Pour mémoire

À méditer

À la lecture de notre dossier "Servir" de la revue n° 195, la question de l'obéissance opposée aux cas de conscience a rappelé au CBA, Arserne Héné (OAEA/Trs), qui avait eu l'honneur de servir sous les ordres du général Gandoët (*), cette réaction, après un entretien avec le général De Gaulle.

"A l'honneur de la région, il n'y eut aucune bavure. Lorsque tout fut terminé, des grands chefs, et d'autres plus policiers, militaires ou civils, vinrent faire des enquêtes dans toute la région. De simples soldats furent interrogés. Gandoët reçut des félicitations de tous côtés pour les réponses faites par les uns et les autres".

Le 27 juin 1961, le général De Gaulle le convoque à Paris pour lui demander de lui parler du moral et des préoccupations des cadres sous ses ordres. Gandoët lui explique que ce moral n'est pas bon pour les raisons suivantes : la presse est très dure vis-à-vis des militaires ; des personnalités politiques prononcent des paroles choquantes pour les cadres d'active ; mais surtout les officiers estiment que leur honneur a été bafoué en Algérie. Sur ce dernier point, le général De Gaulle lui réplique que : " L'honneur des officiers en Algérie est sur le terrain, et de ce fait il est intact, car ils ont gagné la guerre. Pour le reste, c'est  une affaire politique, et seul son honneur à lui  est en jeu". Et il  enchaîne aussitôt en disant textuellement : " Ce que je fais en Algérie n'est pas ragoûtant, croyez-moi, mais je ne peux pas faire autrement et la solution que j'ai prise sera appliquée". Et comme Gandoët s'exclame : " Mais nos amis pieds-noirs, nos fidèles harkis, nos anciens tirailleurs, que deviendront-ils ?". De Gaulle répond : "Ils seront sacrifiés..."  et change de conversation (**). Or cette conversation avait lieu  à une époque où des officiers de la sécurité militaire multipliaient leurs perquisitions, jusque et y compris au PC même du général Gandouët. Deux de ses plus proches collaborateurs furent ainsi interrogés par... un spécialiste de l'appareil à détecter le mensonge. Bien que relâchés, ils furent rayés du tableau d'avancement.

Tout ceci déplut fort à Gandoêt dont le nom était pourtant prononcé pour un commandement à Paris avec une cinquième étoile. Certes, c'était très beau, mais il ne pouvait pas accepter. Lui, officier de l'Armée d'Afrique, souffrait trop à l'évocation de cette phrase sur ses anciens tirailleurs " sacrifiés" sur l'autel de la patrie française. Gandouët fit sa demande de mise à la retraite...  

Source: L'épaulette n° 197 de juin 2017, article  aimablement transmis par le capitaine d'alors commandant la CP du 4e RT.

(*) Voir le site ouvert par le webmaster sur la campagne d'Italie du 4e RTT de janvier à juillet 1944 d'où s'est illustré le chef de bataillon Gandouët alors commandant le 3/4e RTT.

https://sites.google.com/site/photothequedocumentsdivers/4e-rtt---39-45

(**) Après une pioche dans sa bibliothèque, le webmaster (Séjour d'avril 1959 à décembre 1962) précise ce qui suit extrait du livre de A.Figueras "  De Gaulle l'impuissant" :

"... D'abord, parce qu'il a fait traîner quatre ans la guerre d'Algérie. Alors qu'il avait l'intention bien ferme (si j'ose dire), d'abandonner notre province d'outre-Méditerranée.

Or, il n'existe absolument rien de plus abominable, sur le chapitre du gouvernement des hommes, que de faire tuer des soldats en leur racontant qu'ils défendent la patrie, alors que, dans le même temps, on fait livraison de cette patrie aux gens par qui nos soldats se font tuer. Voilà vraiment, en politique, le crime le plus haut. Car on peut à la rigueur, au nom de la prétendue, et bien souvent scélérate, raison d'État, excuser un certain nombre de choses vilaines. Mais tout de même pas celle-là, à aucun prix." Page 120.


Pour comprendre ce qu'était la guerre d'Algérie. 

Ci-après le texte du colonel Latournerie, ancien lieutenant à la 2e Cie de combat du 4e RT de 1959 à 1962, qui a autorisé le webmaster à publier sur le site ce document qui lui sert lors de nombreuses conférences auprès de la jeunesse au sein d'associations patriotiques.

EXPOSITION GUERRE D’ALGÉRIE

 

Origines du conflit : 

    - La France a détruit les structures indigènes et n'a pas su les remplacer

    - deux statuts: citoyens et sujets

    - une grande partie de la population du bled est restée illettrée

    - promesse d'indépendance des Allemands et Italiens en 1940

    - promesse d’indépendance faite par les USA avant le débarquement en AFN en 1942

    - guerre d'Indochine qui a donné l'exemple d'indépendance

    - guerre froide

    - USA et Union Soviétique contre la colonisation française à l'ONU

    - politique anticolonialiste de Nasser qui a un impact énorme via les ondes

    - présence du pétrole qui intéresse américains et soviétiques 

Pourquoi la France s'est tant impliquée dans cette guerre ? 

