Aïn Messaoud

1 section de la CA

AÏN MESSAOUD, un poste de la CA du 4° Régiment de Tirailleurs

Le poste d' Aïn Messaoud est situé dans le col du Djebel SENALBA. La piste sud du djebel conduit à Djelfa à env. 20 km nord-est (PC du Régiment). Ce poste créé le 1er juillet 1960 est tenu par une section d'une trentaine d'hommes sous le commandement d'un sous-lieutenant. Il a comme adjoint un sergent-chef européen. Deux ou trois sergents musulmans complètent l'encadrement avec des caporaux et tirailleurs européens aux responsabilités multiples (infirmier, transmetteur, cuisinier, instituteur, etc..) Un poste C.9 assurent les vacations régulières avec l'EMT1 stationné aux Ruines Romaines, à 12 km nord de Djelfa sur la RN 1. La section dépend de la Compagnie d'Appui (C.A).

"Cette opération de regroupement voulue par le commandement est l'oeuvre de la 2ème Compagnie installée aux Ruines Romaines qui pendant un mois regroupait les nomades à Aïn Messaoud, ce qui n'empêchait pas la compagnie de participer à des opérations sous les ordres de "Parisette" ou de "Parfois". ( lt Latournerie).

Le sergent-chef Louis de la C.A. témoigne de son affectation dans ce poste de Juillet à octobre 1960 :

"La mission de la section est d'assurer la protection des nomades regroupés, en camp de khaïmas, à proximité du poste. Mais pas seulement, un instituteur, appelé du contingent, ouvre une école au profit des enfants du regroupement. Un infirmier militaire prodigue des soins à l'ensemble de la population. L'officier chef de poste, sous-lieutenant appelé, évalue les besoins alimentaires afin d'assurer périodiquement une distribution. Les actions militaires, semblables à tous les postes, le plus souvent dévolues aux sous-officiers qui tendent des embuscades de nuit ou évoluent autour du poste en patrouilles de jour comme de nuit, en particulier sur les points hauts afin de déjouer toutes interventions belliqueuses de l'ALN. Un mortier de 81 m/m planté au milieu du cantonnement apporte un éventuel soutien feu (dans la limite de sa portée).

Lors des grandes opérations qui réclament du monde, la section fournit un maximum d'hommes avec l'officier. L'adjoint assure la défense du poste avec les 2 ou 3 hommes restants, pendant la durée de l'opération qui peut être de plusieurs jours.

Une fois par semaine, le ravitaillement se réalise par la mauvaise piste, avec un Dodge 6x6 et une citerne à eau. Inutile de préciser que les volontaires de la compagnie d'appui (CA) ne se bousculaient pas pour être de cette corvée considérée comme dangereuse. Dès leur arrivée, c'est la fête, courrier, eau fraîche et quelques caisses de bière enfermées, illico, dans la chambre de l'adjoint. La distribution se réalisait avec parcimonie, le plus équitablement en tenant compte de l'espace temps, de l'effectif et du stock.

La vie au poste est spartiate. Les intérieurs des bâtiments, de cette ancienne maison forestière, sont cloisonnés pour éviter toute promiscuité. Mirador, murets de protection, réseau Ribard avec ses guirlandes de boites de conserve, complètent le tout. La cuisine, semblable à tous, s'effectue à l'extérieur, contre le mur d'enceinte, pour seul toit, une tôle ondulée, un muret préserve des coups directs. Plus tard on y dressa une tente. Le cuisinier gère son approvisionnement au mieux pour la semaine sous le contrôle de l'adjoint au chef de poste. L'instruction militaire et le maintien en condition du personnel et l'entretien du matériel sont de rigueur, pas toujours appréciés par le personnel."

