Avant qu’Emile ne frappa avec ses quatre amis à la porte de la maison des Maubert, il vint à l’esprit de Jin qu’ils étaient trop nombreux pour aborder des inconnus dans des conditions favorables. Tous acquiescèrent qu’il devait être intimidant d’ouvrir sa porte à cinq étrangers, en vertu de quoi il suggéra d’abandonner cette tâche à l’archéologue. Celui-ci accepta et laissa ses compagnons vaquer à leurs occupations mais émit le souhait que Jin resta, selon ses propres termes: “en couverture comme d’hab’”. Hector, trouvant la précaution superflue et jamais avare d’un bon mot, le corrigea sur un ton professoral: “en couverture comme Dad vous voulez dire!”. Le trait d’humour détendit l’ambiance et Emile concéda que c’était peut-être inutile. Firmin néanmoins, qui savait que son jeune âge et sa bonne présentation jouait en sa faveur en pareil circonstance, décida de l’accompagner. C’est donc à un quinquagénaire leptosome et à un jeune homme “bien comme il faut” que le père de la famille Maubert ouvrit sa porte ce dimanche midi. Il aurait pu s’attendre à se qu’on lui propose de découvrir un passage de la bible mais comprit bien vite que les importuns étaient d’une toute autre nature. En effet, après les politesses d’usage, Emile demanda abruptement s’il pouvait parler à Gaston. Le chef de famille, incrédule, les questionna sur le sujet de leur visite. Ils lui parlèrent donc de leur intérêt pour l’usine de chaux en se prétendant commerciaux et du fait qu’on leur avait conseillé le jeune homme pour en apprendre plus sur l’entreprise. Le patriarche leur concéda qu’ils avaient été bien informés car de fait, toute la famille ici présente travaillait pour Monsieur Cardon et qu’il y était lui-même comptable. Il excusa donc son Gaston, indisponible car malade, et se proposa de répondre à leurs questions. Contrariés de ne pouvoir converser avec le fils mais déterminés à ne pas laisser paraître leur intérêt pour lui, il poursuivirent sur le même registre en s’intéressant cette fois-ci au syndicat. Ils apprirent qu’un certain Philibert y était représentant CGT-SR et que tout se passait pour le mieux avec la direction. Sentant que la conversation était dans une impasse, l’archéologue y mis un terme poliment en souhaitant une bonne fin de journée au comptable.
L’après-midi fut des plus studieux pour Hector. Il entraînait son tout nouveau laboratoire avec une analyse les échantillons de terre prélevés l’avant-veille en forêt. A l’issue de plusieurs heures d’études, le naturaliste du se rendre à l’évidence qu’il avait quelque peu perdu la main car il ne trouva rien de bien concluant. Il mit cela, avec un peu de mauvaise fois, sur le compte des ustensiles qui auraient eut besoin d’une sorte de rôdage. Assez peu concerné par le travail du scientifique, Jin proposa une balade sylvestre à Dad avec en tête l’idée d’effectuer une nouvelle campagne de prélèvements mais en s’intéressant cette fois-ci plus à l’écorce des arbres. A leur retour, l’asiatique et l’indien trouvèrent Emile plongé en pleine lecture du précieux ouvrage historique que lui avait prêté le garde forestier. Comme le soleil commençait a décliner, les investigateurs mûrirent le projet d’une brève incursion à l’usine de chaux. Échaudés par les expériences précédentes à l’université et au manoir, ils s’avisèrent de ne pas s’y rendre tous ensemble. Comme Hector trépignait d’impatience de pouvoir effectuer de nouveaux essais sur les échantillons d’écorce et que Firmin se proposait de lui tenir compagnie, ils convinrent que seuls Jin, Dad et Emile s’y rendraient.
