Il était donc 18h30 ce samedi soir lorsque les deux groupes se retrouvèrent au hasard de leurs pérégrinations à ce carrefour perdu au milieu de la forêt. Même si l’on ne pouvait malheureusement plus parler de groupe pour Emile qui avait dû laisser son coéquipier mourant quelque part en forêt prés du ruisseau. La faible probabilité de tomber nez à nez avec son vieil ami médecin en pleine forêt au moment le plus opportun laissa l’archéologue perplexe un bref instant avant qu’il ne se laisse gagner par le soulagement de retrouver un espoir. Les retrouvailles se durent d’être toutefois aussi brèves que possible car il fallait agir au plus vite. Une légère confusion s’en suivie quant à la méthode à suivre pour permettre au shaman Kungahaï de Skung Gwaï de les rejoindre auprès du blessé sans perdre de temps. Mais Kunkia, habitué à ce genre de problème, mit au service des blancs son sens pratique. Il allait seul ramener Kumshewa au village et revenir en compagnie de Yagun. Pendant ce temps le pisteur qui restait allait les suivre jusqu’à Dad et faire demi-tour pour retrouver son chef accompagné de l’homme-médecine et les guider à bon port. Personne ne trouvant à redire a la proposition de l’indien, tous s’élancèrent vers leur objectifs respectifs. La clique en route vers Dadjingits perdit un temps précieux en chemin. Ils étaient pénalisés par les piètres aptitudes d’Emile qui regrettait amèrement d’avoir vécu si longtemps à Paris et de n’avoir ainsi jamais eu besoin de pratiquer l’équitation.
C’est donc un bon quart d’heure après 19h00 qu’ils arrivèrent en vue du mourant. Le wekneeg baignait dans son sang, son corps tout entier était lacéré et les bandages providentiels que l’archéologue avait su lui confectionner de sa propre chemise étaient à peine visibles tant ils se noyaient dans le précieux liquide rouge. Hector comprit instantanément que sans l’intervention de son ami, le pisteur serait déjà mort. Il commença à détailler les innombrables entailles laissées dans la chair par le prédateur qui gisait non loin. L’une d’entre elles retint son attention. Manifestement l’animal avait, avec une rage effroyable, labouré la jambe gauche de sa proie. Ces plaies profondes avaient un aspect que le naturaliste ne connaissait hélas que trop bien. Cette apparence gonflée et bleuissante qui lui faisait immanquablement penser à la grande guerre et aux centaines d’amputations qu’il avait dû y pratiquer. Il expliqua à ses coéquipiers que ses chances de sauver Dad sans le mutiler étaient faibles. Il se savait en revanche et par expérience capable de le sauver quasiment à coup sûre si on le laissait estropier l’indien de sa jambe gauche. L’idée, alors même qu’il l’énonçait le révulsait. Priver cet homme de ce qui le caractérisait le mieux : son agilité, était une idée insupportable. Les Français échangèrent un long regard et décidèrent de voter. Seul Firmin accepta d’assumer la responsabilité du choix le moins dangereux. Il fut donc décider de tenter de sauver le Weekneg sans lui ôter sans jambe. Hector commença par nettoyer toutes les plaies et refaire les bandages qu’Emile lui avait déjà apposés. Il ceignit à la perfection le membre infecté pour permettre un drainage sanguin suffisant pour éviter la nécrose et empêcher qu’un éventuel soubresaut artériel n’emporte le foyer infectieux hors de son nid ce qui provoquerait immanquablement une septicémie foudroyante. Il tenta ensuite de lui administrer les produits indiqués pour ralentir suffisamment son organisme et lui permettre de trouver le temps de résister. Malheureusement le dosage était si délicat qu’il dût à un imperceptible dépassement de mesure de voir son patient s’éteindre. Dans un geste désespéré, il procéda à l’injection d’une once de stimulant cardiaque pour ramener l’indien à la vie. Il fallut attendre une dizaine de minutes pour confirmer le succès de l’intervention mais c’est finalement avec un énorme soulagement qu’Hector se tourna vers ses coéquipiers pour leur annoncer la bonne nouvelle. Tout le monde souffla et s’installa autour du pisteur en attendant l’arrivée de Yagun. Howkan alluma un feu tandis que la nuit tombait et c’est à la lueur dansante des flammes qu’ils prirent enfin le temps de se raconter leurs péripéties.
