Berrouaghia

Carte EM de Berrouaghia Carte EM Ben Chicao, nord de Berrouaghia

BERROUAGHIA ( alt. 900 m) est située sur la N 1 à 29 km au sud de Médéa. Le col de Ben Chicao à 1327 m est sensiblement à 10 Km au nord du PC du régiment. Le PC et la CCS occupent un camp proche du centre ville de Berrouaghia, alors que les compagnies sont réparties dans des fermes et autres lieux de circonstances aux alentours du col de Ben Chicao. Une Base aérienne, détachement de Médéa, est aussi sur les lieux à la disposition du l'EM de la 20e DI.

Nous sommes le 21 octobre 1961.

L'EMT1 est installé dans la ferme LASSERRE qui lui sert de PC sur la RN 1, en bordure de la voie ferrée et avant le carrefour de la D 23 avec la section de commandement du PC et la section de protection de l'EMT1 détachée de la CA. La C.A. occupe la ferme Malval sur la D 23. La 2e Compagnie prend possession de la ferme FOULON non loin de l'EMT1 mais à l'ouest de la RN 1. La 1ère Compagnie est à ?..., la 3e Compagnie est à ?....

L'EMT 2 ?, la CP ?, la 4e Compagnie ?, la 5e Compagnie prend ses quartier à la base aérienne de Paul Cazelles . Enfin, le 4 septembre 1961, après quatre jours d'opération à Médéa, la 6e Compagnie aux ordres du lieutenant Técher, prend ses quartiers dans la ferme BRUEL près du col de BEN CHICAO. Sage précaution quand on connait le relief inquiétant de ce site de tous les dangers. Grâce à cet emplacement la RN 1 et la voie ferrée Alger-Djelfa sont protégées.

Les missions sont les mêmes qu'à DJELFA, c'est-à-dire investir le territoire pour le sécuriser et assurer partiellement le maintien de l'ordre à ALGER. Des opérations sont cependant menées dans les territoires du sud, environs de Djelfa et de Bou Saâda.

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De Jean-claude de la Nouba, une pointe de nostalgie :

« Adieu ! DJELFA, porte de l’Atlas, ton col des caravanes, ta platitude, ton soleil couchant, tes vents de sable et ton souffle brûlant ou glacial…. Bonjour ! cité des Asphodèles, ton caravansérail, tes vignobles, des terres céréalières protégées par les forêts de chênes-lièges, ton relief montagneux barrant l’horizon. Le 4e RT scelle un nouveau destin et s’installe en ville près de la RN 1, moins moderne que DJELFA que nous venons de quitter, BERROUAGHIA nous tend ses bras… »

De AD, sergent secrétaire du major à la CCS :

"le 20.10.1961, le 4e Régiment de Tirailleurs quitte définitivement les Territoires du Sud ( Djelfa) et fait mouvement vers le Nord, La CCS et le PC s'installent à BERROUAGHIA. Petite ville, coquette, neuve à 80 kms au sud d’Alger à 900 mètres d’altitude.

A part, le bâtiment en dur où loge le Colonel, le camp est constitué de baraques métalliques, d’autres en fibrociment. Le camp est protégé par des rouleaux de fils de fer barbelés concertina. La RN n° 1 longe le camp.

Ici, il n’y a pas de réfectoire pour les tirailleurs, chacun s’arrange comme il peut pour s’aménager un coin repas, un lieu pour dormir et se laver. C’est le système "D".

Toujours soucieux de l’hygiène corporelle, je prends l’initiative de faire réparer une ancienne station de pompage d’eau depuis la nappe phréatique. Avec l’aide de l’astucieux mécano B..., nous réussissons avec du matériel de récupération à fabriquer une pompe et installer un réservoir et une rampe équipée de pommes de douche.

Désormais nous pouvons nous doucher au moins, une fois, tous les quinze jours !

