L1 Les origines du pouvoir 3/4
D'après Emma RENAUD, L’Angleterre au XVIIe s., P.U.R., Rennes, 1997.
a- Un pouvoir limité par la Magna Carta
La Grande Charte (Magna Carta) de 1215, après la révolte des nobles contre Jean sans Terre, créait un Grand Conseil, à côté du Conseil privé qui est l'entourage traditionnel du roi. Ce Grand Conseil réunit les grands barons ainsi que les représentants des bourgeois de Londres. Mais le roi peut réunir des bourgeois expérimentés en matière économique, ou des marchands étrangers, des Juifs ou encore des chevaliers élus (4 par comté), quand et comme il veut, sur les sujets de son choix. Le Grand Conseil n'est donc qu'un organe parmi d'autres pour aider au gouvernement, mais il est le seul habilité à consentir l'impôt. Dans la décennie 1240, le mot Parlement commence à apparaître pour désigner ce Grand Conseil.
La crise de 1258–1265 voit une nouvelle révolte des barons car Henri III cherche à revenir sur la Grande Charte et souhaite restaurer toutes les prérogatives de ses prédécesseurs. En 1267, le parlement dit de Marlborough rétablit le pouvoir royal qui avait à nouveau reculé lors des provisions d'Oxford, mais il maintient la Grande Charte. Ce parlement a ainsi servi d’arbitre entre le roi et les barons, ce qui a renforcé sa légitimité et ses droits. Les représentants des villes jouent un rôle de plus en plus important au sein du Parlement.
Contenu de la Magna Carta :
À l'origine, la Grande Charte a été écrite en latin. Une grande partie en a été copiée, presque textuellement, de la Charte des Libertés de Henry Ier, publiée quand Henry était monté sur le trône en 1100, et qui soumettait le roi à certaines lois concernant la façon de traiter les fonctionnaires ecclésiastiques et les nobles, et accordant de façon réelle certaines libertés individuelles à l'Église et à la noblesse anglaise.
Depuis le haut Moyen Âge, un homme libre d'Angleterre ne peut subir un emprisonnement arbitraire ou vexatoire. Obtenue par les barons anglais, la Magna Carta (Grande Charte) du 15 juin 1215 signée à Runnymede, à 100 lieues du Château de Windsor, par le Roi Jean Sans-terre leur donne, ainsi qu’aux bourgeois des villes et aux ecclésiastiques, des garanties contre la puissance royale. Elle pose entre autres les bases du droit au juge, notamment dans son article 39 : « Aucun homme libre ne sera saisi, ni emprisonné ou dépossédé de ses biens, déclaré hors-la-loi, exilé ou exécuté, de quelque manière que ce soit. Nous ne le condamnerons pas non plus à l’emprisonnement sans un jugement légal de ses pairs, conforme aux lois du pays ».
Le document connu habituellement aujourd'hui comme Grande Charte n'est pas celle de 1215, mais une charte plus tardive de 1225 et généralement présentée sous la forme de la Charte de 1297 quand elle a été confirmée par Edouard Ier. Au moment de la charte de 1215, un grand nombre de dispositions n'avaient pas été faites pour opérer des changements à long terme, mais simplement pour remédier immédiatement à des abus et c'est pour cela que la Charte a été rééditée trois fois pendant le règne de Henry III (1216, 1217 et 1225) pour donner une version actualisée. Ensuite, chacun des rois qui se sont succédé pendant les deux cents années suivantes (jusqu'à Henry V en 1416) a confirmé personnellement la charte de 1225 dans sa propre charte.
b- Le Parlement au XVIIe s.
Le Parlement de l’Angleterre, en anglais Parliament of England, était le parlement du Royaume d’Angleterre. Créé au XIIIe s., il a de plus en plus limité le pouvoir de la monarchie : de tribunal suprême, il est devenu le principal organe de conseil du roi, puis l'arbitre des crises politiques et le censeur éventuel du souverain. Ce rôle de contrôle et de modérateur de la monarchie est à la base de la démocratie à l'anglaise qui se met en place plusieurs siècles après. Par l’acte d’union de 1707, il forme la base du Parlement de la Grande-Bretagne et, plus tard, du Parlement du Royaume-Uni.
