LA LIBERATION

Chronologie de la fin de la guerre à Uckange

Nous n'avons pas la chance d'avoir retrouvé un journal, à l'instar du Journal de Gustave NOEL sous la période de 14-18, pour le suivi de la vie sous l'occupation. Par contre les renseignements et le déroulé des opérations lors de la libération de la ville sont assez nombreux pour retracer précisément cette période de la fin de 1944.

la Bataille d'Uckange, l’une des dernières avant l’entrée en Allemagne.




dans les rues d'Uckange,

probablement rue du Presbytère (à confirmer)

1944


bonnet Lorrain porté lors du défilé de la libération d'Uckange


Début Août :

L'Abbé BARTHEL, Curé d'Uckange, lieutenant de réserve, avec Emile WEBER, Mathias MERGEN, Edgar SCHNEIDER et Jean CUISINIER, ont étudié ensemble la mise sur pied de la brigade FFI d'Uckange.

Aloyse BARTHEL crut que sa fonction ne pouvait lui permettre d’assurer activement le commandement de la brigade, aussi Jean CUISINIER fut désigné pour remplir cette fonction.

Ce curé sera, un peu plus tard, connu des services nazis pour ses idées anti-allemandes et quand arriva un télégramme à la Feldgendarmerie, alors installée dans la ferme Plassiart, avec cet ordre « Fusillez le curé BARTHEL sur le champs», un de ses servants eut juste le temps de l'avertir, lui sauvant la vie in extremis.

Le 3 Août :

Formation officielle de la brigade des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) à Uckange. Cette brigade faisait partie de la section C (général ALLEMANDET), secteur de la Fensch et compta un effectif jusqu’à 62 hommes actifs.

Dès ce jour, la brigade communique clandestinement, malgré les avants postes de la Wehrmacht qui gardait les sorties du village, des renseignements concernant les positions allemandes aux troupes alliées.

Du 31 Août au 1er Septembre :

Devant l'avancée des troupes américaines, la population allemande d'Uckange, les officiels, les SAA et les feldgendarmes fuient la localité.

Puis les femmes et les enfants seront évacués à leur tour, leur départ s’étalera sur une vingtaine de jours, Uckange entre officiellement dans la zone de feu.

Le 5 Septembre :

Au soir, la 90ème Division d’Infanterie US reçoit l'ordre général n° 10 : se déployer dans le quadrilatère Longuyon, Contz-lès-Bains, Briey et Etain en vue de prendre Thionville et les passes de Briey, Uckange et Malling. Cette mission avait également pour but le franchissement de la Moselle pour marcher sur Trèves et Sarrelouis, tout en couvrant, au nord, l'attaque principale du 20ème corps sur Metz.

A cette date, les ponts d'Uckange et de Thionville ne sont pas encore détruits.

Le 6 Septembre :

L'état-major de la 90ème DI US (général McLAIN) s'installe à Etain dans la matinée.

Le 7 Septembre :

Le CCA de la 7ème division blindée (colonel ROSEBAUM) marche sur Amnéville et Mondelange et le 357ème Combat Team (CT) attaque Briey. L’ennemi fuit vers Hayange, Florange et Thionville (lieu d'engorgement).

Le 8 Septembre :

Pendant leur retraite dans la vallée de l'Orne, des éléments de la 559è VG, division allemande, feront sauter le pont routier à l'embouchure de l'Orne à Richemont malgré la présence de la CCA qui devra rejoindre Thionville en passant par Uckange.

Le 9 Septembre :

La 559ème VG Divizion, tenant toujours la vallée de la Fensch, se fait attaquer par la 90è DI US.

Objectif : les encercler et les éliminer avant l'attaque de Thionville.

Le 10 Septembre :

Le 357ème CT est pris à parti par des tirs ennemis sur les hauteurs de Hayange. Il se replie et, par la vallée de Ranguevaux, va déborder Hayange par Morlange et Fameck, en direction de Florange et d'Uckange.

Le 11 Septembre :

Le 357ème CT du colonel BARTH pénètre dans Florange, et l’un de ses bataillons engage la marche sur Uckange.

Le 12 Septembre :

A 8H00, les Américains entrent dans Uckange par la route de Hayange.

A 11H00, l'infanterie US entre à son tour par la route de Budange.

UCKANGE EST LIBEREE.

La section FFI se met dès lors à l'entière disposition du Commandant Allié.

Le 13 Septembre :

Libération de Thionville par le 20ème corps du Général WALKER. Le Général McLAIN et son état-major s'installent à l'hôtel Métropole (ex-Kommandantur).

