Djelfa CCS

Camp Baraqué

Les commandants de la CCS du 4e RT :

Capitaine LONCOL de 1958 à 1960, le capitaine BRADY de 1961 à 1962.

Quelques sous-officiers de la CCS encadrent le capitaine Loncol.


AD secrétaire à la CCS (Camp Baraqué) :

"Nous sommes installés dans le Camp BARAQUE , jouxtant l’ancien fort CAFFARELLI.

Une vingtaine de baraques métalliques abrite différents services de la Compagnie de Commandement et des Services (CCS), notamment, les effectifs, le secrétariat, l’intendance, le magasin d’habillement, le mess, le réfectoire, les cuisines, les dortoirs, etc.…

Pour toute protection, le camp est entouré sur les trois côtés ouverts, de fils de fer barbelés et de rouleaux « concertina » " .

AD raconte son affectation au 4e RT :

"Appelé de la classe 60-2A, j’ai été muté au 4ème Régiment de Tirailleurs à DJELFA, après mes classes au Centre d’instruction du 2ème bataillon de Tirailleurs à BONIFACIO.

Le 13.01.1961, parti d’ALGER en début de matinée, à bord du « tortillard », nous sommes arrivés avec mes camarades, en gare de DJELFA, douze heures après, à la nuit tombée.

Sur les 300 kilomètres qui nous séparaient de notre destination, longeant la RN n° 1, nous avons cheminé au travers de paysages divers et variés ; Des magnifiques vergers, vignobles et orangeraies de la plaine fertile et irriguée de la Mitidja jusqu’à l’entonnoir des fameuses gorges profondes de la CHIFFA, peuplées de macaques berbères (les singes MAGOT) aux immenses étendues désertiques fréquentées par quelques familles de nomades vivant sous leur raïma entourées de leurs faméliques troupeaux et atteindre enfin, les hauts- plateaux ; Où, surprise, à plus de 1100 mètres d’altitude, DJELFA, ville garnison, nous attendait sous un épais tapis de neige qui ne cessait de tomber.

Dans l’attente de notre nouvelle affectation, nous avons été accueillis à la Compagnie de Base, et « logés » pour une dizaine de jours à l’extérieur du Camp "Baraqué", sous de grosses « guitounes », sans eau, ni électricité, ni chauffage. Transis de froid, nous nous couchions tout habillés, hormis les « rangers », dans notre « sac à viande » sur des lits de camp « Picots » ceux-là même apportés par l’armée américaine.

Pour ma part, 48 heures de ce régime ont eu raison de ma santé et c’est avec plus de 40° de fièvre que je rejoins l’hosto.

A l’hôpital, installé douillettement dans une baraque chauffée et après un traitement à coup de « piquouses » de cheval, j’ai vite recouvré toutes mes forces. A tel point, que je me suis porté volontaire pour aller chercher dans la guitoune adjacente des boulets pour alimenter le poêle à charbon de la carrée. Là, à ma grande stupéfaction ! j aperçois tout au fond de la guitoune, en partie cachés par les tas de bois et de charbon, alignés et empilés les uns sur les autres, une centaine de cercueils « prêts à l’emploi » si je peux m’exprimer ainsi. Sur chacun d’entre eux, était inscrit à la craie blanche, sa dimension correspondante. Immédiatement, du regard, je cherche le chiffre 1,80 ; ma taille précisément. Il était bel et bien là qui m’attendait !

A l’instant ou tout mon corps était traversé d’un large frisson je me disais que l’armée pensait vraiment à tout. N’y tenant plus et pour conjurer le sort, je cours aussitôt auprès du toubib et lui demande l’autorisation de quitter l’hosto, illico presto.

Le 17.01.1961, je rejoins la CCS , placée sous le commandement du Capitaine BRADY , où je suis affecté au secrétariat, comme dactylo, aux ordres du Major P. , en remplacement du Bordelais B., libéré. Le capitaine BRADY, un ancien "baroudeur" d'Indochine, de la promotion "havresac", comme il disait. Un chic type ! Il a été remplacé plus tard par le Capitaine BARBIER.

