"The Jacksionian Revolt: American Populism and the Liberal Order"
"The Jacksionian Revolt: American Populism and the Liberal Order"
Walter Russell Mead, "The Jacksonian Revolt: American Populism and the Liberal Order" (Foreign Affairs, 2017)
Walter Russell Mead est un historien et analyste des relations internationales américain. Spécialiste de la politique étrangère des États-Unis, il est membre de l’Hudson Institute, ancien rédacteur en chef de Foreign Affairs et contribue régulièrement au Wall Street Journal et à The American Interest. Il s’est fait connaître par son ouvrage Special Providence (2002) dont nous avons fait une fiche de lecture précédemment, tu peux aller la voir !
Dans son article The Jacksonian Revolt paru début 2017, Walter Russell Mead applique cette grille d’analyse à l’élection de Donald Trump, expliquant comment la résurgence du jacksonisme a façonné sa victoire en 2016 et influencé la politique étrangère américaine sous sa présidence. Mead explique que si les courants jeffersonien et jacksonien ont disparu de la Maison-Blanche pendant près de 70 ans, ils sont néanmoins restés ancrés dans la société américaine. Il suffisait de les raviver, et c’est précisément le pari électoral sur lequel Donald Trump a misé !
La renaissance du jacksonisme sous Trump
Depuis le début du XXIᵉ siècle, l’hégémonie américaine est remise en question par plusieurs événements majeurs : les attentats du 11 septembre 2001, les échecs des interventions néo-conservatrices au Moyen-Orient, et la montée en puissance de la Chine. Face à ces bouleversements, les courants wilsonien et hamiltonien libéral, longtemps dominants, se retrouvent en position de faiblesse. Mead voit dans cette évolution le signe d’une nouvelle phase de transition, marquée par un possible retour de l’isolationnisme.
Mais c’est selon lui cette bascule ne se joue pas uniquement sur la scène internationale, mais surtout sur le plan intérieur. De plus en plus d’Américains voient le déclin relatif des États-Unis comme à la perdition de l’identité américaine originelle. Cette perte serait accélérée par la "cosmopolitisation" du pays, attribuée aux politiques migratoires des administrations démocrates. Certains vont même jusqu’à affirmer que ces politiques viseraient délibérément à modifier l’équilibre démographique en faveur d’une "majorité électorale permanente”.
Dans ce contexte, une partie de l’Amérique profonde, inquiète de cette évolution, a cherché un leader capable de restaurer l’ordre identitaire, culturel, sécuritaire et économique. Donald Trump a été le premier à saisir la perche de ce vivier électoral en 2016. En reprenant la théorie de l’exceptionnalisme américain et en y associant un discours populiste-nationaliste, il a su mobiliser la base jacksonienne et rallier un large pan de l’électorat à ce courant, notamment en exploitant les nouvelles formes de rhétorique complotiste.
Une bascule vers l’isolationnisme
Mead analyse la montée du jacksonisme comme une réaction à la remise en question de l’hégémonie américaine au XXIᵉ siècle. Trois facteurs principaux ont contribué à affaiblir le wilsonisme interventionniste et l’hamiltonisme libéral :
Les attentats du 11 septembre 2001, qui ont remis en cause l’efficacité des politiques de sécurité et intensifié la méfiance à l’égard des interventions étrangères.
Les échecs des interventions en Irak et en Afghanistan, qui ont coûté des milliers de vies américaines sans bénéfices clairs, alimentent une lassitude vis-à-vis du rôle de "gendarme du monde".
L’ascension économique et militaire de la Chine, perçue comme une menace directe aux intérêts américains, notamment sur le plan commercial et technologique.
Dans ce contexte, l’Amérique entre dans une nouvelle phase de transition où l’isolationnisme, longtemps en retrait, pourrait redevenir un pilier central de sa politique étrangère.
Trump et l’héritage d’Andrew Jackson
Mead établit un parallèle historique entre Donald Trump et Andrew Jackson, 7ᵉ président des États-Unis, souvent considéré comme le père du populisme américain. Comme Jackson, Trump rejette les élites traditionnelles, en se positionnant comme un outsider politique. Il privilégie une politique nationale forte, mettant en avant la souveraineté et la prospérité intérieure. Sans oublier qu’il adopte une approche pragmatique et opportuniste de la diplomatie, n’intervenant que lorsque les intérêts américains sont directement menacés.
Si Trump incarne principalement la tradition jacksonienne, Mead souligne que son programme intègre également des éléments hamiltoniens nationalistes, notamment dans sa vision économique. Son approche repose ainsi sur une alliance entre isolationnisme jacksonien et protectionnisme économique hamiltonien.
Les piliers de la politique étrangère jacksonienne sous Trump
Concrètement, le jacksonisme de Trump se traduit par plusieurs axes fondamentaux :
Une focalisation sur les affaires intérieures, avec une priorité donnée à l’économie, à l’emploi et à la sécurité nationale.
Un rejet des engagements militaires à long terme, sauf si les intérêts vitaux des États-Unis sont directement en jeu. Trump défend un retrait des conflits étrangers jugés inutiles.
Un patriotisme économique, avec des mesures protectionnistes pour défendre les industries américaines face à la concurrence étrangère (exemple : guerre commerciale avec la Chine, renégociation de l’ALENA).