Carnet section

CARNET SECTION du lieutenant LATOURNERIE ( 2e compagnie)

5 Décembre 1960 au 18 Janvier 1961

Ce carnet a été ouvert à la suite d’une visite du chef de corps qui souhaitait qu’il soit envoyé aux Ecoles de Coetquidan pour l’instruction des élèves. J’ai cessé sa rédaction pour deux raisons : d’une part, j’ai été désigné pour un stage de minage-déminage à Boufarik puis pour encadrer un stage BA2 de sous-officiers supérieurs à Philippeville ; d’autre part je pressentais la fin de l’Algérie Française et je me demandais quelles leçons les instructeurs de Saint-Cyr pourraient tirer de mon témoignage. Il est probable que j’aurais remanié le texte avant son envoi Pour la compréhension, j’ai ajouté en italique des explications.

5 Décembre 1960

La compagnie (2°CIE DU 4°Régiment de Tirailleurs) s’est installée depuis hier au poste de FaÏd el Botna. C’est un petit poste triangulaire qui a été construit pour une section. Avec notre compagnie renforcée d’éléments du génie et de l’artillerie nous sommes plutôt à l’étroit : 250 à l’effectif rationnaire. Seuls les cadres officiers sont logés dans le dur avec les bureaux. La troupe est sous la tente, nous avons l’intention de bâtir un foyer, encore faut-il que nous ayons quelques crédits.

Je partage ma chambre avec un camarade de promotion (Saint-Cyr : Laperrine 1956-1958). Depuis un an que le lieutenant Raymond était dans le même secteur que moi je n’avais pas encore eu l’occasion de le rencontrer. Je me sens plus détendu maintenant que je me trouve en sa compagnie.

J’ai arrangé ma chambre avec un grand tapis acheté au souk de Djelfa, deux couvertures de Djerba que le Régiment a ramené de Tunisie, un chèche camouflé est disposé en tapisserie sur le coin de mon lit, quelques gravures. Sur la table traîne négligemment un pistolet à barillet (bulldog) à côté d’une petite baguette.

Le poste se trouve au milieu d’une immense plaine jaune avec quelques touffes d’alfa. Il faut faire environ huit kilomètres pour trouver les premières collines et une quinzaine pour être en plein djebel.

Autour de nous se trouve un village tout neuf (il n’y avait rien il y a deux ans), base des Ouled Oum Lakhoua, avec leurs vastes troupeaux de chameaux, chèvres, moutons et bourricots. Un jour vous êtes entouré de centaines de tentes, le lendemain il n’y a presque plus personne.

Notre rôle n’est pas de contrôler ces gens, la SAS (section administrative spécialisée) étant installée au village, mais de chercher des traces de rebelles dans un rayon de 20 kilomètres et de détruire les groupes rebelles du massif du Bou Kahil.

6 Décembre 1960

Tandis que le lieutenant Ducrettet (commandant de la 2°Compagnie) aménage le poste, je pars avec trois sections reconnaître le Malleg : R.A.S. C’est un djebel pelé avec quelques touffes d’alfa, quelques rochers, de très rares buissons. Quand je sors ainsi isolé, les tirailleurs manœuvrent mieux que dans les grandes opérations.

Ma mission est de rechercher les traces et de maintenir un climat d’insécurité chez l’ennemi. Si nous l’accrochons ce sera par surprise. Si l’ennemi a de bons postes d’observation, même si nous manœuvrons bien, il nous voit venir de très loin. Manœuvrer en sûreté exige d’avoir des éléments sur les crêtes, mais qui se trouve sur les crêtes est vu à dix kilomètres de distance. Manœuvrer en sûreté est une nécessité ici.

Pour cette opération, j’ai un relais radio à mi-distance du poste. En effet, je n’ai pas d’appui aérien au-dessus de moi ; vu les moyens de l’ennemi ce serait une folie de sortir sans liaison radio avec le poste de Compagnie.

7 Décembre 1960

Cette nuit j’avais installé quatre postes de surveillance à 2 kilomètres les uns des autres : encore R.A.S. Ce matin nous avons fouillé l’oued Amoura, c’est une gorge avec des lauriers roses : trouvé un très vieux camp, avec des traces de passage toutes les semaines environ. Cet après-midi remise en condition de la section.

On parle de remous dans les milieux Européens d’Algérie à l’occasion du voyage du général de Gaulle. À la compagnie les subtilités de la politique sont étrangères. Qu’ils soient appelés ou engagés, les tirailleurs de souche Nord-Africaine sont plus dociles que les appelés Européens.

Je suis sûr d’avoir la confiance de la section. Les accrochages auxquels j’ai participé avec ma section me l’ont prouvé. Les tirailleurs ne demandent de moi que d’être juste et sûr de moi.

Je ne crains pas les désertions (il n’y en a pas au Régiment).

Ayant trop vu de fellagas au tapis, peu d’entre eux voudraient subir leur sort ; beaucoup se sont engagés de peur d’être enrôlés par les rebelles. Deux tirailleurs de ma section ont eu leur père tué ce qui a fortement marqué leur esprit.