Le 02.12.1961, nous avons eu un feu accidentel au Camp. Deux baraques ont été la proie des flammes et totalement détruites. Heureusement il n’y a pas de victimes à déplorer. Les dégâts se chiffrent à plus de 50 millions de francs. D’après l’enquête, le feu a été occasionné par un tirailleur FSNA, qui pour raviver le feu d’un poêle à charbon à verser un casque d’essence dessus….

Après plus de 11 mois d’AFN, je prends 23 jours de permission. J’arrive chez moi, au village le 22.12.1961.

Le 01.01.1962, je suis nommé Sergent. Mon pote A... m’informe par câble de ma nomination afin qu’au retour je puisse bénéficier d’une cabine et éviter ainsi un voyage nauséeux en fond de cale."

"Le 15.01.1962 je suis de nouveau installé à BERROUAGHIA. Je peux désormais manger au mess. J’ai même déniché dans une baraque jouxtant le mess, un coin douche équipé d’un chauffe-eau (le luxe !) Le 1er février 1962, il neige sur BERROUAGHIA. La couche atteint vite trente/quarante centimètres.Nous apprenons qu’une compagnie en opération est restée coincée dans la tempête. Les tirailleurs et leurs chefs, ont creusé un trou individuel dans la neige et passé la nuit dans leur sac de couchage. Au réveil, le constat est terrible : deux tirailleurs sont morts de froid. Au camp, l’on parle de plus en plus d’un cessez-le-feu imminent. "

"Il est question que l’on déménage de nouveau. Le régiment doit former une base arrière à ZERALDA près d’ALGER, au bord de mer. Pour ma part, il est question que j’aille au PC du Colonel à BOGHARI ou BOGHAR. au sud de Berrouaghia.

Un soir, le Capitaine BRADY, pénètre dans la chambrée et pensant faire plaisir à notre copain A... lui propose d’aller faire un tour le lendemain matin en « hélico ». Le but de la mission étant de récupérer une carte d’état major à MEDEA et l’apporter à notre Colonel sur le terrain des opérations en cours.

Stupéfait, A... répond tout de go : Moi ? mon Capitaine ! mais vous savez que je suis à une vingtaine de jours au jus ? Un « hélico » ce n’est pas comme une bagnole, lorsque ça tombe en panne çà, on ne l’arrête pas au bord de la route !

Avec nos encouragements et un peu d’appréhension quand même, notre copain a eu son baptême de l’air. Au final, il est revenu enchanté de cette balade dans les airs.

Le 12.03.1962, je suis allé à ALGER pour expédier les cantines de mon Capitaine. Il est rapatrié en Métropole car il a fini son séjour. Je profite de cette mission, pour aller voir mon futur beau-frère à DOUIRA.

Le 14.03.1962, il neige encore sur BERROUAGHIA et il fait un froid de canard.

C’est à 18 heures, le 18.03.1962 que nous apprenons le « Cessez-le-feu ». Toute la CCS est en état d’alerte. D’après la conférence de presse de M. JOXE, l’arrêt des combats est fixé pour le 19.03.1962 à midi ?

Le 26 mars 1962, soit une semaine après le cessez-le-feu, c’est le carnage de la rue d’Isly. Ce sont les tirailleurs de la 6ème compagnie, sous les ordres du Lieutenant Ouchène DAOUD qui ont ouvert le feu sur les manifestants. Nous savions par nos contacts radios, qu’au dernier moment, la 6ème Compagnie avait été placée, contrairement aux ordres initiaux, en bouclage devant les gardes mobiles. Nous sommes tous consternés. Nous savons qu’il y a aussi une dizaine de blessés parmi nos tirailleurs dont deux blessés graves.

A la CCS l’incompréhension est totale.

Le 31.03.1962 je touche ma première paye d’ADL, ( Au-delà de la Durée Légale) soit 29 000 francs.

Mon pote A... est libéré le 5 avril 1962. Je l’accompagne jusqu’à la gare. Quinze mois que nous vivons côte à côte. C’est le « blues » total. Nous ne pleurons pas puisque nous sommes devenus des hommes ; mais lorsque nous nous donnons l’accolade une profonde émotion nous étreint. .

