L1 Les origines du pouvoir 2/4
a- Un roi héritier des acquis capétiens
Qui sont les Capétiens ? (voir Généalogie des Capétiens)
Il s’agit d’une grande famille royale descendant de Hugues Capet (~940-996). Jusque Louis XVI (1774-1793) et même Louis XVIII (1814-1815-1824) et Charles X (1824-1830), les rois ont un lien plus ou moins direct avec Hugues Capet.
Une première rupture importante a lieu autour de Saint Louis (Louis IX, 1226-1270) : son fils aîné (Philippe III) règne, alors que le puîné prépare sa descendance. Jusqu’à Henri III (1574-1589), les descendants de Philippe III gouverne la France, selon le principe d’hérédité directe : le fils aîné du roi obtient la couronne, suivant le principe de primogéniture masculine. En effet, le royaume de France ne comportant pas de constitution, contrairement à celui d’Angleterre (Magna Carta, 1215), c’est une règle coutumière et inamovible qui s’applique alors. Elle est à tord appelée loi salique, et précise les règles à suivre lors de la succession royale.
Lorsque Louis le Pieux, le fils de Charlemagne, mourut en 840, le royaume fut partagé entre ses trois enfants (Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve), comme le voulait la coutume de l’époque. Mais la guerre entre ces trois frères aboutit au partage de Verdun (843), qui divisa définitivement l’empire hérité de Charlemagne. Depuis, dans le royaume de Charles le Chauve, future France, la couronne devient inaliénable : le partage des territoires régaliens n’existe plus, et ce n’est pas au roi de choisir son successeur. Le premier fils né (et vivant) hérite systématiquement de la couronne, qu’il transmet à son fils aîné.
A la mort de Charles IV (1328) se pose un problème d’hérédité : le roi n’a pas de successeur direct. Plutôt que de choisir le gendre de l’aîné (Louis X), on lui préfère Philippe IV de Valois (droit du sang) : nous entrons dès lors dans la dynastie des Valois, qui s’achève en 1589. en effet, Louis X avait eu une fille, et la loi salique (règle qui tient son nom des Francs saliens, dont sont originaires Clovis et les Mérovingiens) précise que les femmes et leurs descendants doivent être écartés du trône, car la loi est conforme à la loi de nature laquelle ayant créé la femme imparfaite, faible et débile tant du corps que de l’esprit l’a soumise à la puissance de l’homme. (Cardin le Bret, De la souveraineté).
Enfin, en 1374, sous Charles V, la majorité du roi est fixée à 13 ans révolus : le premier jour de ses 14 ans, il peut gouverner seul. Aussi, la régence prend fin lorsque le roi atteint cet âge. Aucune règle n’est vraiment instaurée pour la régence : généralement, un Conseil de régence est désigné, constitué par quelques Grands du royaume, souvent présidé par la Reine-mère. Il arrive aussi que le roi, se sentant mourir, mette en place le Conseil de régence, comme ce fut le cas à la fin de vie de Louis XIII, mais à sa mort, sa femme, Anne d’Autriche, modifie la composition du Conseil pour y imposer le cardinal Mazarin. Les périodes de régence constituent des moments d’affaiblissement du pouvoir royal : le roi, s’il règne, ne gouverne pas pour autant la France, mais c’est le Conseil de Régence qui prend les décisions en son nom. Aussi, les Grands du royaume cherchent parfois à profiter de la minorité royale pour tenter d’éliminer la personne du roi ou se révolter et prendre le pouvoir.
Quelques personnages ont permis de théoriser la pensée politique de l’époque moderne :
- Cardin le Bret, magistrat et propagandiste à l’époque de Richelieu, qui théorise la souveraineté comme « La souveraineté consiste à réduire le tout sous un même être; elle n'est pas plus divisible que le point en géométrie » ;
- Jean Bodin (mort en 1596), économiste, philosophe, juriste et conseiller politique, il considère que le roi peut édicter les lois et les abroger ; « les sujets obéissent aux lois du monarque et le monarque aux lois de nature, la liberté naturelle et la propriété des biens demeurant aux sujets. »
- Des personnages d’Etat, tels que Richelieu (Testament politique), Louis XIV (Mémoires pour l’instruction du Dauphin), etc.
ð Ainsi, la monarchie absolue doit composer avec deux types de lois, communément appelées les lois fondamentales : il s’agit du statut coutumier (couronne inaliénable, primogéniture masculine, majorité et régence), mais aussi des principes à respecter, notamment le principe de propriété : le droit privé n’entre pas dans les prérogatives royales, mais s’appuie sur des coutumes héritées du Moyen Age, rédigées au début de XVIe s. et révisées sous Henri III. Le souverain ne peut intervenir dans l’ordre privé que si l’ordre public est troublé par des affaires privées. Chaque province, chaque ville possédait ses propres privilèges, et lorsqu’un corps rendait visite au roi, il s’exprimait en disant : « Sire, nous sommes vos humbles et obéissants sujets, mais avec nos privilèges. » Le pouvoir royal s’arrêtait donc où commençaient les lois fondamentales.
b- La personne du roi
Plusieurs images permettent aux Français de l’époque moderne de se représenter leur roi. Il s’agit d’un personnage qui défend le royaume, et qui est envoyé de Dieu.
