Cette page recense les grands poètes, écrivains, peintres et actrices arméniens. Retrouvez les parcours et les travaux de Moïse de Khorène, Raffi, Sayat Nova, Hovhannes Toumanian, Zabel Yessayan, Martiros Saryan, Siranoush, Yéghiché Tcharents, Khatchadour Abovian, Krikor Zohrab, Panos Terlemezian, Avetik Isahakyan, Hovhannes Shiraz, Violette Krikorian, Mari Beylerian, Vahan Terian
Moïse de Khorène, historien et poète
Moïse de Khorène, Movsès Khorenatsi ou Movsēs Xorenac‘i (en arménien Մովսես Խորենացի ; né vers 410, mort vers 490) est, selon la tradition et une partie des spécialistes, un historien arménien du ve siècle, ainsi qu'un poète, un hymnodiste et un grammairien ; d'autres spécialistes, se fondant sur son œuvre, estiment cependant qu'il aurait vécu à une époque plus tardive, entre le viie et le ixe siècles, de telle sorte que ses dates biographiques sont encore l'objet d'une controverse non tranchée.
Son œuvre principale, une Histoire de l'Arménie, se distingue des écrits des autres historiens arméniens contemporains ou antérieurs en ce qu'elle intègre les traditions orales de l'Arménie païenne et retrace l'histoire arménienne des origines jusqu'au ve siècle. Elle a valu à Moïse le titre de « père de l'histoire arménienne » (patmahayr).
La tradition arménienne, reprise par une partie des spécialistes, fait naître Moïse entre 410 et 415. « Khorène » étant inconnu comme nom de localisation, son lieu de naissance reste incertain : le nom est tantôt rapproché de Khorea en Siounie, mentionné par Stépanos Orbélian, tantôt de Khoronk au Taron.
Moïse se présente dans son œuvre principale comme un disciple de Mesrop Machtots et du Catholicos d'Arménie Sahak Ier envoyé étudier à l'étranger en 435. Il visite ainsi Édesse et la Palestine avant de s'installer à Alexandrie; après avoir visité Rome, Athènes et Constantinople, il rentre en Grande-Arménie après 440, alors que ses deux maîtres sont morts et que la royauté arsacide a été abolie par les Sassanides. Moïse se retire alors ; à plus de soixante ans, il est toutefois fait évêque par le Catholicos Giout. À la fin de sa vie, il rédige son Histoire et meurt environ en 490.
Cette œuvre, la plus controversée de la littérature médiévale arménienne, est la première histoire complète de l'Arménie, des origines à la disparition du royaume d'Arménie et à l'extinction de la lignée de Grégoire Ier l'Illuminateur. L'ouvrage, dont la plus ancienne copie conservée date des xiiie - xive siècles (Ms. 2865, Matenadaran), aurait été écrit vers 480 pour un prince bagratide nommé Sahak (peut-être Sahak II Bagratouni), est rédigé comme s'il avait été écrit sous les Sassanides et exprime le « désarroi d'un monde privé de ses forces traditionnelles par une tyrannie politique et religieuse ». Moïse y mentionne ses sources, qu'il n'hésite pas à adapter, comme Korioun, Lazare de Pharbe, Agathange, la Bible, Eusèbe de Césarée, Hérodote, des archives et inscriptions, un énigmatique Syrien nommé Mar Abas Catina (probablement également utilisé par Procope de Césarée), auteur de l'Histoire primitive, texte perdu mais connu grâce à Sébéos, une Vie de saint Grégoire, ainsi que des légendes, contes et fables chantés par les gusans (ménestrels arméniens). Il a su ainsi rapporter des récits des traditions et des légendes païennes antiques, préservant quelques chants populaires antiques et une foule de documents.
L'ouvrage est divisé en trois livres: le premier aborde les ancêtres mythiques (et est la seule source sur le sujet), exposant l'ascendance biblique des rois arméniens via Haïk, descendant de Noé, et affirmant ainsi « l'unité d'origine du peuple arménien, l'ancienneté biblique de son installation sur une terre bénie qui était vraiment la sienne, le droit et le devoir de la défendre, la certitude de sa permanence, l'inévitable défaite de tout nouveau tyran » ; le deuxième couvre la période entre le règne d'un roi Arsace ayant régné après les conquêtes d'Alexandre le Grand et celui de Tiridate le Grand ; le troisième livre poursuit pour s'achever par la fin des Arsacides en 428 et la mort de Machtots en 440.
Avec cette première histoire critique du peuple arménien, Moïse est le premier historien arménien à présenter les faits de manière chronologique et affirme mener sa rédaction en suivant trois lignes directrice : fidélité, concision et persuasion.
Parmi les médailles de la République d'Arménie figure la médaille Movsès Khorenatsi ; elle est attribuée aux auteurs de contributions notables à la culture, l'art et à la littérature arméniens, à l'enseignement et aux sciences humaines.
Raffi, écrivain
De son vrai nom Hakob Mélik Hakobian, est un célèbre écrivain arménien de Perse, né en 1835 en Payadjouk, village arménien de la province de Salmast (aujourd’hui au nord de l'Iran, près du lac d'Ourmia) et mort en 1888 à Tiflis (actuelle Tbilissi). Raffi est considéré comme l'une des figures centrales de la littérature arménienne.
Son père, à la fois un riche marchand et un agriculteur, faisait partie de la bourgeoisie locale. Cette situation, et le fait qu’il soit l’aîné d’une famille nombreuse composée de 13 enfants, lui permet de bénéficier d’une éducation de qualité.
Son éducation commence à l’école de son village, école qui le marque par ses méthodes dures et archaïques, sévérité et méthodes punitives que Raffi décrit et dénonce d’ailleurs remarquablement dans un de ses romans, Kaïtzer (« Foudres »), à travers le personnage du prêtre Der Todik, prototype du maître ignare et brutal. Puis, à l’âge de 12 ans, son père l’envoie dans un internat à Tiflis afin qu’il puisse continuer ses études secondaires.
Tiflis, aujourd’hui Tbilissi, abritait à l'époque un grand nombre d'intellectuels arméniens. Les affaires de son père se dégradant, il est obligé de retourner dans son pays natal. C’est à cette époque qu’il commence à enseigner la langue arménienne ainsi que l’histoire dans l’école Aramian de Tabriz, celle d’Agoulis dans le Nakhitchevan mais aussi par la suite à Tiflis.
Au cours de sa vie, Raffi entreprend de nombreux voyages dans les villages et les provinces arméniennes de l’Arménie orientale et occidentale. Là où il voyage, il se rend compte de la misère quotidienne de la population arménienne, sous la menace constante des Turcs et des Kurdes. À l’instar d’autres intellectuels arméniens, Raffi est convaincu qu’il n’est plus possible de vivre ainsi : il souhaite dès lors transformer la société arménienne en profondeur. Et pour cela, il est nécessaire de faire prendre conscience au peuple de la réalité tragique dans laquelle il vit.
Il écrit énormément. Tous ses écrits sont publiés dans les revues Mchak et Ardzakank. Son œuvre principale, Le Fou, parue d'abord en feuilleton — dans la revue Mchak —, eut un grand succès. Ce roman est lu à l’époque par toute la jeunesse arménienne ; et il a un esprit très patriotique. Il crée dans ses romans de véritables héros nationaux et révolutionnaires arméniens ; il est d’ailleurs connu chez les Arméniens qu’« Il n’existe pas de Fedayin qui n’ait pas lu Raffi… ».
Il considère l’éducation en langue arménienne de la population comme étant fondamentale, c’est pourquoi il entreprend par divers moyens (dans la presse, dans les romans, par l’enseignement) de combler ce manque de culture dans la population.
Il meurt en 1888 à Tiflis, où ses funérailles attirent une foule considérable. Il est enterré dans le Panthéon des Arméniens, le cimetière Khodjivank de Tbilissi, là où reposent également Hovhannès Toumanian, Gabriel Sundukian, Ghazaros Aghayan ou encore Grikor Ardzruni.
Il existe aujourd’hui une école et une rue en son nom à Erevan.
La bibliographie de Raffi est disponible ici:
http://www.acam-france.org/bibliographie/auteur.php?cle=raffi
Sayat Nova (Haroutioun Sayatian), le barde du Caucase
"Si l'on obéit à la volonté de l'âme, alors le corps est blessé. Comment échapper à ce tourment ?"
Son parcours
Sayat Nova est un troubadour arménien qui composa de la musique dans plusieurs langues, dont l'arménien, le géorgien, le turc et l'azéri. Il est célèbre dans tout le Caucase et les environs pour la musique intemporelle qu'il créa, largement jouée et adaptée à ce jour.
Né à Tiflis (l'actuelle Tbilissi) de parents arméniens, il apprit à jouer plusieurs instruments traditionnels arméniens et caucasiens.
Odes, ballades et sonnets sur l'amour et la vie forment le répertoire de ce grand compositeur. Il pouvait écrire dans une écriture mêlant arménien et géorgien, même s'il composa des odes en turc et en azéri.