Addam, un appelé de Constantine (son père est mutilé de la Grande guerre et grand ami de la France) qui fait fonction de chef d’équipe, raconte que, dans le secteur, les jeunes partis chez les rebelles viennent se rallier au bout de deux ans, passent chez les harkis puis montent un commerce.

Ainsi, l’attitude de l’ennemi n’est guère agressive : bon dans la défensive, il ne sait pas profiter de nos faiblesses et porter des coups. Je n’ai guère vu en face de moi de combattants de la foi. Dans le secteur la rébellion fait plutôt figure de gang organisé.

8 Décembre 1960

Me voici maintenant avec une section d’Européens en vue de faire du maintien de l’ordre dans le Nord. Quelle que soit la mission envisagée, je préfèrerais avoir ma section habituelle. Je n’aime pas les discriminations raciales car, à la Compagnie, tout le monde est au même régime. J’ai, malgré tout, conservé trois musulmans anciens de ma section. Avec tous les Européens de la 2° Compagnie et une équipe de la 1°Compagnie nous sommes à peine parvenus à former une section.

Ce que ne savent pas les métropolitains c’est que, mis à part les légionnaires et les parachutistes, les seules unités à courir les djebels, qu’ils soient tirailleurs, Régiments d’Infanterie ou Commandos de Chasse sont formées à 80% de musulmans.

Je suis au poste des Ruines, j’ai retrouvé là les officiers de l’EMT1 (Etat-major tactique), héritier des traditions du 1° Bataillon du 4° Régiment de Tirailleurs Tunisien. Son monument aux morts, sa statue romaine, et les quelques pierres romaines ramenées de Tunisie donne à ce poste un caractère qu’on ne retrouve nulle part ailleurs au Régiment.

9 Décembre 1960

J’ai pris contact avec ma section. Mis à part mon adjoint et les trois musulmans de ma section, je ne connaissais personne.

Mon adjoint, ancien élève des écoles de mousse, véritable soldat, a une formation supérieure à celle des sous-officiers de la compagnie. Je le laisserai diriger l’ensemble des services de la section, car il aime les responsabilités et est capable. Je m’efforcerai à me tenir au courant de la situation et à voir ce que l’on attend de moi.

Le capitaine Brady, qui commande la compagnie de marche du 4°RT (une unité de marche est constituée d’éléments venus d’unités diverses pour une mission particulière) est venu nous voir. J’ignore encore quelle sera notre mission. On dit que le colonel Dufour est déserteur. Les Européens manifestent à Alger. Nous partons ce soir sur Boufarik.

10 Décembre 1960

Nuit blanche ! Nous faisons partie d’un bataillon de marche commandé par un officier de l’arme du train. Ce bataillon comprend une compagnie du train et une batterie d’artillerie.

Nous sommes allés protéger le passage du Président de la République (vers Boufarik) mais le Président est passé en avion ! J’ai observé les travaux du pipe-line, je les avais déjà vus du côté de Zenina. Le travail semble presque achevé.

Après-midi : nous filons sur Alger, caserne d’Orléans. De là nous sommes allé enfoncer le barrage d’une manifestation Européenne à côté de la caserne Pélissier. Il y avait parmi les manifestants le fils d’un officier du Régiment ! Nous avons été accueillis par une pluie de pavés, mais c’est parce que nous avions été pris pour des CRS !

Nous nous préparons à bivouaquer dans la rue, le lycée voisin n’a pas voulu nous ouvrir ses portes et la caserne Pélissier semble avoir une grosse activité avec allées et venues d’officiers supérieurs. Des ambulances circulent sans arrêt en direction de l’hôpital.

J’ai pris contact avec les gens du quartier, le peuple de Bab el Oued. C’est assez sympathique, malgré la situation, de prendre le café chez les Européens quand on vient des portes du Sahara. Les Européens semblent très inquiets de la situation.

Minuit : nous partons pour Belcourt où les musulmans ont, parait-il, envahi le quartier européen.

11 Décembre 1960

Nous ne sommes arrivés qu’à 2 heures du matin à Belcourt où le dépôt d’un monoprix était en flammes, un incendie gigantesque. Des automobiles brûlaient un peu partout.

Un tirailleur musulman me dit : « Ces cochons de pieds noirs ont mis le feu même aux bagnoles » !

Je lui réponds : « ce ne sont pas les pieds noirs mais les musulmans » ! Il n’y comprend plus rien, moi non plus : ça n’a pas de sens dirait Devos !

Nous ne nous sommes pas couchés.

6 heures : nous nous sommes placés sur les indications de la SAU (section administrative urbaine) un peu partout pour empêcher la descente des musulmans vers le quartier européen.