Le shaman arriva deux heures plus tard. Il passa un instant en compagnie du naturaliste et obtint de ce dernier la petite queue de renard qu’Hoya-Gundla, le frère de Dad lui avait laissé avant que leurs routes ne se séparent. Hector, découvrant l’importance que revêtait cet objet aux yeux des Haïdas, ne pu s’empêcher de revoir le sourire du petit frère du pisteur lorsqu’il lui échangea cinq jours plus tôt le précieux artefact mystique contre son couteau suisse. Cet objet anodin semblait devoir permettre au shaman de soigner convenablement Dad. Ils l’observèrent ensuite en train de monter une petite tente pour protéger le blessé. Ils décidèrent de le laisser œuvrer et de rentrer à Skung Gwaï malgré la fatigue intense qui les assaillaient. Ils avaient grand besoin de repos mais la perspective de passer la nuit en forêt, même s’ils ne l’exprimèrent pas à haute voix, impliquait la possibilité d’une rencontre supplémentaire avec le Wendigo qu’ils redoutaient au plus haut point. Hector et Firmin reprirent un cachet d’Arpédine pour deux avant de partir. Ce dernier trajet fut donc rapide bien que ponctué à mi-chemin, par un hurlement de loup isolé. Ce cris, étrangement, n’évoqua pas au naturaliste ce qu’il aurait dû se souvenir que cela signifiait. Pris de panique, la petite troupe enfila ses masques et termina la route avec hâte. De retour à Skung Gwaï sur les coups de minuit, ils ne leur fallu que très peu de temps pour succomber à leur fatigue et sombrer dans un profond et salutaire sommeil.
Ce sont les cris des enfants qui, ce dimanche matin, qui eurent raison de la torpeur des Français. Cette journée, qui par la force des choses se devait d’être placée sous le signe du repos, commença donc doucement. Chacun prenant le temps de s’occuper de soi, les deux blessés parvinrent sans même trop y penser à s’abstenir de prendre de l’Arpédine. Hector descendit à la rivière, où il récupéra le précieux étui, avant de transformer leur cabane en chambre noir pour s’attaquer au développement des photographies des derniers jours. De son côté Firmin rendit une visite de courtoisie à Kumshewa tandis qu’Emile prenait le temps d’écouter Lepoil.
L’ethnologue, rencontrait pour la première fois la famille de la jeune femme. Ses parents, un frère cadet et une sœur aînée étaient seuls présents avec la blessée qui fut manifestement ravie d’être réveillée par celui pour qui elle avait risquée sa vie. Firmin qui venait de poser la canne qu’elle lui avait offert l’avant-veille, souhaitait prendre soin d’elle. Il s’acquitta de cette tâche avec efficacité et c’est alors qu’il avait presque fini, qu’elle lui glissa quelques mots à l’oreille avant de se rendormir de fatigue. Les réminiscences de ses connaissances linguistiques ne permirent pas au scientifique de comprendre tous les mots qu’elle avait prononcés mais elle avait essayée de le mettre en garde et avait citée tour à tour « son ami », « sa sœur » et « Huados ».
Pendant ce temps l’archéologue, qui avait compris que le petit comptable de Quebec leur cachait quelque chose, fit preuve de persuasion sur le bureaucrate qu’il savait aisément effarouchable. Il obtint donc de lui, et sans trop de mal, qu’Avranche était à l’origine de sa libération. Il l’avait menacé et emmené à Skung Gwaï en lui confiant pour mission de récupérer ce que ses deux compagnons de route lui avait dérobé. Le chef de la mine fit savoir à Lepoil qu’il avait jusqu’à mercredi pour réussir sa mission sans quoi il mourrait, lui et sa famille. Et comme pour étayer ses avertissements, il le fit assister à l’exécution sommaire de Laurent Fraiville. Le plumitif, à l’énoncé de sa situation, était effondré. Emile essaya sans succès de le réconforter et parti rejoindre ses coéquipiers.