Troubadour à la cour des rois de Géorgie, la rumeur courut qu'il était épris de la sœur du souverain, Anne ; ses avances romantiques lui ont peut-être valu son expulsion. Il finit par épouser une autre femme, une Arménienne, mais à sa mort, Sayat Nova se fit moine et passa ses dernières années au monastère d'Haghpat en Arménie.
Son nom et les reproductions de son visage et de sa silhouette sont devenus cultes non seulement parmi les Arméniens, mais aussi les Georgiens, les Turcs et les Azerbaïdjanais. Ils sont utilisés dans des projets musicaux, culturels et parfois sans aucun rapport, comme marqueurs de culture.
Qu'on le nomme troubadour, poète, barde, ménestrel, kousan ou achoug, il fut le plus grand compositeur de musique populaire que le Caucase ait jamais produit.
Fait marquant
Sayat Nova vit sa dernière heure arriver, lorsqu’Agha Mohammad Khan Khadjar, shah de Perse, s'arrêta au monastère dans sa route vers Tiflis et exigea que tous les présents renoncent à leur religion et adoptent l'islam. Sayat Nova refusa et fut immédiatement exécuté.
Pour en savoir plus sur lui
The Bard of the Caucasus: Ajam Media Collective
Sayat-Nova (en arménien Սայաթ-Նովա, en persan سایات نووا, en géorgien საიათ-ნოვა) (14 juin 1712 à Tiflis – 22 septembre 1795 à Haghpat), ou le « roi des chansons », est le nom donné au poète arménien Harutyun Sayatyan, ou le nouveau Saâdi.
Sayat-Nova naquit le 14 juin 1712 à Tiflis, aujourd'hui en Géorgie. Il fut barde, un ashik célébré autant que honni à la cour d'Irakli II (ou Héraclius II de Géorgie). Irakli II aurait aidé à créer une alliance entre la Géorgie, l'Arménie et le Shirvan contre l'Empire perse.
Banni de la cour par le roi en 1759, Sayat-Nova devint par sentence royale moine au monastère de Haghpat, parce qu'il serait, semble-t-il, tombé amoureux de sa sœur, la princesse Anna Batonachvili. Il est assassiné par l'armée d'Agha Mohammed Khan qui dévasta la ville de Tiflis et ses alentours, en 1795.
Chanteur et maître du kamânche, Sayat-Nova joue, compose avec son instrument préféré, il écrit de la poésie, soit 68 odes en arménien, 65 odes en géorgien et 128 odes en dialecte turc de la Transcaucasie. Ce qui le caractérise, c'est sa « singularité universelle ». Selon Élisabeth Mouradian et Serge Venturini, traducteurs du poète en France, « trois siècles après son œuvre, celui qui écrivit en plusieurs langues demeure toujours un pont entre les peuples du Caucase, où il est toujours chanté et aimé de tous. »
Son influence fut profonde sur tous les poètes arméniens les plus éminents, ainsi que sur d'autres poètes européens et russes à partir de 1916.
Le poète Archag Tchobanian écrivit ces lignes dans son Ode à la langue arménienne : « Un printemps nouveau resplendit, purifia tes eaux, leur donna une transparence de cristal et un éclat de perle ; une brise aux ailes légères rafraîchit ton sein ; une clarté mauvaise fit pleuvoir sur toi des roses et des lys ; sur tes rives des vignes s'épanouirent, et des rossignols vinrent, cachés dans leurs ombres amies, moduler leurs tendres chansons ; c'était l'essaim mélodieux des Trouvères... ».
En 2012, la ville d'Erevan, capitale de l'Arménie, nommée « Capitale mondiale du livre 2012 » par l'UNESCO fête le tricentenaire de la naissance du troubadour.
Hovhannès Toumanian
Naissance le 19 février 1869, dans la région de Lori (Arménie orientale), décès le 23 mars 1923 à Moscou (Russie).
Hovhannès Toumanian est l’un des écrivains les plus populaires de la littérature arménienne.
Il est né dans le village Dsegh de Lori. Ayant achevé ses études secondaires au Collège Nercessian de Tiflis (1883-1886), il se consacre entièrement à la littérature. Son premier volume de poésies est publié en 1890 et le deuxième en 1892, où prend place la première variante de l’épopée "Anouche". Ses thèmes de prédilection sont des images de la campagne ou les moeurs populaires arméniennes. Il est l’un des rares écrivains de la littérature arménienne à avoir développé la littérature pour enfants. D’ailleurs, la plupart de ses contes sont inspirés des légendes populaires. En 1899, avec quelques autres écrivains arméniens de Tiflis, il fonde le groupement littéraire Cénacle ("Vernadoun") qui sera suspendu avec l’arrestation de Toumanian et ses compagnons, par les autorités tsaristes. Après sa libération, il réunit des intellectuels arméniens et russes, de l’ancienne et nouvelle générations, pour fonder l’Association des écrivains du Caucase dont il assumera la présidence. C’est lui l’initiateur de la publication des volumes "La poésie d’Arménie" en russe, entreprise par Valérie Brussov en 1916. Durant la guerre arméno-tatare de 1905-1906, la première guerre mondiale de 1914-1918, ainsi que la retraite des Arméniens de Van et l’armistice, il a déployé des activités sociales et politiques.
Toumanian s’est éteint en 1923 à Moscou, à la suite d’un cancer.
Son poème Anouch a inspiré un opéra éponyme au compositeur Armen Tigranian.
Description du poète sur le site de l'Unesco:
Bibliographie:
http://www.acam-france.org/bibliographie/auteur.php?cle=toumanian-hovhannes
Quelques extraits de ses poèmes ici:
Zabel Essayan, écrivaine et intellectuelle
"De toutes les traditions dont nous avons hérité de nos ancêtres, la plus illustre, la plus éclatante est notre belle, riche et admirable langue, qu'il nous faut protéger sans relâche, férocement et avec brio."
Son parcours
Représentante féminine la plus célèbre du mouvement Zartonk [Réveil], Zabel Essayan joua un rôle hors pair en proposant un paradigme nouveau à la société arménienne.
Née à Constantinople (actuellement Istanbul), Z. Essayan fit de bonnes études, grâce principalement à son père, convaincu de l'importance de l'enseignement, une attitude plutôt rare à l'époque vis-à-vis des jeunes filles.
Preuve de son influence en tant qu'écrivaine et intellectuelle, elle fut la seule femme figurant sur la liste des Arméniens préparée par les Jeunes-Turcs, destinés à être déportés et massacrés le 24 avril 1915. Elle s'enfuit et gagna le Caucase, s'installant finalement à Paris, où elle devint communiste. Invitée à se rendre en Arménie soviétique, elle décida de s'y établir définitivement.
Souvent qualifiée de féministe par les critiques contemporains, Essayan rejetait, selon ses propres termes, cette étiquette : sa principale préoccupation était l'injustice sociale, y compris celle vécue par les femmes.
Bien qu'ayant réussi à échapper à la mort durant le génocide arménien, un autre mal viendra à bout d'elle, lorsqu'elle fut victime des grandes purges staliniennes. Comme beaucoup de ses contemporains, elle fut accusée de subversion, arrêtée et trouva la mort dans des circonstances mystérieuses.
Fait marquant
Essayan était une socialiste déclarée qui avait une grande foi dans l'Arménie soviétique. Lorsqu'elle partit en Arménie, on lui demanda comment elle pouvait quitter le confort de Paris pour Erevan. Elle répondit : "Ces désagréments n'ont aucun sens à mes yeux, car je prends une part active à la construction de l'avenir de notre pays. Cela répond-il à votre question ?"
Zabel Yessayan était la seule femme sur la liste des personnes à arrêter pendant la nuit du 24 avril 1915
Les pensées et les activités progressistes dans l’Empire ottoman ont souvent été menées par les minorités – celles qui, finalement, auraient le plus grand espoir de bénéficier de progrès au sein du gouvernement et de la société. Zabel Yessayan incarnait l’espoir et l’effort inlassable qui en faisait l’Arménienne dévouée, la femme dévouée et au fond l’habitant dévoué de l’empire Ottoman.
Elle est née Zabel Hovhannisian dans la partie asiatique de Constantinople en 1878. En avance sur son temps elle n’a pas seulement reçu une éducation locale mais à l’étranger, à la Sorbonne à Paris, ville où elle a rencontré et épousé Dikran Yessayan. La famille a dû vivre séparément pendant une longue période, car le père et la fille, Sophie, sont restés en France tandis que Zabel Yessayan a emmené avec elle son fils Hrant lors de son retour à Constantinople à la suite de la Révolution des Jeunes Turcs en 1908.
Yessayan s’est faite une réputation dans l’écriture. Elle était chargée par le patriarcat arménien de coucher par écrit les massacres d’Adana de 1909. Son travail a été publié sous le titre «Dans les Ruines» en 1911. Son œuvre comprenait entre autres des exhortations pour tous ses compatriotes ottomans. Ses écrits ultérieurs étaient plutôt révolutionnaires, reflétant la nature et la condition de son auteur, une femme en exil.
