Trait d'Union

Bulletin, polycopié aux stencils, illisible dans l'état, est aimablement transmis par le Lt Latournerie après une nouvelle frappe assurée par son épouse.

LE MOT DU COLONEL

L’esprit de Corps du Régiment, les traditions des unités, constituent pour nous, soldats, un capital qu’il est indispensable de préserver.

C’est grâce à lui qu’un Régiment constitue une entité morale et non la juxtaposition de ses unités.

C’est lui qui nous permet de supporter les efforts, les vicissitudes, les sacrifices où chacun certes a sa part individuelle, mais que la collectivité toute entière prend à sa charge. Cette cohésion doit être à la base de nos actions.

Pour la sauvegarder et pour permettre à tous ceux qui ont eu l’honneur de servir dans les rangs du 4ème Tirailleurs, de retrouver l’âme de leur Régiment, j’ai pensé qu’un bulletin de liaison serait le bienvenu.

C’est là le but du « Trait d’Union » du 4ème Tirailleurs.

Anciens et jeunes s’y rencontreront de nouveau, et je suis sûr que nos appelés dont l’action a été déterminante en Algérie et l’esprit excellent, recevront avec joie, après leur libération, des nouvelles de leur beau Régiment, du pays et des gens qu’ils ont appris à connaître et à aimer, des chefs et des camarades qui continuent l’oeuvre de pacification qu’eux- mêmes ont entreprise avec autant de foi.


LE 4° RÉGIMENT DE TIRAILLEURS

DANS LA ZONE OPÉRATIONNELLE DE DJELFA

Cadre géographique et historique :

Le Régiment est stationné et opère dans l’arrondissement de DJELFA, région au relief pittoresque, rompant avec le nord de l’ALGERIE et annonçant déjà le SAHARA auquel elle se raccroche d’ailleurs économiquement. S’arcboutant sur la barrière montagneuse Saharienne des OULED NAILS, limitant au sud les hauts plateaux, le sous-secteur sud, zone d’action du 4ème RT est curieusement coupé du sud-ouest au nord-ouest par deux chaînes parallèles d’aspects bien différents. La plus au nord, raide sans être inaccessible, serait homogène si la nature capricieuse n’y avait creusé les ravins sinueux de l’oued EL MELAH et de ses petits affluents. Les monts du SENALBA du SAHARY et du MENNA amènent au nord les eaux de pluie vers les chotts du ZHAREG GARBI et ZHAREG CHERGUI, chargées de sel que la sécheresse de l’été craquelle.

Si l’on fait un bond de 70 kms plus au sud, on retombe sur un nouvel écran montagneux, d’aspect discontinu, d’où la végétation a pratiquement disparu.

Les monts de l’AZREG (montagne bleue de 1480 mètres) et du BOUKAHIL (montagne noire de 1453 mètres) sont en effet la continuation vers l’est des monts Sahariens des KSOURS et du DJEBEL AMOUR . Ils se raccrochent à l’est aux AURES NEMENTCHA . C’est là un ensemble de chaînes dénudées, au relief accusé et au climat rude. La chaîne a été soumise aux formidables pressions qui ont, en Europe, constitué les Alpes.

Depuis, les importantes différences de température ont craquelé la pierre, l’érosion éolienne a fait disparaître les roches tendres et laissé à nu les calcaires durs étagés en gradins inaccessibles. Des blocs détachés de cet ensemble friable jalonnent les pentes où la patine saharienne leur a, par endroit, donné la teinte noire caractéristique de ces montagnes et leur aspect silicifié. Il n’y a certes pas place pour la végétation dans ce paysage, mais on voudrait être à la fois poète et peintre pour décrire et matérialiser les admirables couchers de soleil sur l’atlas Saharien : le soir, à l’heure où le ciel tourne au vert, la montagne passe par toutes les teintes du rouge au mauve et l’ombre violette accentue encore le relief de cette masse imposante qu’on ne peut oublier quand on l’a connue.

Au-delà de cette chaîne qui marque la cassure, s’étend le Sahara avec ses sables, ses hamadas pierreuses d’où émergent de temps à autre, des buttes témoins au contours de châteaux forts rongés par les siècles.

Entre les deux chaînes à l’aspect si différent, s’étend un haut plateau dont l’altitude dépasse souvent 1000 mètres et que l’alfa et le thym sauvage recouvrent à perte de vue.

Le climat de cette zone est rude mais sain. En hiver les vents du nord et du nord ouest soufflent sur la chaîne avec violence et amènent la pluie et la neige : DJELFA est à 1160 mètres d’altitude, plus haut que CHAMONIX et MEGEVE ! les eaux s’engouffrent dans les oueds turbulents et provoquent des inondations parfois graves mais vite dissipées. En été l’air est sec et la température monte à 40°.

