Aïn el Ibel

EMT2,CP, 6e Cie

Quelques vues d'AÏN El IBEL (photos : Roulaud, médecin à l'EMT2)

Cette photo transmise par le sous-lieutenant Rouquier de la Compagnie Portée relate une fête vietnamienne à l'auberge de chez Minoï.

Le Bordj , construit vers 1840, occupé par l’EMT 2, la Compagnie Portée et la 6e Compagnie , forme un quadrilatère ceint d’une muraille de trois à quatre mètres de haut, sur laquelle court un chemin de ronde, permettant de surveiller tous les environs sur de grandes distances. Son entrée principale s’ouvre sur la RN 1 reliant Djelfa au Nord et Laghouat au Sud. Un bureau de la SAS se trouve juste à l'extérieur.

Aïn el Ibel est environné d’une immense plaine légèrement ondulée où l’alfa règne en maître, l'altitude moyenne est de 1000 m. Au Nord-Ouest culmine le djebel boisé du SENALBA à 1500 m, au Sud-Ouest le Djebel AMOUR avant de l’atteindre il faut aussi traverser le djebel AZEREG appelé « la Montagne bleue » et enfin au Nord-Est, le djebel BOU-KAHIL pour qui l’on se doit de traverser une large bande de sable et la palmeraie de MESSAD tenue par la 5e Compagnie.

Le climat, très chaud et sec l’été, l’hiver les vents violents et quelques fortes pluies où la température peut chuter brutalement en dessous de zéro, font de que cette région n'est guère hospitalière.

DV se souvient du douar soudé au Bordj. Douar dépourvu de vie apparente où les militaires erraient sans but dans cette agglomération sans intérêt. Noyé dans l’alignement des habitations bordant des ruelles poussiéreuses, une minuscule pièce d’une petite maison faisait office de bar/restaurant tenu par un Français marié à une Indochinoise. Quelques militaires savouraient néanmoins le menu du jour, plus exotique que celui du quartier. Plus proche du bordj, un artisan arabe, travaillant vraiment à l'ancienne avait trouvé le filon en réalisant des bracelets et colliers destinés pour la plupart aux belles des militaires. Comment pouvait-il travailler dans un local aussi réduit ?

Pays très pauvre, aux confins du désert, qui n'est traversé que par quelques nomades avec leurs maigres troupeaux de dromadaires, de moutons et de chèvres. L’hiver de 1960/1961 avait été exceptionnel. Une nuit de Janvier, pour la première fois depuis de nombreuses décennies, il est tombé une vingtaine de centimètres de neige, paralysant la contrée pendant une semaine. Aucun des anciens du bled ne savait ce qu'était la neige. Ils n'en avaient jamais vu. Quelques nomades affolés, croyant que la fin du monde était arrivée, ont réussi à joindre la Compagnie Portée au Bordj. Après les avoir rassurés et réconfortés et expliqués ce phénomène climatique, autour d'un café chaud, la Compagnie Portée a fait une tournée humanitaire de quelques unes de ces tentes de nomades pour leur apporter de l'eau et du bois pour se chauffer.

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L'Etat-Major Tactique n ° 2 est l'un des deux bataillons du 4e Rgt de Tirailleurs, il est stationné dans les années 58, 59, 60 et 61 à Aïn El Ibel, au Sud de Djelfa. Il a sous ses ordres, outre son PC et ses services, 4 compagnies qui stationnent à :

Aïn El Ibel : la Compagnie portée et la 6e Compagnie;

Sidi-Maklouf : la 4e compagnie;

Messad : la 5e Compagnie.

En 1960,

la 4e compagnie occupera trois postes supplémentaires à Tadmit, Bordj Douis et Mocta ben Ahmed, la 5e Compagnie ouvre un poste de section à Demmed.

En 1961, l'Etat-Major Tactique n° 2 rejoindra la 5e cie et la 6e Cie à MESSAD. Puis avant la dissolution du 4e RT, la région de Berrouaghia et Boghar.

Dans ce vaste secteur il n'y aura pas d'autres corps à part Zaccar occupé par un escadron du 2e R.E.C dont le PC comme celui du 4e R.T. sont à Djelfa.