Zabel Yessayan a réussi à échapper aux arrestations en 1915 et s’est enfuie en Bulgarie pendant le Génocide Arménien. Elle est revenue plus tard et a mené des secours humanitaires pour les réfugiés et les orphelins en Cilicie, à Tbilissi et à Bakou. Ce n’est qu’en 1919 que la famille s’est réunie à Paris. Après de nombreux voyages similaires, Yessayan est revenue en France après la mort de son mari en 1921. A cette époque, ses œuvres comprenaient les tous premiers témoignages sur le Génocide Arménien, comme « L’agonie d’un peuple », publié dès 1917 à Bakou, ou des romans tels que « Mon âme en exil » (1922).
Elle a visité l’Arménie soviétique, nouvellement créée en 1926. Elle était si inspirée par le régime et les perspectives de résurrection de la nation, qu’elle a décidé de s’y installer. L’œuvre la plus connue de Zabel Yessayan, ‘’Les jardins de Silihdar’’, a été écrite à Erevan après son arrivée avec ses enfants en 1933. Sa vie d’auteure et professeure de littérature française a brusquement pris fin avec les Grandes Purges de Staline de 1936-1937. Yessayan a de nouveau fini en exil, mais cette fois en Sibérie. Elle serait morte en 1943, bien que les circonstances de sa mort restent encore inconnues. Ses descendants vivent encore en Arménie.
Zabel Yessayan n’était pas très respectée de son vivant dans de nombreux cercles arméniens, en partie à cause de sa position progressiste, mais aussi en raison de son soutien à l’Arménie soviétique, à laquelle se sont opposés beaucoup de membres de la diaspora. Avec le temps, ses écrits ont été mis de côté même en Arménie soviétique. Ce n’est qu’au cours des dernières années, que Yessayan a été reconnue comme une figure littéraire arménienne du XXème siècle. Un documentaire à son sujet a été réalisé en 2009. De même, deux de ses travaux traduits en anglais ont été publiés en 2014.
D’après le professeur Marc Nichanian, «Dans les Ruines» est « la seule œuvre en langue arménienne dans laquelle le témoignage est converti en un récit littéraire ». L’extrait suivant, témoignage de Zabel Yesayan, a été traduit par Jennifer Manoukian :
« Lorsque nous avons pris pieds à Mersine pour la première fois, mon impression des lieux fut très claire. C’était comme si nous avions traversé le seuil du royaume des morts. Les gens nous ont accueillis avec une tristesse enfouie. Ils ont serré nos mains et sont passés devant nous. Qu’est-ce qui leur a été si étranger en nous, qu’ils ont refusé de nous parler ? Trouvant le refuge dans leur douleur, ils se sont réunis et ils nous ont observés avec des yeux remplis des larmes.
Notre hôtel était plein de toutes sortes des gens déplacés. Nous y avons retrouvé aussi le catholicos et nous sommes allés nous présenter à lui immédiatement. Toute la journée j’eus l’impression de tout voir comme dans un cauchemar : Il y avait des femmes habillées en noir – les membres de la famille des premières victimes-, les cris et les lamentations des blessés, des orphelins et des veuves dont la douleur s’était ravivée avec notre arrivée.
Le lendemain nous devions aller à Adana et être au milieu des ruines. J’y ai pensé incessamment et j’ai passé une autre nuit blanche, mon cœur battant la chamade tentant d’essorer ma peine.
La nuit fut fraiche. L’humidité vint de la mer étendue plus bas et engloutit la ville endormie. Le roulement des vagues m’apaisait, ainsi que les caravanes de chameaux lents passant le long de la rue, leurs mouvements ondulés marqués par le son des cloches. »
Martiros Sarian ou Saryan (en arménien Մարտիրոս Սարյան ; né le 28 février 1880 à Rostov-sur-le-Don, mort le 5 mai 1972 à Erevan) est un peintre arménien né en Russie. Il est souvent considéré comme le père de la peinture arménienne moderne.
Martiros Sarian naît en 1880 à Nor-Nakhitchevan (aujourd'hui un quartier de Rostov-sur-le-Don) au sein d'une famille de la diaspora arménienne en Russie. Il termine sa formation scolaire en 1895 à l'école locale, puis, de 1897 à 1903, il étudie à l’École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou, où il suit notamment les cours de Valentin Serov et de Constantin Korovine. Fortement influencé par Paul Gauguin, Martiros Sarian a l'occasion de présenter ses travaux dans différentes expositions et de faire partie de divers groupes d'artistes dont la Rose écarlate, puis la Rose bleue.
En 1901, il a l'opportunité de se rendre en Arménie russe et visite notamment le Lorri et le Shirak, ainsi qu'Etchmiadzin, Haghpat, Sanahin, Erevan et Sevan. De 1910 à 1913, Sarian voyage fréquemment dans l'Empire ottoman (1910), en Égypte (1911) et en Iran (1913). Il se rend à nouveau à Etchmiadzin en 1915 afin de porter secours aux rescapés du génocide arménien. Il se rend ensuite à Tiflis en 1916, où il épouse Lusik Aghayan (la fille de Ghazaros Aghayan) et où il contribue à l'organisation de la Société des artistes arméniens. Les impressions de son premier voyage au pays de ses ancêtres se retrouvent dans son cycle panthéiste Contes et Rêves réalisé sous l'influence du symbolisme. Se référant à l'esprit populaire, Sarian représente la nature, les gens, la végétation, les animaux, les oiseaux, comme une famille unique, un vrai paradis terrestre. Selon le peintre, « La nature engendre l'homme pour qu'elle puisse à travers ses yeux se voir, s'émerveiller de sa propre beauté », c'est ainsi qu'il définit sa philosophie de la nature. Cette philosophie, cette Sagesse au sens grec de sophia, aura beaucoup d'influence sur son élève, son fils spirituel : Minas Avétissian avec lequel il dialoguera pendant toute sa vie.
Après la Révolution d'Octobre, Sarian rentre en Russie, avant de s'installer en 1922 en République socialiste soviétique d'Arménie, dont il ébauche les armoiries et le premier drapeau, et où il reçoit la direction de la section artistique du musée d'État. De 1926 à 1928, Sarian vit à Paris ; dix seulement de ses œuvres datant de cette période, au nombre de quarante sept, survivent à l'incendie du navire Phrygie le ramenant en Union soviétique qui se produit le 15 mars 1928.
Durant les années 1930, il se consacre principalement à la peinture de paysages et de portraits. Sa peinture est néanmoins critiquée par le pouvoir en raison de son caractère décoratif et de la vivacité de ses couleurs ; Martiros, s'il se retient, refuse toutefois d'exécuter un portrait de Staline. L'arrivée au pouvoir de Khrouchtchev en 1953 libère l'artiste. Il reçoit à trois reprises l'ordre de Lénine, ainsi que d'autres décorations.
Martiros Sarian meurt à Erevan le 5 mai 1972. Il est enterré à côté de Komitas. Sa maison est transformée en musée.
Martiros Sarian est considéré comme le père de la peinture moderne arménienne ; lorsqu'il découvre l'Arménie, ressent une « passion presque charnelle » pour elle, et n'a « de cesse de la représenter par des toiles inondées de lumière et vibrantes de couleurs ». Il fut le premier à réaliser la nécessité d'élaborer un style propre basé sur les anciennes traditions nationales. Sa palette est « délibérément gaie, vive et colorée ». Il disait lui-même :
« La couleur devrait chanter. Elle devrait exprimer la perception de l'essence de la vie qui réside en chaque être humain. En utilisant la couleur, j'augmente encore plus ce que je vois, afin que la lumière puisse être plus brillante dans mes œuvres. »
— Martiros Sarian.
En 1909, Sarian se tourne vers les changements réels qui affectent son temps. Il observe l'éloignement de l'homme et de la nature. Il choisit de peindre des motifs que la civilisation industrielle n'avait pas encore touchés et qui portent l'empreinte et l'enseignement d'une vie séculaire. Il devient ainsi passeur de mémoire des lieux et des jours. Il généralise à l'extrême la nature et il révèle l'expressivité des formes. Il construit l'art de sa composition sur un seul plan en répartissant régulièrement de grandes taches de couleur pure. Il s'inspire en cela du principe et de l'art de la miniature arménienne, ainsi que l'art de l'enluminure arménienne à l'exemple de l'art de Toros Roslin. Les couleurs de la palette de Sarian irradient la lumière. La combinaison harmonieuse et contrastée de trois ou quatre tons principaux permet au peintre d'obtenir expressivité, chaleur et surtout lumière. Cette lumière alliée à des couleurs suaves et chantantes qu'elle fait rayonner sont devenues des symboles de la patrie du peintre. Sa sagesse et son habileté ont pu le préserver des persécutions politiques dont son fils spirituel Minas Avétissian fut mortellement frappé. C'est pour cela que les historiens de la peinture arménienne ont toujours privilégié la peinture du jeune Sarian à celle plus académique du vieux peintre.
