Cette page présente les citations célèbres concernant l'Arménie et les Arméniens: le Général De Gaulle, Alexandre Dumas, Victor Hugo, les discours mémorables de Jean Jaurès et Anatole France, Claude Debussy, Louis Aragon, Romain Rolland, l'engagement de Pierre Quillard, le philosophe Emmanuel Kant, l'essayiste Jean-Pierre Alem, William Saroyan, Monte Melkonian, Charles Aznavour, Arshile Gorky, Raymond Aron, l'acteur Mel Gibson, le poète George Byron, l'historien Christopher J. Walker, Yéghiché Tcharents, Hovhannes Shiraz, Paul Painlevé et enfin les discours plus récents de Bruno Retailleau et Valérie Boyer au Sénat français.
"Vous êtes un petit peuple, riche de culture et d'histoire; l'humanité vous doit beaucoup et je suis persuadé aujourd'hui que ce petit nombre de rescaptés, demain une jeunesse vaillante fera resurgir une Arménie en sécurité, libre et indépendante."
Charles de Gaulle, discours de Damas - 1941
Alexandre Dumas, le célèbre auteur français du Comte de Monte Cristo, des Trois Mousquetaires et de la Reine Margot, écrit dans Le Caucase, publié en 1859 après son voyage dans la région éponyme, le texte suivant:
"Le berceau du monde. C'est en Arménie qu'était situé le paradis terrestre. C'est en Arménie que prenaient leur source les quatre fleuves primitifs qui arrosaient la terre. C'est sur la plus haute montagne de l'Arménie que s'est arrêtée l'arche. C'est en Arménie que s'est repeuplé le monde détruit. C'est en Arménie,enfin que Noé,le patron des buveurs de tous les pays a planté la vigne et essayé la puissance du vin."
"Je ne parle pas votre langue ancienne, mais j'aime cette langue. J'y sens l'Orient, je le vois derrière les siècles, je vois la lueur mystérieuse du passé. C'est une fierté d'être traduit en arménien" : ainsi l'écrivain français Victor Hugo a décrit la langue arménienne car c'est l'une des langues les plus anciennes et les plus riches du monde.
"Chez un autre peuple chrétien, les Arméniens, règne un certain esprit commercial d'une nature particulière; leurs échanges prennent le caractère de migrations pédestres, qui s'étendent des frontières de la Chine jusqu'au cap Corso, sur les côtes de Guinée.
Ce qui prouve un caractère dont nous pouvons plus pénétrer la raison première; caractère supérieur à celui des Grecs d'aujourd'hui, qui est inconstant et bas. Grâce à cet esprit, ce rameau particulier d'un peuple raisonnable et diligent, qui, sur une ligne du nord-ouest au sud-est, parcourt l'étendue presque entière de l'ancien continent, sait se ménager un accueil pacifique chez tous les autres peuples qu'il fréquente."
Emmanuel Kant
Anthropologie d'un point de vue pragmatique - 1800
"Lorsque l'on considère la longue suite de massacres et de dévastations qui ont fait disparaître de la carte des cités innombrables, dépeuplé de vastes provinces, provoqué les migrations de populations entières, on est saisi d'admiration pour ce peuple arménien qui, non seulement a résisté à l'anéantissement mais encore, a refusé l'assimilation ou la conversion qui auraient mis fin à ses malheurs. A cette admiration se mêle de la reconnaissance car, si la nation arménienne avait disparu, si elle s'était fondue dans les nations voisines, il manquerait à l'édifice de la civilisation une pierre...peut-être même une coupole."