Au bureau, nous sommes six avec les Sergents P. et M., le Caporal Chef L. (notre abbé) et le Caporal d’ordinaire L. (dit le parigot) et le chauffeur du pitaine S., le béarnais.

Aux commandes du mess et des cuisines, nous avions le "fameux" sergent BL, dont le frère avait été tué au 4ème RTT en Tunisie. BL accompagnait toujours le Colonel en "opé".

AD décrit son quotidien :

"DJELFA est une ville calme, il ne s’y passe rien.

Au bureau, l’ambiance est plutôt joviale. En dehors des heures de travail, nous essayons d’occuper au mieux, notre espace temps.

En début de matinée : pose petit déjeuner, avec pâtés, rillettes, saucisses sèches de la Lozère (celles reçues des parents d’André M...) pain de campagne et le « quart » de Mascara ou de Sidi Brahim.

Avant le déjeuner : la traditionnelle partie de 421. Le premier perdant est de corvée pour aller chercher les plats à la cuisine. Le 2 ème perdant, fait la vaisselle. A ce jeu, le « titi » parisien est souvent gagnant. Plus tard il a avoué (sous la menace) qu’il avait une manière « bien à lui » d’envoyer les dés sur le tapis.

Après le repas, sous un « cagnard » encore supportable, nous étions toujours quatre à six téméraires pour disputer une partie de pétanque. D’autres à l’ombre préféraient jouer à la « contrée ».

Le soir, après une bière au foyer, nous avions bien souvent, le droit à une séance de ciné. Je me souviens avoir écrit un jour à mes parents que la veille, j’avais vu « Du plomb pour l’inspecteur » avec Kim Novack, un film bien, mais ajoutant que pour nous tous les films étaient biens à partir du moment ou nous voyons de jolies femmes."

Après l’épisode du « putsch » relatée par ailleurs, la vie au camp baraqué a repris son cours normal. Néanmoins, avec l’arrivée du nouveau « patron » le Colonel GOUBARD, nous sommes tenus de travailler aussi le dimanche.

L’été est torride à DJELFA. Nous subissons régulièrement les tempêtes de sable. Un sable si fin qu’il s’immisce partout. Au réfectoire, ils doivent retourner les assiettes avant les repas, couvrir chaque plat, sinon toute la nourriture est assaisonnée de grains de sable, très désagréables lorsqu’ils craquent sous la dent.

L’après midi nous ne reprenons pas le travail avant 15 heures. Il est quasiment interdit de sortir des baraques jusque là. Nos treillis sont maculés de sel, phénomène dû à l’évaporation immédiate de notre sueur. La prise journalière de cachet de sel est obligatoire.

Le 22.06.1961, nous avons la visite du nouveau Général de Division. En tenue de parade, nous lui présentons les honneurs devant l’entrée du fort. Je suis de « revue ».

Une partie de l’effectif de la Compagnie est toujours à ALGER, à la Compagnie de Marche, chargée du maintien de l’ordre.

Les 29 et 30 juin, avec le copain du bureau, nous leur rendons visite pour leur distribuer la paye et leur ration les cigarettes. En deux jours nous avons parcouru plus de 800 kilomètres en 4x4 et traversé à deux reprises les gorges de la CHIFFA, réputées toujours très dangereuses.

Nous rentrons à DJELFA, lessivés...

Le peloton de sous-officiers à DELLYS :

Le 8 juillet 1961, j’arrive à DELLYS pour effectuer mon peloton de sous-officier.

J’ai la joie de retrouver la « grande bleue ». De la caserne, au pied de la Montagne de Bou-Arbi, nous surplombons, la ville, le petit port de pêche et la plage distants d’environ un kilomètre.

Malgré ce décor idyllique de riviera, nous savons déjà qu’ici ce ne sera pas une sinécure ; nous nous attendons à un rythme infernal durant plus de deux mois.