Le 20ème corps tient la rive gauche de la Moselle de Contz-lès-Bains à Uckange où il s'apprête à franchir la Moselle. Le soir, un ordre radio, signé PATTON, annule le passage de la rivière : Metz doit d’abord tomber, ce qui ouvrira la porte du Rhin.

Le plus gros des troupes de la 90ème DI US quitte donc Thionville et Uckange pour se porter sur la Préfecture. Là, ils se heurteront à une résistance farouche de l'ennemi, barricadé dans les forts de défense autour de Metz.

Mi-Octobre :

Les FFI effectuent plusieurs missions avec le 2ème bureau (BCRA et de Noalles alias Tetras Lt Babylone). Elles avaient pour but de recueillir des renseignements sur l'ennemi en se portant sur la rive gauche de la Moselle. Marguerite SCHMITT s’est vue chargée avec succès de cette mission par le 2ème Bureau.

Deux jours plus tard, alors que les FFI doivent la récupérer, le pneumatique est mis à l'eau et c'est l'attente du signal. Du bruit sur l'autre rive éveille l'attention et quelques instants plus tard, une forme sombre se dirige vers eux. C'était une barque nazie contenant 5 à 7 hommes. Les laissant s'approcher à une vingtaine de mètres, sur ordre, ils tirent sur l’embarcation deux rafales.

Elle sera retrouvée le lendemain matin à 800 mètres plus en aval. Après cette découverte, la riposte allemande suivra immédiatement, les mitrailleuses et mortiers visent alors vainement la direction des FFI. Ont pris part à cette mission TRITZ, MULLER, KIEFFER et REMELSKI.




prise de guerre - dans les rues d'Uckange

Mi-Septembre - Début Novembre :

Les transports alliés s’organisent et se renforcent. Le contrôle du front à Uckange est tenu par seulement quelques éléments du 358ème CT de la 90ème DI US, aidés dans leur tâche par la brigade au complet des FFI.

Il est fréquent que des patrouilles ennemies passent la Moselle de nuit pour glaner des renseignements à Uckange. Deux allemands, sortant de l'usine seront repérés par un américain embusqué dans une cave, il fera mouche par deux fois.

Uckange est coupée de toutes communications de par le feu nourri des allemands et les FFI Uckangeois assurent le ravitaillement de la commune en nourriture.

A la suite de l'évacuation des femmes, enfants et vieillards, sur 20 jours, ce seront encore les FFI Uckangeois qui, avec courage et dévouement, ravitailleront leurs concitoyens en leur faisant parvenir de la nourriture.

Des batteries de canons sont placées par les américains à quatre endroits stratégiques : au Moulin du Brouck, sur l’actuelle zone artisanale route de Vitrv, à l'entrée du bois de Budange et dans la cour de la ferme BELLINGER, route de Thionville. De même, un char, caché dans la cour de la ferme PLASSIART, est pointé vers la Moselle, son canon dépassant légèrement par un trou dans le mur d’enceinte. Les différents tirs étaient notamment ajustés grâce aux renseignements transmis par radio du haut du haut-fourneau N°2 de l'usine par le sergent-chef de char MACOVIACK sur les indications du FFI REMELSKI qui réussissaient à se comprendre en polonais.

Le 2 Novembre :

Comme de petits détachements allemands traversent toujours la Moselle de nuit pour s'infiltrer, le Commandant américain donne ordre et instructions aux FFI de patrouiller.

Dans la nuit du 2 novembre, l’une d’elle, commandée par Mathias MERGEN, un accident se produisit : l’un des FFI, avant d'entrer au poste, désarme sa mitraillette, mais en retirant le chargeur deux coups partent accidentellement et touchent Lucien WALDUNG. Né le 23 novembre 1913, à Guénange, il décède le 5 novembre 1944 et repose désormais au cimetière de Marspich.

Le 3 Novembre :

Suivant les ordres de la IIIème US Army, le général WALKER, commandant le 20ème Corps, donne l’ordre de combat N°12 à ses troupes pour la libération de Metz.

Le 7 Novembre :

L'ATTAQUE EST IMMINANTE.

Depuis trois semaines, il pleut abondamment jour et nuit et ce jour là la pluie tombe sans discontinuer pendant 24 heures.

Le 8 Novembre :

L'ordre d'attaque général coordonné est donné.

La 90ème DI US revient à Uckange et Thionville.

Soutenu par le 320ème Bataillon de Génie de Combat, le Premier Bataillon du 377 CT du Lieutenant-colonel Joseph E. DECKER, en réserve du corps d'armée à Batilly, se déplace par la vallée de l'Orne et lance ses opérations de diversion à Uckange (Opération Casanova). Le 1er Bataillon est choisi pour franchir la Moselle à Uckange.