A la CCS nous libérons par anticipation les FSNA engagés. Le 19 avril 1962, il n’en reste plus qu’une dizaine. La dissolution du régiment est le plus souvent évoquée.

A Alger, voilà maintenant que ces Messieurs de l’O.A.S. « emmerdent » les permissionnaires. Le personnel est en grève à AIR France, AIR ALGERIE et dans toutes les compagnies maritimes Il n’y a plus qu’un seul navire par semaine en direction de la Métropole.

Depuis le 21 avril 1962, j’ai remplacé le Major de Compagnie. Autant dire, qu’au bureau tous les papiers passent entre mes mains. Je n’ai plus un moment à moi. "

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Le sergent Ferrigno Jean-Claude, classe 60 1a, appelé au service au 11° BCA à Barcelonnette pour y effectuer ses classes, sélectionné pour les E.O.R., rejoint le 3° BT à Ajaccio, puis les 159° BCA. Nommé sergent, retour comme instructeur à Ajaccio. En août 1961 il est muté au 4e RT à Djelfa, puis au PC du 4e RT lors de son transfert à Berrouaghia en octobre 1961. Affecté comme sergent secrétaire à la CCS en remplacement du titulaire affecté dans un autre bureau, il est libéré en avril 1962.

L'entrée du poste du cantonnement, la route de droite descend à Berrouaghia alors que celle de gauche conduit à Médéa.

De droite à gauche : ?, sergent Ferrigno Jean-claude, sergent Bros Jean, lieutenant Vahé, ?

Comme anecdote je vois celle d'une garde de nuit comme chef de poste, j'étais appelé par une de mes sentinelles qui avait entendu des bruits suspects de l' autre côté de la route. Après s' être sorti du camp avec toutes les précautions, j avais trouvé un mulet perdu et avais rassuré ma sentinelle. Je rentre dans le poste de garde et je m' allonge en invitant mon caporal d'effectuer la relève en l'informant du fait. Je m' assoupis et quelques minutes plus tard un coup de feu claque dans la pièce. La sentinelle en revenant avec le caporal a voulu décharger son Mas 49 réglementairement, dans sa précipitation un coup est parti, pas de dégât dans cette étroitesse 5X2 mètres. On a eu beaucoup de chance car l'impact est à 30 cm du pied du caporal et moi qui suis allongé juste derrière lui. Tout le camp est en éveil. Le capitaine vient aux nouvelles et après avoir entendu le CR donne un bon coup de pied aux fesses à la sentinelle et estime l'incident clos.

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photothèque de la CCS

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Témoignage du sergent-chef LOUIS de la Compagnie d'Appui, en poste à la ferme MALVAL

La ferme Malval actuellement. Elle n'a pratiquement pas changée, la maison carrée à gauche était l'habitation des propriétaires. Tous les bâtiments étaient entièrement occupés par la Compagnie d'appui. La route D23 au-dessus de la ferme conduisait à l'est vers Ouled Brahim et à l'ouest rejoignait le caravansérail sur la N1.

"Fin octobre 1961, le régiment quitte Djelfa pour Berrouaghia.

L'EMT1 est sous les ordres du Chef de bataillon GUILABERT, puis par le Chef de Bataillon POUPART, La CA est récemment commandée par le capitaine Gilet, un ancien de la DP.

"Pour ma part, j'occupe les fonctions de chef du secrétariat et de la comptabilité. J'ai pour adjoint un brillant sergent appelé, instituteur de son état, l'entente est parfaite. De retour de permission j'ai à fournir d'urgence les rapports circonstanciés et les différents formulaires pour la désertion d'un tirailleur. Le premier et le dernier que j'aurais à transpirer sur un dossier trop lourd à mon sens et à mon goût. Des directives nouvelles sont à l'étude pour parer à la reproduction de tels actes.