De Moujbara, le médecin ROULAUD est chargé de l’emploi de médecin-chef de l’EMT 2 du 4e RT :

« Dans le village d’Aïn el Ibel, accolé au caravansérail, j’ai un dispensaire, et suis aidé par Abel, infirmier civil, dont je découvre vite la compétence : j’y pratiquerai une médecine que j’ai l’humilité de croire efficace, qui me vaudra l’estime ( peut-être l’amitié ? ) du marabout et des élites locales. Je pratique les accouchements quand la science de la matrone locale est débordée, et, avec les moyens du bord, je m’efforce de faire face à la situation. Une anecdote concernant mon dispensaire : la Haute-Savoie ayant été « jumelée » au département du Titteri, une délégation de son Conseil général vient nous rendre visite, et parmi celle-ci se trouve un confrère : après les agapes de rigueur, je m’empresse de lui faire visiter « mon » dispensaire : table d’accouchement, de chirurgie, et…appareil de radioscopie ! Mon confrère me dit ne pas avoir dans son cabinet de Haute-Savoie un équipement similaire : j’en suis très fier !

Hélas, ce qui devait arriver est arrivé : il n’y avait pas huit jours que j’étais promu Médecin-Chef, une liaison sur le poste de Tadmit, dépendant de l’EMT 2, tombe dans une embuscade en traversant un oued : plusieurs morts, dont un de mes infirmiers, que je n’avais qu’à peine entrevu à mon arrivée : lettre aux Parents : que leur dire ; tâche difficile au plus haut point ? Il avait eu droit à huit jours de permission pour aller reconnaître son enfant, qui doit aujourd’hui approcher les cinquante ans, et se marier ; Tipasa était vraiment bien loin, et je n’étais définitivement plus étudiant ! J’ai pu secourir les neuf blessés survivants, qui ont été dans un second temps transférés à l’hôpital de Djelfa et, je l’ai appris plus tard, ont survécu à leurs blessures. Les difficultés de mon intervention dans une infirmerie exiguë et encore insuffisamment équipée, dont une partie du bataillon fut témoin dans l’affolement général, m’a valu d’obtenir de réelles améliorations quant au développement de sa structure. Elle m’a valu aussi une promotion : je n’étais plus le « Médecin-Chef », mais le « Toubib ». Les malheureux tombés en embuscade appartenaient à une compagnie située à Sidi Makhlouf à trente kms plus au sud, sur la route de Laghouat , commandée par un Capitaine qui m’a fait l’honneur de son amitié : c’était un passionné de son métier, qu’il considérait comme un sacerdoce, et accomplissait comme tel avec beaucoup d’humanité. D’où des invitations à dîner de temps à autres dans son poste, des chasses aux alentours, et des échanges philosophiques et politiques le soir après dîner. J’ai toujours pensé au déchirement qu’il a dû éprouver lors de la suite des événements.

Opérations dans les djebels succédant aux opérations, entrecoupées de mon activité civile. Il m’arrivait de rentrer de Djelfa, le soir après la fermeture de route, franchissant le « Col des Caravanes » avec mon ambulance, sans avoir jamais été inquiété : coïncidence, barraka, ou peut-être soignais-je des familles de fellagas, ou même certains de ceux-ci ? Comment savoir ? Inch Allah! »

« Fin 1960, opération de longue durée dans le djebel, du coté de Bou-Saada : je commence à me dire qu’il serait dommage de ne pas rentrer à la maison ! Et que cet hiver dans la montagne était froid ! La nuit passée lors d’un accrochage , à l’abri précaire d’une brêle, pour se protéger du vent glacial, m’a laissé un grand souvenir ! »

lire la suite à la rubrique du 22 avril 1961

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Évocation d’événements vécus par le sergent Claude Bléteau

( service des Transmissions de l’EMT 2)

" De mon séjour à Aïn el Ibel du 19 Janvier 59 au 20 Octobre 60, je retiens surtout la très bonne entente qui régnait au service des Transmissions dans lequel j'ai passé 22 mois.

Ce service comprenait 2 sections : celle du chiffre, chargée de décrypter les messages codés, et celle de la radio, chargée de les recevoir et de les transmettre. C'est dans cette dernière que j'ai passé mes 22 mois en qualité d'opérateur radio-graphiste dans un premier temps et en qualité de sergent adjoint au chef de Poste par la suite. Je n'ai donc pas connu le crapahutage du terrain avec les compagnies opérationnelles, mais néanmoins j'ai effectué plusieurs sorties dans les Djebels : Amour et Bou-Kahil et un djebel à Bou-Saada afin d'assurer les liaisons terrestres et aériennes.

