la Moselle

Le projet Europort commence à se concrétiser : prévu pour l'arrivée des barges en provenance de la Mer du Nord, le trafic fluvial va donner une nouvelle vie économique au Port d'Uckange.

2013-2014 marqueront le début des travaux d'aménagement et la zone devrait connaître un véritable essor dans les quelques décennies qui arrivent.




Centrale de production électrique en aval de la ville,

à la sortie d'Uckange côté Thionville

Nous sommes bien loin des origines de la rivière qui tient son nom du début de notre ère (Mösel). Au premier siècle, la Moselle qui descend du haut du versant occidental des Vosges, ainsi que la Meuse, roulent toutes deux au travers de prairies facilement inondées et très marécageuses. Elles en ont reçu le nom de Moos, Mosel, la rivière aux marais, la petite rivière aux marais.

Pline écrivait que sous la période des Celtes se voyaient des castors qu'ils appelaient bibris (origine du nom de Bibiche, commune mosellane). On retrouve également des écrits indiquant que la rivière était peuplée de truites et que les oies et les grues y étaient en nombre (donnant leur nom latin ou gaulois à Gandren, Gandrange, Guénange, Guentrange ...)

Il y a peu et énormément à écrire sur la Rivière, presque autant d’encre que d’eau ont coulé, pourront dire certains. Pour ce qui est de l’usage qui en a été fait, elle a été un formidable moyen de transport de marchandises vers Metz et l’Allemagne et donc une bonne partie de l’Europe, elle contribua largement à l’enrichissement des Seigneurs de Richemont-Uckange de par les droits de passage et de pêche qu’ils imposèrent.

Elle contribua également à approvisionner, par les mêmes taxes, le trésor de Napoléon pour financer les Campagnes de Guerre et la Démocratie : Passage de Blettange, Guénange, Uckange, … Cattenom, Malling, Rettel … « registres des délibérations du Gouvernement de la République » du 5 germinal de l’an 12.

KCU

KAYAK CLUB UCKANGE

Un courrier de l’Ingénieur en Chef de la Moselle (le département) des ponts et chaussées à destination du Baron, Préfet, en octobre 1815, fait référence à une barque d’Uckange, échouée dans la Fensch , que tout le monde croyait perdue, et appartenant à l’administration. Thionville souhaite l’acquérir pour l’utiliser à la construction des fortifications et les tractations furent alors ouvertes. Ce n’est que grâce à l’exigeante procédure administrative de l’époque que nous redécouvrons ce genre d’anecdotes.

la revue Limogienne - tempête des 28 et 29 mars 1836

source Gallica


En 1862, un autre Ingénieur demanda, à un autre Préfet, la permission de faire construire une Nacelle (barque), les horaires du bac ne correspondant pas à ceux de Jean-Baptiste GUEVELER et François JULLIEN, charpentiers demeurant à Illange et œuvrant sur les chantiers de Monsieur Eugène Michel, marchand de bois de construction à Uckange. Un dossier de 6 pages conclut à un refus.

vue depuis la rive droite vers la Rue du Bac

Le bac dont il est fait occurrence existe depuis 1731 dans un acte du 17 décembre :

« les frères GESTAS DE L’ESPEROUX, Georges et Charles, ont droit au dit lieu, de back et passage sur la rivière Moselle vis-à-vis le lieu dit Euckange. Nous appartient en partie de la petite isle vis-à-vis la maison des Pères Jésuites du Noviciat de Trêves, au dit lieu, avec une rente de 10 sols deux pour la communauté d’Immeldange, payable tous les ans les lendemains de Noël ». Le 24 pluviôse de l’an 13, c’est Pierre OULER, qui assume cette charge contre 250 francs d’adjudication par an, son bac fait 9,5 mètres de longueur, son bail prend fin le 31 décembre 1813, il sera donné à M HOGENBILLE, et en 1870 à un certain Frantz MARTIN.

extrait de la LISTE DES TARIFS pratiqués par le passeur,

le 5 Germinal de l’an 12 : (26/03/1804) les prix sont indiqués en centimes

- Une personne non chargée : 5

- Denrée à bras d’homme : 5 pour 5 myriagrammes, 2 par myriagramme supp.