Ma section est disposée en trois groupes avec deux routes de quinze mètres de large à contrôler en cas d’émeute. Je n’ai aucune consigne, rien ne m’a préparé à ce travail. Je ne vois aucun gendarme, aucun CRS, aucun moghazni. Pourtant nous sommes là pour les aider et non les supplanter, je suppose ! Je n’ai aucune grenade lacrymogène. J’ai laissé les fusils mitrailleurs aux véhicules, mes armes ne sont pas approvisionnées. Interdiction de tirer sauf sur un porteur d’arme qui ferait usage de son arme. Le tir ne sera ouvert que sur mon ordre.

8 heures : ma section est en place. Des jeunes voyous regardent leurs méfaits de la veille. Les Européens semblent terrorisés. Ici les Européens et les Musulmans cohabitent dans les mêmes maisons.

10 heures : c’est parti d’un seul coup : les femmes lancent leurs youyous de guerre. C’est l’affolement, une marée d’êtres humains surgit de toutes parts. Je rejoins mon second et vois s’avancer vers nous peut-être trois cent types armés de matraques énormes, de barres de fer et d’outils de toutes sortes. Au milieu d’eux une centaine d’enfants. Je mets de côté une équipe en protection qui barre un escalier. A tout prix il faut empêcher ces personnes de descendre. J’ai trois ou quatre hommes sur l’autre trottoir. Moi, le suis au milieu seul avec mon planton.

Au passage je désarme les hommes un par un en silence. J’ai eu une minute d’émotion et je sens que le plus petit geste déclencherait une fusillade générale. Cette tragédie durera jusqu’au soir.

La manifestation a commencé aux cris de « Vive de Gaulle » et « Vive l’Algérie Algérienne », a continué par « Algérie musulmane » et « A bas les pieds noirs « et s’est terminée par « Abbas au pouvoir » et « Vive le FLN ».

12 heures : montés sur des camionnettes et voitures volées, ils se déplacent en brandissant des drapeaux du FLN. Je demande l’ordre d’intervenir et l’autorisation de tirer s’il le faut pour enlever les drapeaux. Réponse : si vous êtes trop menacés repliez-vous. C’est la deuxième fois que je vois le drapeau fellaga, le seul que j’avais trouvé précédemment était grand comme un mouchoir de poche pris sur un soldat du djebel Boukahil. Je suis écœuré de les laisser passer sans rien dire. Est-ce une trahison ? Lorsque l’Algérie sera indépendante, si elle doit l’être, les Algériens feront flotter leur drapeau, mais actuellement, de quel droit les laisse-t-on faire ? Je repense à tous ceux, Européens et Musulmans qui sont morts pour l’Algérie Française et j’ai vraiment honte.

18 heures : le 18° Régiment de Chasseurs Parachutistes fait un ratissage, il dégage le quartier en tirant (des grenades offensives). Pas de blessés dans mon coin. Je retrouve mon camarade de promotion Gilles de Beaumont qui me dit que le matin les manifestants lui ont tiré dessus au Pistolet mitrailleur.

J’ai l’air ridicule vis-à-vis des paras mais il m’a fallu certainement plus de courage pour empêcher ma section de tirer qu’à mon camarade pour dégager le quartier. (j’ai récolté deux mètres cubes de matraques)

Le soir, les commerçants musulmans du quartier, chose curieuse, m’apportent café, croissants, gâteaux, il semble qu’ils soient honteux de ce qui s’est passé et craignent des représailles. Un musulman qui habite à côté me dit qu’il se cache, qu’il est ancien para, qu’il pense comme nous, que jamais il ne voudra d’une Algérie FLN.

Je m’installe dans la rue pour passer la nuit. Mes hommes sont épuisés Mon adjoint s’est écroulé de fatigue à 19 heures. J’ai été obligé de le secouer énergiquement pour le réveiller.

12 Décembre 1960

Nous avions été mal placés par la SAU qui ignorait l’existence d’habitations européennes dans certaines rues et même la présence d’une école ! Les dégâts sont nombreux : une vingtaine de voitures, un dépôt d’appareillages électriques, une école où d’ailleurs les musulmans étaient majoritaires !

Quelques incidents encore : un drapeau sur le marché que mon adjoint fait descendre sous la menace d’une grenade. Toujours pas d’ordres, uniquement disperser les groupes de plus de dix personnes, on ne m’indique pas comment faire.

J’envoie à la SAU les personnes que j’ai remarquées à la tête de la manifestation. Elles sont relâchées dans la matinée.

Incident au cours d’un enterrement d’un manifestant. Une seule grenade offensive dont seul le bouchon allumeur fonctionnera remet tout en ordre.

Nuit à l’école Guépratte, repos bien venu.

13 Décembre 1960

La vie reprend peu à peu. Les enfants sont toujours dans la rue car les écoles sont fermées. Ils s’amusent parfois à jouer à la révolution. Le reste du temps ils s’amusent comme les petits Européens et avec eux. Les petites filles jouent à la marelle, sautent à la corde et chantent les rondes enfantines françaises.

14 Décembre 1960

Nous effaçons les inscriptions FLN par les habitants des maisons et par les voyous qui traînent à droite et à gauche. Je commence à connaître les habitants du quartier. Ils parlent presque tous un français très correct.