Le naturaliste était visiblement fier de lui. En fait, il y avait de quoi, les tirages étaient tout bonnement excellents. On parvenait à distinguer les moindres détails des trois totems sur chacun des clichés. Il eut en vérité été difficile d’obtenir un meilleur résultat compte tenu des circonstances. Laissant le loisir à ses amis de contempler ses chef-d’œuvres, il sorti son matériel et inspecta les échantillons prélevés sur les trois sites d’investigation. C’est ainsi qu’il parvint sans plus de détail à constater la présence d’une activité organique suspecte mais ténue sur les échantillons. Et ce, notamment sur les maigres prélèvements du troisième et dernier emplacement visité. Il ne pu en revanche qu’à peine attirer l’attention d’Emile et Firmin en partageant cette information, tant les deux hommes étaient absorbés par l’analyse des photos. L’archéologue, qui avait déjà eu a faire se genre de travail parvint à repérer des formes récurrentes dans les positions des corps. Il trouva ensuite un sens de lecture à ce qu’il pensa être une écriture semblable à des hiéroglyphes. Il isola, en outre, une particularité sur certaines silhouettes, très rares, ont distinguait, luxe de détails, les doigts des pieds et des mains. Toute la pertinence de cette analyse amena l’ethnologue à l’insupportable considération qu’il savait se que signifiait ces symboles sans toutefois parvenir à s’en souvenir. Le Wendigo avait tant affecté sa mémoire qu’il avait perdu le fruit de toutes ses années d’études.
Cette évidence, trop insupportable pour être admise par des gens qui se caractérisent par leur savoir, ne fit qu’augmenter leur détermination. Les trois hommes ne perdirent donc pas de temps et allèrent rendre visite à Howkan pour qu’il leur raconte, comme il avait dit qu’il le ferait, l’histoire du totem le mieux conservé. Ce récit, le seul qui ait survécu aux griffes de l’oubli et dont la connaissance devrait leur permettre d’envisager une mise en corrélation des signes et du sens. Le sage s’installa donc et leur conta l’histoire de la première rencontre entre les Kungahaï et les hommes blancs : « Un homme blanc, il y a fort longtemps, avant ma naissance, pénétra sur notre territoire. Il vint avec sa famille et décida de s’installer, de construire sa maison sur nos terres. Mes ancêtres acceptèrent de laisser à cet intriguant étranger une modeste parcelle de forêt. Le chef de l’époque souhaitait profiter de l’occasion pour établir des liens amicaux avec ses blancs dont des récits attestaient la présence un peu partout dans les montagnes. Cet homme n’était pas comme les autres. C’était un repris de justice, il s’était évadé et ses semblables le pourchassaient. Aussi, un jour, des cavaliers vinrent. Les kungahaï les observèrent. Ils se dirent être des représentant de la loi des blancs. Ils pillèrent la demeure de l’homme, torturèrent sa famille, le tuèrent et emmenèrent sa tête comme gage de leur travail. La femme et les enfants enterrèrent leur mari, leur père sous les décombres de la maison qu’il avait bâti de ses mains puis ils partirent. Les miens installèrent un totem au même endroit pour ne jamais oublier la nature de la justice des hommes blancs. » Howkan conclu sont histoire en précisant qu’il était fort dommage qu’ils aient dû quitter les lieux avec tant de précipitations car sinon il aurait pu leur montrer les restes de la tombe de l’homme blanc. Devant l’ampleur du récit, les scientifiques réalisaient la complexité de la