L'écrivain Louis Aragon écrivait en 1960 : « Comme cette lumière de Rome qui nous parvient à travers les siècles français par le pinceau de Nicolas Poussin, puis de Jean-Baptiste Corot, la lumière d'Arménie nous atteint grâce à Martiros Sarian. Lumière enfin dégagée des larmes qui brouillaient la voix des poètes de Naïri, lumière enfin heureuse sur les fruits, les hommes, les montagnes, elle est un trésor retrouvé, comme si les eaux du déluge s'étant retirées, la plaine d'Erevan n'était que la pure couleur de l'avenir. Si bien que les siècles, à côté de notre Cézanne et de notre Matisse, placeront Sarian à la première place, au-dessus des peintres fêtés, car il est un peintre du bonheur ».
Il a écrit : « La terre est comme un être vivant : elle a une âme. Sans liens étroits avec la patrie, il est impossible de se trouver, de découvrir son âme. Je suis persuadé qu'il ne peut y avoir de peintre sans qu'il soit attaché à sa terre. Le cœur de la terre bat dans le cœur de l'homme. Tout prend naissance dans ce cœur ».
En 1980, une exposition lui a été consacrée au Centre Pompidou.
Ses oeuvres: https://www.wikiart.org/fr/martiros-sarian
Siranoush, actrice
Merope Sahaki Kantarjian (arménien: Մերոպէ Սահակի Գանթարճեան) Siranuysh ou Siranush ou Siranoush (arménien: Սիրանոյշ) est né le 25 mai 1857 à Constantinople et décédé le 10 juin 1932 au Caire à l'âge de 75 ans, et a été enterré dans le cimetière arménien à côté de la tombe du célèbre satiriste arménien Yervant Odian. Siranush était une célèbre actrice ethnique arménienne, l'une des rares dont le travail est lié à toute une époque de l'histoire théâtrale. Sa carrière artistique débute en 1873 dans les théâtres de Constantinople. En 1897, elle s'installe en Transcaucasie et joue à Tiflis, Erevan, Bakou et dans d'autres villes avec son groupe. Elle a également visité la Russie, les Balkans et l'Égypte. Parmi ses meilleurs rôles figuraient: Ophelia et Hamlet, Desdemona, Lady Macbeth (Shakespeare), Rouzan ("Rouzan" de Muratsan) et d'autres.
La légende de Siranush vit dans la mémoire du peuple arménien depuis plus d'un siècle. Son nom est entré dans l'histoire du théâtre arménien comme une norme et une hauteur qui n'a pas été atteinte. Cette actrice remarquablement talentueuse a été l'une des rares artistes à avoir aidé les arts arméniens à atteindre une renommée mondiale grâce à sa carrière.
Les Français ont la chance d'avoir perpétué la grande actrice française Sarah Bernhardt à travers la production cinématographique dans les années 1910. Les Italiens ont également de la chance car ils ont eu la sagesse de montrer leur génie Eleonora Duse au monde à travers la production d'un fil.
Siranush vécut plus longtemps que ses contemporains susmentionnés, elle mourut en 1932. Mais Siranush était une actrice qui représentait une petite nation sans État et ses compatriotes étaient soumis à des actes de violence comme lors du génocide de 1895 et du génocide arménien et des marches de la mort de 1915.
Merobe Kantarjian, le vrai nom de Siranush, était la fierté et la gloire du théâtre arménien. Elle est née à Constantinople en 1857 et a commencé sa carrière dans le théâtre dès l'âge de 16 ans. Siranush a commencé comme actrice et plus tard comme chanteuse d'opéra pour les compagnies de théâtre arméniennes de sa ville natale. La sœur de Siranush, feu Astghik (Amber Kantarjian), était également une actrice et chanteuse talentueuse.
Après que le sultan turc ait publié un décret interdisant les pièces de théâtre arméniennes en Turquie en 1878, Siranush a déménagé à Tiflis (aujourd'hui Tbilissi) et a travaillé dans les compagnies de théâtre arméniennes locales. Elle a ensuite déménagé dans d'autres résidences à population arménienne et a souvent dirigé ses propres compagnies de théâtre. Elle a parfois rejoint des compagnies de théâtre arméniennes basées à Constantinople et a plus souvent joué les rôles principaux dans les pièces de théâtre jouées à Tiflis et à Bakou. Après la mort du célèbre acteur arménien Petros Adamyan, Siranush est devenu l'individu brillant qui a réveillé l'intérêt des spectateurs arméniens pour le théâtre.
Siranush, mature, blonde et charmante, a joué près de 300 rôles dans les meilleures pièces d'auteurs arméniens, russes et européens. Parmi ses meilleurs rôles figuraient Marguerite Gauthier dans «La Dame aux camélias» de Dumas fils, Médée dans «Médée», Zeynab dans «Trahison» de Yuzhin, Ophélie dans «Hamlet» de Shakespeare, Teresa dans «Sister Teresa» de Camoletti , Johanna d'Arc dans «Pucelle d'Orléans» de Schiller, Kruchinina dans «Coupable sans culpabilité» d'Ostrovski et d'autres.
Merobe Kantarjian, le vrai nom de Siranush, était la fierté et la gloire du théâtre arménien. Elle est née à Constantinople en 1857 et a commencé sa carrière dans le théâtre dès l'âge de 16 ans. Siranush a commencé comme actrice et plus tard comme chanteuse d'opéra pour les compagnies de théâtre arméniennes de sa ville natale. La sœur de Siranush, feu Astghik (Amber Kantarjian), était également une actrice et chanteuse talentueuse.
Après que le sultan turc ait publié un décret interdisant les pièces de théâtre arméniennes en Turquie en 1878, Siranush a déménagé à Tiflis (aujourd'hui Tbilissi) et a travaillé dans les compagnies de théâtre arméniennes locales. Elle a ensuite déménagé dans d'autres résidences à population arménienne et a souvent dirigé ses propres compagnies de théâtre. Elle a parfois rejoint des compagnies de théâtre arméniennes basées à Constantinople et a plus souvent joué les rôles principaux dans les pièces de théâtre jouées à Tiflis et à Bakou. Après la mort du célèbre acteur arménien Petros Adamyan, Siranush est devenu l'individu brillante qui a réveillé l'intérêt des spectateurs arméniens pour le théâtre.
Siranush a été la première actrice au monde à jouer le rôle de Hamlet et a été dotée du pouvoir exceptionnel de personnification. Elle a non seulement joué le rôle, mais a «vécu» et «revécu» et était presque comme Eleonora Duse, malgré le fait que les critiques comparaient davantage Siranush à Sarah Bernhardt. Cela a toujours irrité Siranush et à une occasion, elle a écrit ce qui suit:
«… Pourquoi ma petite nation arménienne veut-elle incorporer le personnage d'une autre actrice en moi pour l'apprécier? Ceux qui me comparent à Sarah Bernhardt n'ont pas le droit de louer mon travail acharné avec celui d'un autre. Pourquoi étais-je censé être la Sarah Bernhardt des Arméniens? Après tout, j'ai montré tout mon sacrifice et mes sentiments avec amour à mon peuple arménien en tant que Mme Siranush.
Siranouche, la Sarah Bernhardt arménienne (France-Arménie)
Yeghiché (Soghomonian) Tcharents, le plus grand des poètes en arménien oriental
"O peuple arménien, ton seul espoir de salut réside dans ton unité."
Son parcours
Yéghiché Tcharents devint le héraut de la nation arménienne, lorsqu'elle réalisa que son espoir de salut sous les auspices de l'Union Soviétique constituait en réalité une nouvelle forme d'oppression.
Né à Kars (dans la Turquie actuelle), il se porta volontaire pour rejoindre la division arménienne dans l'armée impériale russe et fut témoin du génocide arménien.
Dans sa jeunesse, Tcharents fut un zélé bolchevik. Il croyait fermement dans la révolution et dans la libération des peuples opprimés. Pour l'essentiel, ses premiers poèmes, même empreints de thèmes arméniens, propagent l'idée que le communisme est la solution. Néanmoins, sa fidélité orthodoxe aux principes du communisme fut ébranlée par les réalités de la politique et il fut de plus en plus mal à l'aise face aux hypocrisies.
Son zèle révolutionnaire fut écourté par la realpolitik de l'Union Soviétique naissante, qui choisit de passer des accords avec la Turquie aux dépens de l'Arménie et des Arméniens. Il canalisa son désenchantement dans un sentiment nationaliste.
C'était un génie dont l'amour pour l'humanité le fit beaucoup souffrir et l'amena, sa vie durant, à partir en quête de justice via de nobles idéaux émis par des orateurs, mais jamais concrétisés. Il coucha son ire sur le papier, une ire qui finit par le dévorer. Il fut emprisonné, torturé et disparut, apparemment liquidé par les autorités soviétiques.