Essor sous Édouard Ier
Edouard Ier, roi de 1272 à 1307, a mené de nombreuses guerres (Écosse, pays de Galles) : il prenait l'habitude de convoquer et de consulter très souvent le Parlement qui consentait alors l'impôt. Le Parlement avait jusque-là une fonction avant tout judiciaire (comme en France), mais par ces convocations fréquentes, il prend de plus en plus un rôle politique de conseil. Les chevaliers élus des comtés, les grands barons, les bourgeois ainsi réunis pour participer au jugement des procès en cours, présentaient également des pétitions sur les questions qui les intéressaient, et le roi en profitait pour leur demander de définir l'assiette et le mode de recouvrement des taxes.
Il s'agit donc d'un fonctionnement par coutume, sans texte législatif de création officielle et d'organisation. Pour un rouage régulier devenu essentiel du pouvoir royal. En 1283 sont fixées des règles de convocation, quarante jours avant la réunion. C'est en 1295, dans ce qui fut plus tard appelé le Parlement modèle, que des membres du clergé et de l'aristocratie ainsi que des représentants des divers comtés traditionnels d'Angleterre furent rassemblés par le roi Edouard Ier pour la première fois. Sa forme servit de modèle au futur parlement anglais, d’où son nom. Le roi avait simplement besoin de susciter l’adhésion des citoyens du royaume à l'augmentation les taxes pour ses nombreuses guerres, et le parlement modèle ne participa jamais à la création d'aucune loi. D'abord unicaméral, ce parlement fut divisé en deux Chambres au cours du règne d'Edouard III : les chevaliers et les bourgeois (représentants des villes = les prélats)) formèrent la Chambre des communes ; le clergé et les nobles (= les barons) la Chambre des Lords.
Organisation définitive au XIVe siècle
En 1327, Édouard II, renversé par sa femme Isabelle de France, est déféré devant le Parlement pour être officiellement destitué au profit de son fils. Le Parlement n'ose pas prononcer la déchéance mais fait pression sur le souverain qui cède et abdique en faveur du jeune Édouard. C'est un précédent qui renforce le rôle politique du Parlement. Dès le début du règne d’Édouard III (1327–1377), le Parlement se scinde en deux chambres distinctes, la Chambre des Lords et la Chambre des Communes, cette dernière composée de chevaliers et de bourgeois élus, le bas clergé disparaissant au cours du XIVe s.
Au milieu du XIVe s. est adoptée la langue anglaise pour les délibérations alors que jusque-là on utilisait le français (origine française des Plantagenêt), mais sans comptes-rendus écrits.
Le Parlement garde des attributions judiciaires (bills d’impeachment et d’attainder, c'est-à-dire le droit de convoquer et de juger les pairs du royaume). Mais surtout, il joue un rôle politique grandissant de conseil et de pétition : le roi ne suit pas toujours les avis du Parlement, mais l'appui de celui-ci lui donne une autorité supplémentaire.
Exemple de différend : 1343, affaire de la laine (Edouard III applique un embargo sur les exportations de laine anglaise pour asphyxier l'industrie drapante continentale afin de provoquer des troubles sociaux gênant la France ; or cela gêne aussi énormément l'économie anglaise, d'où l'opposition parlementaire).
En 1376 apparaît le Speaker, porte-parole des Communes.
En 1399, le Parlement destitue le dernier Plantagenêt, Richard II, et le remplace par son cousin germain Henri de Lancastre (Henri IV d’Angleterre). Le Parlement augmente ses prérogatives de 1327 en franchissant le pas de la destitution royale. Désormais le souverain ne peut plus aller à l'encontre du Parlement. Fin XIVe-Début XVe siècle, le pouvoir prépondérant en Angleterre n'est plus la royauté, mais le Parlement. Cependant, les féodaux gardent de grands pouvoirs locaux.
Le Parlement comprend le monarque (le roi ou la reine), une chambre basse (la Chambre des communes), et une chambre haute (la Chambre des lords). Le parlement bicaméral du système de Westminster permet de définir deux chambres antagonistes :
- La Chambre des communes (en anglais House of Commons), est la chambre basse (l’origine du terme paraît toutefois inconnue) du Parlement. La Chambre des communes est un corps démocratiquement élu, composé de 646 parlementaires portant le titre de « membre du Parlement » (Members of Parliament, MP). Ils sont élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour (l'électeur doit choisir un candidat parmi plusieurs, celui qui recueille le plus de voix remporte les élections) et exercent jusqu'au moment où le Parlement est dissout par le monarque sur demande du Premier ministre et pour une durée maximum de cinq ans ; il est courant que le Parlement soit dissout au bout de quatre ans. Chaque membre est élu et représente une circonscription électorale. La grande majorité des ministres du Gouvernement est issue de la Chambre des communes.
