des Danubiens aux Gallo-Romains

vendredi 23 octobre 2009 :

quand Uckange réunit les scientifiques

Conférence : La nécropole d'Uckange

Dans le cadre de l'exposition D(is) M(anibus), pratiques funéraires gallo-romaines réalisée en partenariat avec l'Inrap, au Musée des Pays de Sarrebourg (Moselle).

à 20 h 30 : Magali Mondy, Arnaud Lefebvre, archéologues à l'Inrap, présenteront une conférence sur la nécropole d'Uckange dont des objets découverts sur le site sont actuellement exposés au musée.

Il y a plus de 5.500 ans, nos très lointains ancêtres ont commencé à s’installer sur les terres de notre commune. Les préoccupations étaient simples en ce temps : il fallait trouver un site favorable à la culture, à l’élevage et à la pêche tout en conservant un accès aisé à l’eau. Les rares guerres tribales ne justifiaient pas encore de rechercher un point stratégique en hauteur pour faire face à une attaque ennemie.

Les sols, fertilisés par les crues d’une rivière, que l’on nommera bien plus tard La Moselle, étaient suffisamment riches pour fournir la nourriture aux hommes et au bétail. C’est ainsi que les Danubiens posèrent les fondations d’une société dans un petit coin du Nord-est de ce qui allait devenir la France.

L’un des très rares vestiges de ce lointain passé uckangeois fut découvert en 1996.

A proximité de la route d’Ebange, alors que des fouilles mettent au jour des objets de la période de l’âge du fer, le corps d’un garçon de 14 ou 15 ans a été exhumé, la datation a permis de déterminer qu’il a été enterré à l’époque du Campaniforme, il y a près de 4.000 ans. Dans sa tombe furent découverts également des pointes de flèches ainsi qu’un vase, accessoires funéraires qui accompagnaient le mort dans l’au-delà.

Cette découverte fait suite aux différentes mises au jour des années 70.

En fait le premier vestige de renom a été trouvé en 1969, lors de la laboure d’un champs au lieu-dit Buderfeld, il s’agit d’un morceau de soc de charrue (soc d’araire) en métal. L’année suivante, alors que des travaux de terrassement pour l’édification d’un pylône électrique ont lieu, puis en 1975, pour l’installation d’une conduite de gaz, plusieurs fosses d’époque danubienne sont exhumées sur ce même site. Il en découlera une campagne de fouille en 1978.

Ce sont ainsi, situés dans plusieurs fosses, quelques milliers de silex taillés, de morceaux de poteries décorées, des herminettes … qui sont ressortis du fond des âges et sont les témoins exceptionnels d’une activité humaine importante sur le site.

Puis, alors que les hommes s’organisent en Société, les siècles s’écoulent tranquillement dans les campagnes et aux abords de la rivière, nous nous retrouvons près de trois mille ans plus tard à l’époque des Gaules.

DEBUT DE NOTRE ERE

entre - 100 et - 50 av JC

LES POPULATIONS RURALES DE LA MOSELLE AVANT LES COMMUNES,

d'après le texte de M. ABEL - 1863 - Mémoires de l'Académie Impériale

définitions :

MEDIOMATRIQUES : appelés aussi Médiomatrices du latin Mediomatrici, étaient un peuple de la Gaule belgique. L'actuel département français de la Moselle correspond à une partie de leur territoire. Un de leurs oppidums était à Divodurum Mediomatricorum (Metz) au confluent de la Seille et de la Moselle sur les Hauts-de-Sainte-Croix ; deux autres sites, remarquablement bien conservés, se trouvent à Pierrevillers - Rombas et à Vitry-sur-Orne. Le premier à mentionner ce peuple est Jules César, dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules ( - 52 av JC)

TREVIRES : (latinisé en Treveri) Ils étaient un peuple celte du groupe belge, localisé dans l’est de Gaule (Gaule belgique ou Belgica selon la terminologie des auteurs romains). Leur nom est à l'origine de la ville de Trèves.

A l'exception de Divodurum Mediomatricorum (Metz), les historiens latins ne nous ont transmis presque aucun document sur les localités fondées par les Médiomatriques.

Il ne faut pas en conclure que notre pays fut désert et que nos pères vivaient ramassés derrière les murs cyclopéens de la forteresse messine créée à la jonction de la Moselle et de la Seille.

Les Médiomatriques, comme toute la nation celtique, vivaient au milieu des champs et des forêts, s'occupant de chasse, de pêche, d'élevage et de labour. Ils se nourrissaient beaucoup de viande, aussi étaient-ils musculeux et leur grande taille en imposait aux Romains. Aristote rapporte que pour endurcir leurs enfants ils les plongeaient. dans l'eau froide des fleuves à leur naissance.

L'agriculture gauloise y était assez avancée pour émerveiller les Romains. Pline raconte avec étonnement que sur les rives de la Moselle, chez les Trévires, quand les semailles d'automne gelaient, on semait du nouveau blé en mars qui donnait une abondante moisson trois mois après.