Une fois la nuit tombée, les trois hommes se mirent en route en veillant a rester le plus discret possible. Aux abords de l’exploitation Jin effectua un repérage. Ils situa les carrière, les fourneaux et les bureaux mais remarqua aussi la présence d’une maison de gardien à l’entrée. Elle était occupée par un vieil homme assez peu alerte, attablé et manifestement très absorbé par son souper. Ils contournèrent donc le site pour s’introduire en enjambant un grillage plus symbolique que dissuasif. Se faisant, ils se trouvèrent au niveau des bacs d’éteignages qu’ils traversèrent promptement pour s’introduire dans le bâtiment administratif. Sur place, Emile jeta sans hésiter son dévolu sur la serrure du bureau du directeur. Celle-ci malheureusement résista a tout ses assauts et il dût se rabattre, fort heureusement avec plus de bonheur, sur celle protégeant les archives du personnel. L’examen des documents extraits fébrilement des armoires par l’archéologue révélèrent quelques informations sur les suspects du confessionnal. Tout d’abord ils purent corroborer les dires du patron du café de Mortcerf en observant que Ferdinand Mars avaient bien quitté l’établissement depuis deux ans. Ils observèrent en outre que le jeune homme avait obtenu une prime mirobolante en cette occasion. Au sujet de la famille Maubert, ils retrouvèrent la trace de Marie, la mère effectivement décédée en 1921, ainsi que les dossiers des trois enfant et du père. Mais c’est à la fiche de Gaston qu’ils s’intéressèrent le plus. Le jeune homme de vingt-huit ans travaillait aux bacs d’extinction et il avait, semblait-il, subit quelques remontrances pour des absences répétés. Ne trouvant rien d’autre de concluant, ils remirent tout en place et jetèrent leur dévolu sur la comptabilité. Là encore, Emile fit des merveilles avec son outillage de crocheteur. La récolte, en revanche, fut maigre. Aucun des trois hommes n’étant versé dans l’art complexe des finances, la lectures des innombrables tableaux de chiffres leur était peu aisée. Ils remarquèrent tout au plus que l’usine entretenait bien des relations commerciale avec la blanchisserie Crameu, comme avec nombre d’entreprise du bâtiments de la région Parisienne. Pas une trace, par contre, de transactions avec le garde forestier où quiconque du village. Restant passablement sur leur faim et ne sachant trop où orienté leurs recherches, les investigateurs bénéficièrent, une fois n’est pas coutume, de l’esprit avisé de l’archéologue qui les enjoignit de le suivre au vestiaires.
Ils pensaient avoir une chance de trouver là-bas ce qu’ils n’avaient obtenu ici et reprirent leur progression silencieuse dans les couloirs endormis. Se faisant, Jin remarqua que le gardien effectuait une ultime ronde, probablement avant d’aller se coucher. Ils patientèrent donc, tapis dans l’ombre un bon quart d’heure que le vigile ait accompli sa tâche avant de forcer le casier du fils Maubert. Ils ignoraient s’il était judicieux d’insister de la sorte mais le sort leur donna raison. Il dénichèrent, maladroitement dissimuler sous un bleu de travail, un petit baluchon blanc tâché de sang. Manipulant la chose avec précaution, il déplièrent se qui s’avéra être une chasuble du même genre que celle qu’il avait déjà vu à l’église du village. Et son contenu les stupéfia. Il y avait là, en vrac, des collets, un couteau de chasse, un bâton de craie, des bougies, une lampe torche, une boîte d’allumettes, un vieux calice cabossé et un sachet de graines. Ils restèrent un instant perplexe devant leur butin et choisirent, pour respecter leur plan, de le remettre à sa place. Il n’en prélevèrent que quelques graines et un peu de sang séché gratté au fond de la coupe du calice. Cherchant à savoir si les collègue de Gaston pouvaient eux aussi avoir en leur possession ce genre d’attirail déroutant, ils ouvrir le casier de l’un d’entre eux mais sans y trouvé quoi que ce soit d’étonnant. Ils décidèrent qu’ils en avaient suffisamment trouvé pour l’instant et qu’il était temps de vider les lieux. Ils veillèrent donc à ce que tout soit bien en ordre et évacuèrent l’usine en parfaite discrétion. Ce n’est qu’au moment de franchir à nouveau le grillage que l’archéologue commis l’irréparable en trébuchant. Il chuta sur un entassement précaire de rails rouillés que la végétation avait complètement recouvert et qui, sous l’effet de son poids, s’écroula dans un vacarme assourdissant. Conscient de se que le bruit devait s’être entendu jusque depuis la mairie, ils prirent leur jambe à leur cou pour échapper à la médiocre sagacité du gardien qui ne manqua pas d’accourir en pyjama. Ils furent cependant suffisamment vifs et endurant pour que l’homme ne puisse, ne serait-ce que deviner leur passage.