Les plus vieux ancêtres de la Chambre des communes furent probablement les conseillers royaux : ce "conseil royal" qui se réunissait régulièrement comprenait des membres du clergé, des nobles et des représentants des différents comtés (appelés "chevaliers des comtés"). Le principal rôle de ce conseil était d'approuver les nouvelles taxes proposées par la Couronne. Toutefois, dans la plupart des cas, le conseil exigeait la satisfaction des doléances du peuple avant de procéder au vote sur les taxes. C'est ainsi que les premiers pouvoirs législatifs virent le jour.
Bien qu'ils restassent subordonnés à la fois à la Couronne et aux Lords, les parlementaires de la Chambre des communes se mirent à agir avec de plus en plus d'insubordination. Au cours de la session parlementaire du 28 avril au 10 juillet 1376 (appelée Good Parliament, le Bon Parlement), le Speaker de la Chambre des communes, Sir Peter de la Mare se plaignit de taxes trop lourdes, exigea une plus grande lisibilité des dépenses royales et remit en cause la gestion des dépenses militaires du roi. Les parlementaires de la Chambre des communes ont même œuvré dans l'objectif de destituer certains des ministres proposés par le Roi (procédure d'impeachment). Ce Speaker un peu trop audacieux fut emprisonné ; il fut toutefois relâché à la mort d'Edouard III. Au cours du règne du monarque suivant, Richard II, les parlementaires de la Chambre des communes recommencèrent à essayer de destituer certains ministres. Ils insistèrent pour ne plus contrôler seulement les taux d'imposition mais aussi les dépenses publiques. Bien qu'elle eût progressivement gagné en pouvoir et en autorité, la Chambre des communes restait moins puissante que la Chambre des Lords ou que la Couronne.
De plus, la Couronne acquit un pouvoir supplémentaire après les guerres civiles de la fin du XVe siècle qui mirent fin au pouvoir des grands nobles. Les deux Chambres du parlement conservèrent peu de pouvoir au cours des années qui suivirent et le pouvoir absolu du Souverain fut restauré. Le pouvoir du monarque ne cessa d'augmenter sous la dynastie des Tudor au cours du XVIe siècle. Toutefois, cette tendance a connu une inflexion quand la dynastie des Stuart prit le trône en 1603. Les deux premiers monarques Stuart, Jacques Ier et Charles Ier durent affronter la Chambre des communes sur des thèmes tels que les taxes, la religion ou les pouvoirs royaux.
« Avant qu’il y eût un Etat, il y avait des rois ; d’où il suit que ce sont les rois qui font les lois […]. Le roi est le maître de tous les biens. Il tire son droit de Dieu et n’a de comptes à rendre qu’à Dieu. […] Tous les pouvoirs dans l’Etat dérivent de son pouvoir, et tous lui doivent la plus complète obéissance. »
Jacques Ier Stuart, La vraie loi des libres monarchies, 1599.
Dès le début de son règne, Jacques Ier doit convoquer le Parlement suite à la Pétition Millénaire qui lui avait été adressée par les puritains. Ces derniers réclamaient des modifications du rituel en vigueur en Angleterre telles que la fin du signe de croix lors de la cérémonie du baptême, des alliances pour le mariage, un complément d’éducation et d’activité pour le clergé, etc., des demandes modérées[1]. Réunie à Hampton Court, en 1604, l’Eglise anglicane ne parvient toutefois pas à s’entendre. La décision positive de cette réunion fut le projet de traduction de la Bible en langue anglaise. En 1611, le projet est concrétisée par la publication de la « Bible de Jacques Ier » (Authorized Version of the Bible). Jacques Ier paraissait aux yeux des catholiques comme un roi plus tolérant que ses prédécesseurs, leur laissant espérer la fin des lois pénales (Penal Laws) anti-catholiques. Toutefois, dans un pays où le Parlement nourrissait lui-même, à l’exemple de la population, des sentiments anti-catholiques particulièrement vigoureux, le roi ne put que durcir l’application des lois existantes. En réponse, les catholiques tentent un attentat manqué contre le Parlement, qui réagit en menant des mesures répressives, deux nouvelles lois pénales sont alors votées dès 1606. Les problèmes financiers gèlent aussi les relations qu’entretiennent le roi et le Parlement, menant à une proposition de loi par le Premier ministre, Sir Robert Cecil, d’instaurer, dès 1610, un Grand Contrat permettant un revenu permanent de 200 000 livres annuelles, à vie. Toutefois, le Parlement demande, en échange, un engagement de la part du roi afin qu’il ne lève plus de nouvelles taxes sans accord du Parlement. Trois éléments mènent le projet aux oubliettes en 1611 :
- comment parvenir à réunir tous les ans cette somme ?