Jean-Pierre Alem, romancier et essayiste français
«Je voudrais voir quelle force au monde peut détruire cette race, cette petite tribu de gens sans importance dont l'histoire est terminée, dont les guerres ont été perdues, dont les structures se sont écroulées, dont la littérature n'est plus lue, la musique n'est pas écoutée, et dont les prières ne sont pas exaucées. Allez-y, détruisez l'Arménie ! Voyez si vous pouvez le faire. Envoyez-les dans le désert. Laissez-les sans pain ni eau. Brûlez leurs maisons et leurs églises. Voyez alors s'ils ne riront pas de nouveau, voyez s'ils ne chanteront ni ne prieront de nouveau. Car il suffirait que deux d'entre eux se rencontrent, n'importe où dans le monde, pour qu'ils créent une nouvelle Arménie.» William Saroyan
"Oh, peuple arménien, votre seul salut réside dans la puissance de votre unité." Yeghishe Charents, poète.
Le poète britannique George Byron estime que l'arménien est la langue de communication avec Dieu. "Armenian is the language to speak with God." ou encore "Dieu a parlé au monde en arménien" écrit Byron.
"Je connais le génocide arménien. Je sais que les Arméniens ont une histoire très difficile. Les Arméniens ont toujours lutté et ont conservé leur religion et leur autodétermination. Les Arméniens ont toujours représenté leur histoire au monde. Ils sont vraiment la nation la plus noble."
Mel Gibson
"Si nous perdons l'Artsakh, nous tournerons la dernière page de l'histoire Arménienne" Monte Melkonian
"Je suis 100% Français et 100% Arménien" Charles Aznavour quand on lui demandait s'il se sentait plus français ou arménien.
"Les yeux des Arméniens parlent longtemps avant que les lèvres ne bougent et longtemps après qu'elles cessent de bouger."
Arshile Gorky
"Ceux qui ont vécu un génocide ne peuvent envisager d'être heureux." Raymond Aron, philosophe, sociologue, politologue et journaliste français.
"Je m'incline devant votre génie."
C'est ainsi que le compositeur français Claude Debussy s'adresse à Komitas, après une tournée triomphale en Europe, en 1906. Pourtant, Komitas ne s'est jamais considéré comme un compositeur, mais comme un collecteur. Grâce à lui, un patrimoine musical millénaire a été sauvé de l'oubli.
Claude Debussy laissera l’image d’un créateur original et profond d’une musique où souffle le vent de la liberté. Son impact sera décisif dans l'histoire de la musique.
L'écrivain Louis Aragon écrivait en 1960, à propos de Martiros Sarian : « Comme cette lumière de Rome qui nous parvient à travers les siècles français par le pinceau de Nicolas Poussin, puis de Jean-Baptiste Corot, la lumière d'Arménie nous atteint grâce à Martiros Sarian. Lumière enfin dégagée des larmes qui brouillaient la voix des poètes de Naïri, lumière enfin heureuse sur les fruits, les hommes, les montagnes, elle est un trésor retrouvé, comme si les eaux du déluge s'étant retirées, la plaine d'Erevan n'était que la pure couleur de l'avenir. Si bien que les siècles, à côté de notre Cézanne et de notre Matisse, placeront Sarian à la première place, au-dessus des peintres fêtés, car il est un peintre du bonheur »
L'écrivain Romain Rolland, grand écrivain français et prix Nobel de littérature en 1915 écrit: "Il n’était pas un gouvernement d’Europe qui ne le sût, qui ne s’y attendît, un mois au moins avant les massacres. Et cependant, aucun, pour des raisons politiques, ne tenta rien, ne voulut rien faire pour les empêcher. Et pas une voix dans notre grande presse ne s’éleva pour les condamner. Le «sultan rouge» l’avait achetée. Je vis alors certains hommes qui, quelques mois plus tard, hurlaient au crime, pour Dreyfus, en délirant de douleur sincère et de fureur, faire les sourds quand on leur parlait de l’Arménie ...ou même sourire avec indifférence, comme s’il s’agissait d’une simple affaire de police intérieure, où les massacrés ne l’avaient point volé ! »
Extraits de "Mémoires et fragments du journal", publié en 1956, pp. 284-285.
« Nous étions en paix comme nos montagnes
Vous êtes venus comme des vents fous.