Je me souviens très bien de l'embuscade de Tadmit relatée par le médecin ROULAUD du 4e RT et dont j'avais personnellement intercepté le message relatant cet évènement. Je me souviens également de l'arrivée à l'EMT2 des corps des malheureux soldats.

Un autre événement tout aussi douloureux a eu lieu à Paques 1960, trois militaires d'une unité de Laghouat en furent victimes sur la route entre Sidi-Maklouf et Aïn el Ibel. Ces malheureux, originaires du Morbihan, se rendaient à Alger pour y passer quelques jours de repos ou en permission en métropole. Pour s'y rendre, ils avaient loué une voiture civile. La sécurité imposait, aux véhicules de rouler en convoi, l'ouverture de route était assurée par un EBR qui chaque matin et chaque soir assurait sa protection. Malheureusement, ils ne respectèrent pas les consignes et doublèrent le véhicule blindé. A quelque Kms avant Aïn el Ibel, leur voiture sauta sur un obus placé sur la route; deux occupants furent tués sur le coup, le troisième s'en est sorti. (*)

Je me souviens encore très bien de la grande opération qui avait eu lieu dans la région de Bou-Saada au début Octobre 1960 ( à quelques jours de ma libération) j’y participais en qualité de Radio-graphiste au coté du Chef de Bataillon MALLAT, commandant l'EMT2. Je reconnais que ces jours-là, je me suis demandé si je rentrerais à la maison le 20 Octobre 1960 comme prévu. "

(*) Après un échange épistolaire le médecin-chef de l'EMT 2 Roulaud donne sa version des faits :

" Quelques précisions, en ce qui concerne les trois pilotes de T 6 de Laghouat, qui ont dépassé l’ouverture de route , en partant en permission à Pâques 1960: à quelques centaines de mètres au sud du ksar, une charge explosive a soulevé l’avant de la dauphine, et le tableau de bord , dans le mouvement, les a coupés en deux au niveau de l’abdomen ; par contre, par miracle, le passager arrière n’a été qu’éjecté, et s’en est sorti avec une fracture de jambe ! "

Les Trans :

« Le local ‘’Trans’’ dans lequel nous exercions était un bureau dit ‘’Secret’’ où seuls les opérateurs radios-graphistes (morse) et radios-phonistes (voix) avaient accès, compte tenu de la confidentialité des écoutes permanentes (jour et nuit, 24 hX24, du 1er janvier au 31 décembre).

Les messages à transmettre aux hautes autorités militaires nous étaient remis de l’extérieur du local, par un guichet d’accès spécialement aménagé dans le bureau (pièce unique).

Pour l’EMT 2, Le groupe d’ opérateurs radios étaient en général composé de 12 hommes (tous français), se relayant chaque jour pour la prise de service :

2 personnes de 7 à 13 h, 2 autres de 13 à 19 h, 2 autres enfin pour la permanence de nuit de 19 à 7 h du matin. Dans chacune des compagnies de l’EMT 2 ( Cie Portée, 4e Cie, 5e Cie et 6e Cie ), un opérateur radio-graphiste assurait les liaisons radio par un appel à chaque heure du jour et un appel convenu de nuit. Ces vacations étaient obligatoires du fait qu’il n’y avait pas d’autres moyens de communication à cette époque.

Les moyens :

En ce qui concerne les matériels de transmissions, nous étions équipés de poste d' AN/GRC 9 pour les graphistes et de SCR 300 pour les phonistes. L’EMT 2 possédait deux jeeps équipées d’un appareil de chaque pour les déplacements et les opérations.

Pour assurer la pérennité des missions, 4 à 5 postes de rechange composaient le lot de réserve. Un service ‘’Trans’’ à Djelfa assurait les dépannages, les réparations éventuelles et les contrôles techniques."