J’ai noté l’emploi du temps d’une journée type :

  • Levé au son du clairon à 4 h 30
  • Toilette sommaire
  • Footing de décrassage jusqu’à 6 h
  • Petit déjeuner
  • Parcours du combattant à 7 h + un kilomètre chronométré
  • Marche forcée jusqu’à 12 h
  • Déjeuner
  • Sieste de 13 à 15 h
  • Cours de 15 à 18 h (ordre serré – topographie – instruction sur le tir – formation pédagogique)

De plus, la pénurie d’eau est récurrente. Le matin, il faut courir les premiers pour accéder aux quelques robinets qui laissent couler un léger filet, avant l’arrêt total.

La technique de la toilette matinale, en plein air, sous un haut vent, est la suivante :

Remplir son casque lourd à ras bord si possible et dégager la place pour le suivant.

Avec le quart, puiser cette eau propre pour se mouiller légèrement la bouche afin de se brosser les dents et se rincer.

Comme la figure est en principe plus propre que le cul , avec un gant de toilette préalablement trempé dans le casque l’on se savonne le visage, le cou et les aisselles. Une fois le gant trempé de nouveau dans le casque, l’on se rince comme on peut. L’on rince encore le gant dans le casque pour ne pas perdre d’eau et l’on se lave le « bas » avec l’eau mi-savonneuse restante.

J’ai noté qu’entre le 9 et 28 juillet je me suis lavé comme précité, quatre à cinq fois seulement !

Heureusement que tous les jours nous allons à la plage pour nous baigner, mais l’eau de mer ce n’est pas la panacée !

Pour couronner le tout, nous déplorons une « bouffe » infâme. En dépit de nos revendications, rien ne bouge. Nous décidons à plusieurs copains d’entreprendre une action pouvant porter ses fruits : la grève de la faim !

Les consignes données, le lendemain midi nous rentrons au réfectoire au pas cadencé et au garde à vous devant nos places respectives, nous observons une minute de silence. Puis l’élève du jour donnant l’ordre « demi-tour, marche ! » nous sortons du réfectoire toujours au pas cadencé et dans un mutisme total.

La sanction est immédiate.

Le Commandant de l’école en tête, nous avons droit à une marche forcée au pas cadencé, l’arme sur l’épaule, jusqu’au champ de tir et retour à la caserne ; soit environ une vingtaine de kilomètres. Certes, nous rentrons éreintés, mais beaucoup moins que notre Commandant qui a mis plusieurs jours à récupérer et à pouvoir rechausser ses godasses à cause des ampoules. Nous avons apprécié à sa juste valeur notre petit tour !!

Alerté, l’état Major est venu constater sur place ce qui se passait réellement aux cuisines et comme par enchantement l’ordinaire s’est quelque peu amélioré.

Il était plus qu’anormal de trouver dans les estaminets en face la caserne, des produits plus au moins estampillés « Armée française » A vous dégoûter d’être pris pour des « cons » à ce point là !

Bien des années plus tard, j’ai eu l’occasion de rencontrer un ancien militaire de carrière, qui sans malice m’a raconté comment il a pu pendant de nombreuses années améliorer sa solde avec le « coulage » . Lui, c’était juste après la seconde guerre mondiale, avec du café vert expédié d’Afrique, que son épouse revendait au « marché noir » en France).

Le 14.09.1961, je quitte DELLYS avec mon CA 2 en poche avec une moyenne de 12,60/20, classé 47ème sur 120.

De retour à DJELFA, je reprends ma place à la C.C.S où je trouve un nouveau Major, arrivé au mois de juillet.

Le 3.10.1961, nous touchons une couverture supplémentaire. Le froid commence à s’installer à DJELFA avec toujours ces maudits vents de sable.

voir la suite de son récit à : Berrouaghia


De Jean-claude, menuisier au casernement de la CCAS et clairon à la nouba du 4e RT.

