2e REC, 584e GT, Services

 Les relations ou anecdotes avec les autres corps en stationnement à Djelfa

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La RN 1 et le chemin de fer liant ALGER - DJELFA en sont l'épine dorsale. Ils pourvoient ce vaste Secteur composé du 4° RT, du 2e REC, d'un élément du 584e Bataillon du Train, du 1/38 RA qui se situe dans la partie nord à Aïn Mabed avec la batterie de Commandement et des services, une batterie à Djelfa, une batterie à Sidi Bahbah et une autre Batterie à Zaafrane, d'une Base aérienne implantée à Djelfa l'EALA 3/71 avec un détachement de l'ALAT de la 20e DI .  Aérodrome de Djelfa. 

La Cigogne du Train :

Il y a à Djelfa un détachement du Train qui est chargé de l'entretien et de la réparation de nos véhicules. Ces types ont fort à faire. Un jour j'y mène un 6X6 en panne. Je m'adresse à deux pieds dépassant de sous un GMC. Le gars sort de là-dessous en salopette noire de cambouis. C'est le capitaine commandant les Tringlots. Il règne dans ce garage en plein air une curieuse atmosphère de travail, de sérieux, mais aussi de franche camaraderie. quel que soit leur grade, ils sont tous égaux devant la mécanique, aussi rigolards, aussi crasseux.

Et ils ont, eux aussi, une mascotte fidèle : une cigogne boiteuse qui pue l'huile de vidange et est aussi sale que le reste du personnel.

 " De temps en temps, on la nettoie à fond, me dit le capitaine. Elle est magnifique. Mais aussitôt elle rejoint les gars sous les camions et c'est à recommencer..."

 S/lt Rouquier de la CP du 4e RT.

Un élément du 584e BT à Djelfa.

Les pains tombent comme à Gravelotte 

témoignage du S/C louis de la CA 4e RT.

 Au sujet des ouvertures de route Djelfa- Ruines Romaines, il ne faut pas demander à sa mémoire de faire des efforts tant les anecdotes abondent. J'en évoque une seule qui a influé sur le cours normal de mon comportement par un jugement préjudiciable dont je ne me sens nullement responsable. 

Au cours d'une fermeture de route, nous sommes sur le chemin de retour au poste. Le dodge  chargé d'hommes, dévale la dernière pente au terme de laquelle un radier de pierres, pas très large, coupe un petit ru. Le chauffeur, à son habitude, force l'allure pour entamer la montée qui s'en suit. Arrivés au dos d'âne, soudain en face de nous, surgit un autre 6X6, chargé d'hommes en képi blanc, qui manifeste la même intention d'aborder le radier en accélérant l'allure pour entamer la côte que nous descendons à l'instand. Inévitablement, le croisement se fait au milieu de l'étroit passage. Par précaution, les deux conducteurs serrent au maximum leur véhicule  de manière à garder les roues sur la plate-forme surélevée du radier. Les ridelles s'enchevêtrent avec fracas. Les légionnaires qui avaient anticipé l'accident et se projettent sur leur vis-à-vis pour éviter de se faire hacher le dos. Ce n'est  pas le cas d'un de mes tirailleurs qui n'a pas eu ce réflexe contrairement à ses camarades et qui souffre d'une fracture ouverte à un bras. Les deux véhicules ont passé le radier avec une précision d'orfèvre sans qu'ils ont culbuté. Contrariés et courroucés, les deux chefs de bord inspectent leur véhicule respectif et devant l'ampleur des dégâts, doivent engager la procédure d'un compte-rendu, d’autant qu’il y a blessure d’homme. 

Dodge 6X6 (photo du Net)

J'interpelle alors le sous-off de la légion et lui crache ma déconvenue en l'accusant d'être responsable de cette délicate situation tout en lui signifiant d'autant qu'il n'a rien à faire sur cette voie après la fermeture de route. Il prétexte un retard justifié par l'urgence d'une mission et d'un accord de passage de la part du commandement de mon poste. Vu l'urgence de la gravité de la blessure, je l'invite à reporter l'acte administratif au lendemain en sa caserne à DJELFA. 

Le lendemain, je me rends à la Légion pour établir le constat. Ma jeep roule à l'allure indiquée par un panneau de signalisation planté à l'entrée de la caserne. Malgré cela, de  la cour sableuse se forme un nuage de poussière qui s'engouffre par l'ouverture d’une fenêtre ouverte. Quelques mètres plus loin, un légionnaire m'arrête et me fait signe respectueusement d'observer le geste d'appel d'un adjudant-chef campé près d'un bâtiment à usage de bureaux. Ce dernier m'invite à me présenter au capitaine qui n'a pas apprécié l'état enfariné de son bureau. Je quitte le quartier avec 8 jours d'arrêt simple. 