Ils cultivaient le froment, le seigle, l'orge, le lin, le chanvre ; ils tissaient des toiles de navire et des étoffes de laine très recherchées. Ils connaissaient les plantes sarclées, et Columelle dit qu'ils ne nourrissaient leurs boeufs qu'avec de la betterave. Les pêches, la carotte des Gaules étaient renommées.

Les Gaulois fabriquaient de la bière avec une espèce de blé appelé brace, qui donnera le nom brasseur. Ce qui prouve à quel point !'élevage du bétail était arrivé le long de la Moselle, c'est que Néron ne se faisait conduire que par des mules du pays des Trévires.

Tous les cours d'eau qui sillonnent notre région existaient du temps des Médiomatriques. Presque tous portaient déjà des noms rappelant ceux sous lesquels nous les connaissons aujourd'hui tels la Moselle, l'Orne et la Fensch (les 3 cours d'eau encadrant Uckange).

C'est le long de ces cours d'eau, à l'ombre des forêts, que vivaient les médiomatriques. César nous apprend que les Belges avaient la coutume de défendre leurs propriétés par une clôture végétale formée d'arbustes épineux, greffés les uns dans les autres et marcottés la tête en bas, de façon à former un mur impénétrable dont la couleur verte se confondait avec celle des arbres et des herbages voisins.

Chaque domaine rural était ainsi entouré de ces haies que les Médiomatriques appelaient IAC. Il en résulte que chaque propriété rustique prit le nom de IAC ou enclos (donnant aujourd'hui les noms de villes locales finissant par Y tels Fey, Argency, Corny, Ay ... par AC et ses dérivés tels Montenach, Rombas, Forbach ...)

Mais Il n'y avait que des villages habités par les Médiomatriques. Si cela avait, toute la région du nord et de l'est du département de la Moselle aurait été quasiment déserte à l'époque celtique.

Les Belges, peu différents de la race gauloise, se fondirent avec les Celtes plutôt que de les refouler.

Tandis que les Médiomatriques se réunissaient autour de Metz, une peuplade belge vint s'implanter le long de la Moselle, à quelques heures de marche au sud de son embouchure dans le Rhin. Ces nouveaux venus, habiles éleveurs de chevaux, s'appelaient les Trévires.

Ils prirent la Gandra (passant par Gandren) et la Canner (passant par Kédange) comme limites.

Devenus sédentaires, ils vécurent dans des enclos formés par des arbustes entrelacés comme les médiomatriques, mais qu'ils appelaient INGEN (Ingenent signifiant "arbre greffé en fente").

Une partie des Germains suivait cette coutume, tandis que d'autres vivaient dans des maisons, et d'autres, les plus nombreux, restaient nomades, de là la division en ingewohnen (habitants des enclos), histewonen (habitants des maisons) et wehrmann (hommes de guerre), ce que Pline et Tacite ont retranscrit en Ingevones, Istevones et Hermiones.

Les Trévires ont donc fondé au nord de la Gandra et de la Canner un grand nombre de domaines auxquels ils ont donné le nom de ... INGEN. Les villages restés Allemands ont conservé cette forme en INGEN tandis que les villages en France ont pris la forme romane de ANGE tel UCKANGE (UECKINGEN pendant l'annexion de 1871 rappelons le).

Il est remarquable que les localités à désinence celtique ey ou y ne se fusionnent pas avec celles à désinence belge en ingen. On peut même très facilement noter sur une carte topographique le point de séparation entre l'usage de ces deux désinences et, chose très instructive, cette ligne séparative de l'élément celtique et de l'élément belge, correspond à peu près avec la ligne qui séparait les villages allemands d'avec les villages français.

Cette ligne n'est pas une simple affaire de convention, elle était la même depuis des siècles (jusqu'au début du 20ème siècle), tracée par les villages où l'on parlait les deux langues : Ottange, Angevillers, Algrange, Knutange, Hayange, Florange, Uckange, Bertrange, Guénange, Rurange, Luttange, Aboncourt, Hestroff, Drogny, Ottonville, Coume, Boulay, Brecklange, Condé-Northen, Votmerange, Warize, Raville, Guinglange, Faulquemont, Mainviller, Morhange, Rodalbe, Torschviller.

Les Médiomatriques ayant fait leur soumission à César, furent traités en peuples alliés des Romains. Ils conservèrent leurs coutumes, leurs magistrats, mais ils reçurent au milieu d'eux des fonctionnaires chargés de nourrir les troupes et de percevoir l'impôt annuel. César s'empara d'une grande partie des terres des Gaulois pour les distribuer à ses légionnaires. Le territoire mosellan subit la même loi et notre pays connut bientôt les mœurs industrielles et agricoles de l'Italie. Les dénominations latines apparurent le long de la Moselle, se mariant avec les expressions celtiques. Ainsi les Romains avaient l'habitude de circonscrire leurs propriétés rurales d'un fossé, d'un vallum, et l'enclos en prit le nom de villa.