- le roi ne risque-t-il pas de devenir indépendant avec un tel revenu régulier ?
- un revenu fixe justifie-t-il, pour le roi, l’abandon de certaines prérogatives ?
L’abandon de ce projet mène à la dissolution du Parlement, qui n’est rétabli qu’une décennie plus tard, sauf le Addled Parliament. En effet, dès la mort de Cecil (1612), le roi prend les rênes du gouvernement et place la famille des Howard. Toutefois, il se voit contrait de convoquer un parlement en 1614, devant l’étendue des désastres financiers. Ce Parlement Pourri ne parvient à rien, le roi tentant de peser sur les élections. A sa dissolution, aucune loi ni subside n’a été voté. Durant l’intermède sans Parlement, la famille Howard est désavouée, remplacée par George Villiers, duc de Buckingham. Ce dernier est détesté par la population anglaise, notamment en raison de la réforme des finances qu’il mène, en réduisant les dépenses. En 1621, le roi doit toutefois convoquer un nouveau Parlement, qui en profite pour débattre des positions pro-espagnoles de Jacques Ier. Le roi réagit en affirmant que la politique étrangère faisait partie des prérogatives royales et que le Parlement ne devait ses privilèges qu’au roi. En réponse, les députés rédigent un pétition, la Protestation, qui mène à la dissolution du Parlement.
Sous Jacques Ier, le Parlement a tenté de prendre de l’assurance face au pouvoir royal, mais le roi, dont les prétentions absolutistes ne sont plus à masquer, est parvenu à les réduire au silence.
Sous Charles Ier, les relations avec le Parlement se modifièrent. Le nouveau roi paraissait en effet moins prudent et moins rusé que son père. Dans le contexte européen de la Guerre de Trente ans, le roi a besoin d’argent et doit alors convoquer le Parlement dès juin 1625. Le duc de Buckingham est alors mis en accusation par ce dernier[2], qui est dissous. Devant l’échec des appels à donation, le roi impose alors à ses sujets un emprunt forcé, emprisonnant ceux qui refuseraient de payer. En mars 1628, le roi convoque derechef le Parlement, sans lequel les dépenses de guerre ne pourraient être remboursées. Celui-ci est prêt à voter des subsides, mais sous conditions :
- l’emprisonnement arbitraire devient illégal ;
- les impôts levés sans le consentement du Parlement deviennent illégaux ;
- l’obligation d’héberger les soldats devient illégale ;
- l’imposition de la loi martiale devient illégale.
Le Parlement est cependant dissous lorsque, en 1629, il empêche le Speaker, représentant du roi, de lire l’ordre d’ajournement sur les questions religieuses.
Le roi a cependant toujours besoin d’argent et, dès 1630, de nouvelles sources de revenus sont instaurer par la Couronne :
- 1630 : les propriétaires dont les terres rapportent au moins 40 livres par an doivent obligatoirement acheter le titre de chevalier (ancienne loi remise en usage) ;
- 1634 : les propriétaires de terres autrefois forêts royales doivent payer de lourdes amendes (Comtes de Southampton, Salisbury ou Westmorland) ;
- 1635 : le ship money est étendu à tout le pays (les ports doivent fournir des navires en temps de guerre).
Le Parlement n’a jamais été consulté pour ces expédients. De plus, la question religieuse reste au cœur du règne des premiers Stuarts, notamment avec William Laud, archevêque de Canterbury, qui mène une politique de réforme en rejetant les assimilations à l’Eglise catholique. Cette réforme, répandue par Wentworth en Irlande, cimente des oppositions qui ont été fatales aux deux hommes. De même, l’Angleterre perd des devises avec l’exil des puritains, prioritairement en Amérique du Nord. La révolte écossaise au début des années 1640 sonne le glas des période sans Parlement. Le Short Parliament est convoqué, pour trois semaines parce qu’il a refusé de voter les finances nécessaire à la guerre civile. Devant l’avancée des Ecossais, le Long Parliament est réuni (novembre 1640) en se fixant trois objectifs prioritaires :
- rendre la justice à ceux qui ont souffert du gouvernement arbitraire ;
- punir les conseillers du roi responsables de cette tyrannie ;
- faire en sorte que le Parlement ne soit plus jamais dissous.