tâche qui leur restait à accomplir. Observant leur air perplexe, Howkan s’enquit de se qui les inquiétaient. Et c’est quand ils lui firent part des pertes de mémoire de l’ethnologue, que le sage leur parla du Shaman Yagun et de ses remèdes permettant d’atténuer le mal que provoque le mauvais esprit. Fort de ce nouvel espoir, les scientifiques reprirent confiance et évoquèrent au sage la visite des deux derniers sites totémiques. Ce dernier leur expliqua qu’il cherchait un moyen de convaincre les siens de monter l’expédition mais que ça n’était pas simple. En effet la sortie de la veille semblait ne pas avoir réveillée que le Wendigo. Une certaine défiance à l’encontre des étrangers commençait à se développer au sein de la tribu. Il était en effet un peu trop facile d’associer les troubles des derniers jours à leur arrivée et rien n’effrayant plus ces gens que le vent froid qui s’était abattu sur toute la région la veille, leur présence commençait a se faire sentir indésirable. Howkan ne promettait donc pas de réussir mais il tenterait de prêcher en leur faveur. Les Français auraient volontiers pris le temps de remercier le sage pour sa sollicitude mais Yagun venait de revenir au village avec Dadjingits toujours inconscient mais définitivement sauvé. Le shaman annonça que le Weekneg avait été sauvé par la médecine d’Hector tandis que la sienne devait contribuer à accélérer son rétablissement. Lorsqu’ils l’interrogèrent au sujet de la cérémonie devant permettre à Firmin de recouvrer sa mémoire, il répondit qu’il était d’accord mais qu’il ne lui restait que très peu de produit pour pratiquer ce rituel. Il leur rappela qu’il ne savait plus comment confectionner ses potions et qu’il espérait avoir suffisamment de poudre pour que l’opération soit un succès. Il leurs proposa de le retrouver en milieu d’après-midi dans sa cabane pour faire l’essai. En attendant, les investigateurs rendirent une visite au chef Kaïganis pour lui faire part de leurs craintes vis-à-vis de l’histoire d’espions que leur avait raconté Lepoil. Le chef sembla trop occupé pour pouvoir s’occuper de cela personnellement, aussi délégua t’il l’affaire à un de ses guerriers de confiance prénommé Singa. Avant de partir, Hector s’enquit de la nature exacte des relations entre le chef et Huados. C’est ainsi que les Français découvrirent que le jeune guerrier morphinomane était d’une nature très dominante. Au point qu’il semblait discuter l’autorité de Kaïganis lui-même. Les longues périodes d’absences inexpliquées du village semblaient ainsi contribuer progressivement à établir l’indépendance du guerrier et de la dizaines de braves qui, le suivant, affichaient leur allégeance dissidente. Kaïganis avait en effet bien d’autres soucis que l’hypothèse farfelue de la présence d’un espion au service du propriétaire de Fond-de-Coppe dans sa tribu.
Profitant du peu de temps qui leur restait avant de devoir se rendre au rendez-vous convenue avec le shaman, les Français convainquirent Lepoil de leur venir en aide pour se sortir lui-même d’affaire. Ils lui demandèrent de proposer un rendez-vous le soir même, au coucher du soleil, prés de la rivière en bas du village, à l’espion qui viendrait lui réclamer les biens d’Avranche. Le scribouillard, abreuvé de romans d’espionnages, grand amoureux de Fenimore Cooper, accepta fébrilement mais avec excitation la mission qu’on lui confiait maintenant. Après tout, il devenait une sorte d’agent double, ce n’était pas rien.
