Une pluie torrentielle déferle maintenant sur le campement militaire. S'abattant sur l'épaisse toile de la tente où sont retenus prisonnier les trois hommes, le crépitement permanent des gouttes en furie n'est interrompu que par le claquement sec du tonnerre qui résonne dans les montagnes. A travers la fente entrouverte de l'entrée de leur abris les Français aperçoivent l'uniforme d'un garde passablement indifférent au déluge. Emile l'interpelle et s'aperçoit tout de même que le soldat ne se fait pas prier pour entrer. De l'obscurité ne se détache qu'une silhouette voutée et barbue encombrée par un fusil trop grand. On imagine un vieillard mais c'est la voix d'un jeune homme qui interroge Emile sur ses intentions. L'archéologue exprime poliment le souhait de parler à l'officier en charge du campement. Le planton acquiesce et sort aussitôt. La pluie commence déjà a se calmer lorsqu'ils reviennent à deux pour encadrer le prisonnier jusqu'à la tente qui doit faire office de quartier général. A l'intérieur, derrière une petite table montée à la hâte sur des tréteaux, se tiens assis le capitaine William Shaler. A sa droite, debout, un peu en retrait, un lieutenant détaille le nouvel arrivant du regard tandis qu'un soldat un peu moins sale que les autres rabat le rideau faisant office de porte. Le capitaine prends la parole et demande au scientifique de se présenter. Emile s'exécute et poursuit en expliquant le plus honnêtement possible les raisons de sa présence dans la région en espérant ainsi dissiper le malentendu qui a forcément conduit a leur arrestation. Mais l'officier semble ne pas l'écouter véritablement, il se contente de lui répondre en s'étonnant qu'il ne fut un métis et en le questionnant sur ses origines. Devant la perplexité d'Emile, Shaler explique que l'aide de camp du colonel a invoqué un ordre de sa hiérarchie pour ordonner leur capture. Les Français seraient coupables du crime de haute trahison envers le Dominion du Canada. -"Comme cette pourriture de Louis Riel qui fomentait avec les sauvages.", s'empresse-t'il de renchérir..
Comme confondue par l'incongruité des accusations proférées, l'archéologue essaya maladroitement de se justifier. Cette plaidoirie fut contre-productive et ne sembla que conforter un peu plus les soupçons que nourissait le militaire à son égard. C'est alors que Shaler changea de sujet:
-"Quoiqu'il en soit c'est le ciel qui vous envoie Monsieur Esperandieu. Nous sommes perdus dans cette foutue forêt depuis si longtemps que je ne sais plus exactement.."
Le militaire s'interromps gêné, comme pour chercher une fin à sa phrase. Emile saisit l'opportunité et précisa la durée puisqu'il se souvenait avoir lu l'article concernant la disparition de l'escadron dans une coupure de presse datée de deux ans. L'information perturba le gradé qui s'empressa de changer de sujet.
"Enfin bref, nous avons trouvé dans vos affaires cette carte de la région, c'est un bien inestimable voyez-vous dans cette contrée maudite où tous les documents pourrissent avant même d'avoir le temps d'être rédigés. Heureusement j'ai ici une boîte hermétique que mes hommes on récupérés sur un cadavre découvert plus au sud. Grâce à ceci je vais pouvoir préserver ce précieux sésame! Nous allons enfin pouvoir remplir la mission qui nous amené ici et être rappelé à notre cantonnement... si toutefois nous parvenons à en retrouver le chemin."
Il se retourne alors et tend la carte à l'homme qui se tenait, impassible, derrière lui.
"Lieutenant veuillez d'ailleurs ranger tout de suite notre billet de retour dans la mallette."
L'archéologue avait deviné à quoi ressemblait la boîte en question, c'était le même genre de capsule qu'il avait trouvé avec Hector chez Avranche.
"Le colonel sera ravi de ce succès... Je lui en ferais la surprise et je ne doute pas d'obtenir un avancement! Le temps de tout préparer.. voyons... dans deux jours nous lancerons l'attaque et exterminerons une bonne fois pour toute cette satanée vermine indienne de la région. Je goûte l'ironie du sort qui me voit obtenir la clef du camp Kungahaï de la main même de ceux qui veulent les protéger."
Bien en mal de tirer profit de cet entretien, Emile eu l'idée de parler de Firmin. Après tout, ces soldats venaient de priver de liberté un compatriote, ils devaient en ressentir de la culpabilité et c'était la dernière carte du Français pour se sortir de ce pétrin. Le capitaine accepta de rencontrer l'ethnologue qui su se montrer convainquant. Firmin parvint ainsi à ressortir de la tente les mains libres et avec la promesse qu'une ration alimentaire leurs serais servi.
Pendant ce temps et alors que les Français attendaient leur repas, un homme observait le campement depuis la cime d'un arbre. C'était Dadjingits, l'indien que les Français avaient tentés de recruter à deux reprises. Il avait suivis le convois lorsqu'il les avaient vus partir avec Kaïdjudal comme guide. Du haut de son perchoir, Dad, observait les mouvements des soldats. Il découvrit la tente ou étaient retenus prisonniers les Français et fut témoin d'une scène effroyable. Un des chevaux des trois prisonniers fut abattu d'un coup de fusil suite a quoi la soldatesque affamée se rua sur le cadavre comme l'aurait fait une meute de loup.
