INSTINCTOTHÉRAPIE : SUR UNE MÉTHODE ALIMENTAIRE RÉVOLUTIONNAIRE
Plutôt que de ré-apprentissage, on devrait parler de "contre-apprentissage", car la plupart des automatismes acquis dès la petite enfance fonctionnent à l'inverse de ce qu'ils seraient dans le cadre d'une alimentation originelle.
Cette inversion provient du fait que les saveurs restent relativement fixes avec les aliments préparés, alors qu'avec les aliments originels, elles changent systématiquement en fonction des besoins. Faute de variations de goût, l'apprentissage de l'instinct alimentaire aboutit à une recherche délibérée du plaisir à partir de représentations mentales, alors qu'avec des aliments originels, dont l'odeur et la saveur sont largement imprévisibles, les expériences sensorielles structurent un position d'interrogation et d'obéissance aux mécanismes alliesthésiques.
Dans le contexte culinaire, l'enfant apprend ainsi à choisir arbitrairement sa nourriture ; chaque fois qu'il poursuit un plaisir, son attente est récompensés par le plaisir escompté, de sorte qu'il se conditionne jour après jours à ce mode de fonctionnement. Dans les conditions naturelles, la recherche délibérée de plaisir conduit au contraire à une perte de plaisir, vu qu'on ne tombe que rarement sur l'aliment qui répond le plus favorablement au besoin : ainsi s'acquiert une position faite d'interrogation, de réalisme, et d'ouverture au langage du corps. Exemple >>
Dans la pratique, le réapprentissage de l'instinct alimentaire passe par le développement d'une meilleure capacité d'écoute du corps pour aboutir progressivement à une obéissance spontanée aux signaux sensoriels. Il comprend également la sensibilisation à d'éventuelles motivations innées faites pour guider l'approche alimentaire (la vraie sensation de faim), qu'il peut mettre en rapport avec l'exemple des congénères et les données environnementales (apprendre où se trouvent les ressources et comment y accéder, quels sont les produits à éviter, etc.). Le problème est donc que nous n'avons pas acquis dans la petite enfance les bons réflexes, vu que nous n'étions pas confrontés à des aliments originels ni à une environnement capable de nous les procurer. L'enfant qui n'a mangé que des bouillies, des biscuits et du chocolat, ne réagit évidemment pas comme il le devrait le jour où on lui offre un produit brut.
Toutefois, l'inné reste largement présent, comme le montre l'exemple suivant : Mon père me filmait le jour où l'on me faisait goûter ma première orange, à peut-être six mois, après une période d'allaitement puis de bouillies (marque : Paidol, blé et lait garantis). On me voit d'abord faire une énorme grimace, puis quelques secondes plus tard, réclamer le quartier d'orange suivant d'un geste énergique de la main, et continuer le même manège jusqu'à un moment où je m'intéresse à autre chose. Il a donc suffi à mon cerveau de bébé de quelques instants pour reconnaître les avantages associés à une saveur inconnue, bien que décodée a priori comme répulsive. Puis après un certain nombre de quartiers, l'attraction a disparu spontanément. Il semble bien que l'inné a prédominé sur l'acquis, après un temps d'intégration de la perception gustative, fraction de seconde sans doute nécessaire pour le traitement de l'information sensorielle par des circuits cérébraux plus complexes que ceux de la perception immédiate. Voilà qui en dit long sur la puissance de l'inné, qui finalement l'a emporté sur l'acquis et a conduit au comportement approprié.
Bien d'autres observations m'ont convaincu qu'il existe effectivement chez l'être humain un instinct alimentaire. Toutefois, cet instinct ne doit pas être compris comme un ensemble rigide de réactions stéréotypées, mais comme un ensemble de tendances capables de se moduler et de s'organiser en fonction des contraintes du milieu. L'individu qui vit dans un pays tropical ne développera pas les mêmes réflexes que s'il était au contact des produits disponibles dans une zone tempérée. Cette adaptabilité des tendances instinctives n'est pas illimitée : la question est de savoir si les tendances innées qui se sont structurées au contact d'aliments dénaturés (cuits, assaisonnés, mélangés, plus aliments non originels comme le lait ou des plantes sélectionnées, céréales etc.), sont encore capables d'assurer un fonctionnement correct des sens face aux aliments bruts. Une structuration défectueuse est-elle réversible ou non ?
L'expérience montre qu'un mauvais apprentissage est en partie réversible, même assez rapidement : un fruit inconnu qu'on présente à un culivore invétéré est vite reconnu comme utile ou inapproprié, le plus souvent dès le premier essai. C'est-à-dire que les mécanismes alliesthésiques sont capables sans trop d'erreurs d'indiquer les doses correctes, même s'ils ont été mal intégrés dans la petite enfance, et transgressé à journée fait pendant des années. Les critères qui permettent de vérifier leur fonctionnement correct comprennent le confort digestif et les effets positifs sur la santé, notamment la régulation de la tendance inflammatoire, qui signale immédiatement même de faibles déséquilibres.
La difficulté n'est pas tant dans le fonctionnement de la perception sensorielle et de ses variations alliesthésiques, mais surtout dans l'attention portée à ces indications. Dans le contexte culinaire, le menu se choisit sans forcément tenir compte des attirances réelles du corps. De plus, les attirances ne correspondent pas à la valeur nutritionnelle réelle des aliments. Les odeurs et les saveurs des aliments apprêtés déjouent les mécanismes sensoriels, de sorte que l'habitude s'installe de choisir les aliments arbitrairement, à partir d'un souvenir de plaisir ou de désagrément, plus qu'à partir d'un besoin réel du corps. De même pour régler la quantité consommée de chaque aliment : il n'y a pratiquement jamais de virage franc de l'agréable au désagréable, de nombreux produits sont mélangés, les sens sont incapables d'assurer une régulation précise pour chaque aliment. De plus, l'individu a été privé dès le plus jeune âge des expériences de négativation alliesthésique qui auraient structurer les bons réflexes, d'où l'illusion qu'en continuant à manger il pourra prolonger le plaisir.