Peu de temps après, les trois hommes se retrouvaient dans la cabane enfumée de Yagun. Dadjingits était là, dans un coin de la pièce, qui semblait dormir. Une femme préparait une couche dans laquelle Firmin allait bientôt devoir s’installer. Le shaman, tout en invitant l’ethnologue à se mettre torse nu, commença à expliquer le déroulement des opérations. Tout d’abord, il allait rester prés de Firmin pour lui faire respirer la fumée dégagée par la poudre. Le sujet allait rentrer dans une sorte de transe. Il ne serait ni endormi, ni éveillé, mais dans un état intermédiaire dans lequel il pourrait communiquer avec son entourage en même temps qu’il visiterait son subconscient. Le rôle du shaman étant d’administrer suffisamment de produit au sujet pour qu’il ne sorte pas de la transe. Pendant la cérémonie, le sujet perdant toute forme de volonté serait guidé par ses compagnons qui l’interrogeraient et lui indiqueraient que faire. L’importance de confier cette tâche à des gens de confiance était d’éviter qu’ils n’aillent déterrer des secrets trop intimes. Il faudra que les compagnons pèsent leurs mots car chaque échange verbal impliquera une remontée du sujet vers un état de conscience naturel qu’il faudra contrer par l’usage d’une pincée de poudre. La faible quantité de produit restant devant les inviter à la circonspection. En outre, il était important, pour que l’opération soit un succès complet, de veiller à ce que le sujet ressorti de sa vision comme il y était entré. Cette précaution devait lui permettre de ramener un maximum de souvenirs.
Comme tout était en place, et que personne n’avait plus de question, Yagun procéda au rituel et drogua l’ethnologue. Quelques minutes suffirent à le projeter dans son univers onirique. Il y fut accueilli par un enfant liftier dans un ascenseur, qui lui demandait où il souhaitait se rendre. Sur la paroi, une série de boutons semblait aller du sous-sol à de très hauts étages. Le garçon, toutefois, à cause de sa petite taille ne pouvait atteindre que le premier étage. Commençant l’étrange visite par le sous-sol, Firmin vit la porte s’ouvrir sur sa maison d’enfance. Avant qu’il ne s’en approche, en quittant l’ascenseur, le jeune liftier lui tendit un cartable vide. Arrivé dans l’entrée carrelée de la maison il découvrit trois pièces : un bureau, une cuisine et une cave. Il reconnaissait tous ces endroits. Le bureau, tout d’abords était celui qu’il avait lorsqu’il était étudiant à Paris. Il y trouva une lettre d’amour adressé à une certaine Madeleine mais dont la redécouverte fut interrompue tant elle semblait intime et sans rapport avec le sujet de l’expérience. Son attention s’arrêta aussi sur son diplôme d’ethnologie en bas duquel figurait une mention de Félicien Piquette : "Vous êtes éminemment intellectuellement qualifié. Confrontez vous au terrain, partez!". Comme cela semblait toujours sans intérêt réel, ils portèrent l’attention de Firmin sur un miroir brisé, dont le reflet fragmenté lui renvoya le visage de son père. Cette vision lui fut désagréable et laissa penser que les deux hommes partageaient un passé douloureux. Comprenant qu’il leur faudrait essayer d’avoir une vision plus globale du subconscient de l’ethnologue, les deux hommes lui demandèrent de visiter et décrire tous les lieux qu’il lui. S’exécutant, le voyageur onirique visita trois pièces par bâtiment à chacun des trois étages de sa conscience. Il y a avait donc au niveau zéro une banque qui avait employée sa mère et au dessus la bibliothèque où avait travaillé son père à Brest. L’établissement financier comportait une salle des coffres, un étrange sous-sol, et à l’étage le bureau où officiait sa mère. De son côté, la bibliothèque était composée d’une salle de lecture, d’archives et d’un bureau à nouveau. Celui de son père cette fois-ci. Le voyage spirituel dura plus longtemps que prévu et manqua de s’achever prématurément… par manque de produit. Cependant les hommes parvinrent à réunir différents indices auxquels un poème semblait donner un sens :
« Enfantant elle confiait à l'engeance une boite
L'enfant se voyait son contenu s'octroyant
Ce coffret renferme ce que l'augure convoite
L'orfraie obtint la clef quand il devint croyant »
Fouillant le passé trouble de l’ethnologue, Ils découvrirent une mère catholique, docile et affectueuse. Un père rogue et violent, qu’un anticléricalisme patent aurait éloigné de sa propre mère. Des histoires d’argent compliquées et une vie de couple faites de querelles et de non-dits. Dans cet imbroglio d’amour et de haine symbolisé par des objets, ils cherchèrent longtemps celui qui renfermait les connaissances ethnologiques de Firmin. C’était à la banque le coffre 1877 de l’année de naissance du père. Pour l’ouvrir, il leur fallut trouver une clef dissimulée dans la vieille horloge de la cuisine de la grand-mère. Le cadran portait une mention intrigante :
"Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien."