1 myriagramme = 10 kilogrammes

- Cheval ou mulet chargé : 8, 10 avec un cavalier, valises comprises

- Cheval ou mulet non chargé : 6

- Veau ou porc : 1

- Mouton, brebis … : 0,5

- Une voiture suspendue à 4 roues, du cheval ou mulet et du conducteur : 35 ...

On apprend aussi que les Ponts et Chaussées mirent en service un bac neuf le 17 juillet 1855 et que l’ancien fut mis en vente pour 100 francs. Et, suite aux améliorations de la navigation de la moitié du 19ème siècle, le bac devra se déplacer légèrement en aval, face à la rue du Bac, qui, elle, ne date que de 1944.

C’était, avec les deux ponts, construits en 1930-1931 et détruits à la Seconde Guerre Mondiale par les troupes alliées, le seul moyen pour le public de traverser la rivière à Uckange, le pont que nous connaissons aujourd’hui au sud de la commune étant sur le territoire de Richemont. Ces ouvrages avaient déjà été détruits en 1940, puis reconstruits. Traduction de l’article de presse paru en septembre 1940 :

" plus de 400 ouvriers trouvent actuellement une activité salariée à la construction des deux ponts qui traversaient la Moselle entre Uckange et Guénange. On avait fait sauter ces ponts en juin dernier comme 2.500 autres ». Le chantier de reconstruction fut confié à l’entreprise NOLL de Frankfort. Ces deux pont ne résistèrent encore une fois pas longtemps aux bombardements alliés de 1944. "

1933

1940

1940 - avant bombardement

1940 - après bombardement

Au 19ème siècle, dès 1840, les bateaux à vapeur à fond plat, succédant aux halliers (bateaux tirés par des chevaux), empruntèrent la Moselle pour le transport de passagers.

Une escale des navires de la société les « Inexplosibles de la Moselle » sur la voix de Nancy à Trêves, ouverte en 1843, permit, au total, à 529 passagers d’embarquer à Uckange au prix de 1,25 francs en 1ère classe et 1 franc pour les secondes.

Peu rentable, la compagnie fermera ses portes en 1847, et les autres tentatives avorteront définitivement avec l’avènement en 1855 des chemins de fer. En cette période, seul le Mosella, propriété des de Wendel, circulera pour le transport de coke, nécessaire aux haut-fourneaux, les cargaisons seront alors acheminées depuis le port d’Uckange aux forges de Hayange par la ligne de train des de Wendel de 1843.

Tous ces navires feront escale au « nouveau port de Wendel » inauguré en 1843. Le « vieux port » dit de Lampen, dans la partie richemontoise du village, devenu inadapté pour l’accueil du trafic grandissant, finira ses jours en douceur.

Bien que la rivière fût toujours draguée (13 ouvriers étaient préposés à la dragueuse à vapeur d’Uckange en 1907), ce n’est qu’en 1928 que la canalisation, projetée par décret du 10 avril 1867 et interrompue par la guerre de 1870, de la Moselle commence, les deux premiers lots de travaux ont été adjugés à des sociétés allemandes dont l’une établira ses bureaux à Uckange. On apprend dans un rapport du 4 décembre 1931, Nancy : « le barrage d’Uckange est entièrement terminé et les essais auxquels on a déjà procédé ont été satisfaisants ».

1963 - péniche bloquée sur la Moselle gelée

Enfin, le 28 octobre 1947, à Coblence, le projet d’amélioration de la Moselle, aménagement en rivière navigable, vit le jour. Les travaux s’achevèrent en 1954.

Tous ces aménagements étaient plus qu’indispensables si l’on voulait pouvoir utiliser au mieux la rivière, car, au moins jusqu’en 1841, le passage à gué était possible.

Un peu avant 1939, un club de kayak avait élu domicile à Uckange, ajoutant ainsi à l’exploitation commerciale des eaux, une activité de loisirs qui n’a malheureusement pas survécu à la Seconde Guerre Mondiale.