  - La France a énormément investi dans ce pays

  - Les Ottomans sont restés 3 siècles sans moderniser ce pays : pirates de la  méditerranée,   vendeurs d'esclaves, il existe très peu de traces de constructions ottomanes.

   - la France a créé l'unité du pays, elle a créé des terres arables, des villes, des ports, des routes, des voies ferrées, des mines, elle a bâti un pays moderne.

   -Il y a une forte population de Français de souche installée depuis plusieurs générations. L’Algérie est leur patrimoine.

   -  musulmans et européens d'Algérie ont montré leur attachement à la métropole pendant les deux  guerres mondiales. Tous les Européens entre 18 et 40 ans ont été mobilisés pendant la deuxième guerre Mondiale. 

Premiers rebelles : 

     - deux partis : MNA  et  FLN

     - des intellectuels influencés par les communistes français

     - des anciens soldats prisonniers du Vietminh qui ont subi une formation communiste dans les camps. 

Qui étaient les soldats Français? 

  - 400.000 hommes dont 250.000 musulmans

  - majoritairement des appelés : le service militaire sera porté à 30 mois pour tous les Français, y compris pour les indigènes,

   - des supplétifs « harkis », « moghazenis », GMR : ce sont des soldats à contrat courte durée vivant chez eux, venus se battre à nos côtés, par amour de la France ou à la suite de crimes du FLN dans leur famille ou déserteurs du FLN ayant écouté «  l'appel des braves » du général de Gaulle,

   - des engagés, principalement des musulmans spahis ou tirailleurs  et des légionnaires.

NOTA : sur le terrain, mis à part la légion et les paras, les fantassins étaient majoritairement des musulmans, c'est donc une guerre civile,

   - les européens sont de préférence affectés dans les armes techniques : aviation, marine, génie,  artillerie, transmissions, matériel, intendance, ...

Que fait l'armée ? 

   - Missions de combat : principalement destruction des bandes armées, bouclage-ratissage, contrôle des frontières, ouvertures de routes et voies ferrées,

   - l'armée assure le maintien de l'ordre,

   - l'armée dans le « bled »assure l'administration (Sections Administratives Spécialisées)

   - l'armée assure l'enseignement primaire et l'Assistance Médicale Gratuite dans le bled.

Elle agit un peu comme une ONG. 

Différentes phases du conflit : 

    1955-1956 :

    - la France non préparée, des massacres des deux côtés.

    - la rébellion recrute dans le bled et forme ses soldats en Tunisie et Maroc. 

    1957 :

    - barrages aux frontières

    – épuisement des troupes rebelles qui portent la guerre en  ville (bombes dans les cinémas et cafés) bataille d 'Alger.   

   13 mai 1958-1959 :

    - Algérie française le général de Gaulle au pouvoir,

    - plan de Constantine  

 -1960 :

    - annonce du référendum sur l'autodétermination, Algérie Algérienne,

    - révolte des Européens : « barricades »: tirs entre gendarmerie et manifestants.  

 -1961 :

    - putch et création de l'O.A.S.  

 -1962 :

     - accords d'Évian et indépendance 

Causes des événements de mai 1958 : 

   - pas de politique à long terme du gouvernement: changement de gouvernement tous les 6 mois.

   - les rebelles sont affaiblis ;

   - les populations cherchent la paix : la citoyenneté française promise correspond au souhait d'une majorité de la population indigène.                                                                  

Pourquoi le général de Gaulle changea d'objectif en 1960? (Algérie française puis algérienne) 

   - création du Gouvernement Provisoire République Algérienne (GPRA) reconnu par l’ONU

   - la France au ban de l'ONU (USA et pays communistes liés contre la France).

   - les Algériens de France sont noyautés par le FLN: des assassinats tous les jours en métropole.

Pourquoi se révoltent les Européens d'Algérie puis une partie de l'armée ? 

   - Il y a un principe stratégique énoncé par Foch et appris dans toutes les écoles de guerre: on ne change pas d'objectif (« maintenance of the aim »). Quand de Gaulle parle d' « Algérie algérienne » toutes les personnes cultivées savent qu'on a perdu la guerre.

   - en mai 1958 de Gaulle avait dit que l'armée était garante des promesses de mai 1958, elle a du mal à changer de cap: abandonner les ralliés musulmans de la « paix des braves » était une trahison et une perte de l'honneur de la France. 

De Gaulle s'est-il trompé ? 

   - de Gaulle considère le problème algérien comme secondaire. Il n'a pas changé d'objectif : grandeur de la France dans le monde. En donnant l'indépendance à toutes nos colonies il obtiendra la majorité à l'ONU, un rayonnement dans les pays arabes et dans tout le « tiers-Monde ». 

Pourquoi le cessez-le-feu n'est pas respecté ? 

   - Les européens sont engagés dans une politique suicidaire par l'O.A.S.