Au retour au bataillon, à la suite de mon compte-rendu d'accident, je suis invité par le commandant Rollet à signer mes 8 jours d'arrêt simple, comme chef de bord impliqué, à tort ou à raison, dans un accident de la circulation routière. "C'est la règle" me dit-il avec un disgracieux sourire à cause d'un rictus dû à une vilaine blessure. C'est un chic type, un Ardennais, à maintes occasions nous avions échangé des impressions sur notre département. Il allait quitter le bataillon, pressenti à un stage de lieutenant-colonel. Je lui rends compte que ma situation est plus critique qu'il ne l'évoque en lui racontant ma mésaventure à la Légion et mes pains  attribués précédemment par mon capitaine pour ma conduire irrespectueuse. Avec un tel tableau je peux faire une croix sur mon rengagement et mon grade de chef. 

- Evidemment, trop, c'est trop !... Faut faire un choix... Pour le capitaine, vous êtes allé un peu fort et je n'en ferai rien et puis c'est trop tard... Pour la Légion, il y a de l'abus et en tant qu'ancien de cette arme, j'en fais mon affaire. 

 Les propos à peine exprimés, le commandant décroche le combiné et après un bref dialogue avec l'officier irascible du 2 ème Étranger de Cavalerie, il obtient satisfaction. J'en fus heureux. 

À la suite de quoi, j'éviterai de rouler dans le quartier de la Légion. Le chef de poste recevant comme mission supplémentaire de surveiller mon véhicule laissé dans le parking à l’extérieur. En tant que fantassin, il m'est plus séant de me déplacer à pied en contenant la poussière que produit la pression de mes chaussures sur le sol poudreux.

Le PC du 4e RT est installé à Berrouaghia, la CA, elle, occupe une ferme vers Champlain. Les liaisons avec le PC sont fréquentes. Pour moi, chef comptable, pratiquement au quotidien. Souvent seul, en jeep avec conducteur et parfois en convoi.

Un jour d'orage, suivi d'une tornade effrayante, j'assure une liaison sur Médéa sans escorte. La route est difficile, glissante et la visibilité quasi nulle. Un  éboulement de terre saturée d'eau coupe la route. Après bien des manœuvres pour trouver un passage, nous réussissons et poursuivons notre route. Le temps redevient beau, le soleil réapparaît, tout est bien dans le meilleur  des mondes. La montée  est raide et à la fin d'un tournant apparaît sur le côté de la voie une jeep en stationnement face à nous. Tout de suite on reconnait l'unité à la bande blanche cernant le casque, c'est la police routière de la CCR de Médéa. 

Le sous-officier nous adresse un signe pour stopper. Je réalise que ce contrôle était programmé par notre propre PC qui avait ordonné la chasse au militaire circulant sans le casque lourd. Serein, je sais que dans notre jeep les quatre occupants sont en règle. Le MDL s'adresse au conducteur et lui demande de présenter son permis. Surpris, il ne l'avait pas sur lui. Paf ! J'écope d'un rapport, ce qui veut dire que j'ai le droit à huit jours d'arrêt simple ainsi que le conducteur.

Quelques temps après, en liaison à Berrouaghia, je suis chef de bord d'un camion Simca. Dans la caisse  bâchée, un paquet d'hommes de l'EMT1. Le convoi démarre et ma place est en serre-file.

Nous entamons la nationale 1,  Médéa-Berrouaghia, une longue pente douce augmente notre allure. Je demande au conducteur de ralentir pour garder la distance réglementaire entre les véhicules, ce qu'il fait spontanément. Dans la longue ligne droite, un véhicule klaxonne pour nous dépasser et devant nous surgit une jeep de la CCR qui poursuit son chemin à vive allure. Puis elle s'arrête sur le côté de la voie et un sous-officier en sort en nous demandant par geste de nous arrêter. Merde !  Je n'ai pas demandé au conducteur s'il avait son permis de conduire sur lui, décidément ce réflexe de contrôle m'échappe.

- Bonjour  chef ! me dit- il, je suis dans l'obligation de vous faire un rapport, vous avez dans la caisse un homme ne portant pas son casque.

- Oui alors verbalisez-le !

- Mais vous aussi en tant que chef de bord.

- Comment voulez-vous que je contrôle une caisse bâchée en étant dans la cabine ?

- Ça c'est votre problème !

Et pan ! Huit jours de plus à mon actif, car le recours n'est pas recevable.

Sacré Colonel, il a peut-être de bonnes raisons à cela, mais nous avons d'autres priorités plus importantes, d'autant que les légionnaires eux sont en képi et se f... du règlement. Alors pour mes missions sans convoi, je me rends à Berrouaghia, seul sur une moto "Terro" et sans escorte... Est-ce vraiment raisonnable ?

Dessin fait là-bas par Rouquier en réponse à l'obligation de porter les casques.

  Affecté au 4e RT en 1959. Le commandant de la CA m'a attribué la gestion des "Armes lourdes" et selon ses dires, comme je ne devrai  pas crouler sous la charge, il ajoute qu'avec les engins lourds, il faudra composer avec le peloton muletier. Ensuite tâtant ma réaction,  apparemment respectueuse, "vous aurez également le commandement d'une demi- section de bras cassés à ramasser dans tous les services dans le cas d'un renforcement de moyens opérationnels". Plus malicieusement, il se tourne vers l'adjudant de compagnie qui était en attente d'un projet de servitude, " Il fera votre affaire pour les ouvertures de voies (route et voie ferrée) en combinant sa nouvelle fonction de vaguemestre  du bataillon". " Voilà sergent c'est tout ! L'adjudant va s'occuper de vous !"