Comment tromper son ennui :

"Avec le matériel de réserve, et en dehors des heures du service, il nous arrivait de nous distraire entre copains par des liaisons ‘’Morse’’ avec des procédés (indicatifs) élaborés par nos soins et ne permettant pas aux radios d’écoute d’en reconnaître l’auteur. Cet indicatif était composé des trois lettres du nom de l’opérateur en ne prenant que la première, la 3éme ou 4ème et enfin la dernière lettre. Par ce procédé les opérateurs se reconnaissaient entre eux et échangeaient leurs amitiés et anecdotes de toutes sortes.

Par ce biais j’eus l’occasion d’entrer en relation (Morse) avec un radio-amateur résidant à Saïgon en Indochine (18.000 km) et aussi, mais en phonie, avec la Cavalerie de Saumur.

A l’aide de ces appareils nous pouvions également recevoir la radiodiffusion civile.

Il fallait bien occuper notre temps libre, car les permissions de 48 h n’existaient pas pour les personnels des transmissions, trop peu nombreux. On passait donc notre temps de repos à jouer aux cartes, cela devenait rasoir à la longue."

Voir les photos du sergent Bléteau dans la photothèque : AÏN el IBEL

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Témoignage du sergent infirmier Pierre Doillon de l'EMT 2

"Bonjour et merci pour ce site. Jamais je n'avais pensé qu'il existait, pourtant l'EMT2 du 4° RT a été la plus grande partie de mon service militaire.

Après 2 mois de maniement d'arme à Bar-le-Duc service de santé, 2 mois pour passer le Caducée et 4 mois à l'école de sous-officiers du service de santé de Mourmelon, 2 mois en Allemagne à Trèves, ce fût le départ pour l'Algérie (10° SIM).

On m'envoya par le train à Médéa (début 1960 à la 20e DI) pour me signifier une affectation. En mars 1960, on me remit dans le train cette fois pour Djelfa où était basé le 4° Régiment de Tirailleurs. Là encore, gros point d'interrogation: '' Qu'allons nous faire de vous ?

Direction l'EMT1 aux Ruine Romaines. On m'a appris qu'un Sergent infirmier était libérable à l'EMT 2 à 30 Kms au Sud de Djelfa, à AIN el IBEL (La source du chameau). A l'occasion d'un convoi j'ai été dirigé sur AIN el IBEL, j'ai été accueilli par le médecin-aspirant Roulaud, médecin-chef de l'EMT2. J'ai gardé un excellent souvenir du temps passé avec lui à l'EMT2 : visites à Tadmit, Sidi-Maklouf et les longues journées en opération dans le BOU-KAHIL à marcher et à accrocher avec les Katibas du FLN."

Suite à Messad.

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La 6 ème Compagnie

Le Lieutenant Técher après avoir commandé pendant un an la 1 ère Compagnie de l'EMT 1 du 4e RT à DAR el CHIOUKH, est désigné pour prendre le commandement d'une compagnie de combat à AÏN el IBEL (à 40 km au sud de DJELFA) où stationnent également, l'EMT 2 et la Compagnie Portée du 4e RT.

<< En septembre 1959, je prends le commandement de la 6 ème Compagnie de l'EMT 2 du 4e RT avec mission d'en faire une compagnie opérationnelle. La 2e Compagnie de l'EMT 1 du 4e RT (stationnée aux Ruines Romaines 10 km nord de DJELFA) constitue la deuxième unité opérationnelle du Régiment. Généralement ensemble, parfois séparées, ces deux unités seront régulièrement mises à la disposition du commandant du Secteur de Djelfa pour renforcement d'autres régiments (principalement le 2e REC (Régiment Etranger de Cavalerie) lors des opérations. La 6 ème Compagnie était généralement jumelée avec la 2e Escadron du 2e REC.>>

Un an après son installation la 6e Compagnie est désignée pour renforcer la 5e Compagnie à Messad

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La HARKA de l'EMT 2

L'EMT 2 a mis sur pied une harka d'une valeur d'une section, encadrée par un officier et deux sous-officiers européens de la 4e section de la 6e Compagnie. Cette harka composée de FSNA(*) volontaires du douar d'Aïn El Ibel et de ses environs retournaient dans leurs familles à la fin de chaque mission. Elle était subordonnée le plus souvent à la 6e Compagnie pour les opérations dans le secteur et n'a durée que le temps de la présence de cette compagnie à Aïn el Ibel.

voir : Harkis

(*) Français de Souche Nord Africaine.

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