Fromagerie Mullot

En bas du village, quand on regarde la route de la forêt qui remonte vers Saint-Gengoux, on remarque une grande maison qui appartient maintenant à M. et Mme Wasley.

Les aînés savent bien qu'il s'agit de l'ancienne Laiterie-Fromagerie de Culles-les-Roches qui fut exploitée jusqu'en 1960 par les parents de Monique Mullot-Platret.

Elle partage ici ses souvenirs familiaux.

La Fromagerie / Laiterie de Culles-les-Roches

C'est en 1936 que Gaston et Hortense Chay arrivent à Culles-les-Roches pour exploiter une fromagerie dans les bâtiments dont M. Girard (de Montchanin) est propriétaire. C'est une nouvelle étape pour Gaston Chay, fromager comme son père Charles, enseignant à l'École Nationale d'Industrie Laitière de Mamirolle (25). Après son mariage avec Hortense Bathereau qu'il a rencontrée lors d'un mariage en 1921 à Fresnes-sur-Apance (Haute-Marne) et épousé l'année suivante, il a exercé son métier successivement à Ligneville (88), Seurre (21), Borey (70), et Vesaignes-sur-Marne (52). Le couple a quatre enfants : Henriette (ma maman), Clarisse*, Charles et Marcel.

Henriette, pensionnaire à Bar-le-Duc, arrête ses études assez rapidement pour venir aider ses parents à la fabrication du beurre et du fromage. Ma tante Clarisse, scolarisée à Saint-Gengoux, aide également et travaillera à plein temps dès ses 14 ans en 1939.

La fromagerie Chay produit du beurre, du gruyère, du camembert et du Brie . A l'époque, on ne se préoccupe pas des appellations d'origine mais simplement des méthodes de fabrication.

L'année 1941 voit s'enchaîner les décès de Charles, le premier fils âgé de 13 ans emporté en un mois par une encéphalite basse, celui de ma grand-mère Hortense victime d'une péritonite puis la mort de Gaston, tous deux à moins de 50 ans. Henriette (18 ans) et Clarisse (16 ans) restent seules pour s'occuper de la laiterie tandis que leur frère Marcel, âgé de 6 ans, est recueilli à Paris par son oncle et sa tante Bathereau.

Conseil de famille

Mais la majorité est à 21 ans et Henriette doit être émancipée pour pouvoir prendre la responsabilité de l'entreprise. Cette formalité sera accomplie le 13 novembre 1941 par un acte du juge de paix de Saint-Gengoux.

Faute de famille proche, ce sont des amis des parents décédés qui seront entendus pour témoigner de la capacité d'Henriette à diriger le négoce. Les signataires ont des noms bien connus à Culles-les-Roches comme Michel Charolles, Marius Montillot, Louis Godin.

Un autre signataire de l'acte est Léon Mullot.

Léon Mullot, c'est mon père.

Quand mon grand-père Gaston est décédé en septembre, Henriette a du trouver d'urgence un fromager pour le remplacer. Avec l'aide de Michel Charolles, elle a fait appel au directeur de l'École Nationale d'Industrie Laitière de Poligny. Il a prévenu un ancien élève que "la laiterie

Chay à Ceilles-les-Roches (sic) recherche un fromager pour pâte molle et Port-Salut". Léon Mullot a accepté la place. L'année suivante il épousait ma mère.Ensemble ils rachetaient le fonds de commerce à travers une vente en licitation* actée le 21 novembre 1942. Sur les papiers à en-tête et les bordereaux de la fromagerie le nom "Mullot" allait remplacer "Chay".

Avant de fabriquer le fromage, il fallait récolter le lait. Mes parents faisaient chacun une tournée de ramassage dans les fermes avec la Citroën B14 et la Torpédo Renault. Léon rajoute la fabrication du "Port-Salut".

En 1946, ils élargirent leur champ d'activité en demandant une patente de marchand forain pour pouvoir faire des tournées de vente au détail avec une camionnette dans un rayon de 20 km.

Le 17 septembre 1949, le couple acheta les bâtiments à M. Girard dont ils étaient toujours locataires.

Avec le petit-lait récupéré, ils élevaient des porcs dans un appentis de la laiterie puis au Moulin de Châtenay dont ils avaient fait l'acquisition avec le projet d'agrandir la porcherie. Ils sollicitèrent une autorisation préfectorale qui leur fut accordée le 17 août 1956 pour créer un bâtiment qui ne fut jamais construit.

Fromagerie Mullot - Culles-les-Roches

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La boutique à Chalon, le cœur à Culles

Le 31 décembre 1960, la laiterie Mullot cessa son exploitation. Mes parents s'installèrent à Chalon, au Port du Canal, pour exploiter une fromagerie en perdition qu'ils avaient rachetée.

C'était la fin de l'aventure culloise mais nous avons gardé des liens très forts avec le village.

Dans un premier temps, les bâtiments de la laiterie furent loués à une famille chalonnaise puis à l'école du château de la Rochette avant d'être vendus ; les terrains agricoles conservés et donnés en fermage aux familles Gressard, Gillot (des Filletières) puis Derain.

Mes parents avaient gardé de solides amitiés à Culles avec les familles Clément, Godin, Beauné, Mathias et Derain. L'occasion de visites régulières. Même après le décès de maman en 1996, et malgré son âge, mon père continuait de venir car il était concerné par la longue opération du remembrement. Chaque année il était invité au repas des anciens. Tant qu'il a pu conduire (jusqu'à 92 ans !) il appréciait de participer au loto et à la fête annuelle organisés par le Syndicat d'initiative et venait avec 7 ou 8 amis de son Club de Chalon !

Quant à moi, je suis toujours très attachée à Culles-les-Roches. J'ai gardé le contact avec mes amis (Marie-Thérèse, Mijo, Pierre, Alain et Danielle...). En juillet 2011, j'ai eu grand plaisir à retrouver l'ancien instituteur, M. Joseph Beauné et les anciens élèves pour la grande fête organisée en son honneur par le Syndicat d'initiative.

Monique Mullot-Platret (avec Bertrand Brocard)

Merci à Clarisse Bouillon-Chay et Hélène Charolles pour les précisions qu'elles ont pu apporter en puisant dans leurs souvenirs.

* L'orthographe inhabituelle "Clarice" figure dans plusieurs actes notariés mais n'a jamais été utilisée par Clarisse

** Vente aux enchères à l'amiable qui a permis de liquider la succession en indivision des enfants Mullot : Hortense, Clarisse et Marcel