Cette page montre plusieurs articles qui expliquent le contexte de la signature du traité de Sèvres et ce qu'aurait dû être l'Arménie, mais ce traité ne fut jamais appliqué...
Le traité de paix signé par l'Empire ottoman et les Alliés en 1920à Sèvres imagine deux états kurde et arménien. Mais il n'a jamais été appliqué: sur le terrain, les troupes menées par Mustafa Kemal, opposées au démembrement de l'Empire, reprennent l'avantage. En 1923, le traité de Lausanne entérine ces gains. Et il n'est plus question d'Etat arménien ou kurde...
Il y a un siècle, le 10 août 1920, le dernier des « traités de paix » qui semblaient achever la Première Guerre mondiale était signé à Sèvres. Dans l’esprit des vainqueurs, essentiellement la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, ce traité était considéré comme secondaire et fut donc conclu le dernier. Après les traités de Versailles pour l’Allemagne (juin 1919), de Saint-Germain-en-Laye pour l’Autriche (septembre 1919) de Neuilly pour la Bulgarie (novembre 1919) et de Trianon pour la Hongrie (juin 1920), le traité de Sèvres entendait régler le sort d’un Empire ottoman déchu.
De ces traités émergeait une Europe entièrement nouvelle avec la disparition d’empires séculaires, comme l’Autriche-Hongrie ou l’Empire ottoman et avec l’éclosion de nouveaux États par exemple la Tchécoslovaquie, la Pologne ou la Yougoslavie. De la même façon, certains États en furent profondément affectés, soit à cause des traités eux-mêmes – ce fut le cas de la Hongrie sévèrement amputée par le traité de Trianon – ou à cause de processus internes comme la révolution russe.
Plus à l’Est, le traité de Sèvres était censé régler le sort de l’Empire ottoman vaincu. Le récit dominant stipule qu’entre autres dispositions, ce traité établissait un nouvel État arménien, à l’est de la Turquie, qu’il délimitait la frontière entre la Turquie et ce nouvel État comme il le faisait par exemple entre la Turquie et la Syrie ou entre la Turquie et la Grèce. Le récit dominant considère aussi que ce traité n’a jamais été ratifié et qu’en conséquence ces dispositions au sujet de l’Arménie devinrent nulles et non avenues et qu’elles furent en l’espèce remplacées par le traité de Lausanne signé en 1923.
En vérité, les choses sont loin d’être aussi simples et de nombreux juristes et experts en droit international soulignent que ces récits sont fallacieux. D’abord en raison même des principes du droit international qui considèrent avec constance que les actes de ratification (ou de non-ratification) par les Assemblées parlementaires sont secondaires. Au contraire, la participation d’une délégation plénipotentiaire au processus de signature et son acceptation préalable de la future mise en œuvre des clauses des traités sont considérées comme les facteurs clés de validité par le droit international. À cet égard, la validité légale du Traité de Sèvres est supérieure à celle du traité de Lausanne parce que le premier a recueilli l’accord signé d’un bien plus grand nombre d’États que le second. Le fait que l’Empire ottoman ait été plus tard remplacé par la République de Turquie ne modifie rien à ce point de doctrine dans la mesure où les États successeurs – et en l’espèce l’État continuateur même selon certains experts – est engagé par les droits et obligations découlant des traités signés par son prédécesseur.
La seconde raison pour laquelle ce discours est incorrect réside dans le contenu même du traité de Sèvres entre les Puissances alliées et la Turquie. Un examen approfondi montre qu’il délimite effectivement de nouvelles frontières pour la Turquie, mais que le traitement de la frontière arménienne y est traité de manière substantiellement différente des autres. En fait, l’important article 27 du traité donne des indications quant aux frontières de la Turquie en Europe (§27.I) et en Asie (§27.II). Pour les secondes, cet article fournit directement des instructions détaillées à propos des frontières avec la Syrie et avec la Mésopotamie– en se référant à une carte précisée par l’article 28 – tandis que quatrième paragraphe de l’article sur les frontières « à l’Est et Nord-Est » est rédigé de la manière suivante :
« Du point ci-dessus défini et jusqu’à la mer Noire, la frontière actuelle entre la Turquie et la Perse et les anciennes frontières entre la Turquie et la Russie, sous réserve des dispositions de l’article 89 »
L’article 89 auquel il est fait référence dans la section VI déportée et dévolue à l’Arménie commence par l’article 88 qui affirme que « La Turquie déclare reconnaître, comme l’ont déjà fait les Puissances alliées, l’Arménie comme un État libre et indépendant ».