De retour chez eux, ils soumirent leur butin à l’étude d’Hector qui avait lui aussi profité de la soirée pour faire d’intéressantes découverte. Ses examens sur les échantillons d’écorce s’étaient révélé plus concluant que ceux effectué sur la terre. Il avait déterminé une nette différence entre les prélèvements effectués à moins d’un kilomètre de l’obélisque et les autres. En fait ceux qui étaient les plus proches du monument apparaissaient comme quasi fossilisés, mais encore vivant. Cet état de stase biologique relevait de la plus pure incohérence biologique qui soit et il ne faisait aucun doute que les arbres qui avait donné ces échantillons ne croissaient plus depuis au moins une cinquantaine d’années. Jin, ayant relevé la remarque du naturaliste sur la nature brutale du changement de nature du bois, fit preuve d’un sens pratique qui étonna ses amis scientifiques en leur proposant de dresser une carte de cette frontière. Ils allaient, pour se faire, avoir besoin d’un ensemble de matériel et de réactifs qu’ils leur faudraient acquérir lors de leur prochain voyage à Paris. Mais ils pourraient dés lors, en effectuant des tests directement sur le terrain, suivre cette limite et la reproduire sur un plan pour en observer la zone d’effet. Le projet les enthousiasma, et malgré l’heure tardive, Hector ne pu se résoudre à se coucher sans en découvrir plus et analyser le sang séché. Mal lui en prit, car victime de sa fatigue, il n’obtint rien des quelques écailles brune. Il pu cependant sans aucun problème et dés qu’on les lui montra, reconnaître la natures des graines mystérieuse. C’était de la Datura, une puissante drogue hallucinogène, surnommée “l’herbe du diable”. C’est donc en méditant ses précieuses informations que les investigateurs regagnèrent leurs rudimentaires couchages pour reprendre quelques forces avant leur première visite à la blanchisserie.
Il eurent de fait, malgré leurs habitudes matinales, les plus grande peine du monde a se lever à l’heure pour prendre le train pour Bondy. Ils arrivèrent finalement à huit heure avec la masse des travailleurs qui, dans le même cinéma immuable chaque matin, franchissaient la grande grille des Etablissements Crameu au compte-goutte. Cette fois-ci en revanche, on les laissa entrer sans problème lorsqu’ils déclinèrent leurs nouvelles identités. Un contremaître se chargea de les emmener dans le bureau de Martial Chontran, le responsable du personnel. Le rond-de-cuir, affable, leur expliqua rapidement qu’ils avaient la chance de bénéficier d’un traitement de faveurs, qu’on lui avait donné des directives pour les rémunérer du mieux possible et leur laisser toute latitude quant à l’organisation de leur travail. Ils pouvaient en effet à loisir se présenter ou non à leurs postes. On leur demanda juste d’effectuer au minimum des demi-journées pour ne pas enfreindre le réglement intérieur. Se faisant, Martial leur laissa choisir leur affectation dans une confortable liste. Jin, toujours à l’affût d’une position favorable, essaya bien d’obtenir un poste à la surveillance mais cela semblait impossible. Au final donc L’archéologue se retrouva, sous la responsabilité d’un chauffeur prénommé Maurice, au volant d’un camion avec la tâche d’effectuer des livraisons et de ramener du linge sale. Le naturaliste se retrouva au sous-sol de l’administration, dans un bureau sans fenêtre, aux archives, en compagnie de Jean-Michel, un scribouillard aigri. L’ethnologue, pour sa part, suivi Madame Michu, une vieille rombière responsable des femmes travaillant au repassage. Poste auquel la présence d’un homme avait la saveur du soufre. Et enfin l’indien et le chinois se retrouvèrent en compagnie du rude Robert, opérateur de lessiveuse, pour effectué les tâches les plus ingrates et difficiles de l’usine au lessivage du linge sale.
Joué avec David, Arnaud et Jules le jeudi 3 novembre 2011.