En quoi la relation employées « musulmanes »/employeurs « juifs » est-elle singulière ? Réflexion à partir du cas de migrantes marocaines et de leurs employeurs juifs maghrébins en France.

Nasima Moujoud, UPMF-Grenoble

À partir de mes recherches auprès de femmes marocaines issues de classes populaires, arrivées sans famille et employées dans les services domestiques en France, je souhaite montrer les bénéfices d’une approche des trajectoires migratoires qui prenne en compte l’interaction entre les deux groupes juifs et musulmans.

Les approches des relations interethniques se sont jusqu’ici peu intéressées aux interactions qui se nouent dans le cadre du travail entre acteurs supposés appartenir à des communautés jugées différentes. En particulier, les relations employées domestiques musulmanes et employeur-ses juifs ne sont pas prises en compte, si ce n’est sous l’angle des difficultés qu’induit la cohabitation dans un même quartier.

Pourtant, les situations de rencontre entre domestiques et employeurs appartenant à deux groupes supposés communautaires sont particulièrement importantes. Elles se déroulent souvent dans les deux espaces privé et public, révèlent les manières dont les relations interethniques s’articulent au genre et à la classe sociale et mettent en place des liens qui s’étendent au pays d’origine, au parcours migratoire, à la sociabilité, à l’accès aux droits en France, au mode de résidence, aux relations de solidarité ou d’altérisation. Bref, les relations entre domestiques marocaines et employeurs juifs maghrébins permettent de montrer non seulement les échanges et les similarités dans les trajectoires migratoires des deux groupes juifs et musulmans, mais aussi les partages et les oppositions entre acteurs qui partent ensemble.