Les deux cochons

Un beau jour un cochon d’élevage s’enfui

De sa cage petite, ayant brisé la chaîne,

Et profitant du calme de l’épaisse nuit

Il couru dans les bois au delà de la plaine.

S’étant réfugié au fin fond de la forêt,

Il se retrouva face à un cochon sauvage.

La surprise passée –après un temps d’arrêt –

Ils se présentèrent, parlant même langage.

« Heurerux es tu ! » lui dit son compagnon des bois ;

« Tu manges tous les jours, ne crains pas pour ta vie,

Tu peux dormir la nuit sans rester aux abois ;

Tu es toujours au chaud, un confort que j’envie ! »

« Malheureux, que dis tu ? tu sais ce qu’être libre ! »

Répondis l’engraissé, « c’est ça le vrai bonheur !

Et même si tu mènes un combat pour survivre

Tu es indépendant, le vrai ne te fais peur… »

Et il lui raconta l’étroitesse des cages,

Les conditions de vie, les conditions de mort,

Les barreaux acérés, séances de gavages,

Jusqu’à voir dans les yeux de l’autre des remords.

« J’ignorais que l’homme qui me chasse au fusil

Est plus cruel encore avec ceux qu’il élève ;

Je comprends la liberté que tu as choisies

En dépit des soucis que celle-ci soulève. »

« L’Homme nous traite ainsi » renchérit le premier,

« Il sélectionne les individus, les race,

Pour qu’ils produisent mieux, va jusqu’à les trier

Et chacun doit rester bien fidèle à sa place.

Nous enfermant chacun dans un carcan étroit

D’où la réalité nous est inaccessible,

On mange ce qu’il donne même si c’est froid,

Acceptant les sévices les plus indicibles.

Notre vie n’a pour but qu’être bon à manger

par l’homme omnipotent qu’il faudrait qu’on vénère.

Mais le pire chez lui, ce qui va t’affliger,

C’est qu’il traite de même tous ses congénères. »