Relief et climat conditionnent, bien sûr, la végétation et la culture de la zone.

La chaîne nord porte en toute saison son vêtement verdoyant de pin d’Alep, de pistachier, de genévrier ; celle du sud n’offre que ses roches dénudées aux teintes ocres et rouges. Aucune touffe de verdure ne pousse pour tempérer ces couleurs.

Le plateau présente des indices de culture : le blé et l’orge représentent 120.000 quintaux par an, quelques jardins, surtout autour des centres ; la palmeraie de MESSAAD si elle ne donne pas de dattes, permet sous son ombre aux abricotiers de prospérer.

Mais c’est l’alfa qui donne à ce paysage sa caractéristique essentielle. Il se présente sous la forme de touffes plus ou moins espacées, comportant des tiges vertes, longues et minces.

L’alfa conditionne toute la vie du pays : celle des animaux et celle des hommes. Les premiers : troupeaux de maigres bovins, de moutons et de chèvres bariolés de noir et blanc, chameaux placides s’en vont à sa recherche. Les seconds y puisent leur raison d’être : au gré des pâturages et des puits ils suivent leurs troupeaux et plantent leurs petites tentes de nomades, basses et écartelées, aux teintes rouges et noires des OULED NAILS, coquelicots perdus dans ces immensités silencieuses.

Poussant leurs troupeaux vers les pâturages de providence, berbères ou arabes poursuivent avec docilité leur vie itinérante au gré des saisons, rudes ou affables. Leur activité économique renaît périodiquement autour des nombreux marchés qui jalonnent les axes routiers et les points d’eau : parmi eux MOUDJBARA, MESSAAD, SIDI MAKLOUF, TADMIT et DJELFA, gros bourg de 25.000 âmes qui fait figure de capitale du Secteur au pied du DJEBEL SENALBA qui étend son autorité ancestrale sur cette région austère mais attachante.

150.000 habitants dont 80% de nomades, vivent dans ce pays, desséché et chaud en été, détrempé et froid en hiver, et aux richesses naturelles réduites.

Mais le pittoresque l’emporte sur l’économique, et le visiteur curieux, comme le chercheur insatisfait, saurant retrouver aux hasard de leur promenade, les vestiges d’une épopée Romaine que notre civilisation Occidentale a prolongée car cette Numidie dont les richesses sont aujourd’hui si rapidement énumérées, fut pour Rome, un souci constant par sa richesse en blé, en huile, en bois précieux, en aromates, en bétail et en gibier (il y a quelques centaines d’années des troupeaux d’autruches s’ébattaient, sauvages, autour de MESSAAD).

A ce carrefour d’influence, nomades pillards et cultivateurs craintifs, connurent avec la nôtre, la Paix Romaine .Jusqu’au VIème siècle, ROME elle-même ou représentée par ses légionnaires colons et descendants, a dominé et dirigé. Elle a su cueillir les fruits de sa belle organisation et les a protégés par un « limes » une ligne de défense organisée en profondeur et que Septime sévère a poussé à la perfection, interdisant l’accès des greniers à blé aux pillards du désert.

En l’an de grâce 198, la « Tertia Augusta », la « Tertia Gallica » et la « Ala Pannoniorum », sous les ordres du préfet cavalier Flavius Superus, en tout 700 hommes, s’avancent jusqu’à DEMMED ( MESSAAD). Il subsiste encore dans ce centre, les vestiges de trois camps retranchés, de portes de pierre retraçant les victoires de ces légions. Il est réconfortant de constater que la France, avant la lettre, était déjà représentée en ce pays.

La « Tertia Gallica » a apporté son sang gaulois au sang berbère des tribus nomades de l’Atlas Saharien et préparé notre action civilisatrice.

L’extension de la civilisation Romaine a posé le problème de la protection que les légions ne pouvaient certes pas assurer en totalité. L’empire recourt au système de la défense locale : on arme les colons eux-mêmes. L’Etat-Major Romain pressé déjà par des questions d’effectifs, verra là une occasion de réduire les troupes. Il n’en reste pas moins que ces colons, pour la plupart vétérans des Légions et leurs descendants, ont formé l’essentiel de la garde frontalière et ont tenu le pays jusqu’à l’époque Byzantine suivie de l’occupation Arabe. Cette dernière a marqué du point de vue économique, une régression spectaculaire. Le manque de coordination et de prévision, la paresse, ont transformé le paysage : on coupe un arbre pour se chauffer, le plus proche bien sûr ; on déboise petit à petit l’oliveraie puis la forêt, le gibier fuit, le climat se dessèche, le vent passe et le sable s’insinue.

