Bibliographie

Les Juifs du Maghreb et d’al-Andalus

Cet ouvrage propose un état des lieux bibliographique des études menées sur l’histoire des juifs du Maghreb et de l’Espagne musulmane (al-andalûs). Près de 3000 notices d’ouvrages écrits principalement en langues française et arabe (mais également en anglais et en espagnol) offrent un tableau exhaustif des travaux et des recherches sur le judaïsme de l’Occident musulman. L’approche thématique (linguistique, littéraire, artistique, économique, religieuse, identitaire, idéologique et politique) et géographique (espaces nationaux et régionaux) rend compte remarquablement de la diversité et de la richesse de ce champ d’études.

Cette bibliographie a été réalisée à l’occasion du colloque international organisé à Essaouira, en mars 2010, Migrations, identités et modernité au Maghreb. Cette manifestation scientifique impulsée par le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME) et par le Centre Jacques Berque pour les sciences humaines et sociales1s’est proposé d’aborder les registres d’expression des juifs dans les processus migratoires qui ont marqué leur histoire au Maghreb. Une réflexion qui vise à inscrire les travaux référencés par cette bibliographie dans une histoire commune aux sociétés du Maghreb tout en interrogeant les éventuelles spécificités des « migrations juives ».

Cette bibliographie qui se déploie sur la longue durée permet à la recherche historique et anthropologique une perspective comparatiste et une relecture, forte des acquis du champ des études migratoires illustrée par la démarche de Nancy Green2. Une relecture qui permet de mieux identifier les variables temporelles, économiques, culturelles et spatiales qui sous-tendent les dynamiques migratoires. Le Maghreb, en l’occurrence, qui s’est fait successivement territoire d’accueil, territoire de départ, territoire de coexistence et de conflits. Territoire, donc, d’expériences migratoires diverses : internes ou externes aux pays du Maghreb; ponctuelles, de longue durée ou définitive ; collectives et/ou individuelles. Expériences migratoires qui mettent en jeu des dynamiques qui agissent à la fois sur les catégories d’appartenance, les frontières, les langues parlées et/ou empruntées aux autres, les interactions confessionnelles et intercommunautaires, les processus d’émancipation politique et d’affirmation de soi.

L'histoire des phénomènes migratoires associée à celle du fait communautaire et religieux permet de se dégager des figures figées, dans des démarches a-historiques ou alors essentialistes. Etudier des groupes sous l’angle de la migration offre des perspectives d’analyses stimulantes qui permettent de repenser les catégories et de contextualiser les configurations nationales et internationales dans lesquelles se sont déployées les mobilités des juifs dans l’espace maghrébin. Ces migrations ne sauraient être restées sans effets sur les relations commerciales, les lieux de religiosité, les modes de contacts entre communautés de rites et de cultures diverses, les mobilités linguistiques (castillan, ladino, berbère, arabe, hébreu, français…), les conversions à l'islam ou au christianisme, l’accès au politique. Elles invitent à examiner de plus près le lien entre les déplacements concrets de groupes ou d'individus et les mobilités professionnelles, les changements de statut personnel ou les processus d'acculturation, qu'ils soient individuels ou collectifs.

Les Juifs du Maghreb et d’al-Andalûs n’ont jamais formé une entité culturelle monolithique et encore moins historique. Leur statut personnel a été variable selon les configurations socio-politiques et socioculturelles des États. Un juif algérien rendu français, en 1870, n’aura pas le même destin historique que ses coreligionnaires des pays voisins. Les niveaux socio-économiques, le niveau d’éducation, l’accès aux études et les degrés d’assimilation aux modèles dominants (ottomans puis européens pour ne citer que les périodes moderne et contemporaine) furent autant de clivages qui traversèrent des communautés hétérogènes, et cela selon des historicités différentes. Une histoire comparée de ces migrations pourrait conduire à réévaluer les poids respectifs de l'identitaire, de l'idéologique, du politique et de l'économique dans les processus migratoires au Maghreb au cours de l’histoire.

Cette bibliographie, remarquablement référencée et documentée, est un outil de travail précieux pour tous ceux qui s’intéressent aux questions des minorités en terres d’islam. A la fois état des lieux de la connaissance telle qu’elle a été produite au cours du siècle dernier et des disciplines mobilisées, elle pose nécessairement les démarches méthodologiques du comparatisme et de l’épistémologie. Car la question du judaïsme maghrébin ne saurait être isolée des contextes socio-historiques, des mutations et des mobilités qui affectaient, au même moment, d'autres composantes des sociétés du Maghreb. En cela, cette bibliographie contribue pertinemment à un renouvellement du champ des études maghrébines dans une approche dynamique de la diversité et des constructions identitaires.