Nous avons fait front comme nos montagnes
Vous avez hurlé comme les vents fous.
Éternels nous sommes comme nos montagnes
Et vous passerez comme des vents fous. »
— Poème « Impromptu » de Hovhannès Chiraz
"Mais si profonde que soit la blessure, le peuple arménien ne succombera pas. Nous n'avons parlé que de ses souffrances, nous n'avons point parlé de son courage, de son indomptable résistance qu'aucune épreuve n'a pu briser."
Paul Painlevé, mathématicien et homme politique français, dans l'Hommage à l'Arménie le 9 avril 1916 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne
L'historien britannique Christopher J. Walker, qui a publié plusieurs ouvrages sur l'Arménie écrit: "Si les Arméniens avaient échoué à Sardarabad, le mot Arménie n'aurait peut-être plus désigné qu'une antique entité géographique, comme la Cappadoce"
Il faut sauver les Arméniens
Discours de Jean Jaurès
Le 3 décembre 1896, un jeune député du Tarn s'adresse aux représentants de la nation française. On massacre des arméniens dans l'Est anatolien. Certains voudraient passer sous silences ces massacres. A la tribune, Jean Jaurès dénonce la lâcheté intéressée de la politique du ministre des Affaires étrangères depuis plus de deux ans à l'égard du " sultan rouge ". Si la France restait sans voix, paralysée pour des raisons économiques, elle encouragerait l'Empire ottoman à maltraiter ses minorités. Au nom de la paix, de la justice et du droit, il rappelle que la morale démocratique impose le combat de la tyrannie où qu'elle soit.
Jaurès avait bien vu que des processus d'extermination se dessinaient déjà, à la fin du XIXe siècle, et que les puissances et les opinions publiques devaient exercer toute leur influence pour les enrayer.
Son discours restera l'un des plus marquants de la troisième république.
https://www.amazon.fr/faut-sauver-Arm%C3%A9niens-Jean-Jaur%C3%A8s/dp/2842059948
Voici un extrait du discours de Jean Jaurès trouvé ici :
http://www.bnulibrary.org/index.php/fr/v-les-massacres-d-armenie-vus-de-paris
Pour la première fois, Jaurès s’exprime sur les massacres d’Arménie devant la représentation nationale, alors qu’il n’est guère accoutumé à y prendre la parole sur des sujets de politique étrangère. Son discours qui attaque frontalement le ministre des Affaires étrangères Gabriel Hanotaux, dénonce les atermoiements, le cynisme et les calculs de la politique du gouvernement français vis-à-vis du sultan Abdülhamid II. Il s’en prend dans un même élan à la presse française, accusée de taire ou de minorer les massacres en raison des subsides qu’elle reçoit de la Sublime Porte. Contribuant à un changement dans l’attitude des journaux français à l’égard de ces événements, ce discours de Jaurès fait date dans la genèse du mouvement arménophile en France. On en retrouve les échos dans le pamphlet de Pierre Quillard et Louis Margery sur La Question d’Orient et la politique personnelle de M. Hanotaux, publié l’année suivante, en 1897.
