Que sont-ils devenus

Il n'existe aucun témoignage de nos anciens compagnons de combat.

Après les accords d'Évian et conformément aux clauses, la séparation s'est faite hâtivement pour la C.A. à Courbet Marine d'où on proposait officiellement à tous nos musulmans de faire le choix entre le retour à la vie civile comme démobilisés avec pécule ou d'être mutés en Métropole à poursuivre leur contrat. Après cette action administrative, je fus muté, à ma demande, à la 1ère Compagnie auprès du capitaine Gabet pour rejoindre Boghar. Nos hommes de la CA étaient encore présents sur les lieux et je ne sais ce qu'ils sont devenus. Je crois me souvenir que les engagés ont fait le choix de rester en Algérie avec un pécule ou une retraite proportionnelle pour les prétendants. Il faut comprendre aussi que beaucoup d'entre eux, avec leur économie, ont ouvert un petit commerce au bled, voire constitué progressivement un cheptel, géré par un membre de la famille dans l'attente d'une libération. Quant aux appelés, ils ont tout bonnement été démobilisés. Nous étions convaincus que les Accords d'Évian les protégeaient. Nous avons été bernés une fois de plus. (Sergent-chef Louis).


Témoignage du sergent-chef Panteix, alors comptable à la 2e cie, qui a, comme les autres comptables des compagnies, assuré les mutations des musulmans, cadres et tirailleurs, selon leurs souhaits :

Nous rendons leur liberté à nos tirailleurs. Après paiement d’un pécule équivalent à un mois de salaire multiplié par le nombre d’année de service pour les plus jeunes. Ou l’attribution d’une retraite proportionnelle à partir de 13 ans de service ( ?) pour les anciens. A ma surprise, contrairement à la Tunisie, il n’y a pas eu de demande pour continuer à servir la France.

Cependant le lieutenant Latournerie de la 2e Cie apporte un éclairage de son ancien adjoint sur la difficulté à prendre une décision :

"Après le cessez-le-feu Ais... était allé en permission dans sa famille et avait eu la visite d'un lieutenant FLN. C'était son tireur FM en Indochine alors qu'Ais... était son chef de pièce. Ais... lui avait offert le méchoui en espérant être tranquille.

Suite à cette rencontre, Ais... m'avait fait remarquer que l'avancement chez les rebelles était plus rapide.

Ais... aurait aimé émigrer en métropole mais il avait en charge une famille et le déplacement de celle-ci aurait demandé un car.

Je crains cependant qu'il ait été éliminé un peu plus tard par le FLN commandé par un autre chef que son ancien camarade."

Et à propos d'Ais...Panteix précise :" J'avais beaucoup d'estime pour lui, c'était un bon sergent, puis sergent-chef qui connaissait son métier, j'avais eu l'occasion d'être dans la même section pendant plus d'un an. Il était dur mais juste avec les tirailleurs qui néanmoins l'appréciaient. Après les accords de mars 1962, il devenait distend et de plus en plus secret, son avenir sans doute le rongeait. J'en avais fait part à l'Officier-renseignement qui m'a assuré de ne pas m'inquiéter pour lui, il avait fait son choix.".

Une retrouvaille selon Panteix : " En 1963 lors de mon stage de BA 2 à Besançon, un régiment de Tirailleurs avait détaché des éléments pour servir l'école en tant que plastron ou de section pour les épreuves de combat. J'ai eu le plaisir de retrouver l'un de mes tirailleurs qui m'a conté brièvement son départ épique de l'Algérie. Originaire d'un douar près de Sidi Maklouf, il a été intercepté par le FLN qui l'avait condamné à mort [Lieu inconnu]. C'étant miraculeusement échappé, il dit avoir couru la peur au ventre tout le trajet jusqu'à Alger pour enfin s'embarquer vers la France." Malheureusement l'officier examinateur, un temps intéressé par le sujet devait couper court à la discussion car l'examen devait se poursuivre. J'ai trouvé le récit un peu trop extravagant, mais j'avoue tout de même être très frustré par manque d'éléments le concernant."

Une appréciation digne d'éloge rapportée par Panteix de la 2e Cie: "Dans la même année, alors en permission à Tulle, je prenais un verre avec des amis dans un bar face à la gare, Un musulman présent nous demanda si nous connaissions des Algériens anciens cheminots dont il avait la mission de les recruter pour les employer à nouveau en Algérie. S'adressant à moi, il me demandait si j'avais fait l'Algérie, n'ayant rien à cacher de mon passé je lui affirmais mon long séjour passé au 4e RT et de sa localisation. Au nom de Djelfa sa mine s'épanouie et tout de go il me dit être originaire d'un douar proche du kef Ourou, cette dorsale rocheuse dominant le camp des Ruines. Il m'avoua que ce régiment était très apprécié par la population et en particulier le bataillon des Ruines appelé : "Compagnie Ourou". Ces propos venant de cet homme, sans doute un adversaire, vu sa mission en France, étaient pour moi plus qu'un compliment, une reconnaissance du respect d'autrui que nous avons su perpétrer dans la région."