Le 9 novembre 1942, une montée des eaux de 16 centimètres occasionna un accident, le « PONTAMOUSSON Nr 6 », au quai de la Neunkircher Eisenwerk depuis le 30 octobre, a appareillé, son mât a accroché le portique du port et est tombé. Rapport d’incident de l’ingénieur de service du port de l’usine.

Septembre 1944, les troupes du Génie US lancent sur le plan de retenue des eaux du barrage d’Uckange le plus long pont de bateaux de la guerre en Europe (233,33 mètres).

INONDATIONS DE 1947

INONDATIONS DE 1947

Les siècles se sont émaillés d’inondations :


On notera entre autres des crues le 17 juillet 1743, le 17 décembre 1740, en 1778, en février 1784, en octobre 1878, les 11 et 26 décembre 1915, le 18 février 1916, en janvier et février 1918, en 1933, 1955, 1956, 1958, …

La canalisation de la rivière permit de limiter au 20ème siècle l’importance et la quantité de ces crues. On notera toutefois le caractère exceptionnel des très fortes montées des eaux en novembre 1944, qui coûtèrent la vie à de nombreux soldats américains, qui, après avoir traversés en direction de Guénange, se sont retrouvés, plusieurs jours durant, bloqués entre les eaux et le tir de barrage ennemi.

La crue de décembre 1947, janvier 1948, fut si soudaine, que des vaches périrent noyées dans leur enclos, leur propriétaire n’ayant même pas eu le temps de les mettre à l’abri.

Enfin, en avril 1983, et bon nombre d’entre nous s’en souviennent encore, l’inondation bloqua tout le village pendant les vacances de Pâques.

Les statistiques officielles sur les crues de la Moselle, tirées des relevés de la balise d’Uckange donnent quelques informations tels que les maxima de référence (niveau des eaux en mètre). On en ressortira quelques dates :

1947, +7,45 mètres ;

oct-1981, +4,25 mètres ;

déc-1982, +5,24 mètres ;

avr-1983, +6,40 mètres ;

mai-1983, +6,06 mètres ;

déc-1993, +5,22 mètres ;

jan-1995, +5,09 mètres …

Il est admis qu’à +2,80 mètres, il s’agit d’une crue, à +3,40 mètres d’une inondation et à +5,00 mètres une crue grave. Heureusement l’action des pompiers d’Uckange a très souvent permis d’en limiter les conséquences.

En fonction de la cote, les alertes déclenchent la pose de barrières au pont inférieur SNCF, à +4,33 mètres début des appels pour relevage Route de Thionville et Metz, jusqu’à la cote +4,81, où les barrières ferment alors l’accès à la rue de la Moselle.

Ce sont également quelques unes de ces crues qui sont à l’origine de la disparition d’une grande partie de la mémoire d’Uckange. Les inventaires de 1844, 1862 et 1863, un recollement de 1850, des correspondances de 1858 à 1861 ... toutes ces anciennes archives communales furent détruites à jamais par les eaux en 1947, 1954 et 1983.

LES INONDATIONS DE 1983

PLACE DE LA REPUBLIQUE

RUE JEANNE D'ARC

RUE JEANNE D'ARC

RUE ET PLACE DE L'EGLISE

RUE DE LA GARE - à droite le sporting

RUE DE LA GARE - au fond, la Mairie

PLACE DU VIEUX MARCHE

ANGLE DES RUES DE LA GARE ET DE L'ANCIENNE POSTE

RUE DE THIONVILLE

Les dérèglements climatiques peuvent entraîner de nouvelles crues spectaculaires, bien que nous connaissions depuis quelques temps déjà des niveaux d’eau assez bas. Pour l’instant, la Moselle se contente de venir occasionnellement rendre visite aux caves enterrées et aux maisons situées en contrebas, sur sa rive, comme elles ont pu le subir au 1er janvier 2002 ou à l'hiver 2017-2018,

mais qui sait ce que nous réserve encore l’avenir ?




1947, rue de la Moselle



1947,

devant la gendarmerie,

au 2 rue de Metz