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L’article 89 stipule quant à lui que « la Turquie et l’Arménie ainsi que les autres Hautes Parties contractantes conviennent de soumettre à l’arbitrage du Président des États-Unis d’Amérique, la détermination de la frontière entre la Turquie et l’Arménie dans les vilayets d’Erzeroum, Trébizonde, Van et Bitlis et d’accepter sa décision ainsi que toutes dispositions qu’il pourra prescrire relativement à l’accès de l’Arménie à la mer et relativement à la démilitarisation de tout territoire ottoman adjacent à ladite frontière ».
Ce traitement déporté extrait en vérité la question de la frontière arméno-turque du cadre juridique du traité de Sèvres pour le replacer dans un autre cadre juridique, celui de la procédure d’Arbitrage. Les règles d’arbitrage international avaient été définies assez clairement par la première Convention de La Haye en 1899 et renforcées par la seconde Convention de La Haye en 1907. L’Empire ottoman avait signé et ratifié ces conventions et était donc lié par ses dispositions, y compris celles sur « le règlement pacifique des différends internationaux » par la voie de l’Arbitrage.
C’est un fait historique que l’Arbitrage du Président Wilson est resté lettre morte : quand il fut prononcé le 22 novembre 1920, l’Arménie qui était indépendante depuis le 28 août 1918 était sur le point de disparaître à nouveau. Le Sénat des États-Unis venait juste de refuser l’établissement d’un mandat américain sur l’Arménie le premier juin et la défaite des maigres troupes arméniennes face aux nationalistes turcs contraignit le gouvernement arménien à signer les nouveaux traités d’Alexandropol et de Kars avec ces forces kémalistes. Face à la perspective d’un anéantissement définitif par les Turcs, l’Arménie fut incapable de résister à l’Armée rouge et fut finalement soviétisée le 29 novembre 1920 avec l’idée qu’il valait finalement « mieux être rouge que mort ».
Cependant, plusieurs points d’importance juridique méritent d’être relevés. Le traité subséquent d’Alexandropol fut signé le 3 décembre 1920 entre le ministre des Affaires étrangères d’une République d’Arménie déjà disparue et un représentant des forces kémalistes qui ne jouissait alors d’aucune espèce de reconnaissance internationale. En termes de droit international, ce traité est donc dépourvu de toute validité de même que le traité suivant de Kars, signé le 13 octobre 1921 entre le régime de Kémal toujours illégal et les Républiques soviétiques alors non reconnues de Russie, d’Arménie, d’Azerbaïdjan et de Géorgie. On peut dire la même chose du traité intermédiaire de Moscou (16 mars 1921). De surcroît, on peut arguer que lorsque fut signé le traité de Kars, l’Arménie soviétique pas plus que l’Azerbaïdjan ou la Géorgie soviétiques ne constituaient des États indépendants, un point qui achève d’ôter toute validité à ce traité (ce serait la même chose si, par exemple, l’Alabama ou la Bretagne signaient un traité international).
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L’idée courante que le traité de Lausanne (24 juillet 1923) ait pu « remplacer » le traité de Sèvres constitue également un raccourci trompeur. D’abord parce qu’il n’a évidemment pas été signé par aucune des Républiques arméniennes – soviétique ou pas – et pas même par l’Union soviétique qui n’était alors reconnue ni par la France, ni par le Royaume-Uni, ni par les États-Unis. Ensuite parce que ce traité de Lausanne ne traite absolument pas de la frontière orientale de la Turquie.
Évidemment, ces quelques rappels juridiques ne sont certainement pas suffisants par eux-mêmes pour modifier la frontière actuelle entre les deux pays. C’est probablement le destin général du droit international de n’être qu’une sorte d’expédient pour justifier de bien plus prosaïques rapports de force. De nos jours, l’Arbitrage de Wilson n’a pas été mis en œuvre parce que personne ne veut ou ne peut le faire, mais cette situation de blocage politique n’altère pas sa validité juridique. C’est la raison profonde pour laquelle la Turquie presse tant l’Arménie – même aujourd’hui – pour lui arracher un document qui légaliserait la frontière de facto entre les deux pays (sans parler des menaces et intimidations régulières, y compris les très inquiétants rappels et glorifications du génocide des Arméniens).