« Le chef de la nouba s’appelait SIKI, il assurait les entraînements sensiblement deux fois par mois, sur la route de CHAREF ou sur une place à DJELFA, au centre de ce lieu il y avait un grand bassin. On allait aussi auprès d’une villa rose dont je ne situe plus l’endroit. Ces entraînements avaient le pouvoir d’attirer une population de curieux, musulmans et européens confondus qui nous regardaient défiler en jouant de nos instruments, différents des cliques régimentaires. Nous avons fait la tournée de toutes les compagnies du 4e RT perdues dans le bled, sauf celle de MESSAAD. Les manifestations de l’Aïd el Kébir, du Belvédère (fête de la victoire du régiment en Italie qui lui valut une inscription au drapeau en 1944), du 14 Juillet et du 11 Novembre étaient réservées au chef de corps qui invitaient l’un des deux bataillons à parader à Djelfa. »

« J’eus l’honneur de revêtir deux fois la tenue orientale de la Nouba, le 14 juillet 1961, en tant que clairon et à l’occasion d’une fête donnée aux notables qui réunissaient le préfet, le bachagha et les généraux ect…comme planton.

La fameux habit oriental porté par la Nouba se compose d’un saroual blanc, plissé jusqu’à la taille, à l’entrejambe bas pour l’aisance, d'un gilet sans manche boutonné sur l’épaule, recouvert d’un boléro bleu azur avec un liseré de deux centimètres de large et des arabesques de couleur jonquille. Une large ceinture de flanelle rouge tenue par un ceinturon blanc, des guêtres et des gants blancs. Pour la coiffe, une bande de tissu léger et blanc qui s’enroule en turban autour de la tête. Cette tenue de parade réclamait beaucoup de temps à sa réalisation conformément aux souhaits de notre chef qui avec beaucoup de patience nous inspectait méticuleusement et rectifiait sans cesse les défauts. C’était aussi l’occasion de rigoler entre copains lors de l’ajustement du saroual qui pour nous européens n’avait pas de sens, mais aussi quant il fallait enrouler la ceinture rouge autour de la taille qui nécessitait l’aide d’un camarade qui tenait l’étoffe à distance et en la maintenant d’une main experte sur le ventre, il suffisait de faire la toupie pour que cette dernière s’ajuste autour de la taille.

« Une fois équipée et prête à l’heure pétante, la Nouba prend ses marques, chacun des musiciens a un regard sur le chapeau chinois orné de grelots, de queues de cheval et d’une plaque imposante représentant l’insigne du 4e Régiment de Tirailleurs. Un superbe bélier, du nom de « Maklouf » avec ses cornes dorées et sa chasuble tissée de l’emblème du 4, ouvre la marche, son maître le tient à distance à l’aide d’une laisse tressée et dorée. Vient ensuite le chef de musique (tambour-major), droit comme un I, élevant sa canne majestueusement pour annoncer la note du départ. Les moulinets de sa canne imposent le respect et l’admiration. La nouba s'ébranle au son des raïtas que six musulmans émettent , elles forment le fond sonore si particulier des noubas des tirailleurs. Ces flûtes marocaines dont le son rappelle celui des bombardes bretonnes est nasillard et aigu.

Je me souviens du 14 juillet 1961 à DJELFA, où nous avons défilé avec la Légion sur la RN1 depuis leur quartier jusqu’au Fort caffarelli, les deux régiments d’Afrique soudés dans la même tradition pour la même commémoration. Impressionnant ! »

Jean-Claude se souvient de cette scène qui lui revient souvent en mémoire et qui le fait encore sourire, voire rire malgré les ans.

« Par une belle après midi, la Nouba s’entraîne à défiler en jouant de ses instruments sur la route du marché aux bestiaux, près du Fort Caffarelli, moutons, dromadaires, chevaux, chèvres, etc… L’ordonnancement satisfait pleinement à notre chef de musique. Quand brusquement le bélier, d’habitude très docile et coopératif, se met à sauter, regimber et tirer sur sa laisse au point que son maître le libère malgré lui. Rendu libre, la bête cornue, poursuivit par son maître, exécute un saut prodigieux pour franchir le grillage le séparant de ses copines, les brebis. Son maître impuissant derrière le grillage vocifère et appelle l’animal en pleine action d’accouplement, en vain ! Toute la musique et les badauds jubilaient de bon cœur au grand dam du chef qui tentait de remettre de l’ordre dans ce désordre désopilant. S’en était fini de l’entraînement, il y avait toujours un des instrumentistes qui partait d’un fou rire trop communicatif pour gagner en sérénité. J’en ris encore…»

Commentaires de Jean-claude concernant cette photo antérieure à 1961 :

"A l'entrée du camp la deuxième baraque fillod était notre domicile (chambrée des employés au casernement), sur l'autre extrémité juste après le vaguemestre ( Romieux, l'intellectuel). La guitoune servait de chapelle ardente, linceuls tricolores, tabourets etc...