Tcharents incarne le peuple arménien à l'époque post-génocidaire : émergeant de l'enfer et ayant foi dans le progrès promis par le communisme, mais finissant par se faire son propre martyr.
Fait marquant
Tcharents fut marié deux fois. Sa première femme mourut en couches et lorsque sa deuxième épouse eut leur premier enfant, une fille, il l'appela Arpenik en hommage à sa première femme.
Pour en savoir plus sur lui
Yeghishe Charents: Poet of Life as Permanent Revolution
Khatchadour Abovian, écrivain et intellectuel
"Presque toutes les nations ont deux langues, une ancienne et une nouvelle... Après mûre réflexion, j'ai décidé d'envoyer paître grammaire et rhétorique et de me faire troubadour."
Son parcours
Khatchadour Abovian est l'écrivain qui galvanisa l'arménien oriental en tant que dialecte à part de l'arménien dans son grand œuvre, Les Plaies de l'Arménie.
Né à Kanaker, dans la banlieue d'Erevan, il entra très jeune au séminaire. Lassé par l'enseignement religieux, il quitta le séminaire et partit à Tiflis (l'actuelle Tbilissi), le centre intellectuel des Arméniens au XIXème siècle, intégrer le Collège Nersessian. Son diplôme en poche, il se lia d'amitié avec Friedrich Parrot, un professeur européen qui l'aida à intégrer l'université de Dorpat dans l'actuelle Estonie.
Abovian regagna sa patrie, ému par l'oppression de son peuple soumis aux puissances étrangères et préoccupé par la culture intellectuelle limitée de la société arménienne. Il fut un écrivain prolifique, explorant nombre de problèmes contemporains à travers une variété de styles dont la poésie, la prose et l'essai.
Non seulement il désirait publier ses théories dans leur propre intérêt, mais il voulait s'assurer que son œuvre puisse être lue et comprise. Résultat, il composa des ouvrages en langue vernaculaire, estimant que le fait d'écrire dans la langue du peuple rendrait son œuvre plus accessible, plus largement comprise et donc plus percutante. Ce qui l'amena à écrire le premier roman à avoir été publié en arménien oriental moderne, Les Plaies de l'Arménie. Outre son intérêt linguistique, le roman relate aussi les sentiments nationalistes parmi les Arméniens vivant alors sous domination persane et russe.
L'on ignore, hélas, ce qu'il advint d'Abovian. Un jour, il partit de chez lui, au petit matin, sans jamais revenir. Sa disparition demeure une énigme.
Fait marquant
Abovian parlait couramment le russe, l'allemand, le français et le latin.
Krikor Zohrab, avocat, écrivain, parlementaire ottoman
"La littérature doit parler du peuple et servir le peuple."
Son parcours
Avocat, écrivain et membre du Parlement, Krikor Zohrab fut un porte-parole imposant et sans concessions de la nation arménienne dans l'Empire ottoman.
Issu d'une riche famille stambouliote originaire d'Akn, Zohrab fut unanimement respecté, sa vie durant. Ne comptant que des succès, il était un avocat très recherché, représentant et défendant à la fois de grandes entreprises et des personnes faussement accusées par un sultanat paranoïaque. Il était connu pour être un puissant orateur, impressionnant ses contemporains et ses pairs au Parlement, au tribunal et en chaire à l'université, où il enseignait.
Il fut un farouche défenseur des droits de l'homme et des innocents, acceptant des dossiers et dénonçant avec force les injustices visant les Arméniens et les autres. En raison de son franc-parler, il dut quitter un temps l'Empire ottoman à la fin des années 1890 pour éviter les persécutions des autorités. A son retour, les Arméniens proposèrent sa candidature pour représenter leur communauté au sein du nouveau Parlement. Malgré l'opposition des Turcs, il devint membre du Parlement.
Il était d'une érudition hors pair, un trait qu'il manifesta dans ses écrits. Doté de talents multiples, capable de se mouvoir aisément entre fiction, essai et poésie, ses écrits reflètent et rehaussent les convictions qui animaient ses harangues. Mais la nouvelle fut le genre littéraire où il brilla le plus, se faisant un grand nom dans la littérature arménienne moderne.
En tant que parlementaire, Zohrab exigea avec force que les arrestations et les atrocités qui débutèrent le 24 avril 1915 prennent fin. Ses appels restèrent lettre morte. Il fut lui-même arrêté le 21 mai 1915 et déporté. Les circonstances de sa mort sont incertaines, mais l'on pense qu'il fut assassiné quelque part au sud-est de l'actuelle Turquie.
Fait marquant
Zohrab entama tout d'abord des études d'ingénieur, mais y renonça pour le droit.
Pour en savoir plus
Krikor Zohrab était un membre du parlement Ottoman en 1915
Krikor Zohrab est une des personnalités connues parmi les victimes du Génocide Arménien. Même s’il n’a pas fait partie des intellectuels arrêtés pendant la fameuse nuit d’Avril, Zohrab n’y a pas échappé par la suite. Personnage public de premier plan, il a été en mesure de faire une pétition pour ses compatriotes, en tant que membre du Parlement ottoman, en plus d’être avocat et journaliste.
KrikorZohrab est né en 1861 à Constantinople. On peut affirmer sereinement qu’il était le reflet de la ville dans toute sa splendeur cosmopolite et de ses richesses du tournant du siècle.
La vie des Arméniens de Constantinople (“Bolsahay”) de cette époque-là est incarnée dans ses œuvres. Il reste aujourd’hui, pour les Arméniens, l’écrivain de nouvelles d’Arménie Occidentale par excellence. Les œuvres de Zohrab, également traduites en turc, s’inscrivent dans le courant littéraire qu’on appelle réalisme. Celles-ci décrivent la vie des gens ordinaires tels que les travailleurs ou les autres représentants des classes sociales inférieures, y compris les criminels sans oublier les femmes. Il a contribué, entre autres, aux revues Lrakir, Masis et Hayrenik. En plus des nouvelles, Zohrab est aussi l’auteur d‘un roman “Anhedatsadz Serount Me” (“Génération disparue”), écrit au début de sa carrière, et d’un livre sur ses voyages en Europe «Echer Oughevori Me Orakren » (« Pages d’un carnet d’un voyageur »).
Les voyages en Europe étaient en réalité un exil. Les combats civiques et politiques de Zohrab lui ont fait tellement de soucis qu’il a été obligé de vivre à Paris pendant un moment. Il est revenu après la réforme constitutionnelle en 1908 pour se retrouver à l’Assemblée législative ottomane, où il a fait passer de nombreuses réformes qui ont dépassé les exigences immédiates des Arméniens de l’Empire Ottoman. Il menait son combat pour une identité ottomane moderne, plus large, n’excluant pas les minorités. Il souhaitait un empire multi-ethnique et multi-religieux dans lequel les habitants seraient sur un même pied d’égalité. Outre l’arménien (et le français), Zohrab était aussi connu pour sa maîtrise de la langue turque. “Dinimiz muhtelif, mezhebimiz birdir. Hepimiz hürriyet mezhepdaşlarıyız,” a-t-il prononcé lors d’un discours : ‘’Nos religions sont différentes mais notre croyance est identique. Nous croyons tous à la liberté’’.
En mai, un mois après les premières arrestations, Krikor Zohrab a été à son tour arrêté et envoyé en exil à l’Est. On pense qu’il a été tué, sa tête aurait été écrasée avec des pierres, en juillet 1915 quelque part près d’Urfa.
Panos Terlemezian, peintre et militant
Panos Terlemezian (Փանոս Թերլեմեզյան ; né dans la province de Van dans l'empire ottoman (à Aygestan) le 3 mars 1865 et mort le 30 avril 1941) est un peintre arménien ainsi qu'un militant révolutionnaire
Né d’un père fermier, Panos Terlemezian fréquente l’école Van Central (fondée par Meguerditch Portoukalian) entre l’âge de 16 et 21 ans. Cette période sera un tournant dans sa vie politique. À la fin de ses études, il est employé comme maître dans cette même école2.
En 1889, Panos Terlemzian a dû quitter son poste d'enseignant et fuir sa ville à cause de son opposition au régime du Sultan. Ce fut le premier d'une longue liste d'exils. Après avoir fui l’Arménie lors du génocide, il continue ses études à la Société impériale d'encouragement des beaux-arts de Saint-Pétersbourg entre 1895 et 1897. Durant ces années, il eut pour mécène Mkrtich Khrimian également natif de Van. Terlemezian fut influencé par les Ambulants (Peredvizhniki), dont Ilya Repin et Ivan Shishkin qui vivaient à Saint-Pétersbourg au même moment. Les Ambulants étaient des peintres réalistes engagés qui croyaient pouvoir passer des idées sociales et politiques via l'art3.