La personne du roi est une personne guerrière. Sous la monarchie française, on avait l’habitude de considérer que le roi de France dépendait de Dieu et de son épée, objet présent lors du sacre du roi. Seuls les nobles peuvent porter l’épée. Le port de cette arme par le roi rappelle qu’il est membre de l’ordre des nobles, qui a pour mission de protéger le royaume de France. Toutefois, le nombre de militaires était somme toute modeste à cette époque : 20 000 hommes sous Henri IV, soit à peine 15% des gentilshommes qui étaient mobilisés. Sur une population de quelque 16 millions d’habitants (20 millions sous Louis XIV), l’encadrement militaire était particulièrement faible, de l’ordre de quelques professionnels pour plusieurs milliers d’habitants. Un si faible encadrement facilite les révoltes, l’encadrement de la société se révélant trop restreint. Il n’était pas rare de représenter le roi en posture guerrière, dans son armure, épée à la main, sur le champ de bataille (cf. Henri IV, Louis XIV ou même Richelieu). Un roi non militaire (comme Louis XIV à la fin de son règne) devenait, de fait, impopulaire.
La personne du roi est sacrée : tous les rois, sans exception, se font sacrer avec les attributs de la monarchie française, que l’on appelle les regalia :
- La fleur de lys semble utilisée pour la première fois sous Louis VII (XIIe s.). Ce roi l’avait adoptée sur les conseils de Bernard de Clairvaux (fondateur de l’abbaye de Cluny, qui joue un rôle fondamental dans l’encadrement de la société médiévale). On la retrouve sur les armoiries du roi de France, ainsi que sur le manteau du sacre. Elle est aussi la fleur de la Vierge Marie. Ses trois pétales rappellent la Sainte Trinité. La tunique jacinthe à fleur de lys possède un caractère sacerdotal car une allusion est faite au grand prêtre de l’Ancien Testament ;
- La main de justice, dite de Licorne, apparaît à la fin du XIIIe s. : elle symbolise la justice royale, qui est la justice suprême ;
- Le sceptre, qui évoque que le roi tient le timon de l’Etat ;
- L’anneau qui incarne l’union du roi et de l’Eglise : il est signe de la dignité royale, de la foi catholique, à l’image des anneaux portés par les évêques.
En France, certaines des regalia peuvent être qualifiées de vêtements royaux :
- Joyeuse, l'épée du sacre, qui aurait appartenu à Charlemagne : elle est un attribut guerrier mais aussi protecteur. Le roi doit protéger l’Église, au besoin par les armes. Le roi doit également veiller au respect de la justice ;
- La couronne des rois de France, qui, au Moyen Âge, était ouverte, pour la distinguer de la couronne de l’empereur, complètement fermée et parfaitement circulaire : elle symbolise son pouvoir universel . La couronne de Louis IX possédait une épine de la relique de la couronne de Jésus. La couronne du sacre remonterait à Charlemagne. Elle est composé d’un cercle d’or surmonté de 4 fleurs de lysposé sur un bonnet de velours ornés de perles. Après avoir été soutenue par tous les pairs du royaume (ou leurs représentants), l’évêque la dépose sur la tête du roi ;
- les gants du sacre ;
- les éperons du sacre (qui rappellent la fonction militaire du roi).
Les regalia étaient confiées à l’abbaye de Saint Denis, qui était également la nécropole des rois de France. Aujourd’hui, la plupart des regalia médiévales ont disparu.
Cette cérémonie du sacre avait traditionnellement lieu à Reims (depuis Louis le Pieux, en 816) en présence de l’archevêque de la ville, et rappelait le lien qui unissait le roi de France et l’Eglise de Rome. La légende raconte qu’une sainte Ampoule serait descendue du ciel, amenée par une colombe (symbole souvent utilisé pour représenter l’Esprit saint) lors du baptême de Clovis (496). Cette ampoule contiendrait l’onction du Saint chrême qui servait à oindre les 7 parties du corps du roi, comme les rois David et Salomon. Ainsi, le roi pouvait communier sous les deux espèces (pain et vin consacrés), et il était ainsi reconnu responsable de l’Eglise de France : il est choisi par Dieu, il est roi par la grâce de Dieu. La sainte Ampoule a été brisée pendant la Révolution française : la convention nationale en a décidé la destruction par le décret du 16 septembre 1793. Il s’agissait alors de détruire un objet qui incarnait la théorie du droit divin.
Le roi s’engage, en prêtant serment, à respecter l’ordre établi par Dieu, qui l’a placé sur son trône et lui permet de rendre la justice divine. Certaines circonstances ont amené à ce que le sacre ait eu lieu dans une autre ville, comme à Chartres pour Henri IV, Reims ayant refusé son autorité.
