Abdellah LARHMAID, Chercheur, Rabat
S’interroger sur la mémoire de la communauté juive de la ville d’Agadir est une question qui renvoie notre attention à réfléchir sur les traces du séisme ayant détruit, le 28 février 1960, la quasi-totalité de la ville, dans l’imaginaire collectif des gens du Souss, région du sud-ouest du Maroc. Pour l’historien du temps présent, le relie entre le passé et le présent de la ville est une tâche difficile, étant donné que les sources qui lui attribuent l’information pour déceler l’héritage de la période coloniale de la ville sont rares.
Le tremblement de terre avait tué plus de 1500 personnes parmi 2300 juifs qui vivaient à cette époque dans le quartier de Talbordjt. La communauté juive d’Agadir était considérée comme étant la plus nombreuse et importante parmi les communautés du Souss. Par son rôle de pôle d’attraction, la ville d’Agadir exerçait une influence considérable sur les Mellahs de toute la région du Sud marocain. Toutefois, le séisme d’Agadir marquait profondément, la mémoire des juifs aussi bien dans cette région qu’ailleurs.
Suite à l’intervention de l’Agence juive pour assurer l’émigration des rescapés juifs vers Israël et après la polémique qu’elle a succité au sein du mouvement nationaliste marocain, une idéologie panarabe s’est développée pour s’ajouter à celle déjà établie depuis l’ère coloniale.
À travers les discours formulés sur les Juifs depuis l’époque de l’aménagement de la ville sous le Protectorat jusqu’à l’époque d’après le séisme, la ville reste un centre où plusieurs polémiques s’affrontent. Sous l’angle d’une interprétation de ces discours et leurs fonctionnements à travers la mémoire de la ville, nous allons montrer comment les identités s’articulent pour approprier une origine qui s’attache au sol. L’image que la mémoire musulmane locale conserve du passé proche des Juifs, si elle se confonde avec les impératifs du présent, elle garde une certaine nostalgie de la présence juive dans la ville et ses alentours où se trouvent encore leurs vestiges.