Tous les signes de reconnaissance de la 95ème DI sont retirés, de faux messages radio sont donnés et les hommes arborent les insignes du 359ème DI alors que ce dernier fait route sur Aumetz : IL FAUT TROMPER L'ENNEMI.

La mission du 95ème est de franchir la Moselle et d'occuper Bertrange-Imeldange, mais les terribles conditions climatiques feront annuler l'appui aérien prévu sur la rive droite, pourtant la préparation d'artillerie est maintenue.

Au crépuscule, une compagnie du 320ème Bataillon de Génie traverse en bateau la Moselle à Uckange, elle fait sauter les mines et ouvre un passage au travers du réseau de fils barbelés. A 21 heures, la compagnie C du 377ème RI US lance 17 embarcations.

Les allemands sont alors positionnés sur une digue parallèle à la route Thionville-Metz. Le petit groupe de fantassins poursuit son avancée sur la plaine inondée et se retranche à 400 mètres de la rive de la rivière en attendant les renforts prévus pour le lendemain.

Dans la nuit du 8 au 9, une tête de pont est lancée. C'est la compagnie B du 135ème Bataillon de Génie de Combat et le 1139ème Groupe de Bataillon de Génie Pontonnier qui ont cette charge, sous les ordres de Lieutenant-colonel DECKER.

Le 9 Novembre :

Aux toutes premières heures du jour, c'était au tour de la compagnie A d'être transférée sur l'autre rive. La réaction du 73ème Régiment de Grenadiers de la 19ème Volksgrenadier Divizion allemande, tenant le secteur de la rive droite, est foudroyante. Artillerie et mortiers frappent le site de l'Opération Casanova. Les compagnies C, M et L du 161ème couvrent la vallée d'Uckange d’un brouillard artificiel.

ET C'EST LE DRAME !

La Moselle nourrie par des pluies torrentielles a fini par déborder. La vitesse du courant s'est fortement accrue, emportant tout sur son passage et empêchant également la construction du pont d'Uckange. Cette crue subite a emporté tous les ponts et ouvrages en amont. La vallée de la Moselle, de Metz à Uckange, n'est plus qu'un immense plan tumultueux noyant les deux rives. A Uckange, le plan de retenue d'eau à tripler de taille en seulement quelques heures et la route de Metz à Thionville est sous les eaux entre Richemont et Uckange.

Le premier bataillon du 377ème se retrouve donc isolé sur la rive droite aux portes de Bertrange-Imeldange. Cet isolement durera trois jours et les combattants n’auront d’autres choix que de creuser des trous d’homme (on imagine dans quelles conditions). La situation, pour eux, était désespérée et ils n’ont pu tenir que grâce aux largages de ravitaillements et munitions par de petits avions type L4. Dix de ces avions feront la navette à basse altitude, et livreront avec précision 1080 rations K, 46.000 cartouches, 4.000 coups pour mitrailleuses de 50, des médicaments, des cigarettes ...

Le 10 Novembre :

En vue de la traversée en force de la Moselle, les derniers civils d'Uckange sont évacués. Comment va faire le 1139ème Groupe de Bataillon du Génie Pontonnier pour lancer son pont de bateau à Uckange?

Il est vital de lancer ce pont flottant. Pour ce faire le 1139ème va tenter de faire baisser le niveau d'eau en actionnant dès le 10 Novembre les vannes du barrage en aval du village.

Mais le volume d'eau est trop important et il ne faut pas perturber l’établissement d’une autre tête de pont sur Thionville.

Le 12 Novembre :

Tous les Uckangeois sont autorisés à regagner leur foyer

Le 13 Novembre :

Suivant les ordres du 20ème Corps, le Général Major TWADDLE, de la 95ème DI US, donne l’ordre de combat au Lieutenant-colonel DECKER : « Faites passer sur la rive droite votre Compagnie de Réserve A et que le 1er Bataillon du 377ème CT enlève et tienne le village de Bertrange-Imeldange. Il sera soutenu par une compagnie de Tanks Destroyers qui, de la rive gauche, (Richemont - Uckange sud), vous couvrira de ses feux directs»

extrait de la page 2 du NEW YORK TIMES DU 14 NOVEMBRE 1944 :

Le 14 Novembre :

Dans la nuit du 14 au 15, le fort d'Illange est encerclé par les troupes américaines ayant franchi la Moselle à Thionville. Les allemands refusent de se rendre. Le Colonel MAROUM demande par radio, des tirs de 155 à 240 mm depuis d'Uckange.

Le fort tombera le 15 Novembre à l0Hl5.