Puis à Paris, à l’Académie Julian (1899-1904) où il eut pour maîtres Jean-Paul Laurens et Benjamin-Constant. Il en profite pour étudier les grands maîtres du Louvre, copiant les Anciens comme Titien (1488-1576). Il voyage à travers la France, esquisse les villes et les habitants de Bretagne. C’est ici qu'il réalisa son premier grand tableau, Près de la fontaine. La peinture représente une paysanne en costume traditionnel avec un couvre-chef blanc, qui profite d’une journée ensoleillée près d’un puits. Ce tableau a été exhibé au salon annuel de la Société des artistes français en 1901.
Après avoir fini sa formation en 1904, il retourna directement en Arménie, pour peindre ses paysages et scènes de vie rurale. Après le génocide arménien, il vécut en France, en Italie, en Espagne et aux États-Unis. Il reviendra en Arménie, à Erevan, en 1928, alors que le pays est intégré à l'Union soviétique. Il y restera jusqu’à sa mort
Panos Terlemezian est une des figures emblématiques des xixe et xxe siècle. Il est l'un des principaux peintres réalistes d'Arménie, particulièrement reconnu pour ses paysages.
Il restera fidèle à sa technique réaliste même s'il vécut dans des environnements très influencés par des nouvelles tendances artistiques. Quelques-uns de ses tableaux seront tout de même influencés par l’impressionnisme.
Ses genres de prédilections sont les natures mortes, les portraits, les scènes de genre et les paysages. L’élément principal de sa peinture est la nature : « Il est nécessaire que l’artiste aime la nature passionnément. Ainsi, les beautés de la nature pourront, par ces yeux, pénétrer dans son âme, et l’exciter. C’est ce qui produira l’originalité de son travail »
Sa contribution à l’art arménien est considérable. Il est aujourd’hui considéré comme un peintre classique. Malgré le fait que le pouvoir en place durant l'Empire Ottoman a cherché à passer sous silence son art à cause de son engagement politique.
Une école d’art, à Erevan, a été appelée école Panos Terlemezian en son hommage.
Panos Terlemezian laisse derrière lui plus d'une centaine de peintures, dessins et croquis. À sa mort, il fit don de la plupart de ses tableaux à la Galerie nationale d'Arménie.
Ses mémoires, achevées en 1941 et conservées à la Galerie Nationale, ont récemment été compilées et publiées par la Tekeyan Cultural Association, sous le titre de "Panos Terlemezian: Memories of My Life". Dans ses mémoires, Terlemezian parle à la fois de la souffrance vécue par le peuple arménien durant le Génocide et après, mais aussi de la vie courante à Van.
Avetik Isahakyan, poète, écrivain et activiste
Avetik Isahakyan ( arménien : Ավետիք Իսահակյան ; 30 octobre 1875 - 17 octobre 1957) était un éminent poète lyrique arménien, écrivain et activiste public.
Biographie
Isahakyan est né à Alexandropol en 1875. Il a fait ses études au séminaire Kevorkian d' Echmiadzin, puis à l' Université de Leipzig , où il a étudié la philosophie et l'anthropologie. Il a commencé sa carrière littéraire et politique dans sa jeunesse. À son retour de Leipzig en 1895, il entra dans les rangs du nouveau comité d' Alexandropol de la Fédération révolutionnaire arménienne. Par ses activités, il a soutenu des groupes armés et une aide financière envoyée en Arménie occidentale depuis Alexandropol. Il a été arrêté en 1896 et a passé un an dans la prison d'Erevan. Plus tard, Isahakyan est allé à l'étranger, suivant des cours de littérature et d'histoire de la philosophie à l'Université de Zurich. Il est retourné dans son pays natal en 1902, puis a déménagé à Tiflis. Avec 158 autres intellectuels arméniens, il a été arrêté en 1908 et après avoir passé six mois dans la prison de Metekha de Tiflis (tout comme Hovhannes Tumanyan ), il a été libéré sous caution. Rester dans le Caucase n'était plus possible et en 1911, Isahakyan avait émigré. Isahakyan ne croyait pas aux promesses faites par le gouvernement des Jeunes Turcs, concernant l'autonomie gouvernementale et l'autonomie de l'Arménie occidentale. Assuré que le danger du panturkisme (qui, selon lui, visait l ’extinction totale des Arméniens) pourrait être évité par le partisan de la Turquie , l’ Allemagne , Isahakyan se rendit à Berlin. Là, avec un certain nombre d'intellectuels allemands, il a participé au mouvement germano-arménien, et a édité le journal du groupe "Mesrob" et a cofondé la société germano-arménienne. Le début de la Première Guerre mondiale et les massacres horribles ont confirmé ses horribles prédictions sur la nature annihilante de la politique du gouvernement des Jeunes Turcs. Après la guerre et le génocide arménien , Isahakyan a décrit à travers ses compositions le destin de tristesse et la lutte héroïque des Arméniens pour la liberté. Le poète a mis en avant les accusations de génocide, dont la pire partie avait eu lieu entre 1915-1922, dans "Le Livre blanc". Pendant cette période, Isahakyan a exprimé ses idées principalement à travers ses articles sociaux et politiques, dans lesquels il a discuté des sujets de la cause arménienne, de la réunification de l'Arménie et de la restauration du gouvernement arménien. Les images des massacres sont persistantes dans ses poèmes, tels que «La neige a tout couvert…», «En Arménie…» et «Here Comes Spring Again». Korney Chukovsky l'a rencontré à Kislovodsk en 1926 et a écrit dans son journal:
Je viens de recevoir la visite de quatre Arméniens, dont l'un, Avetik Isaakyan, est un poète bien connu. Je ne peux pas vous dire à quel point il est gentil: modeste, calme, complètement insensible. Il a passé quinze jours ici sans que personne ne sache qui il était. Pourtant, sa renommée est telle que lorsque je l'ai mentionné à notre barbier arménien, il a immédiatement rayonné et a commencé à réciter sa poésie en arménien. Le cireur de chaussures a eu la même réaction: "Avetik! Avetik!" Il a un regard triste et absent sur lui. Ils disent que le régime (qui lui verse une petite pension) ne le laissera pas visiter sa famille à l'étranger. J'ai été surpris de constater qu'il était incapable de réciter même quatre vers de son vers en arménien quand je lui ai demandé: il a tout oublié. Et quand nous avons eu une soirée arménienne et que ses poèmes ont été lus depuis le podium, il s'est assis juste là dans le public, penché en avant, les mains sur le visage. Il a refusé de monter sur le podium ou de prononcer un seul mot.
Isahakyan partit de nouveau à l'étranger en 1930 et vécut à Paris, mais retourna définitivement à la RSS d'Arménie en 1936, où il fut élu à l' Académie des Sciences de la RSS d'Arménie en 1943 et président de l' Union des écrivains de la RSS d'Arménie en 1944. Il a reçu le prix d'État de Staline en 1946, a été membre du Comité soviétique pour la protection de la paix et était député des II-IV Soviets suprêmes de la RSS d'Arménie. Il a reçu deux fois l' Ordre de Lénine et décoré d'autres médailles. Le portrait de Isahakyan apparaît sur l'Arménie 10 000 dram facture. La tombe d'Avetik Isahakyan au Panthéon Komitas d'Erevan Avetik Isahakyan est enterré au Panthéon Komitas qui est situé dans le centre-ville d'Erevan.
Travaux
A sa sortie de prison, 1897, il publia la première compilation de ses poèmes "Chants et blessures", mais fut bientôt arrêté de nouveau pour ses activités "contre le tsar de Russie" et envoyé à Odessa . Le lyrisme, la charge émotionnelle et la mélodie de ses poèmes lui ont valu une popularité immédiate. Ses meilleures œuvres sont remplies de méditations de chagrin et de lamentations sur le sort de l'humanité, l'injustice de la vie. Ses compositions sont pénétrées d'amour pour sa patrie et son peuple. Entre 1899-1906, il a écrit "The Songs of Haiduks", une compilation de poèmes qui est devenue la première création de la poésie arménienne classique consacrée à la lutte pour la liberté arménienne. Une histoire symbolique dépeignant la politique arménienne et la cause arménienne du 19e début du 20e siècle a dû être "Usta Karo", un roman inachevé, dont le travail a accompagné l'écrivain toute sa vie. "Usta Karo sera fait le jour où la cause arménienne sera résolue", disait le maître lui-même. Ishakyan n'a pas pu s'habituer à l'idée d'une Arménie démembrée. Avec une profonde douleur émotionnelle et une amertume dans son cœur, il continuait à croire qu'un moment viendrait où le peuple arménien retournerait sur ses côtes natales. Isahakyan est retourné en Arménie soviétique en 1926 où il a publié un nouveau recueil de ses poèmes et histoires (par exemple "Une pipe de patience" - 1928). Entre 1930 et 1936, il a vécu à l'étranger où il a agi comme un ami de l' Union soviétique . Plus tard, il est finalement retourné en Arménie où il a continué son énorme travail social. Parmi ses œuvres de cette époque figurent les célèbres «Nos historiens et nos ménestrels» (1939), «À ma patrie» (1940), «Littérature arménienne» (1942) ou «Sasna Mher» (1937). Ses poèmes sont ceux de l'amour et du chagrin. Son meilleur travail est "Abu-Lala Mahari" (1909–1911), tandis que ses autres oeuvres bien connues incluent "Songs and Novels" et "The Mother's Heart". Étant un romantique, Isahakyan était surtout connu pour son vers "Sur le pont de Realto" dédié à son premier amour. Pendant la Seconde Guerre mondiale de 1941-1945, il écrivit des poèmes patriotiques comme "Martial Call" (1941), "My Heart is at the Mountains 'Top" (1941), "To the Undying Memory of SG Zakyan" (1942), "Le jour de la grande victoire" (1945) et bien d'autres. Son travail créatif, rempli d' humanisme et d'un grand respect pour la dignité humaine, est profondément lié à l'histoire et à la culture du peuple arménien, embrassant les meilleures traditions de la littérature russe et mondiale. Le poète russe Alexander Blok le qualifiait de «poète de première classe, frais et simple, que l'on ne peut peut-être plus trouver en Europe ».