Ils retrouvèrent cette citation dans une bible de la mère de Firmin. C’était l’épître de Paul aux Romains 12-21. Aussi la pendule s’ouvrit lorsqu’ils en placèrent les aiguilles sur 12h21.
Une fois le cartable symbolisant la mémoire de Firmin chargé, ils l’extirpèrent de sa transe en le ramenant dans l’ascenseur par lequel il était venu. Il y retrouva son jeune alter ego qui accepta de le guider vers la sortie à l’instant où lui fut rendu son précieux cerceau. Dad avait trouvé l’objet au sous-sol de la banque du père et avait pressenti son importance en se remémorant l’étrange vision que Firmin disait avoir eu au bord du lac sacré cinq jours plus tôt. Il l’avait donc enjoint de prendre le jouet avec lui.
Firmin sombrant dans un profond sommeil au terme de cet éprouvant exercice, Yagun expliqua à ses compagnons qu’il allait rester dans sa cabane pour la nuit et qu’il les rejoindrait le lendemain matin. Laissant donc le pisteur et l’ethnologue aux bons soins du shaman de Skung Gwaï. Emile et Hector, en sortant de la cabane, tombèrent nez à nez avec Lepoil. Le pauvre homme était paniqué. La femme était revenue. Elle lui avait encore parlé à travers la paroi de sa cabane, de sorte qu’il n’avait pu la voir. Comme convenu, il lui avait proposé de venir le retrouver le soir même à la rivière pour lui transmettre le « paquet ». Malheureusement, la femme refusa de se plier aux termes du comptable et lui expliqua qu’elle passerait elle-même récupérer l’objet durant la nuit dans sa cabane. L’idée même que cette « sauvage » de mèche avec l’horrible gangster qui le menaçait lui et sa famille, puisse s’introduire furtivement dans sa cabane en pleine nuit pour récupérer un objet qu’il ne possédait pas, le terrifiait. Tandis qu’Emile le rassurait, le naturaliste fouilla dans ses affaires et lui donna sa gamelle en fer dans laquelle il avait glissé, pour leurrer l’espionne, un pliage constitué de quelques pages encore lisibles de son Canard Enchaîné et de photos ratées ou inutiles. La boîte devait faire illusion et Singa, le guerrier de Kaïganis, reçu pour consigne de passer la nuit dissimulé dans la petite cabane délabrée que les Kungahaï avaient allouée au bureaucrate. Le plan prenait ainsi une nouvelle tournure, un peu plus risquée pour Lepoil, mais c’était le seul moyen de découvrir l’identité de la taupe.
Il se faisait tard maintenant et les deux hommes s’apprêtaient à s’en retourner dormir lorsque Yagun les interpella. Dadjingits émergeait pour la première fois depuis vingt-quatre heures. Le pisteur était très faible. Il ne tint éveillé qu’une poignée de minutes, mais ce fut suffisant pour qu’il transmette à ses coéquipiers les deux informations qui lui semblaient le plus cruciale :
- Les traces du convoi de cavaliers qu’il avait suivi jusqu’à l’extrémité de Ruisseau-loup se dirigeaient vers le nord, en direction de Skung Gwaï.
- Juste avant de perdre connaissance, un bref instant après le départ d’Emile parti chercher de l’aide, alors qu’il était étendu à l’endroit de l’attaque, il a aperçu la silhouette d’un homme. L’inconnu s’était même penché sur lui, il portait un béret.
Joué avec David,Arnaud, Louis et Gabriel les jeudi 14,21 et mardi 26/10/2010.