Hommage à M. Peythieu
A l'occasion du centenaire de M. Peythieu, le 16 septembre 2010, Monique Desmartes, alors maire de Culles-les-roches, lui avait lu un texte qu'elle avait rédigé à son intention.
Le doyen du village est décédé en février 2014. Ce texte reste un bel hommage.
Monsieur Peythieu,
Pardonnez-moi d’abord de bousculer un peu la tranquillité de cette journée, mais je tenais absolument à vous témoigner mon affection en ce jour d’anniversaire qui, quoique vous en pensiez, n’est pas tout à fait banal.
J’aurai aimé vous offrir une petite réception entre les murs de la mairie où vous avez œuvré pendant trois mandats, à partir de 1953 en tant qu’adjoint, puis de 1959 à 1971 en tant que maire. J’ai entendu votre refus et j’ai essayé de le respecter, mais, la Commune que je représente avec M. Charles et M. Duchamp, mes adjoints, n’avait pas le droit de ne pas vous manifester, aujourd’hui, sa reconnaissance et sa fierté.
Je sais ce que vous allez me rétorquer, car j’entends encore quelques bribes de notre conversation, quand j’ai voulu évoquer cette journée avec vous.
Vous allez me dire : « Il n’y a pas de quoi être fier, on ne fête pas les vieux ! » Vous avez raison, le mot « vieux » n’inspire guère la dignité. Je préfère dire qu’on regarde avec respect nos aînés, particulièrement vous, qui êtes notre aîné à tous. On regarde avec respect et humilité ce que fut votre vie, faite de travail, de dévouement, mais aussi d’une grande ouverture sur la société, le progrès, l’actualité…
Vous allez aussi me dire : « Je n’ai rien fait de spécial pour en arriver là, et cette année est bien difficile ». Sans doute avez-vous eu la chance d’être robuste et d’afficher tout au long de votre vie une santé solide, mais cette chance, vous avez su l’entretenir plutôt que de la gaspiller. Grâce à une vie saine et active, grâce à un esprit vif et curieux, vous êtes arrivé à cette centième année avec une encore très belle vitalité. Bien sûr, il y a des rappels à l’ordre quotidiens, un pied que vous ne sentez plus très bien, le lit qu’il devient difficile de faire… Autant de difficultés qu’il faut sans doute relativiser, pour accepter de ne plus tout faire comme avant, tout simplement parce que la belle « mécanique » tourne un peu moins vite qu’avant. Alors, acceptez que d’autres vous secondent, et prennent encore un peu plus soin de vous.
Là encore vous allez me dire : « On ne doit pas toujours attendre des autres, il faut se débrouiller seul ». Il est vrai qu’il y a longtemps que vous avez appris à tout faire, depuis cette année 1998 où la solitude a frappé à votre porte. Vous avez appris à gérer le quotidien, aussi bien celui du jardin que celui de la maison. Vous vous êtes construit une grande autonomie de vie qui, pourtant, tout naturellement s’estompe. C’est le chemin quasi normal de la vie, auquel nul n’échappe.
Mais il vous reste toujours une grande richesse, cette belle autonomie intellectuelle qui vous garde attentif à ce qui vous entoure, intéressé par la vie de votre village, soucieux de vos proches. Votre mémoire garde encore des traces très précises d’évènements importants qui ont marqué vos mandats successifs : l’arrivée de l’eau à Culles-les-Roches, les premiers emprunts contractés par la Commune, pour aménager des routes décentes dans le village, les journées de « corvées » que chacun devait à la Commune, en guise d’impôt, pour entretenir la voirie…. Récemment encore, vous avez étonné les ouvriers de l’entreprise chargée des travaux de rénovation du réseau d’eau en leur indiquant l’emplacement exact d’une ancienne conduite.
Comment voulez-vous que nous ne soyons pas admiratifs et que nous n’ayons pas envie de vous le dire ?
Alors, Monsieur Peythieu, continuez à partager vos connaissances, vos expériences, vos souvenirs. Continuez à vous intéresser modestement à la vie qui vous entoure, même si parfois le tourbillon vous semble un peu étourdissant. Continuez en somme à prendre soin de vous. Ce sont nos vœux les plus chers au seuil de vos cent années de vie… Et acceptez nos souhaits de bel anniversaire.
Et comme j’aime la littérature et en particulier la poésie, je vous offre ces quelques vers, teintés d’une apaisante fatalité et qui sont signés Jules Lavigne :
« Lourde légèreté »
« Le temps passe
Nos jours se remplissent
De choses légères
Et de tout ce qui est si important
Libre de penser comme on veut
On finit par ne penser que comme on peut
Comme un flocon de neige
Qui tremble dans l’air
La chute est lente
Le vent déroute
Mais le chemin reste
Inexorable »
Monique Desmartes