait tous les jours et qui sont plus faciles parce que rôdés depuis des années. Plus prégnant, il y a les conditionnements, c’est-à-dire les réflexes renforcés par les expériences de plaisir. Chaque fois que l’on suce un bonbon ou que l’on déguste un gâteau, le plaisir gustatif agit sur le système de récompense, et dresse l’animal qui est en nous à répéter le même comportement. Les conditionnements sont vite acquis, il suffit de quelques expériences, mais très tenaces lorsqu’il s’agit de les effacer.
À cela s’ajoute l’effet d’addiction qu’exercent diverses substances présentes dans nos aliments et nos boissons. Les exorphines, substances analogues aux endorphines qui président aux processus de conditionnement, produisent des modifications cérébrales de même type que les drogues dures comme la morphine ou l’héroïne. On trouve des exorphines notamment dans les produits laitiers ce qui explique leurs propriétés particulièrement addictives. Mais bien d’autres molécules, notamment parmi les AGE, peuvent avoir une action analogue. D’autres excitants, par exemple des alcaloïdes comme la caféine ou la théine, la théobromine du cacao, sans oublier l’alcool sous toutes ses formes, associés à la nourriture quotidienne, nous en rendent encore une fois dépendants.
Ce ne sont là que les effets physiologiques des aliments, que viennent doubler les facteurs psychologiques. Tout ce que l’on nous a dit depuis la plus tendre enfance, concernant les bienfaits de notre nourriture, est enregistré en profondeur. Ce n’est pas une simple décision qui saurait nous en libérer. L’alimentation fait partie de notre système de valeurs. Changer de credo revient à rejeter toute une série de croyances, de convictions, de réflexes de pensée, d’actes de confiance dans nos parents et dans la société, qui sont pour nous autant de balises de sécurisation. Les abandonner représente ipso facto une profonde désécurisation qui rend particulièrement fragile face à toute difficulté survenant dans une nouvelle pratique.
Plus profondément encore se cachent des éléments inconscients d’ordre psychanalytique. La nourriture reçue dans l’enfance fait partie intégrante des images parentales, notamment celle de la mère nourricière. Les premiers mets après le sevrage se sont inscrits dans le prolongement de l’allaitement, en tant que substituts du sein et de l’amour maternel. Tout l’amour de la gastronomie s’est construit sur cette base, et le mettre en cause revient à renoncer à l’amour des parents pour le petite enfant qui sommeille encore en nous. Or, aucune frustration n’est pire que celle de l’amour. Se séparer de la cuisine est aussi douloureux inconsciemment que de se séparer des parents pour l’enfant placé en colonie et qui traverse une période de cafard, ou d’un partenaire avec qui l’on a construit sa vie, dont le départ provoque une profonde dépression.
Pour compliquer le tout, le plaisir que l’on peut éprouver avec les aliments bruts ne se découvre que progressivement. Pendant une première période, il n’est qu’une petite partie de ce qu’il devrait être et reste en dessous des plaisirs culinaires. La découverte du plaisir naturel prend un temps différent suivant les aliments, en fonction des caractéristiques de l’alimentation antérieure et des particularités individuelles. La période de normalisation est parfois très courte, voire nulle, mais dans l’ensemble, il faut compter plusieurs semaines pour atteindre une quantité globale de plaisir qui fasse contrepoids aux souvenirs gastronomiques.
Au bout d’un certain temps, cette quantité globale, de même que les intensités de jouissance particulières avec chaque aliment dépassent nettement ce que peuvent assurer les recettes les plus sophistiquées. La difficulté consiste donc à « tenir le coup » assez longtemps, jusqu’à ce que les rapports de force fassent passer d’un équilibre instable, fait de lutte contre les tentations, à un équilibre stable, fondé sur la réhabilitation des jouissances naturelles et l’oubli des jouissances passées, ressenties progressivement comme autant d’illusions de sens.
Le moyen le plus efficace, voire indispensable, pour raccourcir cette période intermédiaire est la qualité de la pratique. Toute une série de règles se sont fait jour au cours de multiples expériences, dont la mise en pratique est souvent la condition sine qua non du succès. Ces règles n’entament en rien la liberté de l’instinct, elles sont faites au contraire pour garantir cette liberté. On ne doit se les imposer que dans les débuts, jusqu’à ce que les manifestations instinctives aient suffisamment gagné en force pour prendre la main. Mais elles sont impératives pour qui veut réussir la conversion sans y laisser de plumes.
