Un "Chinois" en Chine

Mes bien chers amis ;

C'est après moult tentatives de connections infructueuses, que je vous

envoie ce petit message pour vous dire que je suis encore (à peu près)

vivant. J'ai essayé pendant plusieurs jours la connexion PCMCIA et autre,

jusqu'à ce que finalement mon téléphone fonctionne. Par contre, si je peux

(j'espère !) envoyer ce message, je ne peux rien recevoir.

Voici donc les nouvelles du Pays du Milieu. Parlons peu, parlons bien,

parlons Gauloisement, et abordons immédiatement un sujet primordial : la

bouffe. Un mot résume assez bien la sensation qu'éprouve mes papilles au

contact de la locale : celui qui commence par un 'D' et qui finit par

'égueulasse'. Parce que ce qu'il faut savoir, c'est que ce que l'on a dans

nos restaurant Chinois à nous nationaux, et qui est mangeable (rouleaux de

printemps, menus vapeur,...), c'est le petit déjeuner chez eux. Tremper les

beignets salés dans le thé, c'est sympa le premier jour quand on souffre du

décalage horaire, mais cela devient rapidement endommage-testicule (ce qui

est plus joli que casse-couille). On finit donc par préférer rêver d'un bon

croissant au beurre que d'avaler leur mixture matinale.

En ce qui concerne les repas suivants, on en arrive assez rapidement à un

niveau de folklore gustatif relativement renversant. Mes "amis Chinois" (à

moi que j'ai) se font un plaisir de me faire goûter quotidiennement de

nouvelles turpitudes : je nomme en vrac langues et palmes de canard,

anguilles sauce locale, tentacules de pieuvre, et autres saloperies dont je

n'ose même plus demander le nom en anglais de peur de comprendre. Bien sûr,

en tout petit Français bien élevé que je suis, je réponds à leurs questions

concernant mon appréciation de leur cuisine par un "sans problème" en

Chinois, seule sentence que j'ai réussi à retenir au bout de trois semaines

de ma super méthode "j'apprends le Chinois sans problème et en trois jours

si je suis polytechnicien sur-doué et que j'ai déjà vécu là bas vingt ans".

Cette sentence prend néanmoins toute son efficacité quand le client demande

pourquoi une machine ne fonctionne pas ; elle m'a également valu d'être

surnommé "Méïo Wenti" (no problem).

Ils ont cependant assez rapidement compris mon désarrois et ont finit par me

faire découvrir le "Hard Rock Café" à Pékin. J'ai immédiatement décidé d'y

établir une base stratégique de repli, et c'est d'ailleurs là qu'un soir

j'ai trouvé un peu de réconfort existentiel dans les bras d'une douce

blonde venue de Vladivostok. Je ne l'ai malheureusement pas revue depuis,

mais la suite des évènements vous montrera que Français à Pékin, il ne vaut

mieux pas s'en tenir qu'à une seule connaissance féminine. Ceci étant,

j'apprends de mieux en mieux à apprécier les saloperies comme MacDonald,

KFC, etc, qui me rappellent la civilisation.

Question boisson, ils ne me gâtent pas beaucoup plus. Seuls breuvages

disponibles : le thé et le coca... et ces cons, ils en boivent !!! Hier

soir néanmoins, ils ont tenu à me faire essayer leur saké immonde à 56°...

et à me faire ingurgiter cette infamie cul-sec sous prétexte que c'est un

Français qui a cramé leurs jardins impériaux il y a plusieurs siècles (pas

rancuniers, déjà, les mecs !). Enfin, j'y ai survécu et j'ai même eu la

présence d'esprit, au cours d'un arrêt de police sur le chemin du retour,

de ne pas montrer mon postérieur à la fenêtre... il parait que les

autorités de répressions ici n'ont pas le même humour que notre bonne

vieille gendarmerie nationale.

En moins de mots que tout ça, vous ne pouvez pas vous imaginer combien me

manquent un bon pot au feu ou une bonne bouteille de rouge qui tâche... et

ma Xsara coupé VTS 16 soupape avec un morceau du capot rayé pour lequel mes

soupçons demeurent (hein, chef ?) !

Parlons à présent de la population locale. Pour simplifier, on va la

séparer en deux catégories : il y a ceux qui roulent dans des voitures

pourries pour pouvoir polluer l'air de la ville, et ceux qui roulent en vélo

pour pouvoir le respirer. Le tout cohabite assez bien dans une atmosphère

fantasmagorique ou le ciel embrumé semble vouloir s'accorder au gris des

bâtiments de la cité. Une forte odeur d'urine à chaque coin de rue permet

de ponctuer le charme en excitant le seul de nos sens qui jusque là n'avait

pas encore été dégoûté.

Concernant la faible proportion de cette population qui s'occupe de l'hôtel

dans lequel je réside, passons de suite car ce ne sont que des incompétents, et

en parler pourrait noircir le tableau que je suis en train de vous peindre

de cette belle ville. Dieu merci, ceux qui bossent avec moi sont assez sympa.

Question tourisme, je n'ai pour l'instant visité que la Grande muraille.

Ouvrage particulièrement impressionnant, et qui semble nous narguer depuis

des siècles d'histoire qu'il se laisse admirer. J'ai pu donc toute la

matinée me faire prendre en photo devant le majestueux édifice, pendant que

toutes les petites Chinoises du coin accouraient pour venir se faire

prendre en photo avec moi. Croyez moi, mes amis, être Français à Pékin,

c'est vraiment le bonheur pour ceux qui ont un jour rêvé d'être un

sex-symbol (même moi j'y arrive !)

Maintenant, je ne sais pas si j'aurai le temps de voir autre chose, ni

d'acheter quelques souvenirs ; je viens à peine d'obtenir des cartes postales.

Enfin, pour ce qui est de cette partie, le plus dur est fait : se procurer

du cash. Cela m'a quasiment demandé une semaine et beaucoup de persévérance.

Question boulot, la semaine prochaine je devrais y voir plus clair. Je

viens d'effectuer cinq jours de formations ; ceux qui savent combien c'est

éprouvant à Besançon ne peuvent pas imaginer ce que c'est ici au vu des

conditions locales. En fait, je crois que mon satisfecit revient à

l'organisation générale. Pour exemple, cet après midi, après quelques

heures d'embouteillages en revenant de l'illustre mur de plus de 6000 km de

long, on est appelé pour une machine en défaut sur le terrain. Je suis

fortement étonné car ledit horodateur avait été la veille contrôlée par mes

soins suite à un problème lié à son montage. Arrivés sur les lieux, la bête

se porte à ravir... Le fin mot de l'histoire, c'est que l'opérateur, venant

de recevoir le rapport du défaut pour lequel il nous avait appelé la

veille, a immédiatement saisi son téléphone pour nous contacter de nouveau...

Voilà les amis ; j'espère que chez vous ça boume. Juste un conseil pour

Cédric : à mon retour, tu évites de me parler de ce "petit restaurant

asiatique" où tu voulais m'amener, si tu veux qu'on reste copains. A

bientôt donc ; God save the Margaux and Vive la France !

Emmanuel, sans vouloir te vexer, pour tes vacances envisage plutôt la

Martinique, c'est bien mieux !