Jusqu’à présent, la République d’Arménie a résisté à ces manœuvres. D’une part, elle a affirmé à plusieurs reprises n’avoir aucune revendication territoriale sur le territoire de facto turc. Cette situation est donc également une conséquence du génocide des Arméniens qui empêche l’Arménie actuelle – avec seulement trois millions d’habitants – de peupler ces territoires étendus (quoique ce n’est pas réellement un argument ; il y a de nombreux pays avec de grands territoires et de faibles populations comme, par exemple, l’Australie ou le Canada). Mais d’autre part, l’Arménie s’est contentée d’affirmer qu’elle veut des relations diplomatiques intégrales avec la Turquie « sans préconditions », ce qui signifie que l’Arménie évite avec pragmatisme d’ouvrir un contentieux devant la Cour Internationale de Justice ou d’exprimer des revendications territoriales tant que ne sera pas réglée d’une manière mutuellement acceptable cette question des relations diplomatiques aujourd’hui inexistantes avec la Turquie.
Cela dit, ces rappels nous permettent de mieux comprendre l’usage politique fait par la Turquie d’un discours autour du prétendu « syndrome de Sèvres » afin de discréditer le mythe d’une Grande Arménie. La situation réelle est exactement inverse : l’incapacité de la communauté internationale à imposer sa propre légalité en Asie Mineure a ouvert la voie à une Grande Turquie qui – sous le vocable captieux de « l’Anatolie orientale » empiète aujourd’hui très largement sur le territoire légal de l’Arménie.
Le traité de Sèvres constitue l’une des pages les plus sombres de l’histoire de la Turquie. Après avoir perdu la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman, avec l’armistice du 20 octobre 1918, accepta un cessez-le-feu et commença immédiatement à négocier un traité de paix. Cependant, voyant que la trêve n’empêchait pas l’occupation étrangère, l’Empire repris de nouveau la lutte afin de résister contre les forces d’occupations. Les conditions de paix imposées à l’empire ottoman furent rejetées par la résistance nationale établie dans l’Anatolie et par le Parlement du gouvernement (TBMM). La lutte nationale qui se constitua en Anatolie retarda la signature d’un éventuelle traité de paix, malgré la pression exercée par les Etats alliés sur le gouvernement ottoman à Istanbul. Ainsi, les délégations ottomanes signèrent un traité dépourvu d’application juridique et qui resta à l’état de projet.
Afin de comprendre la posture du traité de Sèvres quant à la question arménienne, il suffit de consulter le 24è article de l’armistice. Dans cet article – signé par l’Empire ottoman sans pouvoir même le négocier – le droit des États alliés de conserver n’importe quelle partie de l’occupation est rappelée (« Vilayet-i Sitte’de iğtişaş zuhurunda mezkur »). De plus, l’expression « six provinces » (« vilayet-i sitte ») fut traduite dans le texte en anglais de l’armistice comme « les six provinces arméniennes ».
A la fin de la Première Guerre mondiale, deux délégations arméniennes furent envoyées à la Conférence de paix de Paris, ouvert le 18 janvier 1919, dans le but d’assurer la protection d’un « nouvel ordre mondial ». Parmi eux se trouvait le pacha Bogos Nubur, président du Comité National arménien, représentant des arméniens de l’Empire ottoman et de l’étranger.
Cette délégation était aussi connue par les Etats alliés. Dirigée par Avetis Aharanyan, l’autre comité représentait la République d’Arménie crée le 28 mais 1918. Nous devons aussi préciser qu’en dehors de ces deux délégations, il y avait près de 40 comités arméniens indépendants venant de pays différents, tous oeuvrant dans le lobbying lors de la Conférence de paix de Paris. (Kodaman,18)
Il est possible de résumer les objectifs des délégations arméniennes lors de la Conférence comme suit : bénéficier du butin de guerre ; demander un grand Etat arménien situé entre la mer Méditerranée, la mer Noire et la mer Caspienne en retour de l’aide et du soutien apporter par les Arméniens aux Etats Alliés durant la guerre.
Lors de cette même conférence, le président de la délégation nationale arménienne, Bogos Nubar, fit un discours signalé qui eut un écho dans la presse mondiale et reçut une place dans le magasine Time datée du 30 Janvier 1919. Bogos Nubar déclarait ainsi :
“Je vais révéler les vérités que malheureusement très peu de gens savent. Depuis le début de la guerre et à chaque fois que les arméniens combattirent du côté des alliés… Depuis le jour ou les Arméniens refusèrent avec colère de combattre au côté des Turcs, ils devinrent de réels combattants. Nos bénévoles combattirent en tant que membre de la légion étrangère française et reçurent ainsi l’honneur. Avec plus de 5000 combattants dans les légions d’Orient, les Arméniens constituaient plus de la moitié de l’armée française située en Syrie et en Palestine et contribuèrent ainsi à la victoire sereine du général Allenby.