Mon commandant de compagnie souvent absent par la fréquence des opérations me laisse le champ libre pour l'exécution des nouvelles mesures et sécuriser la ferme en assurant les patrouilles de jour et les embuscades de nuit. L'adjudant de compagnie, un sergent-chef assure la vie du poste et sa garde, pour peu de temps. En fin de séjour, il sera remplacé par un adjudant-chef (Corse). "20 ans de service, 20 ans de campagne", autrement dit, un homme honnête, mais franchement fatigué. Submergé par la tâche, pour la bonne marche du service, il m'a fallu suppléer à son manque de rigueur, en intervenant fréquemment auprès des hommes. Grâce et à l'aide des sergents musulmans d'active qui ont compris tout l'intérêt d'appliquer les mesures nouvelles, afin de freiner ou de décourager les prétendants à la désertion. Ils auraient pu le faire, mais sans arme, ce qui rendait peu crédible leur engagement auprès des rebelles, voire peut-être dangereux pour leur vie. J'avoue que nous avons passé par mal de nuits blanches à errer dans le cantonnement ou à chercher aussi les indices d'un départ. Les rebelles ne devaient sans doute pas être au courant des mesures, sinon, ils auraient eu la part belle en investissant un campement désarmé, et à s'approprier les caisses d'armes solidement enchaînées. Quelques cadres et moi-même avions des armes de poing personnelles que nous avions dissimuler afin de pouvoir en user, en cas ou ! Drôle de situation dans un pays en guerre !

"La ferme viticole que nous occupions était difficile à protéger de par ses bâtiments dispersés et sa position au pied d'une ride rocheuse à forte végétation sur laquelle la RN23 nous surplombait. L'accès principal était barré d'un chevau de frise et quelques réseaux de barbelé empêchaient de s'introduire depuis la périphérie. La maison des maîtres était à l'écart dans un luxuriant jardin à l'abandon. A quelques mètres de notre parc autos, un fellah labourait la terre avec une charrue d'un autre âge tiré par un vieux mulet. L'un et l'autre peinaient pour un résultat médiocre. Aucune âme qui vive à l'horizon, même pas un douar, la montagne sonnait le creux. De jour comme de nuit, c'était le silence relatif d'une nature rendue libre de la présence des hommes.

De retour d'opération, le capitaine Gilet et ses hommes reprenaient possession des lieux, le cantonnement semble revivre, mais pour un temps seulement. La remise en état du matériel, des vêtements et de l'armement, la reprise des soins corporels et du repos indispensable sont leurs préoccupations majeures avant de reprendre le chemin de la servitude. A nouveau le poste est livré à sa solitude et à ses déboires de l'insuffisance. Leur présence a simplement alourdit un peu plus notre emploi du temps déjà très amplement chargé, mais en ont-ils conscience ? J'en doute, car souvent des pointes fusent à notre attention, nous reprochant d'être des planqués et de mal les servir...il m'arrivait d'envier leur sort, mais le capitaine ne voulait rien entendre."

"J'assurais deux à trois fois par semaine une liaison vers le PC à Berrouaghia, pour ce faire une jeep faisait l'affaire mais nécessitait un conducteur et un homme de protection, c'était la règle. Quand la mission n'implique pas un transport de matériel, je parcourais les 7 à 8 km seul sur une moto "Terrot 500" en changeant le plus possible les horaires et le temps passé au PC.

Je me souviens de cette route quelque peu insolite, avant d'aborder la Nationale 1, soit pour me rendre à Médéa à droite ou à Berrouaghia à gauche, me faisait face un Caravansérail d'importance dont aucune âme vive ne venait troubler le site. A moins que les rebelles s'en servaient comme poste d'observation. Vers Médéa près du col de Ben Chicao, une maison à demi détruite dressait une face intacte sur laquelle en lettres peintes au goudron une mention vindicative : " FLN = Front de Lâcheté Nocturne" semblait rappeler aux passants les actes de terreur commis par ce mouvement".