"Dans ce petit havre de paix, nous n'avions subit aucune agression de la part des rebelles. Malgré nos incessantes excursions, aucuns indices des passages de l'ALN n' étaient détectés. Le sous-lieutenant a souhaité étendre les investigations de nuit plus largement en privilégiant les points d'eau. Les faits lui donnèrent raison, des activités furent décelées. Les embuscades furent tendues chaque nuit sans aucun succès à cause des nombreux points d'eau, très éloignés les uns des autres. C'était une sorte de loterie pour tomber sur le bon point. Nos horaires réduisaient d'autant les chances d'interception. Sauf une fois, le groupe, commandé par l'officier, rencontra des rebelles en marche de nuit dans le fond d'un oued asséché. L'un des tirailleurs tira prématurément une rafale de P.M. La bande se dispersa sans casse connue.

En rentrant au poste, le sous-lieutenant administra une correction au tirailleur fautif. J'ai dû m'interposer pour cesser court à cette rage qui ne le grandissait pas. J'ai pris à part le tirailleur pour connaître le mobile de la fusillade. Le lieutenant l'accusait de préméditation à des fins de protection de ces coreligionnaires. Avec moi, Il était rassuré et confiant. La peur en était la cause, on ne peut le blâmer.

Le lendemain je fus chargé de fouiller les lieux au petit jour et d'étendre les recherches. Sans résultat".

Chiens :

"Au retour d’une embuscade de nuit tendue dans une ravine près des khaîmas, j’ entretiens le lieutenant de mes préoccupations. En effet, cet oued asséché présentait une sente, nettement marquée par de fréquents passages, qui s’orientait vers le campement. Ayant l’intention de l’aborder, je vis des ombres en déplacements, puis après un temps, d’autres silhouettes rejoignaient aussi le campement. Après un long temps d’arrêt pour l’observation, j’entrepris de l’emprunter afin d’en savoir plus sur ces hommes qui normalement après le coucher du soleil ne devaient plus quitter le campement. Laissant mes hommes en sûreté dans le lit de l’oued, je m’avançais seul dans le passage qui effectivement débouchait sur la première tente nomade. Un aboiement rageur m’interdit d’aller plus loin et je fis demi tour en invitant les tirailleurs à reprendre le chemin du poste. Je n’ai pas compris pourquoi ce chien ne s’était pas manifesté lors du passage des suspects. J’invitais donc le lieutenant à me permettre d’effectuer une patrouille de jour pour bien reconnaître ces lieux et le chef de famille de cette tente.

Le lendemain matin avec cinq ou six tirailleurs nous rejoignions le campement des nomades afin d’inspecter les lieux suspectés. Le chef de famille avec le chef de regroupement m’attendaient ( ???) et il me montra le chien attaché près de sa tente en m’expliquant qu’il avait la rage… Je ne sais si cela était vrai, mais le chien dans une excitation folle bavait toute sa haine en notre adresse. Je le fis abattre sans autre forme de procès. Sans leur demander plus, je pris le chemin de la ravine à la recherche discrète d’indices ou d’une éventuelle cache. Je restais sur ma faim en ce qui concerne l’absence d’aboiement lors du déplacement des suspects de la nuit. De toute évidence ces deux nomades savaient que nous étions de l'embuscade. Ce coin foireux fut donc abandonné volontairement.

Si ce chien leur servait de sonnette, nous avions le nôtre tout aussi efficace. Un jour un chien jaune entreprit de nous rendre une visite au poste. Après avoir prudemment fait le tour des individus et du périmètre, il tomba en pâmoison devant la tambouille du cuisinier et feint d’être à bout de souffle, fatigué par la vie et de ses privations. Le bon cœur du cuistot a permis à ce canin de jeter son dévolu pour la compagnie des militaires et en échange de quoi, il chassait fermement tout individus non conformes en les poursuivant dans leur retranchement. Il avait choisi sa place pour le repos, ma chambre fit l’affaire, sur le sac marin réservé aux linges sales. Malin canin qui le jour récupérait de ses nuits de surveillance qu’il s’était imposé, tournant autour du poste en avertissant ses semblables de ne pas approcher ce à quoi ces derniers lui répondaient de ne pas lui aussi tenter une incursion dans leur domaine réservé. La nuit c’était l’enfer, mais cela valait bien une sentinelle surtout assoupie.