Juste sur la gauche le petit atelier menuiserie, la ferronnerie et enfin la maçonnerie, en gros : l'artisanat du 4e. RT.

Le mur du fond était percé de meurtrières, derrière c'est le fort Caffarelli. Dans le bâtiment visible était le gnouf. Ce fort abritait le PC du 4e RT, outre les bureaux, il y avait aussi le foyer, le cinéma et les garages du 4e RT. Son entrée donnait sur la nationale 1."

Voir la suite de son récit à : Berrouaghia

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Caporal Claude Sauzé

Service Militaire Du 01/ 11/ 1958 au 21/02/1961

Classe : 1958 / 2 / B

Appelé sous les drapeaux le premier novembre 1958, je suis envoyé à la Caserne Niel à Bordeaux pour être dirigé par convoi SNCF sur Strasbourg, puis sur Radolfzelle en Allemagne le 06/11/1958. Je suis affecté au centre d’instruction n°4 à la 3 ème Compagnie, 2 ème section, puis j’effectue à l’issue de mes classes le peloton des élèves gradés. Embarqué à Marseille le 24 mars 1959 sur le Maréchal Joffre. Nous étions 1500 soldats qui débarquèrent à Alger. Je fais partie d’un groupe affecté au 4 ème Régiment de Tirailleurs Tunisiens. Ce régiment venait de Gafsa (sud tunisien). Sa nouvelle appellation est le 4 ème Régiment de Tirailleurs, Il est stationné à Djelfa sur les hauts plateaux de l’atlas saharien au nord de Laghouat. Mon affectation est à la Compagnie de Commandement et des Services (CCS).

Employé dans un premier temps au casernement, j’effectue un stage d’entretien frigorifique à Alger. Je passe ensuite les permis VL et PL et je rejoins le Service Auto Régimentaire dont le parc des véhicules se trouve en bas du Fort Cafarelli dans le périmètre d’un transporteur civil installé sur la RN1.

A la station-service, je suis chargé du petit entretien des véhicules en tout genre. Comme conducteur je conduis l’officier en second du 4e RT lors des déplacements sur le terrain. Puis, le principal de ma mission est de conduire les véhicules de transport de troupes mis à la disposition des compagnies du 4e RT pour les besoins des opérations qui leur sont dévolues. Ces compagnies sont implantées principalement à Messad, à Faïd el Botna, Moudjbara, Sidi-Maklouf, Diar el Chiouk qui rayonnent le plus fréquemment dans le djebel Bou Kahil.

Messad :

Nous partons tendre une embuscade aux Fells. Je conduis le GMC de tête. A mes côté, le chef de bord, un adjudant de Messad. Deux autres GMC, transportant aussi les hommes désignés pour l’embuscade, me suivent. Nous les débarquons à l’endroit prévu.

Après les avoir déposés, les trois véhicules font demi-tour avec les conducteurs et quelques hommes d’escorte. A l’entrée de la palmeraie non loin du poste, j’ai le choix entre deux pistes, celle qui descend dans l’oued, utilisée habituellement par les chauffeurs du camp, ou celle plus directe qui permet de conserver sa vitesse.

- Mon adjudant ! Quelle piste ?

- Comme tu veux.

Je choisis la plus directe, c’est mon tempérament.