Dès février 1641, l’Acte Triennal interdit plus de trois années sans convocation du Parlement, et les députés interviennent dans la prise de décision de dissolution. Les relations entre le pouvoir royal et le Parlement montrent rapidement une méfiance du second envers le premier. Les Chambres cherchent en effet à s’octroyer les pouvoirs militaire et exécutif. Les Communes présentent un visage divisé, notamment en raison du débat relatif à la Grande Remontrance (liste des maux dont a souffert le pays), alors que la Chambre des Lords semble davantage acquise au monarque. Toutefois, une maladresse de Charles Ier fait définitivement basculer l’opinion contre le roi : accompagne de 400 soldats, il se rend au Parlement pour arrêter en personne des Lords[3]. Dès 1642, la nation toute entière est alors divisée, après que le Parlement ait dressé un ultimatum sous la forme des Dix-Neuf Propositions.
Les affrontements avec Charles Ier furent tels qu'ils finirent en guerre civile : la Première révolution anglaise (English Civil War). En 1649, le roi fut décapité, et la monarchie et la Chambre des Lords abolies. Bien que le pouvoir de la Chambre des communes fût en théorie suprême, la nation était en fait sous le contrôle d'une junte militaire sous le joug d'Oliver Cromwell qui finit par abolir le Parlement en 1653. La monarchie et la Chambre des Lords furent restaurées en même temps que la Chambre des communes en 1660, peu après la mort de Cromwell. Le pouvoir de la Couronne avait été largement diminué et le fut encore davantage lorsque Jacques II fut renversé au cours de la Glorieuse Révolution (également appelée Seconde Révolution anglaise).
La Chambre des communes a été mise en place au XIVe siècle et n'a cessé d'exister depuis. La Chambre des communes avait bien moins de pouvoir que la Chambre des lords, contrairement à aujourd'hui où le Parliament Act de 1911 interdit aux lords de rejeter les projets de loi proposés par la Chambre des communes (tout au plus, ils conservent le pouvoir de ralentir son approbation).
- la chambre des Lords (ou Chambre haute) apparaît au XIVe s., lorsque les Lords siègent dans une chambre séparée des Communes.
Ø XIVe siècle - Les lords commencent à siéger dans une chambre séparée de celle des Communes.
Ø XVe siècle - Les lords temporels, nommés par le roi, prennent le titre de pairs.
Ø 1649 - Abolition de la chambre des Lords sous le Commonwealth de Cromwell
Ø 1660 - Restauration de la chambre des Lords
Ø XVIIIe siècle - Les actes d'Union avec l'Écosse (1707) et l'Irlande (1800) donnent le droit aux pairs écossais et irlandais d'élire des représentants à la chambre des Lords.
c- Le pouvoir grandissant du Parlement
- L’Habeas Corpus
L’ordonnance, bref ou mandat d'habeas corpus (en anglais writ of habeas corpus), plus exactement habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum, est une procédure légale qui amène un juge appliquant la common law à se prononcer sur le caractère légal ou non de la détention d’une personne et, le cas échéant, à ordonner sa libération.
Ses origines remontent à l'Angleterre du Moyen Âge. Depuis, elle a été renforcée et précisée de façon à apporter des garanties réelles et efficaces contre la détention arbitraire par l'Habeas Corpus Act (« loi sur l’habeas corpus ») de 1679. Devenue un des piliers des libertés publiques anglaises, elle s’applique dans les colonies et reste aujourd’hui présente dans la plupart des pays qui appliquent la common law. Elle est restée strictement anglaise, ne s’appliquant ni en Écosse, ni en Irlande du Nord.
On traduit souvent le latin habeas corpus par « que tu aies [ton] corps », qu'on interprète comme l'énoncé d'un droit fondamental à disposer de son corps, compris comme la protection contre les arrestations arbitraires. Cette traduction est erronée. La formule débute l'ordonnance qui s'adresse au geôlier et non au prisonnier. Il s'agit d'un ordre de produire le prisonnier devant la Cour : « Aie le corps [la personne du prisonnier], [avec toi, en te présentant devant la Cour] afin que son cas soit examiné ».
Ce texte doit cependant apparaître comme un contrôle royal sur les actes des barons.
Les juges royaux, qui élaborent progressivement la common law, et le roi lui-même, qui peut juger en dernier ressort, offrent un recours contre l’arbitraire féodal. Pour cela, le roi ou les juges peuvent recourir à un certain nombre d’ordonnances (writs), dans des formes définies et limitées afin de ne pas empiéter sur les pouvoirs des justices seigneuriales.
