Revoir Paris revêtait une signification particulière pour l’archéologue et le naturaliste. La Ville-Lumière avait été le théâtre de leurs vies antérieures, celles d’avant leur voyage pour la Colombie-Britannique. A plusieurs reprise lors de leur périple en Amérique, les deux hommes avaient pensés ne pas en revenir. Ils avaient cru devoir à jamais tourner la page de leur passé. Mais toute l’histoire de leur vie était maintenant à leur portée de main. La capitale en renfermait, épars, les différents chapitres. Tout ce que le Wendigo avait consumé s’offrait à eux, il allait suffire d’être méthodique et prudent pour retrouver les pages brûlées et les responsables de cet autodafé psychique.
Ils arrivaient donc à gare de l’est avec un emploi du temps très chargé pour la journée. Ils avaient convenus de s’occuper en priorité de Maxime Corbier. En effet cela faisait plus de deux ans que Jin n’avait pas vu son ancien patron et cet homme était, pour l‘instant, le seul à même de leur fournir les faux-papiers dont ils allaient avoir besoin pour rester dans l’ombre. Ils se rendirent donc à son repère avec l’intention de quérir son aide. Le “Corbac”, c’était un surnom qu’il avait hérité de sa spécialisation dans le commerce funèbre. Récupérer un cadavre ou en faire disparaître un était son fond de commerce. L’homme avait toutefois d’autres activités, notamment dans le vol et le recel d’antiquités. Il était représentant syndical de la CGT-SR dans la blanchisserie Crameu à Bondy et propriétaire d’un restaurant baptisé “Aux Pierrots” rue de la grange aux belles dans le dixième arrondissement. L’établissement était bien fréquenté, la cuisine y était appréciée et l’ambiance à la hauteur du standard parisien. A l’époque où Jin avait encore à faire avec le peu recommandable individu, il se présentait au bar du restaurant, demandait à voir “les cousines” et on l’emmenait dans “l’arrière boutique”. Il s’agissait en fait d’un ensemble de salons privé très bien aménagés dans une partie de l’immeuble qui n’était accessible que par une porte très bien gardée du restaurant. Le lupanar clandestin de Corbier était son quartier général. Il y concluait ses affaires, il y offrait du bon temps à ses amis et même parfois à ses ennemis “pour les garder à l’oeil”.
Les cinq hommes s’installèrent dans la partie café et se firent servir quatre Picon bière et un whisky. Après avoir pris leurs marquent, ils essayèrent diverse méthodes pour approcher le patron. Ils demandèrent bien évidemment à le rencontrer mais personne ne semblait connaître son nom. Ils essayèrent le mot de passe de Jin mais sans plus de succès. Finalement Firmin sorti trouver un téléphone dans un café un peu plus loin pour appeler aux Pierrots et faire mine de demander après Mr Corbier. Sentant l’exaspération du barman devant leur insistance infructueuse, il finit par lui dire, avant que celui-ci ne raccroche, que le chinois à leur table était un ancien employé qui revenait chercher du travail. Le message sembla avoir eu l’effet escompté et quelques minutes plus tard deux hommes se présentèrent à la table des investigateurs. Ils venaient chercher Jin et lui seul pour l’introduire dans “l’arrière-boutique”. Ils offrirent toutefois la boisson et un repas aux amis du chinois avant de les laissés patienter. Encadré par les deux gorilles, il pu enfin entrer dans le cercle de Maxime et le rencontrer. Le syndicaliste n’avait pas changé depuis toutes ses années. Il était toujours accompagné de son ombrageux bras droit aux yeux clairs “Didi l’angliche”. La balafre sur sa joue droite barrait encore son visage et son sens de l’humour. Il engagea la conversation en essayant de mettre au clair certains points relatifs à la disparition impromptue du “niak” comme il l’appelait. Il essaya notamment de savoir comment il avait pu échapper au coup de filet que la police avait orchestré dans ses rangs. Une fois les choses mis au clair, il écouta la requête de Jin concernant les faux papier pour ses nouveaux amis. Ils les fit venir et leur expliqua qu’il leur en coûterait cinq mille francs chacun. Trop heureux d’’avoir obtenu se premier rendez-vous, les investigateurs eurent le bon sens de ne pas essayé de négocier le prix et acceptèrent le marché. Du moins pour les trois d’entre eux de type caucasien. Conscients de ne pas avoir la somme en poche, ils demandèrent à Maxime de bien vouloir leur arranger un rendez-vous avec son “joaillier” pour changer leur précieux butin. Il avaient en effet ramené deux lingots du De Grasses avec eux à Paris et la rencontre avec le receleur fut fixée au soir même.
Au sortir du restaurant, les cinq hommes se précipitèrent à la banque la plus proche pour obtenir des renseignements sur la valeur des biens récupérés dans la coffre de l’écrivain Canadien. On leur expliqua qu’ils ne pourraient monnayer leur lingots et leurs titres sans pièce d’identité. Au sujet de l’or, le cours fixait le prix du lingot à 7169 francs, mais il fallait délivrer les barres avec leur poinçon et des certificats dont ils ne dipsoaient pas. Pour ce qui était des bons du troisième emprunt de la défense nationale, ils apprirent que les documents étaient valides jusqu’à quinze ans après la date de signature de l’armistice, se qui signifiait qu’il ne leur restait que quelque semaine pour en assurer l’échange. La valeur exact, quant à elle, de ces bouts de papier, restait difficile a déterminer car il semblait qu’elle soit indexée sur l’inflation et qu’une expertise dût être éffectuée par la banque. En somme, ils n’avaient récoltés pour l’instant aucune certitude de pouvoir tirer bénéfice de leur trésor.