   - les émissaires du FLN ont signé sans mandat du GPRA qui principalement n'accepte pas l'impunité des algériens qui ont servi la France. 

Que peut-on reprocher à la France en 1962 ? 

    - Ne pas avoir prévu le départ des Européens,

   - ne pas avoir protégé les Européens et les musulmans qui avaient servi la France,

   - avoir interdit la venue des harkis en métropole,

   - avoir mal accueilli les rapatriés. 

Que peut-on reprocher à l’Algérie indépendante ? 

   - Ne pas avoir respecté les accords d’Evian,

   - avoir massacré et spolié les Européens,

  - avoir massacré ou emprisonné les Algériens qui avaient servi la France.

(Probablement plus de morts après l’indépendance que pendant toute la guerre d’Algérie). 

Quelles sont les différences entre la guerre d'Indochine et celle d'Algérie ?  

En Indochine : 

   - Plusieurs pays de l'union française avec leur  propre gouvernement,

   - il y avait peu d’Européens installés,

   - par contre il y a une forte implantation catholique  et des mariages mixtes Français-Indochinois

   - l'Indochine avait été envahie par les Japonais pendant la guerre alors que la France n'avait plus de   marine pour la protéger,

   - le contingent n'a pas été envoyé,

   - on se battait contre un parti communiste fortement aidé à la fin par la Chine dès 1949.

   - pertes françaises: 77.000  + probablement autant de supplétifs,

   - l'armée française a subi une défaite à Dien-Bien-Phu.  

En Algérie : 

   - l'Algérie faisait partie du territoire français avec des départements,

   - il y avait plus d'un million d'Européens bien implantés depuis de nombreuses générations

   - l'Islam rendait difficile l'application du code civil français

   - le peuple français a été plus impliqué : 30 mois de service militaire pour les appelés

   - les pertes de l'armée française ont été beaucoup plus faibles: 30.000 Français y compris les                                                          

    soldats  musulmans dans l'armée française,

   - la guerre a été perdue politiquement et non militairement.

CÉRÉMONIE EN MÉMOIRE DES HARKIS 

 

Nous commémorons aujourd’hui le souvenir des Harkis ainsi que  de tous les supplétifs, Moghaznis et Groupes Mobiles de Sécurité, engagés avec les forces françaises pendant la guerre d’Algérie.

L’engagement de ces hommes avait différentes motivations :

- Il y avait ceux qui avaient vu les massacres des rebelles et qui craignaient pour leur sécurité,

- Il y avait les ralliés, anciens combattants du FLN et du MNA  qui avaient entendu l’appel du général de Gaulle promettant la « paix des braves »,

- mais il y avait surtout ceux qui avaient un profond amour de la France, comme leurs aînés  qui avaient servi au sein de l’Armée d’Afrique du Général de Lattre de Tassigny.

Au souvenir des supplétifs il faut joindre celui des soldats musulmans engagés et appelés, car les musulmans faisaient leur service militaire comme tous les autres Français.

Au total en 1961, ce sont donc 250.000 musulmans qui sont engagés au service de la France, engagés dans la lutte contre les rebelles ; ils étaient donc un peu plus nombreux que les Européens, en particulier dans les unités de combat.

Nous gardons également la mémoire des 12.000 musulmans assassinés par le FLN en métropole pour avoir refusé d’aider les rebelles.

Malheureusement, après l’indépendance, le gouvernement algérien n’a pas reconnu la clause des accords d’Evian qui prévoyait que les musulmans ayant servi la France ne seraient pas inquiétés. Il s’ensuivit un massacre impossible à chiffrer mais estimé entre 50.000 et 100.000 musulmans.

Dans le même temps, la France n’avait pas prévu de rapatrier les Harkis. Ce n’est qu’une minorité, environ 40.000, qui a pu être sauvée grâce à certaines  unités françaises qui n’ont pas tenu compte des ordres contraires reçus: dans l’urgence ; il y a un devoir primordial d’humanité.

Enfin, pour leur malheur, la France n’a pas accueilli comme de vrais citoyens Français ceux qui ont pu échapper au massacre et beaucoup vécurent dans des conditions misérables et indignes.

Aussi, aujourd’hui, nous sommes réunis pour rappeler que ces Français furent trahis, abandonnés, massacrés. Nous sommes réunis pour leur présenter nos excuses, témoigner notre profonde amitié et reconnaissance pour leur amour de la France.

Nous admirons la fidélité des membres de leur association qui viennent nombreux à toutes nos cérémonies nationales et mémorielles, nous partageons leurs deuils et leurs espoirs.

 

Christian Latournerie              Centre Culturelle de la Mémoire Combattante (2018)

LIVRET

Document peu courant mais authentique car émanant du gouvernement français de 1954. Il a été remis à toutes les recrues lorsque la France les a embauchées dès le 1er novembre 1954 pour défendre ses couleurs en Algérie alors département Français. C'est donc un document officiel, maintenant renié, comme beaucoup d'engagements.  (Colonel Latournerie).