C’est ce dernier paysage que nous avons trouvé après 1830. L’armée Française a repris la tactique Romaine : dans l’Atlas Saharien elle a poursuivi, longtemps encore, les dernières bandes d’ABDEL KADER pour apporter la sécurité aux nomades et aux Ksouriens. Dans la plaine et sur les sommets, elle a cultivé et reboisé, donné le goût de l’effort et de l’ordre.

La rébellion qui dure depuis cinq ans a certes apporté une gêne considérable : les forêts se déboisent, des champs sont abandonnés, et de nombreux nomades s’agglutinent au grand centre pour rechercher la sécurité.

La population, inconsciemment, sent que, si la France l’avait abandonnée, les paysages dévastés et les pillages de l’époque Arabe auraient été définitivement son lot.

Tel est le cadre historique dans lequel le destin a voulu implanter le 4ème Régiment de Tirailleurs. Après les beautés Carthaginoises, il lui fallait une autre scène au passé de légende.


MISSION

Venant du sud Tunisien, en septembre 1958, le Régiment s’est vu confier dans le secteur de DJELFA , l’importante mission de détruire les bandes de hors la loi, souvent retirées dans les montagnes, et d’éliminer les organisations politico- administratives qui supportent la rébellion. En corollaire et pour atteindre ce but, protéger efficacement les populations, les informer et les éduquer dans le cadre de la pacification amorcée par l’armée toute entière.

Installé à DJELFA, le Commandant du Régiment a découpé la zone d’influence en deux quartiers confiés à des Etats-Majors Tactiques, implantés l’un aux Ruines Romaines (10 kms de DJELFA), l’autre à AIN EL IBEL (30 kms sud). Ces unités ont, elles-mêmes, poussé dans le bled des postes de compagnie, vivant au plus près de la population. Cet écartèlement nécessaire a néanmoins permis de libérer deux compagnies prêtes à intervenir immédiatement dans l’ensemble du Secteur, et même le Secteur voisin.

Ainsi implanté, plus ou moins confortablement, au gré des postes névralgiques, le Régiment a participé depuis son arrivée à toutes les opérations montées dans la région. En juin 1959, nos compagnies prirent une part prépondérante dans le DJEBEL TSAMEUR, à l’opération qui mit fin au règne d’AMIROUCHE chef de la WILAYA 6. Plus récemment, en novembre, leur intervention permettait de détruire presque entièrement le commando rebelle n°3 qui écumait les monts de l’AZREG.

Cet aspect des activités opérationnelles du Régiment serait incomplet si l’on omettait son engagement dans l’oeuvre de la pacification.

Devant la pénurie d’instituteurs, les postes isolés, en liaison avec les S.A.S. se sont donné la tâche d’instruire eux-mêmes les jeunes musulmans dans les écoles installées avec les moyens du bord. Actuellement 200 élèves fréquentent ces classes qui sont le témoignage de la pérennité de la culture Française.

Ces jeunes trouvent d’ailleurs, hors de leur classe, dans les foyers sportifs, l’occasion de se former physiquement dans une ambiance d’équipe joyeuse.

Les médecins d’Assistance Médicale Gratuite, quant à eux, rayonnent dans les douars, plusieurs fois par semaine, apportant ici et là avec l’aide des Equipes Médico-Sociales Itinérantes (E.M.S.I. ) le réconfort de leurs soins avertis et vigilants.

Enfin, par l’intermédiaire d’un embryon d’Assistantes Sociales, quelques Cercles Féminins s’organisent malgré l’écran rigoureux des coutumes musulmanes, dont l’évolution est encore loin d’être partout entamée.

Tel est le bilan des activités du Régiment.

Il serait vain de détailler d’avantage toutes les activités opportunes commandées par les circonstances, mais pour chacun, à son poste, le programme est chargé et la journée bien remplie.

A la recherche du rebelle, armé de fusils ou militant d’un O.P.A., le tirailleur ou le gradé du 4°R.T. a l’occasion de dépenser son intelligence, son énergie et son dynamisme.

Sa foi dans sa mission lui permet au-delà de la victoire des armes, de gagner celle des coeurs.

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A tous ceux qui l’ont connu et apprécié sur les pentes du Belvédère, dans la neige des Vosges et la boue de Stuggart, le Régiment ouvre ses portes et sa tradition.

Il continue sur les pentes du SAHARY et de l’AZREG, dans les forêts de conifères ou sur le roc dénudé, sa longue tradition de gloire, d’honneur et de sacrifice.