Notons à ce propos que tout instinct nécessite un minimum d’apprentissage. L’instinct alimentaire devrait se structurer dans la petite enfance, déjà avant le sevrage, alors que le lait maternel assure un bien-être minimal en cas de maladresse. Non seulement le débutant plus âgé se trouve privé de cette garantie, mais l’apprentissage réalisé avec les aliments transformés représente une large série de réflexes contre nature qu’il faut effacer afin de faire la place aux réflexes naturels. Le tout étant encore ralenti par la capacité d’apprentissage moindre une fois passée la période sensible des premières années.
Ce qui précède ne doit pas vous décourager, bien au contraire : avant de partir en guerre, il faut réunir tous les atouts qui vous garantiront le succès. Se lancer au hasard garantit l’échec et coûte beaucoup plus cher en capital psychologique, et même en monnaie. L’une des dérives les plus fréquentes et les plus irrésistibles est en effet le piège de la boulimie : manger trop abaisse le niveau de plaisir à l’ingestion et le bénéfice à la digestion, de sorte que l’on se voit piégé malgré soi dans une régulation vicieuse des quantités. Cela se paie en bien-être, parfois en santé, et inévitablement en argent. Un budget peut facilement se trouver multiplié par deux ou trois, sans guère en retirer de bienfaits, ce qui rendrait l’expérience prohibitive à tous points de vue.
Pour faire contrepoids à tous ces éléments négatifs, il est essentiel d’être conscient de tous les bienfaits que peut dispenser l’instinctonutrition. L’un d’entre eux est la bonne conscience écologique. La dénaturation moléculaire induite par les préparations culinaires est une forme de pollution, aussi bien du corps humain que de l’environnement où ces matières se répandent inévitablement. Ce facteur de pollution n'est pas encore pris en compte, ni par la médecine qui n'en tient pas compte dans la genèse des maladies, ni par l'écologie qui néglige le rôle possible d'espèces chimiques nouvelles dans la santé et l'équilibre de la biocénose. C'est à peine si la recherche médicale découvre les effets toxiques des AGE et des ALE dans l'organisme, alors que les écologistes ne semblent pas avoir encore songé au fait que la cuisson des aliments est un facteur de pollution chimique comme un autre. Sauf que le même tabou oblitère la question en matière de pathologie de l'environnement comme il l'oblitère en matière de pathologie humaine. Dans les deux cas, le nombre incalculable d'espèces chimiques nouvelles produites par les réactions chimiques culinaires laisse présager l'existence de molécules non dégradables, susceptibles, au même titre que les molécules produites par l'industrie chimique, de perturber les processus biologiques naturels. L'instinctonutrition apparaît ici comme une application du principe de précaution et peut rassurer tous ceux qui ont tant soit peu la fibre écologique.
Deuxième gros avantage de l’alimentation originelle : la liberté du plaisir ! Hors artifices culinaires, les aliments utiles au corps sont délectables au palais, de sorte qu’il suffit de rechercher le plaisir pour gagner en santé. Il faut pour cela choisir soigneusement l’aliment par l’odorat, puis en interrompre la consommation dès qu’il ne paraît plus aussi savoureux, de manière à laisser plus de place au plaisir avec un autre aliment.
Le paradoxe est alors que le fait d’obéir au plaisir se ressent à la fois comme une obéissance au corps, et comme une liberté fondamentale, vu que celle-ci consiste par nature à rechercher le plaisir… Petit clin d’œil à la philosophie : le simple retour aux lois de la nature rétablit l’unité première entre obéissance et liberté… Diable pourtant si ces deux concepts paraissent opposés dans le contexte ordinaire !
D’où la réciproque : la culture, largement fondée sur l’opposition fondamentale entre libre arbitre et obéissance, pourrait découler d’une dissociation paradoxale, produite par l’artifice culinaire ou l’artifice en général, entre deux aspects d’une seule et même grandeur : le bonheur d’être. L’artifice nous permet de nous procurer des plaisirs que nous savons nocifs, nous devons en conséquence créer des règles et lutter contre des tentations. C’est alors en désobéissant à ces règles que nous obtenons des plaisirs, qui sont par surcroît nocifs. Nous sommes dès lors constamment pris en étau entre l’envie et la raison.
Alors que la nature avait organisé, à travers les lois de l’évolution, une harmonie parfaite entre plaisir et bienfait. Un plaisir poussant à un acte nocif représente une pression de sélection négative, de sorte que tout plaisir de ce type se fait éliminer au fil des générations. Les seules mécanismes accompagnés de plaisir qui puissent passer le filtre de la sélection naturelle doivent par nécessité correspondre à quelque chose d’utile. Retrouver la sérénité que prodigue cette organisation du plaisir est certainement l’un des plus grands apports de l’instinctothérapie.
Aux points qui précèdent s'ajoutent, en tant que garanties de succès, le réapprentissage de l'instinct alimentaire, et les questions plus techniques d'approvisionnement.
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