Parmi celles-ci, plusieurs ordonnances d'habeas corpus sont définies et sont toutes destinées à amener une personne détenue devant un tribunal royal, pour des motifs différents :
- habeas corpus ad respondum : pour qu’une personne comparaisse comme accusée ;
- habeas corpus ad faciendum : pour qu’elle soit produite devant une cour supérieure ;
- habeas corpus ad testificatum : pour imposer la comparution d’un témoin ;
- habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum : pour enjoindre celui qui détient une personne de la produire devant la Cour du banc du roi (Court of the King Bench) afin d’expliquer les motifs de la détention.
En l’absence de charges réelles, le juge fait libérer la personne. Sinon, il peut autoriser la libération sous caution (bail) dans l’attente du procès. L’existence de cette ordonnance est attestée pour la première fois sous le règne d’Édouard Ier, pendant le dernier quart du XIIIe siècle.
À l’origine prérogative exclusive du roi, l’ordonnance peut par la suite être mise en œuvre par les cours royales de common law, surtout le Banc du roi pour la justice criminelle, mais aussi la Cour des plaids communs (Court of Common Pleas) chargée de la justice civile et, lorsqu’elles apparaissent, les cours d’equity : Cour de Chancellerie (Court of Chancery) ou Cour de l’Échiquier (Court of the Exchequer). Pendant les périodes Tudors puis Stuarts, alors que la féodalité a presque disparu et que le monarque est au sommet de sa puissance, les cours de common law commencent à utiliser l’habeas corpus pour contrôler les actions des officiers de la Couronne, voire pour s’opposer aux cours d'equity, plus proches du souverain, en particulier la Chambre étoilée (Court of the Star Chamber) qui, sous les premiers Stuarts et jusqu’à son abolition par le Parlement en 1641, organise la répression politique dans les conditions les plus arbitraires. En effet, l'interférence des instances locales ou gouvernementales dans l'exercice ordinaire de la justice, la vulnérabilité des magistrats qui ne sont pas inamovibles, sont soumis à des influences et à des pressions diverses, ainsi que le rôle surtout politique du chancelier, bien plus ministre que chef judiciaire, le tempérament autoritaire des monarques expliquent les difficultés à appliquer l'habeas corpus.
C’est sous Charles Ier que le Parlement britannique se saisit de la question de la possibilité pour le roi de faire incarcérer ses sujets sans motifs. Le roi contourne l’obligation traditionnelle du consentement à l’impôt (les impôts doivent être approuvés par le parlement) en recourant à un emprunt forcé.
En 1627, un nommé Darnel, et quatre autres personnes refusent d’y souscrire et sont arrêtés par ordre du roi. Sur une ordonnance d’habeas corpus, le Banc du roi se saisit de l’affaire (l’affaire Darnel, The Darnel case, ou affaire des cinq chevaliers, The Five Knights Case). L’arrêt, rendu en 1628, est ambigu et confirme la détention jusqu’au procès. La Cour aurait pu examiner les motifs de l’arrestation s’ils avaient été donnés, mais à défaut, elle reconnaît que le roi peut faire emprisonner ses sujets comme il le souhaite.
Le Parlement réagit en présentant au roi la Pétition des droits (Petition of Rights) qu’il accepte après beaucoup d’hésitation, le 26 juin 1628. Sous la forme respectueuse d’une supplique au roi, il rappelle la règle du consentement à l’impôt, la Magna Carta dont il cite l’article 39 (voir ci-dessus), se plaint de violations récentes de ces principes et demande au roi d’y mettre fin. Pour les parlementaires, le monarque ne peut emprisonner ses sujets sans motifs ni sans respecter les formes d’un procès. Charles donne sa sanction à la Pétition, qui devient un des documents majeurs de la tradition constitutionnelle anglaise. Mais le Parlement est dissous l’année suivante et n’est plus réuni pendant onze ans. Puis la guerre civile tout comme la dictature de Cromwell sont peu propices aux respect des droits. La question revient en force après la restauration des Stuarts en 1660, avec une opposition de plus en plus vive entre le parlement et la Couronne.
La loi sur l'habeas corpus de 1679
Le combat politique est vif entre un parlement jaloux de ses prérogatives et, comme la majorité de la population, vivement anti-catholique, et Charles II, admirateur de l’absolutisme français et montrant au moins de la sympathie pour le catholicisme ; l’héritier présomptif, le duc d’York, frère du roi et futur Jacques II est catholique.