La SAU nous a demandé de prendre contact avec les responsables de quartier, un comble pour nous qui sommes de passage ! J’ai quand même vu un certain nombre d’anciens combattants. Il n’y a pas de problème : les vieux sont pour l’Algérie Française. Au café je suis obligé de refuser les nombreux cafés que l’on m’offre. Sans aucun doute notre calme au milieu de la tempête a fortement impressionné les habitants du quartier qui maintenant craignent une répression.

15 Décembre 1960

Je me suis disputé aujourd’hui avec le patron européen du café. Evidemment, c’est un homme peu intelligent et il raisonne d’une manière simpliste. Il prétendait que, si on lui avait donné des armes, tout aurait été vite terminé. Evidemment, s’il avait eu des armes, je ne serais pas resté près de lui et il aurait trouvé en face parmi les manifestants plus d’armes qu’il ne le croit.

De fait, les Européens du quartier ne comprennent pas pourquoi nous n’avons pas reçu l’ordre de tirer.

16 Décembre 1960

J’ai été invité à prendre l’apéritif chez le directeur de l’école Guépratte. C’est une école moderne comme je n’en ai jamais vu en métropole. Les élèves sont en très grande majorité musulmans. Pourtant, si le service d’ordre n’était pas intervenu, cette école aurait été entièrement saccagée. Le directeur est complètement effondré, c’est lui qui a éduqué les enfants du quartier depuis cinq ans, c’est un peu grâce à lui, que dans le quartier, on a du mal à distinguer un enfant européen d’un enfant musulman. Maintenant, quand il se promène les enfants tournent la tête.

17 Décembre 1960

J’ai rendu compte au lieutenant Ducrettet ( mon commandant de Cie à Faïd el Botma) de ce qui s’est passé à Alger, des désillusions que nous avons eues. Je crois que jamais je ne mettrai le même cœur qu’auparavant. J’ai appris la mort de mon camarade Cousin. Depuis quinze mois qu’elle est en Algérie notre promotion a perdu quinze officiers. Cousin était un camarade de corniche (Ginette), il avait 22 ans. Je repense à la lettre de mon ancien de La Chapelle qui écrivant à sa sœur religieuse lui demandait de prier pour que ceux qui meurent en Algérie ne meurent pas pour rien. La Chapelle est aussi mort au combat au début de cette année.

18 Décembre 1960

La section est logée dans une école saccagée, mes hommes n’ont emporté qu’un paquetage opérationnel avec en plus une tenue de sortie. N’ayant pas de linge de rechange, ils commencent à devenir très sales. Leurs treillis usés par le régime du Bou Kahil leur donne un air misérable dont j’ai honte. Le problème de la tenue est mon principal souci. Au point de vue discipline, notre système d’alerte fonctionne bien. En cinq minutes la compagnie peut fournie deux sections, en une demi-heure elle aura trois sections. Une section est de sortie en permanence. La vie dans le quartier a repris tout à fait normalement.

19 Décembre 1960

Je suis allé dîner avec la section Villalon. Villalon est mon « bazar » (promotion de Cyr qui suit la mienne). Sa section est logée dans une petite villa habitée par des Européens en plein quartier musulman. Il y a là un vieux colon qui habite dans une cave. De cette villa on a une vue splendide sur le port et l’ensemble de la baie. Bien qu’il occupe la plupart des pièces de cette villa, Villalon est très bien reçu, ses hôtes ne demandent qu’une seule chose : qu’il reste le plus longtemps possible. Ils savent qu’ils ne pourraient pas habiter là si nous partions.

20 Décembre 1960

J’ai envoyé mon adjoint rendre visite aux blessés de la section lors de l’accrochage du 3 octobre. Manque de chance : ils sont partis hier. J’aurais pourtant bien aimé avoir des nouvelles du sergent Bensaad qui craignait d’avoir le pied paralysé. C’est un sergent appelé qui avait été mis à la porte de l’Ecole des Officiers de Réserve pour raison politique mais qui, dans l’action de la compagnie, était devenu très dynamique. Il avait été cité avant sa blessure et je garde un excellent souvenir de lui.

21 Décembre 1960

Brugel, mon adjoint, est parti en permission. Je n’ai plus de sous-officier. A notre départ de Faïd el Botna, à part le comptable et le fourrier, c’était le seul sous-officier européen de la 2°Compagnie. On mettra à ma disposition un sous-officier de la section Villalon. Il n’a plus qu’une dizaine de jours à servir au 4°RT. Il a demandé sa mutation pour les paras. La vie du Régiment était trop monotone pour lui. Il a besoin d’action plus concrète et souhaite de plus grandes responsabilités que ce qui lui est offert à la compagnie. De plus l’attrait sportif du parachutisme chez un fantassin est la chose la plus normale et je partage ce plaisir.