Les œuvres d'Isahakyan ont été traduites dans de nombreuses langues et ses poèmes ont été utilisés comme paroles pour de nouvelles chansons.
Hovhannes Shiraz, poète
Hovhannès Chiraz (en arménien Հովհաննես Շիրազ ; de son vrai nom Hovhannès (Onig) Garabedian), né le 27 avril 1915 à Gyumri (alors Alexandropol, Empire russe) et mort le 14 avril 1984, est un poète arménien.
Très jeune il commença à écrire des poèmes. Il a publié son premier recueil La venue du printemps en 1935. Puis suivirent La voix du poète et le Livre des chants en 1942. Il publia ensuite Lyrique en 1946, le Livre à la paix et à l'amour en 1950, et enfin Lyre d'Arménie en 1955.
Il fut marié avec la poétesse Sylva Kapoutikian : ils sont les parents du sculpteur Ara Chiraz (1941-2014). Il a eu sept enfants avec sa seconde femme Shushanik Shiraz (1937-2006) dont le poète Sipan Chiraz (1967-1997).
Poème célèbre:
« Nous étions en paix comme nos montagnes
Vous êtes venus comme des vents fous.
Nous avons fait front comme nos montagnes
Vous avez hurlé comme les vents fous.
Éternels nous sommes comme nos montagnes
Et vous passerez comme des vents fous. »
— « Impromptu » de Hovhannès Chiraz
Violette Krikorian, poétesse contemporaine
Violette Krikorian ou Violet Grigoryan (née en 1962 à Téhéran) est une poétesse arménienne.
Née à Téhéran en 1962, elle écrit dès l'âge de dix ans en persan. Profondément marquée par la vie de son enfance à Téhéran, un quartier de banlieue où vivaient ensemble Iraniens, Arméniens, Assyriens et Turcs, sa première poésie demeure imprégnée des parfums d'Orient. « Je suis très contente d'être venue d'ailleurs, » dit-elle. « J'ai apporté avec moi l'Orient. J'aime en moi ce mélange Est-Ouest, l'Orient et l'Occident. D'être née à Téhéran m'a donné un rythme oriental. »
Depuis 1975, elle vit en Arménie où sa famille émigra. Elle a terminé ses études de philologie à l'Institut pédagogique d'Erevan. Elle a publié ses premiers textes dans la revue littéraire Garoun (« Printemps ») à l'âge de dix huit ans. Puis se révèle de plus en plus rebelle et conteste l'autorité de l'Union des écrivains d'Arménie et de Vahram Martirosyan, auteur du livre, Sorank (« Glissement de terrain »). Elle rompt ses liens avec lui et crée la revue Bnaguir (« Texte original ») et ensuite, avec celui qui va devenir son mari, Vahan Ishkhanyan, critique littéraire important, ils créent la revue Inknaguir (« Autographe »), revue destinée à faire entendre les nouvelles voix contemporaines. Vahé Godel et Denis Donikian la firent connaître des lecteurs français grâce à leurs traductions.
Ses premiers textes ont un parfum de soufre et de scandale, elle provoque et trouble, secoue les carcans par un ton direct dont l'expression est crue. « Je crève comme le dernier des chiens ! » profère-t-elle avec son grand caractère. Elle dérange, dénonce les mensonges de la société où elle survit. Elle a dû se réfugier à Los Angeles durant un an, elle craignait alors de sortir dans la rue à Erevan. Sa poésie peut ainsi être qualifiée d'urbaine et de sensuelle. Pour Serge Venturini, elle est la digne héritière de Nahapet Koutchak par son érotisme solaire et joyeux, elle a en elle la force de renversement d'un Yéghiché Tcharents, et aussi par son goût d'une langue ramassée dans la rue. Comme Tcharents a écrit un texte sur son pénis, elle écrit un texte sur son clitoris, texte non-traduit. La force de son style vient de son audace. Son goût du scandale et de la provocation se retrouve magnifié dans son Baiser de nègre, prose poétique rebelle (texte traduit en 2012 par Yvette Nvart Vartanian).
En cela, elle renouvelle une tradition poétique d'insoumis et de réfractaires à tout ordre moral, à toute pression d'où qu'elle vienne. Dans Que cet hiver est rude, Violette Krikorian écrit ceci à propos de l'Arménie d'aujourd'hui : « À quoi bon marchander si je n'ai rien à vendre ? / Et dans la main de ta balance ma vie n'est d'aucun poids. / Et mon unique vie je l'ai donnée jusqu'à la perdre. / Pourtant je te pardonne, toi mon pays unique. »
Sa poésie s'affirme comme une des voix majeures de ces dernières années, par sa différence des autres voix, c'est une exploratrice du Verbe, elle cherche « l'inconnu et le lointain », tout en revendiquant dans son écriture une courageuse protestation féministe. « Violette Krikorian est d'autant plus importante, qu'elle vient après des années, voire des siècles, dans un domaine, où à part Sylva Kapoutikian et quelques autres voix, la poésie était presque réservée à un monde d'hommes », selon Serge Venturini.
Nous assistons donc de plus en plus en poésie, et c'est un signe des temps, à un surgissement des voix féminines, en Arménie avec Mariné Pétrossian, Arpi Voskanian et Gayané Babayan par exemple, comme ailleurs dans le monde. Même si long est le chemin pour créer une nouvelle littérature, au sens fort du terme, elle ne pourra plus se faire sans les femmes. Sarcastique, elle ajoute même au cours d'un entretien avec Denis Donikian dans « La poésie n'est pas à vendre » : « Ne me prenez pas au sérieux ! »
Elle a écrit :
« Mon pays, tes crocs pourris et jaunes
m'entrent dans la gorge.
Serre encore ou relâche-moi ! J'en ai assez de me débattre,
pareille au papillon fixé par une aiguille...
(Traduction de Denis Donikian dans le livre Amour, Actual Art, Erevan, 2006.) »
C'est la vérité, la vérité que je dis, Éditions Naïri, 1991 (réimpr. 1998) (prix de l'Union des écrivains d'Arménie)
La ville, 1999, (prix d'État)
Que cet hiver est rude, 2000, éditions du festival Est-Ouest de Die
Amour (Actual Art, Erevan 2006) en édition bilingue (traduction de Denis Donikian)
Cinq poèmes de Violette Krikorian, dans Avis de recherche, Une anthologie de la poésie arménienne contemporaine, Éditions Parenthèses, Marseille, 2006, p. 185 sq. (traductions de Nounée Abrahamian et de Stéphane Juranics)
« Autoconfirmation », 1996, p. 187
« Dans cette ville... », 1992, p. 191
« Scène et rideau... », 1991, p. 195
« Chant personnel », 1996, p. 197
« La ville » (extraits), 1997, p. 201
Un article à propos d'Erevan : « Un monde vacillant », dans Arménie(s) Plurielle, Claire Giudicenti éditrice, Paris, novembre 2006, p. 117
Baiser de nègre, dans Poésie contemporaine arménienne, compilation : Lévon Ananian, présentation : Artak Baghdassarian, traduction : Yvette Nvart Vartanian, éd. Zangak, Erevan 2012, (ISBN 978-99930-54-67-2), p. 115-117
Extraits de l'article en anglais ci-dessus
Mari Beylerian, écrivaine, féministe, personnalité publique
Il y a un siècle, des femmes arméniennes élevaient la voix et parlaient avec audace de questions allant du mariage au service public. Il y a un siècle, il y avait des femmes arméniennes fortes et intrépides, qui créaient leurs propres magazines et revues et offraient un espace aux jeunes femmes. Il y a un siècle, des femmes arméniennes se battaient pour leurs droits et l’éducation des femmes.
Mais un siècle plus tard, ils sont pour la plupart oubliés ...
Mari Beylerian, écrivain, féministe et personnalité publique, est l'une des intellectuelles les moins connues d'Arménie occidentale. Victime du génocide arménien de 1915, elle a été un modèle et une éducatrice pour des milliers de femmes arméniennes de différentes régions du monde. Elle était principalement connue pour son magazine féminin Ardemis. Considéré comme le premier périodique féminin du monde arménien, Ardemis a couvert des sujets sur la libération des femmes arméniennes et plus encore.