La Couronne ordonne nombre d’arrestations arbitraires et diverses manœuvres, comme le déplacement des personnes de prison en prison, voire la déportation outre-mer, hors du ressort des tribunaux anglais, permettent de soustraire les personnes visées à leur juge, lorsque le juge est disposé à s’opposer au roi. Quand la crise se noue, en 1679, Lord Shaftesbury, le chef du parti Whig[4], parvient à faire voter la Loi sur l'habeas corpus le dernier jour de la session du Parlement, que le roi vient de renvoyer.
Son intitulé est « une loi pour mieux assurer la liberté du sujet et pour la prévention des emprisonnements outre-mer ». Le bref exposé des motifs explique les moyens par lesquels l’habeas corpus est rendu inopérant, après quoi le texte fixe la nouvelle procédure :
- Un juge de n’importe quelle cour supérieure (Banc du roi, Plaids communs, Chancellerie, Échiquier), sur présentation d’une copie du mandat d’arrêt ou sur l’affirmation sous serment que cette copie a été refusée, doit immédiatement délivrer une ordonnance d’habeas corpus ;
- L’officier de la Couronne qui détient la personne citée par l’ordonnance doit se présenter avec la dite personne dans les trois jours devant le juge qui l’a signée ;
- En l’absence de délit ou lorsque les charges sont manifestement insuffisantes, le juge fait libérer la personne. Sinon, sauf en cas de trahison ou pour les crimes les plus graves (felonies), le juge fixe une caution. La personne libérée sous caution ne peut être à nouveau incarcérée pour les mêmes motifs sans l’accord de la cour à laquelle appartient le juge qui a ordonné la caution. La caution doit être raisonnable ;
- Les personnes détenues pour trahison ou felony et non libérables peuvent exiger d’être jugées dès la prochaine session de la Cour du Banc du roi ;
- Le lieu de détention d’une personne ne peut être changé que pour quelques motifs prévus par la loi. Elle ne peut en aucun cas être transférée outre-mer ni en Écosse, hors du ressort des tribunaux anglais ;
- Tant le juge qui ne remet pas une ordonnance d’habeas corpus que l’officier qui a la garde d’une personne et n’y obéirait pas sont passibles de fortes amendes, voire de destitution.
Des sanctions sévères sont prévues en cas de violation de l'Acte. L'habeas corpus contraint les juges mais leur assure en même temps la sécurité nécessaire. La révolution de 1688 qui renforce la limitation du pouvoir exécutif sur le judicaire accroît l'indépendance des juges. Le texte contribue ainsi à ôter aux instances politiques, policières ou administratives tout pouvoir de juridiction criminelle. C'est un acte important dans la lutte pour les libertés individuelles.
- Le Bill of Rights
Faisant suite à la Petition of rights de 1628 (Pétition des droits qui rappelle les droits traditionnels du peuple anglais et de ses représentants), le Bill of rights - Déclaration des droits - de 1689 contient des dispositions qui, tout en voulant limiter l'absolutisme royal, sont précises, concrètes, liées aux faits et correspondent à des moments de l'histoire anglaise.
La Déclaration des droits (ou Bill of Rights en anglais) est un texte imposé en 1689 aux souverains d'Angleterre (Guillaume III et Marie II) à la suite de la Glorieuse Révolution. Il définit les principes de la monarchie parlementaire en Angleterre.
Après la parenthèse de la guerre civile, la monarchie est restaurée en 1660 et les Stuarts renforcent leur pouvoir en tendant vers des pratiques absolutistes. Ainsi, le catholique Jacques II (James II en anglais) ne respecte pas l'habeas corpus, et doit fuir en France suite à la Glorieuse Révolution. En 1688, le Parlement offre la couronne à sa fille Marie (qui devient Marie II d'Angleterre), protestante et épouse du stathouder de Hollande, Guillaume III, ou Guillaume d'Orange (William II en anglais). Marie et Guillaume s'engagent à défendre une déclaration des droits (1689), qui limite définitivement le pouvoir du roi au profit de celui du Parlement anglais. La monarchie parlementaire remplace désormais la monarchie absolue.