22 Décembre 1960

Nous recevons notre premier courrier depuis notre départ de Faîd el Botna. Les tirailleurs mariés attendaient avec impatiences les « biffes » et certains se feront envoyer directement leur courrier chez des civils du quartier. Bien que ce soit interdit par le règlement, j’estime que dans les circonstances actuelles, vu les lenteurs du Bureau Postal Militaire, je peux les laisser faire. D’ailleurs ce serait fort difficile de les en empêcher.

23 décembre 1960

Les tirailleurs devenaient de plus en plus sales, les installations sanitaires étant plutôt limitées. La SAU nous aurait refusé l’entrée des douches, nous avons fait le tour des casernes d’Alger et personne n’a voulu partager ses douches ! Finalement nous avons été très bien reçus par le Centre d’Instruction de l’ABC. Les installations de ce C.I. sont dignes d’une armée moderne et étonnent lorsque l’on vient du bled où on est habitués à des installations improvisées et sommaires.

24 Décembre 1960

Je me suis arrangé pour décorer une salle de l’école avec les moyens du bord. C’est surtout Lirot, mon nouvel adjoint, qui a très bien arrangé cela.

Bien que les colis de Noël ne soient pas encore arrivés, nous avons eu un très bon réveillon. Je pense que, pour mes tirailleurs ce Noël sera un des plus beaux. Excellente ambiance de camaraderie dont je suis assez fier. Le commandant (du secteur) est venu faire un tour, j’ai regretté qu’il ne reste pas un moment avec nous pour qu’il participe lui aussi à notre fête, mais il a beaucoup de sections et sa famille habite Alger.

25 Décembre 1960

Ambiance très détendue dans le quartier, on a l’impression d’une trêve de Noël. Les jeunes musulmans me demandent si j’ai passé un bon réveillon. Malgré tout, pour que tout soit parfait, il n’aurait pas fallu que les messes de minuit se célèbrent à 18 heures et que les rues du centre soient plus animées hier soir.

26 Décembre 1960

Je viens de voir un ancien tirailleur, Européen de souche, libéré depuis peu. Il appartenait à la compagnie d’appui, planqué dans la cuisine, il a dû crier « la quille » pendant une année entière ou le penser. Mais, un mois après, il regrette presque son service militaire et ses anciens copains. Il a une admiration profonde pour les compagnies opérationnelles. Pour Noël il a invité plusieurs tirailleurs de ma section. Pendant un séjour à l’hôpital il avait fait quelques connaissances à Alger. Il s’y est maintenant installé comme ouvrier dans une usine, il est fiancé à une indigène catholique. C’est un cas parmi tant d’autres d’intégration complète.

27 Décembre 1960

Pour meubler la journée et donner une occupation à mes tirailleurs, j’ai emmené la section au jardin d’essai avec son zoo. La végétation de ce jardin est surprenante. Même en plein hiver c’est un paradis.

28 Décembre 1960

J’ai remarqué aujourd’hui que les appartements des Européens du quartier se vidaient petit à petit. Au cours des émeutes des ménages ont tout perdu : leur magasin mis à sac, leur automobile qu’ils avaient achetée avec les économies de toute une année. Les jours suivants on les voyait sur les trottoirs des quartiers moins occupés par les musulmans, ils tournaient en rond, logeant un jour chez l’un, le lendemain chez un autre. La confiance n’est pas revenue, les Européens ont très peur. Dans les quartiers du centre ils ont formé des groupes d’auto-défense avec à la tête d’anciens officiers. Ils nous demandent des grenades, mais bien entendu, il n’en est pas question de leur donner quoi que ce soit : toutes nos munitions sont comptées.

29 Décembre 1960

Je me demande ce que fait la SAU (section administrative urbaine). Je n’ai jamais vu un de ses cinq officiers dans le quartier musulman. La seule activité que je leur connaisse est l’entrainement d’équipes sportives. Les musulmans du quartier n’ont pas leurs papiers en règle ! Les musulmans du quartier sont persuadés que la SAU leur a demandé de manifester ! Je leur réponds, qu’en tous cas, elle ne leur a pas dit de crier « vive le FLN » et de sortir le drapeau de ce pseudo gouvernement.

30 Décembre 1960

Le quartier est très peuplé, ce sont surtout des Kabyles. Les blonds aux yeux bleus et les rouquins parmi les musulmans sont choses courantes. Les petits bourgeois sont très évolués et vivent comme les Français de souche européenne. A côté d’eux, logés dans des « dortoirs », des hommes kabyles, arrivés depuis les événements vivent plus misérablement. Je suppose qu’ils ont fui le djebel où ils ne se trouvent pas en sécurité pour trouver une vie plus facile à Alger. Le plus souvent leur famille est restée en Kabylie et ils reviennent de temps en temps chez eux comme des militaires en permission.

31 Décembre 1960

Invité par un capitaine en retraite et son épouse, je suis allé à Bab-El-Oued manger quelques brochettes, au milieu de ce petit peuple dont on parle tant actuellement. A minuit j’ai entendu quelques voitures scander « Algérie française ». À cette heure tout était calme malgré le couvre-feu repoussé à 1 heure.