« Mes déplacements vers le PC à Berrouaghia, m’imposaient à l’aller ou au retour de m’arrêter à la ferme Lasserre, siège du PC de l’EMT1. Le bâtiment en bordure de route servait de Bureau de commandement d’où à l’époque le commandant Guilabert l’occupait. Cette petite pièce, enfumée et empestée par un poêle à huile lourde d’un tirage aléatoire, n’était pas engageante. Derrière son bureau le commandant donnait ses ordres aux différents cadres qui se succédaient, ces entrées et sorties apportaient un peu d’air frais mais aussi le froid de l’extérieur. La jovialité coutumière de cet officier supérieur me m’était à l’aise. Il me fit asseoir, et grimaçant éructa quelques jurons vers l’un de ces pieds déchaussé qu’il avait positionné sur une chaise.

- T’es encore trop jeune pour savoir ce qu’est la goutte et ce que j’endure ! dit-il en m’observant. Puis après un temps : T’as l’air gelé, reste un peu le temps de te réchauffer avant de reprendre la route.

C’était un homme très proche de ses hommes. Il savait leur demander beaucoup avec des termes de bon père de famille. Il lui arrivait de dire aux cadres de passage :

- Allez au bar vous détendre un peu, j’ai dis, un peu…

Il n’était pas le dernier à plaisanter ou à créer quelques tours dont il excellait sans malignité. La voie ferrée, tout proche, a été l’objet d’une farce mémorable à un jeune cadre arrivé récemment. On parlait d’une chasse au daru avec un sac de jute. Pour ma part, je n’ai pas cru un seul instant que cela marcherait, et bien si !

Il avait aussi le don d’un conteur qui faisait l’admiration des personnes présentes et les détendait quelque peu des aléas du quotidien et des servitudes d’obligation qui les usaient ».

Lire la suite rubrique : Boghar

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Du sous-lieutenant VAHE Gérard de la Compagnie d’Appui, chef de la section de protection de l’EMT1. ( extrait d’une lettre adressée à ses parents du 15 décembre 1961, communiquée par son frère Raphaël, à diffuser dans le site)

Sergent-chef An... et sous-lieutenant Vahé.

« Chaque section occupe une ferme (ou groupe de constructions) différente, distante environ d’un kilomètre. Moi, je suis à proximité de la route des pétroliers Alger-Médéa-Berrouaghia-Djelfa dans un groupe de maisons séparé par une route annexe – d’un côté, il y a le PC de l’Etat-Major Tactique n°1 (commandant, capitaines, etc ) de l’autre côté une bâtisse avec ma section, la section de Commandement du PC de l’ EMT1, le foyer (on peut y faire du ping-pong), le bureau des Transmissions, les cuisines. Une soixantaine de bonshommes en tout.

Je suis installé à mon bureau dans une chambre assez vaste puisque je la partage avec mon sous-officier adjoint, un corse, An…, sergent-chef. J’ai un lit, un bon lit, de soldat bien sûr, une armoire genre bibliothèque de la classe à papa [Son père est enseignant] en chêne clair (qui ferme à clef) une table, genre bureau avec tiroir, 2 chaises dans le même genre (tout cela aurait place dans une salle de classe) ; un âtre et oui un âtre où brûlent et crépitent des bûches de bois, qui répandent une douce chaleur. Le poste T.S.F. (c’est l’adjudant-chef que je remplace qui me l’a laissé) apporte le bruit de fond, il est malheureusement sur France 5, Luxembourg n’est pas capté. Voyez un petit intérieur assez confortable, une cloison coupe la chambre en deux, si bien que l’un comme l’autre nous avons notre petite intimité : ( il dort en ce moment, il est de ronde cette nuit !)

J’ai énormément d’occupations (je ne peux pas appeler cela travail) mais il faut que je m’occupe de tout, de la cuisine, des corvées, des constructions en cours (douches) et puis il faut que je travaille personnellement le canon de 75 SR, le commandement m’a donné jusqu’ en février pour le connaître à fond et pouvoir faire l’instruction (c’est une arme à tir direct qui coupe un arbre en deux (40 cm de diamètre) à 1000 m et qui conserve cette précision jusqu’ 2000 m. Elle tire jusqu’à 7 km en tir indirect (utilisée comme un mortier). De plus, nous sortons une ou deux fois par semaine en appui des voltigeurs, sortie de 36 heures ou 48 heures, parfois plus. Enfin c’est la vie animée….. »