M. le ministre, j’ai admiré avec quel courage vous avez essayé, à cette tribune, de renverser les responsabilités ; j’ai entendu, contre ceux que vous appeliez les agitateurs arméniens au dehors, des paroles sévères et un avertissement où il y avait quelque menace. […] Et c’est contre eux, monsieur le ministre des Affaires étrangères de France, qu’au lendemain de ces massacres qui ont fait cent mille victimes, oubliant que c’est l’Europe qui a manqué à sa parole, c’est contre ces victimes que vous avez eu ici les paroles les plus sévères ! […] Il est inutile, à l’heure où nous sommes, d’étaler de nouveau devant la Chambre et devant le pays, trop longtemps indifférent ou peu averti, les horreurs qui ont été accumulées en Asie Mineure. […] Oui, messieurs, il a été accumulé contre les populations d’Asie Mineure un ensemble de faits dont on a pu dire qu’ils avaient à peine, à ce degré, quelques précédents. […] Et, lorsque, dans les rapports des délégués et de la commission d’Erzeroum chargés d’examiner les faits qui s’étaient produits à Sassoun, lorsque, dans les rapports officiels des consuls de l’Europe sur les faits des six principaux vilayets d’Asie Mineure, j’ai lu le détail des brutalités atroces commises de concert par les Kurdes et par la soldatesque du Sultan ; lorsque j’y ai vu les premières résistances de cette population arménienne, si longtemps moutonnière et passive, à l’arbitraire et aux pilleries des Kurdes ; lorsque j’y ai vu les premières rencontres sanglantes de ces nomades, dans les ravins et les bois, avec les pâtres et les laboureurs de l’Arménie, et la fureur soudaine des Kurdes, et la guerre d’extermination qui a commencé, et l’émigration des familles arméniennes partant de leurs maisons détruites par l’incendie ; et les vieillards portés sur les épaules, puis abandonnés en chemin et massacrés ; et les femmes et les mères affolées mettant la main sur la bouche de leurs enfants qui crient, pour n’être pas trahies par ces cris dans leur fuite sous bois, et les enfants cachés, tapis sous les pierres, dans les racines des arbres, et égorgés par centaines ; et les femmes enceintes éventrées, et leurs fœtus embrochés et promenés au bout des baïonnettes ; et les filles distribuées entre les soldats turcs et les nomades kurdes et violées jusqu’à ce que les soldats les ayant épuisées d’outrages les fusillent enfin en un exercice monstrueux de sadisme, avec des balles partant du bas-ventre et passant au crâne, le meurtre s’essayant à la forme du viol ; et le soir, auprès des tentes où les soldats et les nomades se livraient à la même orgie, les grandes fosses creusées pour tous ces cadavres, et les Arméniens fous de douleur qui s’y précipitaient vivants ; et les prêtres décapités, et leurs têtes ignominieusement placées entre leurs cuisses ; et toute cette population se réfugiant vers les hauts plateaux ; – et puis, lorsque tous ces barbares se sont aperçus que l’Europe restait indifférente, qu’aucune parole de pitié ne venait à ceux qu’ils avaient massacrés et violentés, la guerre d’extermination prenant tout à coup des proportions beaucoup plus vastes : et ce n’étaient plus de petits groupes qu’on massacrait, mais, dans les villes, par grandes masses de 3 000 et 4 000 victimes en un jour, au son du clairon, avec la régularité de l’exécution d’une sentence : voilà ce qui a été fait, voilà ce qu’a vu l’Europe ; voilà ce dont elle s’est détournée ! – et lorsque, je le répète, j’en ai vu le détail, il m’a semblé que toutes les horreurs de la guerre de Trente ans étaient déchaînées dans cet horizon oriental lointain et farouche.
Mais ce qui importe, ce qui est grave, ce n’est pas que la brute humaine se soit déchaînée là-bas ; ce n’est pas qu’elle se soit éveillée. Ce qui est grave, c’est qu’elle ne s’est pas éveillée spontanément ; c’est qu’elle a été excitée, encouragée et nourrie dans ses appétits les plus féroces par un gouvernement régulier avec lequel l’Europe avait échangé plus d’une fois, gravement, sa signature. Car c’est là ce qui domine tout : c’est le Sultan qui a voulu, qui a organisé, qui a dirigé les massacres. […] Et il a pensé, messieurs, et pensé avec raison, qu’il n’avait, pour aboutir dans ce dessein, qu’à mettre l’Europe devant le fait accompli, devant le massacre accompli. Il l’a vue hésitante, incertaine, divisée contre elle-même, et pendant que les ambassadeurs divisés, en effet, et impuissants le harcelaient, en pleine tuerie, de ridicules propos de philanthropie et de réformes, il achevait, lui, l’extermination à plein couteau, pour se débarrasser de la question arménienne, pour se débarrasser aussi de l’hypocrite importunité d’une Europe geignante et complice comme vous l’êtes. […] Et le Sultan lui-même voulait pouvoir prouver aux ambassadeurs, qui passaient au palais, sa bonne loi et la bonne foi de ses bons sujets ; et l’on exigeait des Arméniens, à l’heure même où leurs familles râlaient sous le meurtre, qu’ils attestassent que c’étaient eux les coupables, que c’étaient eux qui avaient commencé ; et il y a un de vos consuls qui raconte qu’un des principaux témoins a été torturé comme je vais vous dire : on lui trépanait doucement la tête, puis on y introduisait une coquille de noix ou de noisette remplie de poix et, dans l’intervalle des évanouissements successifs que provoquait cette atrocité, on lui disait : «Veux-tu maintenant signer que ce sont tes frères d’Arménie qui ont commencé ?» Voilà les témoignages que l’on apportait à l’Europe ! Voilà la vérité sur la responsabilité du Sultan !