Le roi prête serment :
- le serment ecclésiastique, promettant au clergé français de conserver et défendre leurs privilèges canoniques ;
- le serment au royaume : conserver la paix, empêcher l'iniquité, observer la justice et la miséricorde ainsi que exterminer (c'est-à-dire bannir) les hérétiques
- en 1594, un troisième serment est ajouté par Henri IV, celui de maintenir les ordres créés par ses prédécesseurs (à savoir l'ordre de Saint-Michel et l'ordre du Saint-Esprit). Louis XIV y ajoute l’Ordre de Saint Louis.
Ensuite, après le couronnement et l’onction, les pairs du royaume rendent hommage au roi par un baiser, en lui disant : « Vive le roi éternellement. » S’en suit un Te Deum (chant prière catholique).
Le roi sacré a également la particularité d'être thaumaturge : il a la réputation de guérir les écrouelles (maladie d'origine tuberculeuse causée par une affection des ganglions lymphatiques du cou, la scrofule), lors des grandes occasions (sacre lui-même, grandes fêtes liturgiques), en touchant les malades et en prononçant la formule : « Le roi te touche, Dieu te guérit. » Cette formule montre bien que le roi est le médiateur entre Dieu et le peuple. La sortie du roi thaumaturgique attirait de grandes foules, même des pays ennemis.
Ce statut sacré rend le roi inviolable. Tout attentat contre sa personne est puni avec une très grande sévérité. Le coupable est accusé de régicide, torturé et exécuté, même si le roi n'est que blessé et que la blessure est légère. Il s’agit d’une crime de lèse majesté divine. Sur notre période, un roi a été assassiné : Henri IV, par Ravaillac, en 1610.
c- Le fonctionnement de la monarchie française
Le roi est le personnage le plus important du royaume. Sous lui, le second personnage fondamental est nommé par le premier : le chancelier garde des sceaux. Il est inamovible, reste en place jusque sa mort. Sa fonction consiste en sceller les actes royaux. En cas de désaccord avec le souverain, il pouvait refuser d’apposer son sceau, ce qui paralysait l’Etat. Le monarque pouvait ainsi le prier de se retirer dans ses terres, et il nommait durant ce temps, un garde des Sceaux provisoire.
Les Parlements, au contraire de la définition actuelle, ne fonctionnent pas comme une instance législative, mais comme une cour de justice. Il s’agit de la plus haute institution judiciaire après la justice régalienne. Notre époque compte 9 Parlements : Paris (le plus important), Bretagne (un des plus revendicatif), Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Dijon, Aix, Rouen et Pau. Un certain nombre de justices existaient à côté, comme les justices seigneuriales, royales, les tribunaux d’appel ou de cassation (le Conseil du roi).
Les Parlements, en particulier celui de Paris, ont progressivement mué leurs prérogatives en s’octroyant le droit de faire des remontrances au roi (droit revendiqué de discuter un édit ou une ordonnance avant de l’enregistrer. Le roi pouvait répliquer par une lettre de jussion ordonnant l’enregistrement), lorsque des lois ne leur paraissaient pas convenir à l’intérêt général. Dès le XVIIe s., et plus encore au XVIIIe s., ils cherchent à s’opposer aux décisions royales. Le roi, quant à lui, considérait que les Parlements n’avaient le droit de contester la législation que si la loi était en contradiction avec celle qui l’avait précédée. En cas de conflit, le roi devait organiser un lit de justice (séance solennelle au Parlement, lorsque le roi vient en personne, avec son Conseil, pour faire enregistrer un acte refusé par le Parlement) : il reconstituait la Curia Regis médiévale (le roi, les magistrats du Parlement, les ducs et pairs de France, les princes de sang royal).
De manière à remplir sa mission militaire, le roi de France devait maintenir dans le royaume un certain nombre d’impôts. Tout comme aujourd’hui, les redevances étaient de 2 natures :
- les impôts directs, prélevés sur les individus ou les groupes d’individus directement, dont le plus important était la taille (2/3 des recettes sous François Ier). La somme demandée était fixée par le Conseil du roi, tous les ans (pas de statistiques), en fonction des dépenses envisagées. La collecte se faisait par le biais des généralités puis les élections (circonscriptions financières). Tous les Français ne payaient pas la taille : les nobles en étaient exemptés (ils versaient leur sang), de même que le clergé, des villes privilégiées, et les officiers (fonctionnaires).
- Les impôts indirects, prélevés sur les consommations, droits de passages… dont la gabelle : chaque année, les familles devaient acheter la quantité de sel qu’elles allaient consommer dans l’année, dans des greniers à sel royaux où l’Etat prélevait une importante taxe. Cette quantité avait été évaluée. Souvent le roi donnait des fermes à des compagnies de finance (traitants, partisans = les ancêtres des fermiers généraux, présents sous Sully.
Toutefois, pour créer un nouvel impôt, le roi n’avait pas le champ libre et devait convoquer les Etats Généraux (assemblée des 3 ordres). Au cours du XVIIe s., seuls ceux de 1614, durant lesquels Richelieu s'est illustré, nous concernent. Toutefois, les Etats précédant nous permettent d'appréhender des modifications dans le fonctionnement de la monarchie française.
Créé en janvier 2008