J’ai réveillonné avec quelques amis et ne suis rentré que le lendemain matin. J’avais confié ma section à mon adjoint en lui laissant mon numéro de téléphone. Malgré les bruits, aucune manifestation, aucun attentat n’a troublé cette nuit.

1° Janvier 1961

J’ai passé la soirée avec quelques camarades chez l’épouse d’un lieutenant qui a été rappelé par son corps au deuxième jour de sa permission. Triste vie que celle de femme d’officier.

2 janvier 1961

Je suis allé souhaiter la bonne année à la famille Cattala chez qui je fais expédier mon courrier. Mademoiselle Cattala me confie qu’elle a passé les deux réveillons toute seule à écouter des disques. Je lui promets de venir ce soir en surprise-party avec quelques camarades si elle invite quelques amies. Charmante soirée qui laisse un bon souvenir.

Nous partons demain. C’est une curieuse idée de nous faire partir maintenant à quelques jours des élections, au moment où il risque des émeutes. Connaissant tout le monde, sachant où chacun habite, ayant l’expérience du maintien de l’ordre dans le quartier, des incidents nouveaux seraient peu possibles.

3 Janvier 1961

Nous avons quitté Alger ce matin après avoir passé nos consignes aux parachutistes coloniaux : une compagnie composée pour moitié d’ « Africains ». L’arrivée de nos remplaçants de couleur a laissé un grand froid dans le quartier, aussi bien chez les Musulmans que chez les Européens. Je crois que nous avions un peu l’estime de tous. Ma section a chanté « ce n’est qu’un au revoir » en partant et tout le monde était sur le pas de la porte pour nous dire adieu. Je ne suis pas fâché d’être relevé car, vivant ainsi chez l’habitant, j’avais bien du mal à maintenir chez les tirailleurs la discipline du début. Je voudrais aussi retrouver une ambiance plus militaire.

Au cours du déplacement Sportes a trouvé un fusil à 20 mètres de la route. Je me perds en conjonctures pour savoir à qui peut bien appartenir ce fusil : ami ? ennemi ? La chose est peu banale : des onze armes récupérées par ma section, c’est certainement celle qui nous a donné le moins de mal !

J’ai passé la nuit au poste des Ruines, ici je me sens chez moi. Alger et toute sa politique me semblent bien loin. Vu des bazars (Saints-Cyriens) de la dernière promo. Il n’y a plus de stage à l’Ecole d’ Application de l’Infanterie, plus de stage para, plus de stage de haute montagne, pas de place à la Légion et les Paras. Il semble que nous ayons renoncé aux corps d’élite et que nous nous complaisions dans la médiocrité. Dans notre promo certains avaient choisi les autres corps avec l’intention de leur donner l’esprit « choc » (le major Jean-Claude Loridon avait choisi le plus mauvais régiment d’infanterie dans cette intention) tandis que maintenant je crains qu’on égalise en sens inverse.

(Voir aussi juillet 1961 à Alger)

4 Janvier 1961

Retour à Faïd-el-Botna. Le lieutenant Ducrettet est resté longtemps seul officier à la compagnie, Chastel en permission, Fondeville en stage à Arzew, Parrod instructeur à Philippeville. Ma section a été commandée un certain temps par un caporal-chef musulman ancien fellaga, puis un sergent musulman l’a remplacé. Le moral semble toujours bon, sauf chez certains vieux sous-officiers musulmans.

J’ai trouvé un désordre indescriptible dans ma chambre. J’ai tout remis à neuf comme pour une revue à l’ESMIA (Saint-Cyr). Mais pour combien de temps suis-je ici ?

5 Janvier 1961

Début d’une tournée électorale. Il s’agit d’assurer la protection. Bivouac à côté de Bab Messaoud, petit poste de section à côté de la forêt. Le paysage est différent que celui de Faïd, il est plus vivant. Excellente ambiance au poste, l’aspirant y met une note de gaîté.

Le regroupement est certainement l’un des plus actifs du secteur, une petite école fonctionne et l’Assistance Médicale Gratuite regorge de clients.

6 Janvier 1961

J’effectue une reprise en main de la section. Je commence par l’instruction combat : résistance d’une résistance isolée avec assaut. J’ai insisté sur le commandement au geste et la coordination entre les éléments. Instruction du tir. Instruction combat rapproché pour développer les réflexes et l’agressivité. Ecole de chant : j’arrive à faire chanter la section en français, mais c’est un peu timide. La chanson est facile : « je cherche fortune tout au long du chat noir… ».

Déplacement de Djelfa à Diar el Chiouck ( poste 1° Compagnie) . Je retrouve mon vieux camarade Isel qui a marché pendant dix-huit mois avec la 2° compagnie et qui prépare maintenant le concours de Strasbourg. Il s’ennuie fort, regrette sa section, certains lui ont dit qu'elle n’a plus le même esprit. Isel était certainement plus près des sous-officiers et des hommes que moi mais je crois que je pouvais exiger plus d’eux que lui. A chacun son caractère !