La villa était donc la forme latine du iac gaulois et du hingen belge. Peut-être plusieurs de nos villages qui portent des noms terminés par VILLE ou COURT sont-ils les restes d'anciens domaines créés du temps des Romains?

extrait de la Peutingeriana Tabula Itineraria, ou carte des étapes de Castorius (source IGN)

Konrad PEUTINGER reproduit au XIIIème siècle une carte où figurent les routes et villes principales de l'Empire romain

et dont la date estimée oscille entre +50 et +350

texte en rouge = ajouts pour vous aider à vous situer

Nous ne connaissons que très peu de vestiges Uckangeois de cette période Gauloise puis Gallo-Romaine, peut-être n’y avait-il plus d’activité locale permanente sur le site d’Uckange ou encore il est probable que la crainte des invasions barbares ait fait fuir tous les résidents vers des villages ou des villes de taille plus importante ou, tout simplement, les traces de ce passé attendent encore d’être découvertes.

Seule certitude que nous puissions avoir, c’est que la vallée était animée par le trafic important de la Voie Romaine, menant de Metz à Trêves elle traverse de part en part le ban d’Uckange.

Toujours est-il que quelques pièces ont subsisté de cette période.

Ainsi en 1933, au même endroit, sont trouvés les restes d’un cheval en pierre, long de 1,15 mètre et haut de 62 centimètres, un morceau de tête d’un homme barbu de 17 centimètres et une seconde tête d’homme de 22 centimètres, le tout à 1,5 mètre de profondeur au sud-est du village, aux abords de la Moselle, au lieu-dit LAMPEN, sur le ban de Richemont.

Dix ans plus tard, sur le secteur du Moulin de Brouck, à proximité du chemin menant à Fameck, alors qu’une sablière y est exploitée, des morceaux de poteries et de tuiles, les restes d’un puits profond de 7,5 mètres, une grosse pierre de taille et 4 poutres en chêne sont découverts. Dans « la Moselle Gallo-Romaine » de 1991, Marcel LUTZ évoque la possibilité que ce site fut « une tuilerie romaine dont la façade aurait mesuré 100 mètres ».

En 1960, dans une autre sablière, dans le bois du Saint-Hubert, secteur d’Uckange, un front de taille haut de 12 mètres, permettra de découvrir un nouveau puits au fond duquel seront trouvés les restes d’une sculpture qui représente trois fois la déesse Gauloise EPONA. Long de 70 centimètres, pour une hauteur maximale de 32 centimètres, ce bas-relief reste incomplet.

Abandonné par les ouvriers du chantier d’extraction, ce monument historique ne sera retrouvé que deux ans plus tard par hasard et de nouvelles fouilles ne permettront pas de retrouver la partie manquante.

En 1977, de probables restes d’une maison sont mis au jour au Buderfeld, c’est tout du moins les conclusions qui découlent de la découverte de morceaux de tuile et de poteries sur ce site qui conserve certainement encore d’autres merveilles de notre antiquité.

Nécropole de la Rue Jean Moulin

Identifiant de l'opération archéologique : F1357200100146

Préalablement à l'extension de la gendarmerie d'Uckange, des sondages ont été prescrits par le service régional de l'Archéologique en raison de la proximité de vestiges gallo-romains avérés sur ce secteur. Ceux-ci ont permis de mettre au jour, sur les 1 400 m2 sondés, trois angles de fondations d'un bâtiment gallo-romain de forme rectangulaire de 12 m x 5,50 m. Des fragments de tuiles romaines (tegulae) ont également été mises au jour dans ces sondages. Une fouille complémentaire, ainsi qu'un décapage, ont été réalisés.

Bien que très partiellement reconnue lors de la fouille de 2001, la nécropole de la rue Jean Moulin, à Uckange, a également livré des restes de crémations humaines datées du IIe-IIIe siècle ap. J.-C., la construction, sans doute un enclos, un mausolée ou un ustrinum fonctionnant en même temps que les crémations, ainsi que huit inhumations qui nous apportent de précieuses informations concernant les modes funéraires pratiqués à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle ap. J.-C. Ces inhumations appartenant à une période chronologique relativement resserrée ont permis de mettre en évidence la diversité des pratiques funéraires en usage durant l’Antiquité tardive, comme l’utilisation de coffrage en bois ou de cercueil chevillé, de cercueil cloué, de tronc évidé ou encore de chambre funéraire. Ce dernier type, qui semble préfigurer certaines tombes du haut Moyen Âge, demeure sans doute à ce jour le plus rare et le moins bien documenté.

source : http://rae.revues.org/7739

Vues de la sépulture 16 et du mobilier renversé (photos A. Lefebvre)

En fait, les très nombreuses mises au jour de vestiges antiques dans la région permettent d’affirmer que le site n’a, depuis quelques milliers d’années, jamais été laissé inhabité. En effet, les récentes découvertes en 2005 (ZAC Sainte-Agathe à Florange) des traces de deux maisons avec leurs dépendances et leurs fosses ont permis de compléter la connaissance que l’on a pu acquérir lors des fouilles antérieures. En 2006, toujours sur le ban de Florange, les fondations d’une villa Gallo-Romaine, complèteront encore cette base de données Historiques.

Mené par l'INRAP (Institut National des Recherches Archéologiques Préventives) et suivie par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), le programme de fouilles, d'interprétation et de restauration, permettra certainement, dans les décennies à venir, de compléter encore la connaissance que nous avons de nos lointains ancêtres.