Cette page présente la langue arménien, son alphabet et le créateur de celui-ci Mesrop Machtots.
De nombreuses informations passionnantes se trouvent dans différents articles, notamment le lien entre l'alphabet arménien et le tableau périodique des éléments de Mendeleïev.
Un article évoque également les différences entre l'arménien occidental et l'arménien oriental.
Jean-Pierre Mahé présente dans un podcast la création de l'alphabet arménien.
L'alphabet arménien a été créé en 405 après J-C par le linguiste arménien, le théologien, l’homme d’État et l’hymnologue Mesrop Mashtots (cf plus bas). Les Arméniens apprécient et respectent leur alphabet et le considèrent comme un miracle culturel.
L’alphabet arménien est l’une des réalisations les plus significatives de la nation arménienne.
Il était composé initialement de 36 lettres. Il joue une part importante dans la survie de la culture arménienne malgré les persécutions depuis des siècles.
L'alphabet est maintenant composé de 39 lettres puisque trois lettres ont été ajoutées par la suite, dont le "F". Cette lettre a été ajoutée au XIIIè siècle pour désigner les Francs. En effet, les Arméniens n'ayant pas à cette époque la lettre F dans leur alphabet, ils les appelaient "Pran". En quelque sorte, c'est donc pour les Français et grâce aux Français que les Arméniens ont ajouté cette lettre dans l'alphabet.
Mais la chose la plus étonnante à propos de l’alphabet est son lien avec le tableau périodique des éléments chimiques publié par le chimiste russe Dmitri Mendeleev en 1869.
Autrement dit, la somme des indices des caractères alphabétiques dans l’ancien nom arménien d’un élément est égale au numéro atomique de cet élément, bien que cela soit applicable à 7 éléments connus au moment de l’invention de l’alphabet arménien. Ces éléments sont l’or, le cuivre, l’argent, le fer, l’étain, le plomb, le mercure.
Plus d'explications dans les articles ci-dessous
Podcast de 23 min sur la création de l'alphabet arménien.
ALPHABET
C'est probablement le symbole de l'Arménie le plus particulier et celui qui joue le rôle le plus important dans la définition de l'identité nationale. Selon la mythologie, c'est Dieu lui-même qui confia à Mesrob Mashtots les 36 lettres qui le composent. Les lettres ont été utilisées de façon continue depuis le Ve siècle sans altération ou presque.
Mesrop Machtots, inventeur des alphabets arménien et autres
"L'on doit à Mesrop la préservation de la langue et de la littérature de l’Arménie ; sans son action, le peuple aurait été absorbé par les Perses et les Syriens, et aurait disparu comme tant de nations de l'Orient." - Saint Martin
Son parcours
Mesrop Machtots est le créateur de l'alphabet arménien.
L'essentiel de ce que l'on sait sur Machtots et sa vie a été rapporté par l'historien arménien Korioun, au Moyen Age, dans sa Vie de Machtots. Il naquit dans le village d'Hatsekats, en Arménie (actuellement Mouch / Muş, en Turquie), et intégra la fonction publique. Le catholicos arménien d'alors, Sahak Ier, avec l'accord du souverain, Vram Châhpouh, chargea Machtots de créer un nouvel alphabet arménien.
Bien que le folklore populaire assure que Machtots coucha par écrit l'alphabet tel que nous le connaissons aujourd'hui par la grâce d'une vision divine, l'on sait qu'il voyagea et étudia les langues avant de fixer ses 36 caractères. Il conçut cette langue afin qu'elle représente facilement les sonorités complexes de la langue arménienne.
Après avoir inventé cet alphabet, il créa des écoles en Arménie, où cette langue serait enseignée à l'aide du nouvel alphabet. La première de ces écoles, le monastère d'Amaras en Artsakh (Nagorno-Karabagh), où le nouvel alphabet était enseigné - et par Machtots - existe toujours.
La signification de la création de l'alphabet arménien par Machtots ne saurait être sous-estimée. Il est généralement admis que sans une identité fondée sur un alphabet particulier, qui les différenciait des peuples environnants, il eût été beaucoup plus facile pour les Arméniens, gouvernés par divers empires puissants, d'être absorbés et assimilés. L'alphabet fut la clé qui permit aux Arméniens de préserver leur culture et leur identité, leur conférant ainsi une longévité exceptionnelle, tandis que d'autres disparurent.
Mesrop Machtots est vénéré comme un saint dans l'Eglise apostolique arménienne et l'Eglise catholique romaine. Dans celle-ci, sa fête est célébrée le 17 février.
Fait marquant
Machtots est célèbre non seulement pour avoir créé l'alphabet arménien, mais aussi les alphabets géorgien et caucasien.
Pour en savoir plus
La langue arménienne moderne existe sous deux formes littéraires: l'orientale et l'occidentale
Après mille cinq cent ans d’utilisation de l’arménien classique ou du « grabar » (littéralement « littéraire », « utilisant des lettres », « écrit ») en tant que moyen de transmission écrite de la langue arménienne, celui-ci a été progressivement remplacé au cours du XIXème siècle. En effet, la langue parlée avait naturellement changé avec le temps. Il y avait déjà beaucoup d’écrits et de publications dans ce qu’on appelle l’arménien intermédiaire, ce qui montre une évolution de la grammaire et du vocabulaire d’une région à une autre et d’une époque à une autre.
Quand le mouvement de réformes et de modernisations linguistiques a pris place- ce qui a aussi supprimé le monopole que l’Eglise Arménienne avait longtemps eu dans le domaine de l’éducation – les Arméniens étaient alors pour la plupart d’entre eux sous la domination de deux empires : celui des Ottomans à l’Ouest et celui des Russes à l’Est. Par conséquent, deux versions officielles, formelles et littéraires de l’arménien se sont développées. L’arménien occidental se basait sur le dialecte de Constantinople (Istanbul) et a été repris par les Arméniens du reste de l’Empire ottoman tandis que l’arménien oriental se basait sur le dialecte de la vallée d’Ararat et s’était étendu jusqu’à la grande communauté des Arméniens de Tiflis (Tbilisi), les plus riches et les plus actifs des Arméniens de Russie. Il est intéressant de souligner que les Arméniens de Perse utilisent également l’arménien oriental, bien qu’il soit parlé différemment. A l’échelle mondiale, l’arménien moderne est communément appelé « Ashkharhabar » (ou Ashharhapar en arménien occidental, ce qui signifie « à travers le monde, « mondial », « laïc », « n’appartenant pas à l’Eglise »).
Les deux langues arméniennes sont mutuellement intelligibles pour les Arméniens ayant une assez bonne maîtrise d’une ou de plusieurs langues. Mais pour la plupart des arménophones, il est difficile de comprendre la version parlée, à cause d’une constante différence de sonorités. Les grammaires sont aussi différentes et les divergences de vocabulaire existent également. De plus, l’arménien oriental a connu une réforme orthographique à l’époque soviétique, donc l’écriture de l’arménien de la République d’Arménie et de l’ex-URSS est différente de celle de l’arménien occidental. Bien que les Arméniens d’Iran écrivent en arménien oriental, eux aussi utilisent la tournure non réformée de l’écriture tout comme celle de l’arménien occidental.
Cependant, ces différences n’ont pas empêché un spécialiste américain de l’anthropologie culturelle (qui, il faut l’admettre, avait un gendre arménien) d’exprimer l’idée selon laquelle l’arménien pourrait être utilisé comme langue internationale. Margaret Meade (1901-1978) a présenté cette idée lors de l’Année de Coopération Internationale des Nations Unis en 1965. Mead a proposé l’utilisation d’une vraie langue comme standard international, contrairement à l’esperanto par exemple, une langue artificielle bien connue, créée spécialement pour une utilisation à l’international. A cette époque, dans les années 60, aucune des superpuissances de la Guerre Froide ne pouvait accepter pour une telle utilisation une langue, qui serait immédiatement associée avec le camp adverse. Les arménophones, quant à eux, se trouvaient aussi bien dans le monde communiste et en Occident et en même temps, ils connaissaient la plupart des langues les plus utilisées sur la planète.