Mettons de coté les 150 000 Arméniens qui servirent dans l’armée russe du Caucase, plus de 50 000 volontaires Arméniens luttèrent pendant quatre ans afin de renforcer la position des alliés sous le commandement de Antranik de Nazarbekov et de bien d’autres. Ils constituèrent surtout, après le départ de la Russie, la seule force de résistance empêchant l’avancée des Turcs dans le Caucase jusqu’à ce que le traité soit signé.
En d’autres termes, de par leur résistance les Arméniens obligèrent les Allemands et les Turcs de maintenir leurs soldats sur le front de l’est sans qu’ils puissent les envoyer vers d’autres zones de combat. Ainsi, ils soutinrent considérablement les forces militaires britanniques de la Mésopotamie. (karacakaya 327)
En plus de sa demande officielle des six provinces d’Anatolie au Etats alliés à Paris, Bogos Nubar réclama l’inclusion de la région de Cilicie (Çukurova en turc) à la grande Arménie permettant ainsi d’obtenir une débouché sur la mer Méditerranée. En effet, conformément à la demande de Nubar, les délégations présentèrent un mémorandum contenant cette même demande le 26 Janvier 1919 à la conférence de paix de Paris. La demande indique :
« La grand Arménie sera composée de sept villes ottomanes : Van, Bitlis, Diyerbakir, Harput, Sivas, Erzurum et Trabzon.
Maras, Kozan, Jabal-i Bereket, Adana et Antaka (Cilicie)
En ce qui concerne le territoire de la république d’Arménie dans le Caucase qui inclura Erevan, Gumru et Kars, elle recevra un total de 19 milliards de franc de compensation de la part de la Turquie. (Pour les arméniens de Turquie 14 598 510 000 et pour les arménien de Russie 4 532 472 000 de franc.) »
Cependant le président des Etats-Unis, Wilson, soutient que les demandes arméniennes son trop sévères pour l’Empire ottoman vaincu, et qu’elles sont trop éloignées du contexte politique, social et historique. De la même façon, le projet est considéré “exagérée” par le premier ministre britannique Lloyd George. En dépit des limites tracées par les alliés le 14 mai 1919, les délégations proposèrent de créer un protectorat sous mandat Arménien pour la région. Remplissant beaucoup d’espoir dans ce projet, la République arménienne d’Erevan déclara la Grande République d’Arménie le 28 mai 1919. (Bakar 233-4) Cependant, c’est l’option d’entrer sous le mandat américain qui fut retenu pour l’Arménie. (Beyoglu 543)
Alors que le soi-disant traité de paix de Paris devant mettre fin à l’empire Ottoman se préparait, l’Empire ottoman demanda à y participer mais ne fut accepté. Le gouvernement du pacha Tevfik mentionna au représentant du Royaume-Uni, de la France, des États Unis et de l’Italie à Istanbul, que les Arméniens d’Anatolie n’étaient en aucun cas majoritaires. Cependant, même les tentatives du pacha Damat Ferit échouèrent. L’Empire ottoman fut appelé officiellement à Paris le 30 mai 1919. Le 17 juin 1919, Sadrazam pacha Damat Ferit donna un discours devant le Conseil des Quatre et le 23 juin 1919 il donna un mémorandum. Dans les 11 points figurant dans ce mémorandum il est affirmé : que les soucis en Anatolie est causé par les milices arméniennes qui agissent en concorde avec l’armé tsariste russe ; que la région voisine aux terres de l’Arménie du Caucase soit donné aux Arméniens ; que les Arméniens d’Adana et de ses environs n’ont jamais constitué la majorité ; et qu’il serait suffisant aux Arméniens de Cilicie (Çukurova) de ce soumettre a la loi de la minorité ou de l’échange (transfert de population).