Une centaine de mètres plus loin, une fusillade éclate. Nous sommes tombés dans une embuscade à moins de 500 m du camp. Les Fells sont surpris, ils avaient organisé la boule de feu dans l’oued d’où les véhicules roulent au pas, mais ils réagissent à la nouvelle situation. Ils ne peuvent immobiliser mon véhicule qui tient la tête pour bloquer le convoi. C’est le dernier véhicule qui est sous le feu intense (200 étuis récupérés le lendemain). Etant donné notre effectif réduit, j’accélère et rentre au poste en trombe. L’adjudant craint une attaque et organise la riposte et la récupération des hommes restés sur place. Marsac tire au mortier sur la Palmeraie, mon adjudant-chef me donne l’ordre de récupérer les blessés restés dans le véhicule ciblé. Sur les lieux, je prends un harki sous les bras les mains croisées sur sa poitrine. Le sang coule entre mes doigts, il est mort ! Il a pris une rafale en pleine poitrine. Je récupère Duterley qui a reçu une balle dans le dos mais pas de sang qui la localise et pas de trou de sortie, il est conscient, un peu groggy. Nous apprendrons plus tard que la balle a bloqué l’épaule et a frôlé la colonne vertébrale. Avec le sergent-chef je repars hors du camp tous phares allumés pour évacuer le blessé par hélicoptère commandé à Alger. Dans l’attente nous nous réfugions derrière les roues jumelées pour nous protéger de tirs éventuels jusqu'à l’arrivée de l’hélicoptère. Le blessé est embarqué et notre mission accomplie.

Cette nuit-là, j’avais la baraka !

Faït el Botna :

Faïd el Botma, est un poste avancé au nord de Messaad, au pied du djebel Bou Kahil, refuge de plusieurs Katibas du FLN. C’est dans ces environs que fut tué Amirouche, chef d’une Wilaya, le 29 mars 1959, au cours d’une opération d’envergure avec la participation du 2e REC et de notre régiment le 4e RT, dans le djebel Thameur plus au nord vers Bou Saada, montagne inaccessible aux blindés et à tout véhicule. Je suis arrivé en Algérie juste après, donc j’ai échappé à cette opération, mais cela a fait grand bruit car on en parle encore dans les compagnies.

Photo du net

Nous sommes sur la piste conduisant à Faïd el Botna, venant de Messaad, je conduis un Dodge 6X6 avec mon ami Marsac à mes côtés. Nous suivons la jeep de capitaine avec à son bord le radio. Soudain la jeep s’arrête. Le capitaine nous fait signe de passer devant. Marsac me dit : « Il nous fait le coup de la piste piégée. Puis me crie : « Ça y est, on est passé dessus ». Ahuri, je repère effectivement des fils électriques qui conduisent dans l’alfa. L’humidité de la nuit a dû décharger la pile. Ouf ! C’était un obus de 105 qui servait de mine. Nous poursuivons notre route, la jeep en tête.

Plus loin nous franchissons un trou en travers de la piste d’une cinquantaine de centimètres de profondeur. Marsac me précise que c’est un obus qui a explosé sans doute déclenché par des moutons, les restes d’os l’attestent. Le Dodge n’aurait pas résisté et les occupants non plus.

Ce jour-là, j’avais une fois de plus la baraka !

Les arrêts tombent comme à Gravelotte :

Lors d’une liaison Djelfa-Alger, sur le retour, nous traversons les gorges de la Chiffa avec ses virages qui se succèdent à flanc de montagne. Puis Médéa derrière nous, nous entamons le col de Ben Chicao. Une idée d’origine pied-noir me vient à l’esprit : je repère au loin un véhicule, fixe l’endroit où il se situe et si aucun autre véhicule n’apparaît, je pourrai le doubler sans risque malgré le manque de visibilité.

C’est ce que je fais, tout se passe comme prévu, sauf que la CCR de Médéa est sur mon train. J’écope de huit jours pour avoir doublé dans un virage.

En ces temps, les accidents de la route étaient nombreux il fallait un exemple. Les 8 jours sont transformés en 25 jours avec dégradation à la Division, puis en 45 jours sans dégradation au Corps d’armée . J’avais eu mon heure de gloire car mon nom et ma sanction ont fait le tour de la Zone Algéroise, par note de service à tous les Corps.

Cependant j’ai bénéficié de la clémence de mes supérieurs. Le sergent-chef Carrelet me déclare :

« Que cette punition serve d’exemple, c’est tombé sur toi, on ne t’en veut pas et tu reviens à la compagnie pour t’occuper de la station-service, tu vas rendre tes permis. Et n’oublie pas de les récupérer à la fin de la sanction pour les transformer en permis civils lors de ta libération ».