Le 15 Novembre :

Le pont de bateaux d'Uckange est enfin terminé. Ce qui était une gageure au départ devint un exploit technique effectué sous les feux de l'artillerie ennemie: lancer un «Heavy Ponton Bridge» flottable, de la classe quarante tonnes de charge et de 765 pieds soit 233,30 mètres, sans compter les deux avancées, malgré la force du courant et les terres riveraines sous les eaux. Le mérite en revient au 180ème Groupe de Bataillon de Génie Pontonnier de Soutien de la 95ème DI US, qui, avec le pont d'Uckange, a construit l'ouvrage le plus long de toute la guerre à l'Ouest.

Co A 180th Engineer Heavy Ponton Bn

Bridges over the Moselle, Rhine and Elbe

http://dcrowley.home.pipeline.com/103rd180thengr.html

Durant sa construction, un bataillon du 377ème CT a dû franchir la Moselle au pied du barrage d'Uckange avec les bateaux d'assaut du 135ème BGC.

Le 15 Novembre à 10H15, heure de la prise du fort d’Illange, Le Colonel Robert L. BACON, affecté depuis peu à la 95ème DI US, arrive au village et prend le commandement de la Task Force, qui portera dès lors son nom, avec ordre de tenir au plus vite la rive droite de la rivière en direction de Metz.

Dans la journée, des éléments de la 95ème DI US, traverseront le village et emprunteront le pont flottant :

- le 95ème de Reconnaissance de Cavalerie Mécanisé,

- le 1er Bataillon du 377ème du Colonel DECKER,

- le 2nd Bataillon du 378ème du Colonel MAROUM,

- les deux compagnies du 807ème Tank Destroyer Bataillon,

- la compagnie d'artillerie de campagne de 105 mm,

- un groupe de deux pièces de 155 mm autotractées,

- une compagnie de commandement et maintenance,

- une compagnie du 135ème Bataillon de Combat du Génie,

- une section de transmission Signal Corps ...

Tous ces éléments ayant pris Uckange comme base arrière.

Le 16 Novembre :

A 12H00, la Task Force BACON se renforcera encore d'un groupe de deux pièces de 155 mm automouvant qui passera également sur le désormais célèbre pont-bateaux.

Le 18 Novembre :

Metz est libérée par le Colonel BACON.

Le 24 novembre :

Uckange sort définitivement de la zone de feu de première ligne.

Fin Novembre :

Les « collabos » sont regroupés dans la salle d'œuvres, près de l'école Jean-Jacques Rousseau, sous la surveillance des FFI. La plus part deviendront des « internés administratifs ».

En février 1946, le Préfet de Moselle demandera vainement au Conseil Municipal son accord pour le retour de ces gens. Le Chef du Groupe Politique Local, informateur de la première heure, ex-employé dans la Police de la Sarre, arrivé à Uckange en 1939, sera, en octobre 1947, condamné à mort par le Tribunal Militaire de Metz.




angle de la rue de la gare et de la rue Jeanne d'Arc

© National Archives Washington

Les combats ont laissé un village ravagé par les bombes sur 1.250 hectares et plus de cent maisons ou granges auront été détruites ou sérieusement endommagées.

Libérée de l’occupant le 12 septembre 1944, Uckange garde toujours aujourd’hui quelques traces de cette funeste période.

Le journal Le Lorrain publiera, le 3 décembre 1944, un extrait de la correspondance du 26 novembre 1944 d’une femme à Monsieur ZACHARY d’Uckange :

« Nous sommes enfin délivrés et surtout du canon. Uckange est devenu un petit cimetière. Vous avez certainement entendu dire que les alliés avaient établis un tête de pont ici, et un magnifique pont est construit en face de la boulangerie Paquin.

Il y a aujourd’hui huit jours que nous sommes rentrés chez nous ; nous avons été évacués le 5 novembre, emportant pour tout bagage une couverture, partant pour soi-disant deux jours. Les hommes ont suivi trois jours après, car le village était inondé, les Allemands ayant fait sauter les écluses.

Presque toute la route de Thionville est abîmée. Les maisons HENNIG, WELTER, BRICKMANN, STROUP, MENARD, MARIE-NOEL, ont leur toit complètement enlevé ; la maison BEMER a reçu un obus en plein de côté ; les maisons BECK et BRASSEUR ont aussi été touchées.

René FERRETTE est en permission, il est dans la 1ère Armée. Le fils WALERYSZACK aussi est là ; il a combattu en Hollande. »

DEFILE DE LA LIBERATION :

rue Jeanne d'Arc - depuis la Maison Plassiart

devant l'église

rue des alliés - ainsi baptisée après la guerre car les libérateurs entrèrent par là dans la ville