[…] Messieurs, M. Clemenceau disait il y a quelques semaines, dans un article éloquent, qu’il y a un siècle, devant de pareils massacres, l’Europe entière n’eût pas hésité à faire appel à la France et que la France eût répondu. […] Quoi ! le silence complet, silence dans la presse, dont une partie, je le sais, directement ou indirectement, a été payée pour se taire, silence dans nos grands journaux, dont les principaux commanditaires sont les bénéficiaires de larges entreprises ottomanes, mais surtout silence du gouvernement de la France ! Quoi, devant tout ce sang versé, devant ces abominations et ces sauvageries, devant cette violation de la parole de la France et du droit humain, pas un cri n’est sorti de vos bouches, pas une parole n’est sortie de vos consciences, et vous avez assisté, muets et, par conséquent, complices, à l’extermination complète… […] Et alors, puisque les gouvernements, puisque les nations égarées par eux sont devenus incapables d’établir un accord élémentaire pour empêcher des actes de barbarie de se commettre au nom et sous la responsabilité de l’Europe, il faut que partout le prolétariat européen prenne en mains cette cause même. Il faut que partout il manifeste son indignation et sa volonté, et qu’il oblige ainsi les puissances misérables, qui, pour ne pas se dévorer entre elles, laissent assassiner tout un peuple, à accomplir leur devoir d’élémentaire humanité avec un ensemble qui supprimera toute possibilité de résistance et de conflit, et qui conciliera l’œuvre de paix et l’œuvre de justice. Tel est le sens de l’ordre du jour que nous avons remis à M. le président et que je prie la Chambre de voter.
Il y a vingt ans, lorsque les massacres ordonnés par le sultan Abdul Hamid ensanglantèrent l'Arménie, quelques voix seulement en Europe, quelques voix indignées protestèrent contre l'égorgement d'un peuple. En France, un très petit nombre d'hommes appartenant aux partis les plus opposés s'unirent pour revendiquer les droits de l'humanité grandement offensée. Vous les connaissez : Jaurès, Denys Cochin, Gabriel Séailles, Ernest Lavisse, Jean Finot, Victor Bérard, Francis de Pressensé, le Père Charmetant, Pierre Quillard, Clemenceau, Albert Vandal, quelques autres encore que je m'excuse de ne pas nommer. Le reste demeura muet. Plusieurs se sentaient émus d'une grande pitié; mais comme les malheureux inspirent de l'éloignement à la plupart des hommes, on chercha des torts aux victimes; on leur reprocha leur faiblesse. Quelques-uns, prenant la défense des bourreaux, les montraient châtiant des séditieux ou vengeant les populations turques ruinées par des usuriers chrétiens. D'autres enfin voyaient dans ce carnage la main de l'Angleterre ou celle de la Russie.