Un jour, mon commandant de compagnie, le lieutenant Loncol me dit :

« Tu viendras tasser le terrain de basket, il n’est pas interdit de conduire un GMC dans le camp ».

Clémence absolue je n’ai pas fait un seul jour de prison, ma solde et mon grade ont été préservés, appréciable pour un A.D.L. (Au-delà de la Durée Légale). Ma vie au camp est devenue peinarde, je ne suis donc pas pressé de récupérer mes permis.

A ce propos avant la libération, je fais la démarche pour les récupérer, mais là impossible de les retrouver. Le capitaine, le remplaçant du lieutenant, me dit, rassurant, que je vais les repasser au prochain stage. Malheureusement cette session est supprimée. Nouvelle requête auprès du capitaine qui me demande des photos d’identité et de repasser le voir. Le lendemain j’avais un permis tout neuf.

Hassi Messaoud

Un voyage aux puits de pétrole d’Hassi Messaoud nous est offert par tirage au sort. Je tire le mauvais billet. Le sergent Pinaqui, ne voulant plus prendre de risque à quinze jours de la quille, me propose sa place.

Deux Simca nous conduisent à Laghouat où nous sommes hébergés. Le lendemain, direction Ghardaïa avec escale à Berriane, une curieuse oasis reflétant le Moyen-âge. Un âne, attelé à une manche à eau en caoutchouc qui, par un système de cordages, de poulie sur une chèvre, recule vers le puits où plonge la manche recueillant ainsi l’eau. En avançant les cordages enserrant la manche qui emprisonne l’eau, puis par basculement forcé, l’eau se déverse dans une rigole qui alimente la palmeraie…

Ghardaïa est une ville sainte complètement fermée. Nous la visitions, sans appareils photos, ils sont proscrits.

A Ouargla et enfin Hassi Messaoud où nous sommes reçus par un employé de la société SNREPAL servant de guide. On perce à environ deux mille mètres de profondeur. La sonde planifiée est contrôlée tous les jours pour atteindre son niveau dans les temps impartis. Le forage en exploitation se remarque par les nombreux tuyaux dressés verticalement, l’aire est protégée par un treillis. Les torchères brûlent un gaz indésirable et nous chauffent le visage à quelques 500 m. Des Berliet T 100, avec des roues de plus de 2 m de diamètre, circulent. Impressionnant.

Il règne sur le chantier une discipline rigoureuse, les personnels bénéficient d’un temps de repos où ils s’adonnent à tous les sports ou distractions comme le cinéma. Les logements sont très confortables avec la climatisation. Les femmes sont interdites.

Magnifique voyage. ( voir ses photos à : Hassi Messaoud)

La libération

Le capitaine Brady examine chaque dossier avant de nous remettre les pièces permettant notre libération. Je suis inquiet à cause de mes jours d’arrêts qui risquent de prolonger mon séjour par un conseil de discipline. J’en fait part au capitaine qui me rassure :

« Ceux qui sont en Métropole on ne les emmerdent pas… », et joignant le geste à la parole déchire la punition et la jette dans la corbeille. Dans le dossier il retrouve les permis soit disant égarés.

Le lendemain je suis surpris de voir mon nom affiché au tableau d’honneur des conducteurs : Caporal Sauzé a parcouru 30.000 km sans accident.

Merci mon capitaine…

Libéré, j’ai accompli 27 mois et 21 jours, j’obtiens 56 jours de permission libérable. Pendant cette période je n’ai eu que 4 jours de permission à la fin de mes classes et 15 jours au 19 ème mois de service.

J’embarque à Alger sur le Ville de Tunis le 20 février 1961 et débarque à Marseille le lendemain.

Ainsi s’achève une période de mes 20 ans comme tant d’autres de ma génération. Dois-je m’en plaindre ? Non ! Mes ancêtres ont connu pire. J’ai meilleure conscience que si j’avais brûlé des voitures.

Voir la photothèque de la CCS