Ces chiens, c’est vrai, sont une plaie, tous nos déplacements de jour comme de nuit étaient signalés, pas une opération où ces animaux éventaient toute surprise. Mais ils n’étaient pas les seuls, les jeunes bergers eux aussi faisaient office de chouf. Alors fallait-il tous les abattre afin de remplir plus pleinement et plus efficacement nos missions ?"

Alimentation de circonstances :

"A part une liaison par semaine assurée par la CA des Ruines apportant les victuailles, l'eau, le courrier, les nécessaires de toilette et quelques effets de rechange à la demande, le commandement nous imposait aussi l'alimentation des unités en opération dans le coin, de jour comme de nuit. A cet effet, une cuisine roulante nous était allouée le temps de la prestation. Mais pas seulement, il était de coutume de réaliser un méchoui pour les autorités en inspection et qui visitaient les nomades regroupés près du poste pour leur sécurité. Cela faisait du monde. On ne pouvait pas fournir la totalité des familles, et comme il était de coutume également aux Ruines, la cuisine roulante venait compenser, à la plus grande satisfaction générale. Chaque chef de famille emportait son dû dans une boite de conserve 5/5.

Déjà aux Ruines j'avais eu pour mission d'être à la disposition de mon chef de bataillon, le commandant Genet, qui me mobilisait le jour comme la nuit à la restauration des troupes de passage. Il était aussi de coutume d'alimenter les populations des environs selon un tour bien établi.

- Louis, démerde-toi, il faut une marmite pleine (50 litres) pour telle heure, tu mets ce que tu trouves sans nuire aux stocks, car il n'y aura pas de remboursement de la part des Subsistances.

Fallait être imaginatif et jongler avec les réserves en magasin. Avec mes cuisiniers musulmans, nous avions concocté un repas roboratif à souhait. De l'eau, de l'huile, du riz, des pâtes, des pommes de terre, un peu de farine et du pigment émincé, le tout cuit à petit feu pour bien épaissir. J'étais satisfait, restait à convaincre le commandant qui venait goûter avant le service.

- C'est pas mauvais ça ! Même pas mauvais du tout !

Et il se ressert une demi louche.

Si mon commandant était repu, les hôtes devraient l'être aussi.

Les prises de guerre dans les zones interdites, troupeaux égarés, sans doute à dessein pour ravitailler le fell, agrémentaient l'ordinaire. A ma connaissance, on ne chassait pas le gibier, ni ne pêchait dans l'oued Mellah. Une seule fois cependant on enfreignit la règle. Près du poste, aux Ruines Romaines, une retenue d'eau assez profonde, au courant prometteur, fit que Landréa jeta dans l'onde une grenade qui fit merveille. On en tirait deux à trois kilos de différentes tailles, mais pas assez pour nourrir le personnel du mess. Alors quand le plat de poissons frits trônait au milieu de la table des sergents et des chefs, une protestation générale des évincés privés de ce met délicat fit que l'opération ne fut pas renouvelée. On se contentait du hareng hebdomadaire fourni par les Subsistances. Bien maigre consolation."

Le drame :

"Ainsi s'écoula mon séjour de quelques mois dans le deuxième semestre de 1960, comme adjoint dans ce poste, avant d'être appelé à d'autres fonctions à la C.A aux Ruines Romaines. C'est là que plus tard, le vendredi 4 novembre 1960, j'appris la mort du sous-lieutenant GOUBINAT, abattu d'un coup de fusil de chasse à la nuque au cours d'une patrouille. Ce fut un coup terrible pour la section qui l'appréciait et le respectait. Ce jeune adjudant-chef après l'école d'application, fut promu sous-lieutenant. A la C.A depuis peu, il avait marqué sa présence favorablement avant de prendre le commandement du poste d'Aïn Messaoud."

Quelques photos, de qualité médiocre, prises lors de mon séjour. (Les diapos n'ont pas résisté au temps). J'attends les vôtres pour compléter l'album. La carte date de cette époque, deuxième semestre de 1960, elle en dit long sur notre isolement.

Voir aussi la CA aux Ruines Romaines

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Sous-lieutenant GOUBINAT Attila

Documents aimablement transmis par sa famille par l'intermédiaire d'Hervé Gauci

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