Comme on peut le voir chez des instinctos chevronnés, le réflexe d'arrêter de consommer l'aliment devenu désagréable au goût devient automatique, il se fait dès les premières variations, sans doute grâce au conditionnement dû aux petits malaises qui ont fait suite au dépassement de l'arrêt gustatif. Il s'agit là d'un apprentissage, qui peut être accéléré par l'attention volontaire portée aux indications des sens. Le cerveau semble mieux intégrer les "punitions" et les "récompenses" que constituent les sensations de malaise ou de bien-être faisant suite au dépassement ou au respect du guidage gustatif.
Chez une majorité d'instinctos débutants, la principale difficulté se présente au niveau des sensations de réplétion. On observe souvent une totale confusion entre la sensation d'avoir l'estomac plein, voire distendu, et la sensation de satisfaction signalant la couverture du besoin. On note aussi un confusion fréquente entre une faim authentique, correspondant à un réel besoin de nourriture, et le malaise digestif lié à une surcharge, signe qu'il ne faut au contraire pas prendre de nourriture. Certains recherchent systématiquement leur satisfaction dans une plénitude volumétrique (remplir l'estomac jusqu'à ne plus pouvoir), alors même que cette apparente satisfaction se traduit chaque fois par des lourdeurs digestives, du hoquet, des flatulences, et une exacerbation de la tendance inflammatoire (signe imparable de surcharge nutritionnelle).
Il faut donc intégrer toute une série de réflexes, faute de l'avoir fait au moment du sevrage, pour lesquelles on peut appliquer les règles suivantes :
Un (ré)apprentissage doit également s'effectuer au niveau de l'odorat. L'obéissance aux signaux olfactifs est sans doute l'objet des plus grandes résistances au respect des lois naturelles. Les animaux, notamment les mammifères, choisissent leurs aliments à partir de la perception olfactive, mais s'en remettre à son nez représente pour les êtres acculturés que nous sommes une sorte de renoncement au libre arbitre. Au lieu de pouvoir enfourner ce que l'on décide, il faut interroger son corps et lui obéir : c'est toute l'illusion de liberté, de puissance de l'ego qui vole en éclat. Ainsi s'explique la très grande difficulté de la plupart des instinctos à choisir leurs aliments par l'odorat, le mépris rencontré par cette règle pourtant élémentaire auprès de toutes sortes de détracteurs, voire l'agressivité parfois viscérale de certains individus au Moi particulièrement riche en ego.
Il est pourtant impossible de savoir autrement que par l'odorat, révélateur des besoins réels du corps, quel est l'aliment qui leur apportera la meilleure réponse. Une sélection olfactive précise présente de nombreux avantages : l'aliment qui répond au mieux au besoin est aussi celui qui aura la saveur la plus agréable, qui apportera la satisfaction la plus profonde, et dont on aura besoin d'une quantité moindre, donc le plus économe en énergie digestive. On tombe rarement sur une "phase lumineuse" (niveau de saveur correspondant à une réelle adéquation entre l'aliment, le potentiel digestif et les besoins du corps) lorsqu'on choisit les aliments au hasard. Alors que la sélection par l'odorat garantit le maximum de plaisir pour un coût énergétique (et financier !) minimal. Elle semble également donner au corps l'occasion de déclencher la sécrétion des enzymes digestives adéquates
Le (ré)apprentissage se présente de la manière suivante :
Autre point très important : chaque fruit, légume, ou autre produit naturel a sa propre échelle d'odeur et de saveur. Certains fruits sont extrêmement parfumés, alors que d'autres sentent à peine. Or, il ne faut pas tenir compte de l'intensité de l'attraction, mais du niveau d'attraction entre les deux extrêmes propres à chaque produit. Après un certain temps de rééducation, de repérage se fait spontanément. Au début, il nécessite une action consciente, consistant à savoir qu'un chou dont l'organisme éprouve un grand besoin sentira de toute façon moins qu'un melon, une cerise qu'une fraise, etc. Cette disparité résulte en partie de la sélection artificielle de fruits aussi parfumés ou goûteux que possible, qui finit par fausser l'échelle naturelle de repérage.
Il faut donc également réapprendre les échelles d'attraction olfactive et gustative des aliments bruts que l'on peut se procurer. Parfois, les odeurs restent très faibles : trois techniques permettent alors de mieux les percevoir :
Ces différents procédés peuvent paraître fastidieux au départ, mais avec un exercice suffisant, ils deviennent spontanés. Le gain de plaisir qu'ils assurent est une récompense qui les fait intégrer positivement (on peut constater que le niveau de plaisir aux repas est nettement plus élevé). La perte de plaisir lorsqu'on les néglige constitue une sorte de punition qui fait prendre conscience "organiquement" de leur importance. Le gain en bien-être, par exemple la régulation correcte de la tendance inflammatoire et son corollaire = absence de douleur en cas de lésion quelconque, assure de son côté une prise de conscience mentale.
De nombreux échecs dus au découragement, à de mauvais résultats, à un manque de plaisir, sont dus uniquement à la négligence que bien des débutants croient pouvoir opposer à ces principes, qui ne sont en définitive pas autre chose qu'une formulation claire du comportement alimentaire naturel.
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