LA TRADITION

A l’occasion de sa prise de commandement, le Colonel SAGON a écrit à tous ceux qui de loin ou de près avaient conservé des attaches avec le 4ème Régiment de Tirailleurs.

Il a reçu de nombreuses lettres, toutes très touchantes. En s’excusant par avance auprès de quelques-unes de ces personnalités –car il ne peut les citer toutes- il se permet de publier quelques extraits pour montrer combien sont vivaces les souvenirs sus cités et les sacrifices consentis en commun pour le service du pays.

Du Général de GOISLARD de MONSABERT :

« je suis profondément touché par votre lettre et par la pensée que vous avez eue de prouver la fidélité d’un Régiment auquel je dois tant et qui a tellement contribué aux Victoires de la 3ème D.I.A. Quel que soit notre grade dans l’Armée, nous sommes le corps qui passe, d’une âme qui demeure et je vous félicite de prendre avec un enthousiasme que je comprends, la responsabilité de maintenir un tel patrimoine de gloire et d’honneur ».

Du Général GUILLAUME :

« Merci de m’avoir donné des nouvelles du 4ème Tirailleur. Il fut, en 1944-1945, le plus beau Régiment de la 3ème D.I.A., celui auquel était confiées les missions les plus délicates – celui qui subit les plus lourdes pertes, du BELVEDERE jusqu’à STUTTGART. Je suis heureux d’apprendre par vous que la glorieuse tradition de ce beau Régiment est maintenue ».

Du Général GANDOET adjoint au Général Commandant le Corps d’Armée de Constantine :

« Je ne sais comment vous exprimer l’émotion qui m’a saisi à la lecture de votre carte, c’est très gentil de m’associer ainsi au 4ème R.T.T. Vous savez combien il est cher à mon cœur car j’y ai passé douze ans en Tunisie. Que dans les plis de votre Drapeau flotte la mémoire de tous ceux qui ont tout donné pour inscrire un nom de plus aux batailles qu’il a gagnées ».

Du Colonel ACHTE Commandant le Secteur de Bougie :

« Je suis convaincu que sous vos ordres il gardera pieusement toutes les traditions ainsi que toutes les vertus guerrières du 4ème Régiment de Tirailleurs Tunisiens »….

Du Général de Division GROSS, Président des Anciens de la Division du Maroc 1914-1918.

« Je suis très touché de la lettre que vous avez bien voulu m’adresser pour m’annoncer que vous preniez le commandement du 4ème Tirailleur et pour m’assurer de la fidélité de votre Régiment au souvenir de la vieille D.M.

Je salue avec émotion votre glorieux Drapeau et je vous prie de transmettre à vos Officiers, Sous-Officiers, Caporaux et Tirailleurs, le souvenir affectueux et les souhaits chaleureux des survivants de la Division du Maroc 1914-1918 ».

Du Général TRICON – DUNOIS, Président de l’amicale des anciens combattants de la 3ème DIA :

« Je viens d’apprendre par le Général GUILLAUME votre affectation au Commandement du 4ème RT et vous en félicite bien vivement au nom de tous les anciens de la 3ème D.I.A..

Votre désir de maintenir les belles traditions de ce glorieux Régiment nous touche profondément et soyez assuré que vous trouverez toujours à notre Amicale l’appui qui pourrait vous être nécessaire, auprès de vos cadres et de vos soldats, principalement de leurs familles dans la métropole »

Enfin, d’un très grand Ancien Monsieur Jean MIE 23 avenue Jasmin à Joinville le Pont (Seine) :

« En qualité d’ancien du 4ème RTT de 1914, j’ai lu ces jours ci sur le bulletin des anciens de la DM le petit mot que vous avez adressé au Général GROSS, le Président de notre Association, cela m’a fait plaisir, car croyez mon Colonel, que le 4ème Tirailleur est au-dessus de tous les Régiments de Tirailleurs avec la Légion dite du 3ème Régiment de marche …..

La Première Brigade Marocaine était toujours sur la brèche mais beaucoup n’ont pas à leur palmarès les combats du BELVEDERE en ITALIE …..

Je suis fier que vous commandiez mon ancien et glorieux Régiment. J’ai 68 ans, engagé volontaire en 1910, si j’avais trente ans de moins j’irais vous rejoindre ».

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Que les Anciens et très grands Anciens soient remerciés de leurs encouragements et de leurs marques d’affection.

Tout le 4ème RT est fier de leur passé et gardera fidèlement le souvenir de leur exemple.

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à suivre :

Les décorations de 1958 à 1959 :

Nos morts de 1958 à 1959 (repris dans la rubrique du site).