Un autre aspect de la question est formulé par les habitants mêmes des territoires réclamés par les Arméniens. En effet, ces habitants suivaient de très prés leur sort qui était discuté lors du processus diplomatique européen. Ils surveillaient qu’une décision touchant leur avenir et leur indépendance ne soit pas prise sans leur avis. Les habitants commencèrent à se constituer en groupe organisé. La “Société pour la défense des droits” fur créée afin de garantir la protection de leurs droits. Ainsi, ses conseils nationaux émergèrent dans les villes de Batum, Ahılkelek, Ardahan, Artvin, Oltu, Kars, Kağızman, Sarıkamış, Iğdır et de Nahçivan. Le plus important d’entre eux était le Conseil islamique de Kars. Suite au rassemblement du congrès à Kars le 17 janvier 1919, un gouvernement autonome fut établie (“Cenub-ı Garbî Kafkas Hükumet-i Muvakkate-i Millîyesi”). Après être entré à Kars le 13 février 1919, les forces britanniques acceptèrent dans un premiers temps ce gouvernement mais suite à la nomination du gouverneur arménien Garganov ils rompirent leurs relations. Le 19 avril 1919 les membres gouvernementaux du parlement du “Cenub-ı Garbî Kafkas Hükumet-i Muvakkate-i Millîyesi” furent déportés à Malte par les Britanniques.
A partir de cette déportation, le peuple de la région fut soumis à la persécution et à l’oppression des milices arméniennes soutenue par les Britanniques, qui traversaient les frontières et qui attaquaient les postes de police. Le mouvement d’occupation des pays alliés permit aux milices arméniennes de reprendre leurs actions en Anatolie. Dans un contexte de chaos, ce sont les populations civiles qui vécurent le plus grand dommage. (Bakar, 235-7).
Dans la région de la mer Noire et dans l’Est de l’Anatolie, l’association de Trabzon Muhafaza-i Hukuk-ı Milliye et l’association de Vilayet-i Şarkiye Müdafaa-i Hukuk organisèrent un congrès en commun à l’encontre les demandes des Roumains et des Arméniens. Du 23 juillet 1919 jusqu’au 7 août 1919, les représentants de Trabzon, Sivas, Diyarbakır, Mamuretü’laziz, Bitlis, Van et Erzincan se rassemblèrent au congrès de Erzurum avec la présence de Mustafa Kemal pacha. Ils déclarent alors l’intégrité de l’Anatolie et la résistance de la population contre les invasions et les activités armées des Arméniennes et Roumains voulant diviser la nation ottomane.
Le congrès de Sivas du 4-11 septembre 1919 confirma également ces décisions tout en élargissant sont champ d’application. La majorité musulmane d’Anatolie ne voulait pas que la souveraineté politique du pays puisse être endommagée par quelconques privilèges basés sur l’ethnicité arménienne ou roumaine. Dans le but de mener des recherches sur ce sujet, le général des États Unis Harbord et sa délégation vinrent en Anatolie rencontrer Mustafa Kemal pacha à Sivas et – contrairement à l’opinion généralement admise en Occident – ils conclurent que les Arméniens ne courraient aucun danger en Anatolie. Cependant, les Français envahirent et occupèrent Maras, Antap et Urfa et travaillèrent à la formation d’une zone arméniennes. (bakar 237-8)
Pour en revenir à nouveau aux conférences de paix d’Europe ; les représentants des Etats alliés se réunirent lors de la conférence de Londres du 12 février au 10 avril, afin de discuter de la question arménienne. Une décision définitive fut prise lors de cette conférence ou même la délégation arménienne fut écoutée. Les discussions se poursuivirent à la conférence de San Remo du 18 au 26 avril 1920.
C’est à cette période que le traité de paix de Sèvres se finalisa. Les conditions de paix de préparées pour l’Empire ottoman furent données au grand vizir Tefik Pacha le 11 mai 1920, avec une durée de un mois pour sa validation. Le document constitue le plus lourd traité de paix jamais connu dans l’histoire de la Turquie. En parallèle, le 24 mai 1920 le Sénat américain vota et refusa l’adhésion des Arméniens au mandat américain. Le 25 juin 1920, Damat Ferit Pacha présenta une proposition de paix alternative de l’Empire ottoman. Mais elle ne fut acceptée par les alliés et suite à des menaces politiques et militaires les délégations de l’Empire ottoman finirent par signer le traité de paix à Sèvres, le 10 Août 1920. Selon le traité, l’Empire ottoman reconnaît l’Arménie comme un état indépendant et la délimitation des frontières des villes de Erzurum, Van, Trabson et Bitlis est laissée à l’arbitrage du présidant américain Wilson. L’ouverture à la mer de l’Arménie fur alors acceptée.