Qui était-elle?
Les informations sur la vie de Mari Beylerian sont rares. Bien qu'elle ait été bien connue de son vivant grâce à son journal, son nom et ses activités ont été pour la plupart oubliés après le génocide arménien. On dit que Mari était l'une des deux femmes (avec Zabel Yesayan) qui a été arrêtée avec plus de 200 cent intellectuels arméniens le 24 avril 1915. Son sort reste encore inconnu aujourd'hui.
Beylerian est née en 1877 à Constantinople (Empire ottoman) et a fait ses études à l'école Esayan. Elle est ensuite retournée à son école comme enseignante. Certaines sources affirment qu'elle a poursuivi ses études au Studio Pera (Pera était un quartier de Constantinople). En tant que jeune étudiante, elle a commencé à écrire pour un journal appelé Arevelk (Est) sous le pseudonyme Calipso. Beylerian était plein d'enthousiasme et désireux de faire partie du mouvement de libération arménien. Bientôt, elle décida de rejoindre le parti Hnchakian. Les dirigeants du parti ont décidé qu'elle était très jeune pour être membre et l'ont désignée comme correspondante médiatique du parti. En 1890, elle a participé et couvert la manifestation de Kum Kapu organisée par le Parti Hnchakian contre le patriarcat arménien. En 1895, elle devint l'une des organisatrices des manifestations pacifiques de Bab Ali à Constantinople contre le gouvernement turc, qui appelait à la mise en œuvre des réformes de mai. Le gouvernement turc l'a condamnée à mort par contumace alors que Mari s'échappait en Égypte.
Bientôt, elle a commencé à enseigner à l’école arménienne d’Alexandrie et en 1902 elle a fondé le périodique mensuel Ardemis. Dans son article sur Ardemis, Lerna Ekmekcioglu mentionne que Beylerian a épousé le révolutionnaire Avo Nakashian peu après son arrivée au Caire. [5]
En 1908, après la révolte des Jeunes Turcs qui rétablit la Constitution ottomane [6], Mari retourna dans l'Empire ottoman et commença à enseigner à l'école arménienne de Smyrne (plus tard Izmir) et plus tard à l'école arménienne Yevdokia. Elle a également publié un recueil littéraire de son propre travail appelé «Depi Ver» (Upward) jusqu'à sa mort en 1915.
Ardemis
Fondé à Alexandrie, Egypte Ardemis, un périodique littéraire mensuel a été publié jusqu'en 1904 et était populaire parmi les femmes arméniennes non seulement d'Arménie, mais aussi de la diaspora. Avant de publier le périodique, Mari a envoyé son mari à Etchmiadzin pour voir le Catholicos Mkrtich Khrimyan et demander de l'aide. Khrimyan Hayrik a aimé l’idée d’un périodique féminin et a aidé Beylerian avec de nouvelles polices. De plus, il a donné certains de ses écrits et a demandé de reverser tous les bénéfices de la publication pour le journal.
L’objectif principal de cette publication était de faire connaître les droits des femmes et de promouvoir l’éducation des femmes. Ardemis encourageait également les activités philanthropiques. Beylerian, la rédactrice en chef du magazine, avec ses éditoriaux féministes, sa pensée et son esprit progressistes ont la capacité d'étonner les lecteurs même aujourd'hui.
Le magazine était une plate-forme ouverte pour toute femme qui voulait s’exprimer et était un moyen puissant d’atteindre différentes classes sociales et de permettre à chacun de débattre et de parler ouvertement des problèmes des femmes. Les différents articles publiés dans le magazine par des femmes arméniennes ordinaires provenaient de villes comme Tbilissi, Moscou, Kars, Nor Jugha, New York et Paris. Des écrivains célèbres et des personnalités publiques telles que Vahan Tekeyan, Yeghia Demirjibashian, Zaruhi Kalemkaryan et la journaliste américaine Alice Stone Blackwell ont écrit des articles pour Ardemis.
Dans son livre «A History of Armenian Women’s Writing 1880-1992», Victoria Rowe (2009) identifie quatre thèmes principaux couverts par le périodique: les droits des femmes, l’éducation, la maternité et l’emploi. Ce sont les problèmes les plus essentiels auxquels les femmes arméniennes sont confrontées depuis des siècles. Certaines de ces questions, telles que le droit des femmes à l’éducation et à l’emploi ou le droit de la femme de prendre des décisions dans sa famille, sont toujours d'actualité en Arménie du XXIe siècle.
Les droits des femmes
Beylerian a abordé la question des droits des femmes dans plusieurs éditoriaux, appelant à la justice et à l’autonomisation de la femme arménienne. Elle pensait que le féminisme occidental n'était pas compatible avec la réalité arménienne. Elle a fait valoir que les femmes arméniennes devaient d’abord exiger des «droits naturels» (leur droit d’avoir leur propre opinion, de prendre des décisions et de contrôler leur sort), puis de soulever des questions sur leur rôle dans le discours sociopolitique du pays. Dans son éditorial intitulé «Un regard sur le passé de la femme arménienne», Beylerian a ouvertement parlé des dures réalités de la vie quotidienne de la femme arménienne, critiquant les relations mari-femme et le statut de la femme au sein de la famille.
«La vie de famille était un enfer pour les Arméniens dans le passé. Elle a été forcée d'être une ombre, rien de plus. C'était considéré comme honteux pour un jeune homme de parler ouvertement, amicalement et avec amour à sa femme. S'il osait, ceux qui l'entouraient le qualifieraient d'efféminé. Il lui serait reproché et insulté. S'il avait quelque chose d'important à dire à sa femme, il l'a fait sans la regarder en face.
La langue de Beylerian est très facile à comprendre car elle a pris les réalités quotidiennes et «obligé» les femmes arméniennes à enfin voir, analyser et exiger justice. Dans son éditorial «Zavagy» (L’enfant), elle a même écrit un bref manifeste consacré aux droits des femmes arméniennes.
Vahan Terian, poète arménien, parolier et activiste
Vahan Terian (arménien: Վահան Տերյան; 9 février 1885 - 7 janvier 1920) était un poète arménien, un parolier et un activiste public. Il est connu pour ses poèmes douloureux et romantiques, dont les plus célèbres sont encore lus et chantés dans leurs versions musicales.
Terian est né dans le village Gandza (განძანი) de la région Javakheti de Géorgie (alors dans l'Empire russe). Formé à Tiflis, il étudie ensuite au Lazarian College de Moscou, où il est exposé au symbolisme et rejoint les sociaux-démocrates russes. Il a été emprisonné par la police tsariste pour son activité politique. Il est surtout connu pour ses poèmes consacrés à l'automne et à l'amour. C'est pourquoi Teryan est connu comme "Singer of Autumn" dans la littérature. Il publie son premier recueil de poèmes, "Dreams at Dusk", en 1908, qui lui fait une sensation immédiate, Hovhannes Tumanian le qualifiant de poète lyrique le plus original de son époque. Il a ensuite publié «Night Remembrance», «The Golden Legend», «The Return», «The Golden Link», «In the Land of Nairi» (où il a remplacé le mot «Nairi» pour chaque cas où le mot «Armenia» s'adaptait), et "The Cat's Paradise". Ses poèmes sont remplis d'images de pluie, de brouillard, de champs pâles et d'ombres informes, symboles de chagrin, de désespoir et finalement de paix.
En 1913, Terian quitta l'Université de Moscou pour l'Université de Saint-Pétersbourg, où il se spécialisa dans les langues orientales, intensifiant son engagement politique. Après la révolution, il est devenu représentant des Arméniens au ministère des Nations, travaillant personnellement avec Lénine et Staline. En 1916, Vahan Terian a publié un recueil de poèmes intitulé Land of Nairi (en arménien: (Yerkir Nairi), dans lequel il utilise Nairi à la place de l'Arménie. De même en 1923, Yeghishe Charents a écrit une nouvelle satirique intitulée Land of Nairi, utilisant une fois De nouveau Nairi comme synonyme d'Arménie, Hayastan Yeghiazarian a utilisé Nairi Zarian comme nom de plume, remplaçant son prénom, Hayastan (qui est ce que les Arméniens appellent l'Arménie dans leur propre langue depuis la fin du Moyen Âge) par Nairi.
Il est mort à Orenbourg de la tuberculose peu de temps avant son 35e anniversaire. Il y fut enterré et la tombe avait été marquée par une croix en bois, qui fut vite oubliée et l'endroit exact perdu. En 1964, le sol du cimetière d'Orenbourg a été amené à Erevan par la fille de Terian et enterré dans le Panthéon Komitas avec un cénotaphe.
Chaque année, il y a une commémoration de sa vie dans la région de Javakhk au village de Gandza où il est né.
Quelques livres de Terian sont disponibles en anglais à cette page: