La crise de 1693 à Orléans
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« En l'année 1693, par un effet de la colère de Dieu justement irrité, la France déjà affaiblie par une longue guerre, fut affligée par la famine la plus grande et la plus universelle dont on ait encore entendu parler. On en sentit principalement les effets dans les provinces situées dans le cœur du royaume. Elle y fut si générale qu'il n'y eut aucune récolte de blé, de vin et de légumes, enfin de tous les fruits de la terre. Le blé qui à Orléans avait valu dans les précédentes années de 14 à 15 livres, monta jusqu'à 110 livres ; encore avait-on bien de la peine à en avoir. Les artisans qui avaient quelques réserves soutinrent les premiers chocs, mais ils se virent bientôt obligés de vendre leurs meubles ; car tous les bourgeois ne les faisaient plus travailler et pensaient au plus nécessaire. Enfin ce fut une désolation générale lorsqu'ils se virent sans meubles, sans travail et sans pain.
On voyait alors des familles entières qui avaient été fort accommodées, mendier leur pain de porte en porte. On n'entendait que des cris lugubres de pauvres enfants abandonnés par leurs parents, qui criaient jour et nuit qu'on leur donnât du pain. On ne voyait que des visages pâles et défigurés. Plusieurs tombaient en défaillance dans les rues et dans les places publiques, et quelques-uns expiraient sur le pavé. Les hôpitaux étaient si remplis qu'on fut contraint d'en faire un de la Maison des Pestiférés qui était vide. Enfin il y avait à l'Hôtel-Dieu un si grand nombre de pauvres malades que l'on était obligé d'en mettre six dans chaque lit qui n'en contenait ordinairement que deux. Que si les pauvres des villes où il y a tant de ressources étaient dans un état si déplorable, que l'on juge, si l'on peut, de celui où étaient ceux de la campagne et dans quel excès de douleur elle était plongée. Notre charitable veuve, lorsqu'elle voyait tant de pauvres familles abandonnées et dans une si grande misère qu'il s'en est trouvé de réduites à brouter l'herbe comme des bêtes et à se nourrir de choses dont les animaux immondes n'auraient pas voulu user, on peut dire qu'elle chercha tous les moyens de procurer aux pauvres des paroisses circonvoisines de la sienne, tout le soulagement dont ils avaient besoin. »
Sources : B.M. Orléans. Ms. 1939, « Eloge historique de Marie Poisson, de la paroisse de Saint-Marc d'Orléans », par un de ses contemporains.
Travail préparatoire à fournir :
- établir le contexte de rédaction de ce texte ;
- établir une recherche biographique pour comprendre l'origine de la source ;
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