C’est donc un peu déçu qu’ils ressortirent de la banque pour se rendre, comme ils l’avaient prévus, rue de la Lune, chez le père Sonnet, le curé démissionaire de Mortcerf. Par chance pour eux, le prêtre était chez lui en ce vendredi aprés-midi. L’homme, septuagénaire, avait l’air bien triste, seul dans son petit appartement. Il rechigna un peu a laisser entrer les cinq étrangers mais il n’avait pas les idées très clair et se laissa influencé facilement. Emile s’aperçut rapidement que le vieillard était ivre et à la vue du nombre de bouteilles qu’on voyait un peu partout, probablement alcoolique. Néanmoins sa confusion éthylique se heurta à une infranchissable barrière psychologique lorsqu’ils tentèrent de le faire parler des motifs qui l’avaient pousser à quitter le village Seine-et-Marnais. Le secret de la confession, même pour cet homme d’église défroqué, restait une chose sacrée. Et c’était d’ailleurs manifestement là l’origine du mal qui rongeait Monsieur Sonnet. Il avait appris quelqu’horrible secret dans le secret du confessionnal et ne pouvant confier son fardeau à la justice des hommes, il souffrait que le justice de Dieu ne fût prompt a intervenir. Saisissant au fil de la conversation le coeur du dilemme qui déchirait leur interlocuteur, les investigateurs insistèrent sur le fait qu’ils étaient là pour l’aider à résoudre son problème. Se faisant, l’ecclésiastique se souvint de quelque chose et, juste avant de congédier ses hôtes, leurs remis une vieille bible défraîchie qu’il avait, selon ses dires, préparé pour la police si elle était venu l’interroger un jour. Une fois dans la rue, Emile feuilleta l’ouvrage assidûment sans y trouver le moindre indice digne d’intérêt. Remettant cette étude à plus tard, dans un leiu plus serein, l’archéologue s’apprêtait a ranger le livre saint lorsque Jin se souvint de la remaque du jeune homme de l’église de Mortcerf. Nathanael leurs avait dit qu’après les événements du confessional, le père avait commis quelques prêches sur un épître précis. Retrouvant le texte en question dans l’ouvrage offert par le curé, Emile découvrit de fines annotations sur une des pages. Il était inscrit:non dixi nomina. vos coniectura adsequi.6 février 1862-1921 30 mai 1877-1915 L’archélogue traduisit la phrase du latin qui signifiait “Je n’ai pas dit les noms. Vous les devinerez.” et tout en conjecturant sur le sens sibyllin des dates inscrites, les investigateurs se mirent en quête d’un magasin d’articles de laboratoire. Ils avaient en effet prévus de fournir le matériel nécessaire à Hector pour qu’il puisse analyser les échantillons prélevés la veille en forêt de Crécy. La recherche prit un certain temps et les cinq hommes durent se cotiser pour acquérir l’outillage nécessaire. En vertu de quoi, ils repartirent de la boutique avec tout les ustensiles nécessaires à l’établissement d’un laboratoire d’analyse biochimique digne de ce nom.
Le soir étant venu, ils s’en retournèrent au restaurant de Monsieur Corbier pour honorer leur rendez-vous avec son recéleur. Antoine Serbier, comme il s’appelait, s’avéra être un négociant très arrangeant et il accepta de leur racheter, avec la promesse de lui en vendre huit de plus, leurs deux lingots pour Cinq-mille deux-cent cinquante francs pièce. A nouveau riches, Emile et les siens versèrent à Maxime, comme convenu, la moitié de la somme destinée à régler les faux papiers. A ce sujet, le truand leur indiqua avoir réfléchi à la situation et leur proposa une alternative au paiement en liquide. Tout disposé à écouter sa propositions, ils apprirent que le syndicaliste était en difficulté au sein de son entreprise. Le représentant d’un syndicat concurrent, la SFIO, se présentait en face de lui et les prochaines élections à la blanchisserie Crameu s’annonçaient sous les plus mauvais augures. Il était évident que cette couverture avait de l’importance pour les affaires du Corbac, or il ne pouvait mener aucune actions coercitive envers son adversaire qui était lui aussi un membre du Milieu. La solution de confié cette mission a des inconnus qu’on ne pouvait pas relier à son cercle d’influence lui permettait d’espérer résoudre ce problème sans en provoquer de plus graves. Apparaissant comme de plutôt bonne extraction, les amis de son ancien employé sauraient faire preuve, il en était sûre, d’une grande diplomatie et il lui avait semblé avisé de leur confier la mission de l’aider à préserver son mandat à la blanchisserie. Il prit tout de même soin de leur préciser qu’il préférait, dans la mesure du possible, que ce problème soit résolu sans violence et en tout état de cause sans qu’on puisse l’incriminer.
Joué avec David, Louis et Jules le jeudi 13 octobre 2011.