 Et c'est souvent en tant que vaguemestre ou chef d'ouverture de route et de voie ferrée que je suis appelé à voyager entre les Ruines Romaines et Djelfa dans une jeep attitrée. 

S/C louis de la CA 4e RT.

Bureau du vaguemestre aux Ruines (photo lt Latournerie)

Le BPM à Djelfa 

Le BPM (Bureau de Poste Militaire) siège dans le cantonnement de l'unité du train. Il occupe un bâtiment qui fait face au poste de police, séparé par une aire pierreuse. C'est une pièce unique comportant un long comptoir séparant longitudinalement sur sa gauche un rayonnage destiné aux lettres et colis des unités et sur sa droite un guichet occupé par les deux préposés aux vérifications des registres et à l'échange des espèces.  Derrière ces deux préposés-adjudants, une cloison avec une porte toujours ouverte, c'est le bureau du chef du BPM, avec le  grade de sous-lieutenant. 

Avec le mdl-chef de la Légion, vaguemestre pour son régiment, nous rivalisons de civilité démonstrative envers le chef du BPM qui nous a à la bonne. Comme nos comptes sont bien tenus et que jamais il n'a à constater une remarque dans nos registres et les comptes en espèces, des liens sont noués naturellement. Un jour, en nous prenant à l'écart il nous avoue qu'il est un rien gêné de tant de respect pour son grade. "Nous sommes des civils de la poste, volontaires pour servir dans les Armées, nos grades ne sont que des  équivalences pour le traitement, mais cela n'a rien à voir avec la hiérarchie militaire. " Ayant compris cela, le chef et moi continuons néanmoins à lui  témoigner un salut réglementaire et de lui administrer des : " mon lieutenant"  à tour de bras. Car pour nous c'est un chef hors pair, ainsi que ses deux adjudants qui ne refusent jamais  l'appellation militaire dont ils tirent orgueil. 

Aviation 

Des contacts il y en a de bien utiles. Nous passons chaque semaine à la Base aérienne échanger nos bobines de films avant de les rendre au gestionnaire d'Alger par l'intermédiaire de la Compagnie des Transports. Cela double la possibilité de visionner les films dans les foyers du soldat. Pour la petite histoire, je n'en vois aucun car trop occupé par ailleurs avec mes petites missions sans importances. 

Matériel 

Il y a également un service du matériel du côté de la gare de Djelfa. On y perçoit ce que les services techniques de l'EMT1 nous obligent. Agréable moment que l'on réserve en fin de mission dans l'attente de la fermeture des voies. Le bar est très accueillant et les sous-officiers du Matériel livrent là leurs secrets administratifs pour faciliter les rapports à venir. On y gagne sur les deux tableaux. Pour mon cas, je n'ai pas à attendre la fermeture des voies. Une fois passé au BPM, je rejoins les Ruines pour la distribution du courrier, des mandats et colis. Cela n'attend pas. 

Quartier de la Légion 

La légion aussi a son bar que nous évitons au maximum, car le piège tendu est infaillible et ne permet pas d'y échapper. Après un contact administratif, le sous-officier du moment vous invite à prendre un pot et pour ne pas être en reste, nous tentons de lui rendre la pareille. Mais il laisse place à un collègue qui ne supporte pas que l'on refuse son verre. Si c'est vers les onze heures, cela va bien, peu de monde au bar. Vers midi, c'est foutu, à en juger par le nombre de personnes présentes. Vous n'avez toujours pas dépensé un centime. Mais quelle cuite mes amis. 

L'infirmerie de la Légion accueille aussi les sous-officiers des autres corps et j'en profite car j'ai un phlegmon amygdalien. Là, je fais la connaissance d'une grande brute qui jouxte mon lit, un géant à l'accent allemand. Il s'ingénie sans cesse à trouver la faille dans le dispositif de garde afin de gagner la ville pour une bordée. Pour rendre la tâche plus ardue, le commandement a confisqué nos uniformes, ce qui entrave d'autant ses souhaits d'évasion. Pour mon compte, je refuse d'emprunter une tenue n°1 de la Légion. Car dans le cas d'un contrôle par une patrouille, je serais dans un pétrin inextricable. Alors  chaque soir je laisse Barnart se dépatouiller dans la quête d'une tenue à sa taille et ce n'est pas gagné vu son gabarit hors du commun.(1)  

(1) Si le jour nous pouvons circuler en ville dans la tenue de travail, le soir, nous sommes considérés comme des permissionnaires avec l'obligation d'être en tenue de sortie. Ceux qui sont en stationnement hors Djelfa, ne jouissent pas des mêmes avantages, limités par les heures d'ouverture et de fermeture des routes.  

S/C louis de la CA 4e RT.