La déclaration anglaise des droits de 1689 est un acte du Parlement d’Angleterre dont le titre complet est « Acte déclarant les droits et les libertés du sujet et mettant en place la succession de la couronne » (An Act Declaring the Rights and Liberties of the Subject and Settling the Succession of the Crown, en anglais). Il s’agit d’un des documents fondamentaux de la loi constitutionnelle anglaise, avec la Magna Carta, l’Acte d’établissement (Act of settlement) et les Actes du Parlement (Acts of Parliament). Elle constitue également une partie des lois de quelques autres nations du Commonwealth. Il existe une loi distincte mais similaire en Ecosse : la Proclamation des droits (Claim of Rights), qui date également de 1689. La déclaration des droits de 1689 déclare certains droits positifs dont ses auteurs considéraient que les citoyens et/ou les résidents d’un pays en monarchie constitutionnelle devaient avoir. Elle donne au sujet le droit d’adresse au monarque et l’autorise à porter des armes pour se défendre. Elle expose également certaines exigences constitutionnelles : toute action de la part du monarque exige l’assentiment du gouvernement tel qu’il est représenté par le Parlement.
La Déclaration des droits définit les pouvoirs du Parlement dont l'avis est indispensable pour la suspension des lois, leur exécution, la levée d'un nouvel impôt royal, l'entretien d'une armée en temps de paix (articles 1, 4 et 6). Les droits fondamentaux des sujets anglais sont affirmés tels que le droit de pétition (article 5) ou la liberté des élections à la Chambre des communes. Pour contrecarrer toute dérive absolutiste, le Parlement doit être réuni souvent (article 13). L'article 10 complète les dispositions judiciaires de l'Habeas Corpus de 1679 en protégeant les accusés de cautions excessives et de peines cruelles. La déclaration des droits est donc une formidable avancée pour la liberté d'expression. Dès 1695, la liberté de la presse est garantie en Angleterre. Cependant, le pays n'est pas encore une démocratie moderne, car seuls les hommes riches peuvent voter et élire les députés de la chambre des Communes.
« Ce texte essentiel dans l'histoire de la Grande-Bretagne, dont le titre complet est Acte déclarant les droits et libertés des sujets et réglant la succession de la Couronne, parachève l'oeuvre de la révolution anglaise de 1688.[5] »
"L'article 1 énonce un principe essentiel : la loi est au-dessus du roi; "Debet rex esse sub lege" : le roi doit être soumis à la loi. De ce fait, elle ne peut être suspendue, ni abolie sans le consentement du Parlement". […]
"Les autres articles découlent de ce principe essentiel. Le Parlement détient la réalité du pouvoir car il est souverain en matière de "levée d'argent" (article 4), de "levée d'entretien des armées" (article 6); au surplus, il doit être "fréquemment réuni" (article 11) et, dans son enceinte, ses membres jouissent d'une totale liberté d'expression (article 8)".
"En outre, ajoutent Guy Lagelée et Gilles Manceron, sont reconnus au peuple anglais le droit de pétition (article 5) et le droit de voter librement (article 9). Trois articles se réfèrent à la liberté individuelle et aux garanties judiciaires déjà affirmées dans le passé suivant la tradition de l'habeas corpus (article 10) : pas de cautions excessives, constitution d'un jury indépendant (article 11), nécessité de l'établissement du délit (article 10)".
[1] Emma RENAUD, L’Angleterre au XVIIe s., P.U.R., Rennes, 1997, pp. 20-21.
[2] Charles et Buckingham ont en effet organisé, malgré le désaccord de Jacques Ier, en 1623, une expédition en Espagne afin de le futur roi demandât en personne la main de l’Infante. Charles est alors humilié par le roi d’Espagne, Philippe IV, dont les exigences sont inacceptables : suppression des lois anti-catholiques, les enfants doivent être élevés dans la religion catholique. De retour en Angleterre, les acclamations de joie et de soulagement prouvent que le peuple est satisfait de retrouver l’héritier du trône sain et sauf, sans épouse catholique, et l’année suivante, Buckingham mène une expédition contre Cadix, qui se solde par un échec. (E. Renaud, op. cit., p. 24 et suiv.)
[3] Il s’agit de Lord Mandeville et des députés Pym, Hampden, Holles, Halserig et Strode (Ibid., p. 31).
[4] Vers 1680, on commença à désigner sous le nom de whigs ceux qui voulaient exclure le duc d'York (futur Jacques II) de la succession au trône. Les whigs, qui s'illustrèrent par leur opposition à l'absolutisme royal, étaient généralement considérés comme des partisans de la tolérance pour les dissidents religieux. Ils jouèrent donc un rôle important dans la révolution de 1688.
[5] Guy LAGELEE, Gilles MANCERON, La Conquête mondiale des droits de l’Homme, Ed. Unesco, Paris, 1998.
Créé en janvier 2008