Cependant, malgré les protestations des arménophiles et les représentations timides de quelques puissances, en dépit des promesses du gouvernement turc, la persécution, parfois assourdie et voilée, ne cessait pas. En vain une révolution de palais changea les chefs de l'Empire. Les Jeunes Turcs, parvenus au pouvoir, surpassèrent Abdul Hamid en férocité, dans l'organisation des massacres d'Adana. A la longue, les malheurs de ces chrétiens d'Orient lassèrent la pitié. Ils demeuraient incompréhensibles à l'Europe civilisée. Le peuple arménien ne nous était connu que par les coups qui le frappaient. On ignorait tout de lui : son passé, son génie, sa foi, ses espérances. Le sens de son extermination échappait. Il en allait encore ainsi il y a deux ans. La grande guerre éclata. La Turquie s'y comporta comme une vassale de l'Allemagne. Et la lumière se fit soudain en France sur l'esprit de l'Arménie et les causes de son martyre. On comprit que la longue lutte inégale du Turc oppresseur et de l'Arménien était, à la bien comprendre, la lutte du despotisme, la lutte de la barbarie contre l'esprit de justice et de liberté. Et quand nous vîmes la victime du Turc tourner vers nous des yeux éteints où passait une lueur d'espérance, nous comprîmes enfin que c'était notre sœur d'Orient qui mourait, et qui mourait parce qu'elle était notre sœur et pour le crime d'avoir partagé nos sentiments, d'avoir aimé ce que nous aimons, pensé ce que nous pensons, cru ce que nous croyons, goûté comme nous la sagesse, l'équité, la poésie, les arts. Tel fut son crime inexpiable.
Il convient donc, Mesdames et Messieurs, qu'une assemblée de Français rende à ce peuple, dans sa grande et noble infortune, un solennel hommage. Nous accomplissons ici un devoir sacré. Nous rendons à l'Arménie les honneurs dus moins encore à ses illustres infortunes qu'à la constance avec laquelle elle les a supportées. Nous la louons de cet invincible amour qui l'attache à la civilisation des peuples représentés dans cette salle, à notre civilisation. Car l'Arménie est unie à nous par les liens de famille et, comme l'a dit un patriote arménien, elle prolonge en Orient le génie latin. Son histoire, telle que M. Paul Deschanel vient de nous en donner un vigoureux raccourci, se résume dans un effort séculaire pour conserver l'héritage intellectuel et moral de la Grèce et de Rome. Puissante, l'Arménie le défendit par ses armes et ses lois; vaincue, asservie, elle en garda le culte dans son cœur. L'on peut dire que, en ces heures récentes dont M. Painlevé nous a retracé éloquemment l'horreur sans exemple, plus de cinq cent mille Arméniens sont morts pour notre cause et notre nom sur les lèvres. « Ces chrétiens, disent les Turcs, organisaient une vaste insurrection et tendaient la main aux ennemis du Croissant ! » Les assassins ne sauraient légitimer leur crime par cette imputation. Mais il est vrai que les Arméniens appelaient de leurs vœux la victoire de la France et des Alliés.
Au reste, la destruction de ce peuple, qui nous aime, était résolue dans les conseils du gouvernement turc. Tout ce qu'il y avait, de Samsoun à Diarbékir, de jeunes hommes, de vieillards, de femmes, d'enfants, périt assassiné par ordre du sultan, avec la complicité de l'Allemagne.
L'Arménie expire. Mais elle renaîtra.
Le peu de sang qui lui reste est un sang précieux dont sortira une postérité héroïque. Un peuple qui ne veut pas mourir ne meurt pas.