Après avoir été nommé sous-lieutenant le 15 octobre 1961 à sa sortie de l’Ecole d’Officiers de Réserve de CHERCHELL, affecté au 4e RT, à la compagnie d’appui, Gérard VAHE ainsi que le tirailleur ZA… de sa section , engagé volontaire pour quatre ans, présent à la CA depuis le 1er novembre 1960, trouveront la mort le 28 février 1962, aux environs de Nelsonbourg près de Médéa. C’est au retour d’une opération de trente six heures annulée sur ordre, vers les 19 h 30 que le chef de la section "mortiers" signala par radio à son capitaine que le troisième véhicule du convoi venait de se retourner. Le G.MC. était en contrebas de la piste, les quatre roues en l’air et le personnel était coincé dans la caisse. Cinq blessés légers furent retirés et soignés sur place. Les deux morts coincés par les montants du véhicule ne purent être dégagés avec les moyens de l’unité. L’aide d’un médecin et d’un half-track fut commandée.

Après enquête, il ressort qu’en plein virage de la piste, les phares du véhicule s’éteignirent subitement. Le caporal-chef NA…, très confirmé dans l’emploi de chauffeur, fit l’impossible pour empêcher le véhicule de basculer sur le côté droit de la piste présentant une forte déclivité. Bien que blessé sérieusement à la tête il se dépensa sans compter pour secourir ses camarades.

Les funérailles de Gérard VAHE eurent lieu en avril 1962 dans sa commune du Nord à AUBERCHICOURT. Son nom est inscrit au mémorial de l’Ecole de CHERCHELL (Algérie).

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Du lieutenant Técher commandant la 6e Compagnie à la ferme BRUEL

"Le 4 septembre 1961, la 6ème Compagnie du 4ème RT est arrivée à la Ferme BRUEL (près du col de Ben Chicao). Les derniers occupants militaires étaient déjà partis, laissant les lieux, bâtiments, réseaux de barbelés et abords, dans un état de saleté repoussante.

Le nettoyage a demandé beaucoup de temps, car il fallut le partager avec les missions de l’unité qui ne diminuèrent pas.

Avec l’aide de quelques appelés ayant des notions d’électricité et de plomberie, il fut possible, grâce à l’acquisition d’un groupe électrogène et d’un complexe de douches de campagne, de rétablir le courant et d’obtenir de l’eau chaude. Ce n’était pas luxueux, mais ce fut utile.

La réfection des dispositifs de protection matérielle autour du Poste et l’installation de toilettes plus confortables que des feuillées, fut menée à bien. Les cadres et les tirailleurs ne rechignèrent pas à la tâche ; l’imagination de chacun stimulée par l’urgente nécessité des travaux entrepris « fit merveille ».

Selon le Journal des marches et des opérations de la Compagnie, la première douche a été prise le 4 octobre 1961, soit un mois après l’arrivée. L’on peut concevoir la joie de tous."

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Extrait du fascicule de la 2e Compagnie qui après avoir séjournée à FAID el BOTNA, BOGHARI rejoint son nouveau cantonnement en octobre 1961 à la ferme FOULON près du col de BEN CHICAO

"Nouveau déplacement en octobre 1961 , Ferme FOULON au col de BEN CHICAO, au milieu des vignes, les abords du poste sont rapidement vendangés !

Nous faisons plus ample connaissance avec le zéro zéro. Moyennement accidenté mais très touffu, le tirailleur s'y déplace le doigt sur la détente. Nous y restons huit jours consécutifs, ravitaillés par hélicoptère. La chasse est peu fructueuse, le fell se fait rare et fluide.

Le départ de la 5e Compagnie du Sud (Messaad) nous vaut un séjour de trois semaines à PAUL CAZELLES : Réserve héliportée "48 commandos sous les pales" ! En fait peu de mouvements ; quelques promenades en taxi, un parcours, un champ de tir, cinéma tous les soirs... comme à la caserne.

Carte EM Mongorno à l'ouest de Brazza.