Bien sûr, ce plan n’a pas été mis en œuvre. On ne peut pas s’empêcher de se poser la question de savoir laquelle des deux langues aurait été choisie ou si le « Ashkharhabar » serait littéralement devenu une langue mondiale.
Les Arméniens sont également très francophiles. Beaucoup d'arméniens parlent plusieurs langues étrangères, particulièrement le russe et l'anglais de manière logique, mais également le français. A tel point que le 17ème sommet de la Francophonie a eu lieu en 2018 à Erevan. Les informations liées à cet événement peuvent être consultées sur le site ci-dessous:
La signature officielle de Mustafa Kemal Atatürk, conçue par Hagop Çerçiyan en 1934.
La langue moderne turque doit beaucoup à un Arménien
La transition de l’Empire ottoman à la République Turque ne s’est pas seulement déroulée dans le contexte d’une guerre et de massacres en Anatolie et en Asie Mineure, mais est aussi une révolution dans tous les sens du mot – évidement politique et sociale, mais aussi culturelle et économique, effectuée dans une vision extrêmement moderne et progressiste par Mustafa Kemal.
Un des attributs de la nouvelle Turquie était une nouvelle langue. L’ancienne langue, le turc ottoman, était une langue assez riche, très influencée par les langues perse et arabe, ainsi que par les autres langues des communautés de l’Empire, comme les Grecs, les Arméniens ou les Slaves. Tout cela a commencé à changer à partir des années 1920, et elle subit toujours des transformations avec les régulations de l’Association de la Langue Turque.
L’écriture de la langue a été en grande partie changée visuellement en passant d’une forme modifiée de l’alphabet arabe à une version modifiée de l’écriture latine (la même qu’utilise l’anglais). Donc, un Turc d’aujourd’hui, même en étant très bien éduqué, ne serait pas seulement incapable de simplement lire les lettres du turc ottoman, il ou elle ne pourrait saisir que certains mots sans parler de certaines formes grammaticales. Le changement a été très radical. C’était une vraie coupure dans l’histoire, qui s’est déroulée en moins d’une génération.
Mais qui a été le fer de lance de ses réformes ? Qui a aidé à remodeler l’écriture et l’expression de toute une nation? Ce n’est autre qu’un certain Hagop Martayan, un natif d’Istanbul. C’était un linguiste, qui parlait beaucoup de langues, dont l’arménien, le turc, le grec, l’anglais, le latin, le russe, et d’autres. Il a combattu dans la Guerre d’Independence Turque, et a attiré l’attention de Kemal, qui l’a choisi pour diriger les réformes de la langue turque. Martayan a été le secrétaire général de l’Association de la Langue Turque et a également contribué par la suite à l’Encyclopédie Turque.
Avec l’entrée en vigueur de la loi sur les noms de famille en 1934 (les noms de famille étaient utilisés avant seulement par les Arméniens et autres minorités), Mustafa Kemal est devenu Mustafa Kemal Atatürk “le Père des Turcs” – et a donné à Hagop ou Agop le nom de Dilaçar – “Ouvreur de Langues”. A. Dilaçar, appelé ainsi pour cacher ses origines arméniennes d’après ce qu’on dit de lui, a consacré sa vie à la langue turque, tout en produisant des travaux en arménien. Il est décédé en 1979.
Martayan Dilaçar n’est pas le seul Hagop à avoir laissé son empreinte dans la nouvelle Turquie. Avec son nouveau nom, Mustafa Kemal Atatürk avait besoin d’une nouvelle signature, une création devenue un symbole national omniprésent dans ce pays, qu’on pourrait comparer au drapeau et aux représentations du fondateur de la Turquie moderne. Cette création a été aussi conçue par un Arménien, un second Hagop, mais cette fois portant le nom de Çerçiyan. Professeur réputé de Robert College (que fréquentait également Martayan Dilaçar), Hagop Çerçiyan avait étudié la Methode Palmer, méthode de l’écriture cursive aux Etats-Unis. Il a été abordé par des anciens étudiants, qui sont aujourd’hui des gens notables, pour créer la signature officielle du leader turc. Il lui a fallu un jour pour proposer sa création, qui a été rapidement acceptée.