A mesure que les uniformes se concentraient prés du feu central, l'indien s'approchait et contournait le campement discrétement. Taillant son chemin dans les ténèbres, il passa d'abord devant la tente médical, puis franchissant une rivière il découvrit un canon de campagne 75 mm et ses caisses d'obus bien rangées. Poursuivant tel une ombre son itinéraire, il boucla son parcours en se postant le plus prés possible de la tente des Français. Au moment opportun, d'un mouvement svelte et assuré, il s'y faufila en éventrant l'épaisse toile d'un rapide coup de couteau. Interloqués, les scientifiques manquèrent de donner l'alerte lorsque Firmin, qui s'était laissé emporté par l'émotion, exprima un peu trop bruyamment sa surprise... avant qu'Emile ne le reprenne. Remettant à plus tard les politesses, Dad engagea la concertation en renseignant de son mieux les prisonniers sur le campement pour déterminer avec eux la meilleur stratégie. Il ne leur fallut que dix minutes pour en décider. L'indien ressorti de la tente, et infiltra le camps en glissant comme un renard entre les buissons. Il parvint discrètement a ouvrir une des caisses posées prés de la pièce d'artillerie hippomobile et en retira deux obus. Il franchi le petit cours d'eau qui bordait le camps au nord-est s'enfonça d'une centaine de mètres dans la forêt, déposa son fardeau bien en évidence et revint sur ses pas. A mi-chemin il se retourna, arma son fusil, l'épaula, se concentra et fis mouche du premier coup. L'explosion souffla un arbre. Les militaires s'agitèrent comme si l'on eu donner un coup de pied dans une fourmilière. C'était le signal. Les scientifiques guettèrent prudemment l'extérieur et lorsque l'agitation eut suffisamment pris ses distances, ils quittèrent leur prison de tissu.
Dans le même instant Dad qui se repliait se laissa surprendre par le feu qui consumait les arbres trop proche de la zone de l'explosion. La lumière émise par le foyer trahit sa présence à deux soldats encore trop débrayés pour pouvoir se servir de leur armes et qui le prirent donc en chasse. Dad tenta d'en réduire au moins un au silence en décochant une flèche mais il manqua sa cible qui fondis sur lui dans la seconde suivante. De leur côté Emile et Firmin investirent au hasard les tentes jouxtant la leur dans l'espoir de retrouver leur effets personnels. La chance commençant a tourner, l'ethnologue fit mouche dés la première tentative alors qu'en arrière Hector, qui commençait a souffrir du stress, était resté prostré dans son coin a marmonner des paroles incompréhensibles. Leur affaires réunis, les trois hommes s'empressèrent de récupérer leurs montures. Du moins les deux qui restaient car "Heavy hooves", le cheval d'Emile, gisait au sol, le crâne en miette et les tripes à l'air. A peine avaient-ils quitté le campement qu'Emile se fit repérer par les deux soldats que DadJingits avait finalement réussi a semer mais qui rodaient encore à sa recherche. L'indien, dissimulé derrière un buisson, envoya une nouvelle flèche qui aboutie dans la jambe d'un des deux assaillants, le fauchant instantanément. Son comparse continuait d'avancer en épaulant son arme. Il fut intercepté par Firmin qui tenta de le bousculer en le chargeant à cheval alors qu'Hector, toujours en état de choc, était tombé de sa monture en tentant d'imiter l'ethnologue. Emile profita de l'instant d'hésitation du soldat pour à nouveau faire parler son Luger... malheureusement sans succès. L'indien toujours en position de tir, décocha une dernière flèche qui atteignit sa cible en plein ventre. Les deux hommes à terre, il ne leur restait qu'à mettre aussi vite que possible, le plus de distance possible entre eux et le camps. Privé de monture, Emile pris position sur la croupe d'Enju, le cheval de Dad. L'opération avait réussi, ils s'enfoncèrent rapidement dans la forêt en suivant scrupuleusement leur nouveau guide indien. Lorsqu'il les jugea hors de danger, Dad interrompit le convois pour expliquer à ses nouveaux acolytes qu'il allait lui falloir retrouver son frère Hoya-gundla et son ami Raoul Gewill avant qu'ils ne quittent définitivement la régions. Utilisant la troche électrique d'Hector, qui semblait de plus en plus délirant, pour éclairer la carte, il convinrent d'un itinéraire. Les chasseurs de Cougar, compagnons de l'indien allaient quitter aux aurores Illcillwaet en direction du nord-est. Ne pouvant décemment pas y retourner sans prendre de risque, ils décidèrent de les intercepter au bout du chemin du Chou Puant. Faire cette route de nuit à travers bois avec les Français en équipage et à cheval étant inenvisageable, ils décidèrent de récupérer le chemin le plus proche pour contourner Illcillwaet et arriver avant le levé du soleil en position au croisement des sentiers. Il était trois heures du matin, il ne leur restait que quatre heures pour couvrir les trente kilomètres qui les séparaient de leur objectif.
Joué avec David, Arnaud, Louis et Gabriel le jeudi 29/04/2010.