Après la victoire de nos armées, qui combattent pour la justice et la liberté, les Alliés auront de grands devoirs à remplir. Et le plus sacré de ces devoirs sera de rendre la vie aux peuples martyrs, à la Belgique, à la Serbie. Alors, ils assureront la sûreté et l'indépendance de l'Arménie. Penchés sur elle, ils lui diront : « Ma sœur, lève-toi ! ne souffre plus. Tu es désormais libre de vivre selon ton génie et ta foi. »
Anatole France
Discours du 9 avril 1916 à la Sorbonne, lors du meeting « Hommage à l’Arménie »
https://www.imprescriptible.fr/documents/anatole-france/hommage/index.php
Citoyens,
sur l'ordre du Sultan Rouge, trois cent mille Arméniens sont tombés. Des sommets du Taurus au plateaux de l'Ararat, un peuple d'orphelins vit sous le couteau. En Macédoine, à quelques heures de Buda-Pesth et de Vienne, les soldats et les fonctionnaires turcs massacrent des paysans dont ils ont violé les filles et les femmes. Ces crimes commis à la honte de l'Europe, l'Europe doit les réprimer.
L’humanité lui en fait un devoir, le traité de Berlin lui en donne le droit positif.
La France a envoyé ses cuirassés pour réclamer à la Porte, par la bouche des canons, le remboursement de Lorando et de Tubini. Nos cuirassés sont-ils uniquement au service de Tubini et de Lorando ?
Le sultan, en livrant l'Arménie et la Macédoine aux égorgeurs, ne s'est-il donc exposé à aucune réclamation des puissances ? L'Allemagne, l’Angleterre, la France, ses tutrices, lui diront-elle : « tu peux tuer, pourvu que tu payes ! »
Il y a deux politiques si l’on en croit d'habiles gens. Celle de la prudence, et la nôtre. Nous répondons que devant le crime il y a qu'une politique : celle de l'humanité.
On prétend que nous manquons de réserves et de précautions. Non, en prévoyant les massacres qui dans quelques jours ensanglanterons la Macédoine et en criant à quiconque peut nous entendre que le sabre Turc est toujours levé sur l'Arménie, nous ne manquons ni de prudence ni de sagesse. La prudence n'est pas de taire et de nier les massacres. La prudence n'est pas d'autoriser le crime par un lâche silence. La lâcheté n'est jamais sage.
Quelle est donc cette sagesse de se taire quand le sang des victimes crie ? Seule notre politique est sage parce qu'elle est ouverte et franche, et qu'en dehors des voies droites, il n’y a que surprises et dangers.
Seule, notre politique et pacifique parce qu'elle se fonde sur le sentiment populaire dans les nations civilisées, et que partout le peuple a la guerre en exécration.
Citoyens,
Nous intéressants au sort des Arméniens et les Macédoniens, non parce qu'ils sont chrétiens, mais parce qu'ils sont des hommes, nous réclamons comme garantie de leur salut et pour l'affermissement de la paix universelle, l'exécution pleine et entière du traité de Berlin en ce qui concerne l'Arménie et la Macédoine.
Anatole France
Discours prononcé le 18 mars 1903 à la Salle l'Eden du Temple par Anatole France - réunion en faveur de l'Arménie et de la Macédoine -
http://www.globalarmenianheritage-adic.fr/fr/6histoire/a_d/20_anatolefrance.htm
En 2020, après l'agression turco-azérie au Haut-Karabagh (Artsakh) qui a conduit aux massacres des Arméniens et leur exclusion de leur terres ancestrales suite l'annexion d'une partie du territoire, le Sénat français devient le premier au monde, suivi rapidement après par l'Assemblée Nationale, à reconnaître l'indépendance de la République d'Artsakh dans le but d'assurer sa sécurité. Lors de ce vote, les sénateurs Bruno Retailleau et Valérie Boyer prononcent des discours mémorables.
On aurait aimé ne pas avoir à les citer, mais leurs phrases sont si représentatives de leurs projets génocidaires qu'il est important qu'elles soient connues...
"Qui, après tout, se souvient encore des Arméniens ?" Adolf Hitler
"Nous allons chasser les Arméniens comme des chiens" Ilham Aliyev, président (dictateur) de l'Azerbaïdjan
ou encore "Armenia is not even a servant, it is not even worthy of being a colony" tweeté le 29 janvier 2015 par Aliyev