Malgré le maigre butin on s'acharne sur le MONGORNO, entre deux opérations repos à FOULON.

1962 : FOULON sous la neige, le ravitaillement est fait à dos d'homme, il nous faudra une journée pour sortir nos roulettes. Le stage d'entrainement des réserves, ex-stage commando de chasse, nous amène à OUED FODDA. Avec l'OUARSENIS comme toile de fond, nous apprenons durant trois semaines à tirer le PM sur le ventre, encore quelques années et la 2 aura le droit à la casquette !

De retour à FOULON nous "regoûtons" du MONGORNO devenu maintenant une vieille connaissance. Après avoir essayé de convertir les populations laborieuses de MESSAAD, "MONSEIGNEUR" se spécialises dans l'ouverture des caches piégées.

C'est dans le MAHROUADA, tout proche du cantonnement, que CARMIN fait sa dernière opération, nous sommes le 17 mars 1962. Demain le Cessez le Feu sera signé, cette nuit Z... et B... rejoindront les H.L.L."

photothèque 2e cie

Témoignage du sergent-chef Panteix de la 2e Cie alors chef comptable

" Octobre 1961 : La 2ème Compagnie s’installe dans le col de Ben-Chicao (wilaya de Médéa, col le plus haut de la RN1 : 1230 mètres, situé à mi-chemin entre Médéa et Berrouaghia) à la ferme Foulon.

Fin décembre, habituelle trêve de Noël.

23 mars 1962 : Le colonel Goubard met à la disposition du Commandement l’E .M .T. 1. Composé des 6ème et 2ème compagnies, plus une compagnie mixte formée d’éléments de la 5ème compagnie et de la compagnie d’appui.

Toujours est-il que comptable de l’unité il faut me rendre à Alger pour régler la solde des tirailleurs.

Je quitte donc la ferme Foulon en jeep avec un chauffeur. Nous sommes sans arme, les accords du 19 mars nous l’interdisent. Arrivés aux environs de Boufarik, nous sommes contrôlés par un barrage de l’ALN. Le responsable nous demande de descendre du véhicule. J’ai des sueurs froides, s’il ouvre la sacoche qui contient la solde, je crains pour notre vie. Heureusement il se contente de faire le tour de la jeep. Ouf ! Il nous laisse partir.

26 mars 1962 : En fin de matinée, l’EMT 1 reçoit l’ordre d’installer des barrages autour de la grande Poste à Alger. Il devra s’opposer au passage d’une manifestation organisée par les extrémistes de l’OAS (Organisation Armée Secrète). N’y étant pas, il ne m’appartient pas de narrer ces événements très graves.

Avril-mai 1962 : Nous rendons leur liberté à nos tirailleurs. Après paiement d’un pécule équivalent à un mois de salaire multiplié par le nombre d’année de service pour les plus jeunes. Ou l’attribution d’une retraite proportionnelle à partir de 13 ans de service ( ?) pour les anciens.

A ma surprise, contrairement à la Tunisie, il n’y a pas eu de demande pour continuer à servir la France.

Le capitaine Ducrettet va me demander si je suis d’accord pour les accompagner, avec lui, à la gare. Pas de problème. Gros pincement au cœur.

Une troisième citation, que l’on peut dire « de paquetage » dont le texte récompense des faits antérieurs, met fin à 75 mois de présence au 4ème RT.

1 juin 1962 : Le 4e RT est dissous.

Disparaît un régiment au riche passé, digne du RICM ou du 3ème REI, autres régiments glorieux de l’Infanterie.

Au moment des adieux, le capitaine Ducrettet va me mettre en garde sur les difficultés de la vie de garnison en France. J’en comprendrai le sens lors de mon séjour au 11ème BCA. "

Note du webmaster : le sergent-chef Panteix obtiendra la médaille militaire à titre exceptionnel en décembre 1962.

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Berrouaghia en 1961: Le commandant Bourgeois, commandant l'EMT2, défile en tête suivit par l'adjoint du capitaine Bailly, commandant la Compagnie Portée, à hauteur du monument aux morts.

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