Les articles du Traité qui concernent les Arméniens sont les suivants:
La Turquie, déclare reconnaître, comme l’on déjà fait les Puissances Alliées, l’Arménie comme un Etat libre et indépendant.
La Turquie et l’Arménie ainsi que les autres Hautes Parties contractantes conviennent de soumettre à l’arbitrage du Président des Etats-Unis d’Amérique, la détermination de la frontière entre la Turquie et l’Arménie dans les vilayets d’Erzeroum, Trébizonde, Van et Bitlis et d’accepter sa décision ainsi que toutes dispositions qu’il pourra prescrire relativement à l’accès de l’Arménie à la mer et relativement à la démilitarisation de tout territoire ottoman adjacent à la dite frontière.
En cas où la fixation de la frontière, en vertu de l’article 89, impliquera le transfert à l’Arménie de tout ou partie du territoire du territoire desdits vilayets, la Turquie déclare dès à présent renoncer, à dater de la décision, à tous droits et titres sur le territoire transféré. Les dispositions du présent Traité, applicables aux territoires détachés de la Turquie, seront, dès ce moment, applicables à ce territoire.
La proportion et la nature des charges financières de la Turquie, que l’Arménie aura à supporter, ou des droits dont elle pourra se prévaloir, en raison du territoire placé sous sa souveraineté, seront fixées conformément aux articles 241 à 244, Partie VIII (Clauses Financières) du présent Traité.
Des conventions ultérieures, régleront, s’il est nécessaire, toutes questions, qui ne seraient pas réglées par le présent Traité et que pourraient faire naître le transfert du dit territoire.
Les frontières de l’Arménie avec l’Azerbaïdjan et la Géorgie respectivement seront déterminées d’un commun accord par les États intéressés.
Si, dans l’un ou l’autre cas les États intéressés n’ont pu parvenir, lorsque la décision prévue à l’article 89 sera rendue, à déterminer d’un commun accord leur frontière, celle-ci sera déterminée par les Principales Puissances alliées, auxquelles il appartiendra de pourvoir à son tracé sur place.
L’Arménie accepte, en en agréant l’insertion dans un Traité avec les Principales Puissances alliées, les dispositions que ces Puissances jugeront nécessaires pour protéger en Arménie les intérêts des habitants qui diffèrent de la majorité de la population par la race, la langue ou la religion.
L’Arménie agrée également l’insertion dans un Traité avec les Principales Puissances alliées des dispositions que ces Puissances jugeront nécessaires pour protéger la liberté de transit et un régime équitable pour le commerce des autres nations.
Le Gouvernement ottoman s’engage à livrer aux Puissances alliées les personnes réclamées par celles-ci comme responsables des massacres qui, au cours de l’état de guerre, ont été commis sur tout territoire faisant, au 1 er août 1914, partie de l’Empire ottoman.
Les Puissances alliées se réservent le droit de désigner le tribunal qui sera chargé de juger les personnes ainsi accusées, et le Gouvernement ottoman s’engage à reconnaître ce Tribunal.
Dans le cas où la Société des Nations aurait constitué en temps utile un tribunal compétent pour juger lesdits massacres, les Puissances alliées se réservent le droit de déférer lesdits accusés devant ce tribunal et le Gouvernement ottoman s’engage également à reconnaître ce tribunal.
Bien que le traité de Sèvres fût signé par la délégation ottomane, il ne fût cependant pas officiellement accepté. En effet, selon la Constitution ottomane de l’époque, l’adoption d’un traité requiert sa discussion préalable au Parlement ensuite la validation et l’accord du Sultan et enfin sa publication dans un journal officiel. Cependant, le traité de Sèvres fut seulement signé par la délégation.
La nouvelle loi proposée par le Parlement (TBMM) le 7 juin 1920 déclare rétrospectivement que, en dehors de l’approbation de la Grande Assemblé nationale, tous les accords faits à partir du 16 mars 1920 – date de l’occupation formel d’Istanbul – et à faire par le gouvernement d’Istanbul ne seront plus pris en compte. Étant donnée que le traité de Sèvres fut signé dans cette période, son entrée en vigueur fut annulée.
La limite de frontière de la Turquie avec la République d’Arménie fut signée le 3 décembre 1920 à Gumru après la récupération de Kars par les autorités turques le 30 octobre 1920. Suite à un accord, le 16 mars 1921 à Moscou et le 13 octobre 1921 à Kars, le tracé des frontières est accepté puis signé officiellement par les deux partie. (Beyoğlu, 545-6).
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Traité de Sèvres