Dîner avec les cadres de la 1°Compagnie et ceux d’un escadron du Régiment Etranger de Cavalerie. Je retrouve un camarade de promo.

7 Janvier 1961

Toute la compagnie a profité de son passage à Diar el Chiouck -centre d’instruction du Régiment- pour effectuer le parcours pentathlon. Matin : reconnaissance des obstacles ; après-midi : challenge intersection. Ma section est première, le meilleur temps a été effectué par mon homme de confiance Mamoum (surnommé Mimoun comme le champion olympique). Je suis deuxième. Je ne me suis pas trop fatigué pour rester en forme en cas d’une sortie éventuelle selon la formule : se ménager pour mieux servir ! Je suis content de voir que j’ai gardé mon entrainement de Coetquidan, alors que je défendais les couleurs de la compagnie Puimoyen sur le parcours du risque.

Nous passons la nuit au poste des Ruines où nous nous installons comme « chez nous ».

Dans l’ancienne chambre de ma section une salle de classe très coquette a été installée pour les enfants du regroupement.

8 Janvier 1961

Encore de l’instruction : ordre serré, le résultat n’est pas brillant. Il est difficile d’être aussi exigeant sur la tenue que l’année dernière car nos conditions de vie sont plus misérables et on n’arrive jamais à rassembler l’ensemble de la compagnie.

Retour sur Faïd.

9 Janvier 1961

Remise en condition de la Compagnie ; nous allons bientôt installer un camp en protection d’un chantier du Génie à Amoura.

« Amoura ville sainte » ou « Amoura ville interdite », ce serait deux beaux titres de roman qui assureraient le succès à son auteur. Pour raison stratégique, Amoura est maintenant une ville déserte ( zone interdite) et garde un caractère sacré chez les habitants de Faïd , magie à laquelle nous n’échappons pas.

Plantée sur une terrasse d’une falaise de 400 mètres de haut, elle constitue une bande de verdure avec palmeraie de plusieurs kilomètres de long au milieu d’un désert de cailloux : le Bou Kahil. Du haut de sa falaise, quand on se tourne vers le Sud, on a une vue inoubliable qui s’étend vers l’immensité bleue du Sahara.

10 Janvier 1961

Reconnaissance dans le Bou Sba Rous avec appui des mortiers. Raymond (un camarade de promo venu avec une section de 120 en renfort) nous a fait une magnifique démonstration de tir. Quelques traces de passage mais rien d’important.

11 janvier 1961

Avec le lieutenant Ducrettet, reconnaissance du terrain limitrophe de la piste à aménager.

Notre poste est installé dans une cuvette de cinquante mètres de rayon, nos hommes à défilement derrière les crêtes. C’est un dispositif assez large (pour deux sections).

Le Génie est venu avec ses grandes tentes, son groupe électrogène, ses poêles. Quant à nous, nous n’avons que la tente individuelle et le sac de couchage opérationnel. Nous avons la charge de l’ordinaire. J’ai installé la popote dans un GMC (camion venant des surplus américains).

J’ai doublé les sentinelles pendant la nuit par des grenades piégées et j’ai planifié des tirs de mortier de 60 sur les points dangereux. J’ai formé mon groupe de commandement au service de la pièce de mortier. Evidemment je n’ai pas de pointeur de précision mais Mamoun mon ancien radio et homme de confiance a vite compris le principe.

12 Janvier 1961

Tandis que le Génie travaillait à proximité du poste, j’en ai profité pour faire un tour dans les oueds avec les deux sections. J’ai été surpris de voir les traces d’une section rebelle dans l’oued Amoura. Les types sont peut-être partis devant nous.

Le nouvel aspirant est terriblement mou, de plus il commande à la voix et tout le monde parle. Sa section n’avance pas. Inutile d’espérer de surprendre qui que ce soit dans ces conditions. Il est vrai que, avec deux sections, il est pratiquement impossible de rattraper des rebelles en fuite dans un terrain pareil. Il nous faut manœuvrer en sûreté et la vitesse s’en ressent.

Départ du lieutenant Ducrettet en permission.

13 Janvier 1961

Retour à Faïd, une bonne douche, quelques disques et je me sens aussi frais qu’avant. Pour les tirailleurs il n’en est pas de même : ils doivent assurer la garde dès le premier soir.

Il a neigé toute la journée, je plains beaucoup mes camarades du Génie. Raymond semblait fort désappointé en prenant ma relève. Les artilleurs comme les sapeurs ne sont pas habitués à vivre avec la rusticité de nos tirailleurs.

Par contre les tirailleurs semblaient rassurés par cette grosse puissance de feu des mortiers de 120. Avec sa section Raymond a une puissance de feu presque équivalente à celle d’une batterie de canons de 105. Il a l’intention de faire du harcèlement dans les oueds voisins. Il suffit qu’un obus tombe à proximité de quelques fellagas pour que ceux-ci passent une très mauvaise nuit, et par ce froid c’est un très bon résultat. Il suffit que le rebelle ne se sente pas en sécurité pour qu’il perde toute idée d’offensive.

14 Janvier 1961

Curieux aspect que la plaine de Faïd au milieu de la neige : qui viendrait ici l’été et reviendrait l’hiver croirait à un bouleversement des pôles. De belles photos à prendre : raïmas (tentes nomades) et chameaux dans un désert de neige.

15 Janvier 1961

Le lieutenant Chastel a décidé de passer la nuit au camp d’Amoura. Je reste chef de poste : R.A.S.

16 janvier 1961

Retour au camp du Génie. Le temps s’est remis au beau et le Génie a repris son travail.

Ce soir j’ai bavardé avec les tirailleurs, ils ne savent pas reconnaître l’étoile polaire. La plupart des tirailleurs appelés désirent travailler en France après leur service. Le travail en Algérie et la vie de famille ne les tente plus.

17 Janvier 1961

Fouille d’Amoura. Aucune trace : ni dans la ville, ni dans les collines avoisinantes. Le génie reconnait la piste actuelle : aucune descente possible (en véhicule) à Amoura. Il y a une chute de plus de cinquante mètres. L’aspirant part seul, sans me rendre compte à 10 kilomètres plus loin : il est complètement inconscient. Il est trop jeune, trop gamin pour être un chef. Jeune marié il a plus le souci du courrier que celui de sa mission et de ses responsabilités.

Etre courageux, ce n’est pas prendre des risques inutiles, mais garder son sang-froid, avoir tous ses réflexes et mettre en œuvre ses moyens devant un danger connu. La négligence engendre bien des pertes, les actes de bravoure beaucoup moins.

21 heures : j’entends tirer de tous côtés. J’arrive près de ma section avec peine : on ne voit pas à cinq mètres. Je n’ai qu’une peur : sortir du dispositif. Je vais de l’un à l’autre pour comprendre ce qui se passe. Quelques types se seraient heurtés à nous, soit par hasard, soit pour tâter le terrain, soit qu’ils aient eu l’intention de s’installer sur notre crête pour tirer sur le génie. Dans la nuit, avec le front que j’ai, les tirailleurs ne se sentent pas en sécurité et j’ai bien du mal à faire cesser le feu.

( après enquête ultérieure, il apparaîtra que c’est un sergent-chef ancien qui venait d’être affecté à la compagnie qui a semé la panique. En épluchant son dossier on découvrira qu’il avait été noté après une blessure en Indochine comme « à ne plus affecter en compagnie de combat », cette remarque lointaine n’avait pas attiré notre attention, il sera de nouveau paniqué lors de l’accrochage du Bou Kahil puis sanctionné et dégradé).

18 Janvier 1961

Le génie ayant arrêté des travaux, petite opération dans l’oued Amoura avec appui des mortiers. Rien vu, toujours quelques traces de passage. Les fellagas semblent se méfier et se déplacer à mi- pente. Ils ne passent jamais par le même chemin, ne bivouaquent pas exactement aux mêmes places.

Les embuscades ne « paient » pas dans la région : le terrain est si vaste et les renseignements si imprécis qu’on ne voit pas comment les fellagas tomberaient dedans. Toutefois, mes effectifs au camp du génie ne me permettent pas de détacher la nuit un élément du poste.

19 Janvier 1961

Retour au poste. Il n’y a plus d’eau. Le village est plus mort que jamais.

En fait de poste de repos, nos tirailleurs n’y ont aucun confort, logés sous la tente par lits superposés. Ils s’y gèlent et n’y voient pas le jour. Le foyer n’est pas accueillant. Pour l’aménager il faudrait y affecter quelqu’un de fixe et quelques crédits. Acheter quelques jeux : baby-foot par exemple.

Les tirailleurs se plaignent souvent d’être les parents pauvres de l’armée.

20 Janvier 1961

Visite du sous-préfet. Repas à la mairie. Au milieu des conseils municipaux dont pas un ne parle français, le sous-préfet qui est Kabyle semblait aussi embarrassé que moi. Les Ouled Oum Lakhouas ont l’air vraiment sauvage. Avec leurs habits et leur figure burinée ils ressemblent à des sorciers.

L’adjoint au maire qui est né à Amoura a sauté de joie quand je lui ai dit qu’il y a deux jours j’étais à Amoura, il m’a dit qu’il fallait y créer une SAS.

Les conseillers municipaux poussaient du coude leur maire disant « goulougoulou… » ( dis-lui …).

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Fin du journal. Le Génie fera une piste qui joindra Amoura à l’oasis de Messad.

Je serai envoyé à Philippeville pour encadrer un stage de sous-officiers et ne reviendrai que pour prendre par intérim la 2° Compagnie au moment du décès du lieutenant Chastel.

Pour comprendre les remarques journalières il faut se rappeler qu’il était destiné aux élèves officiers de Coetquidan.

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Retour à Faïd el Botna et reprendre le témoignage du sergent Panteix.