A.Bertoli, Nationalism and conflict : Lessons from international sports. (2017) International Studies Quarterly, 61(4), 835-849
Dans cet article, Andrew Bertoli questionne l'idée que le nationalisme est un facteur majeur de déclenchement de conflits internationaux. Ainsi, il interroge l’impact des compétitions sportives internationales sur les relations diplomatiques des pays, et des potentiels conflits qui peuvent en découler.
Le nationalisme et son lien avec les compétitions sportives internationales
Bertoli met en avant l'impact des événements sportifs internationaux sur le nationalisme, en montrant comment ces compétitions peuvent susciter un sentiment d'unité nationale, mais aussi alimenter l'hostilité envers d'autres nations. Pour lui, le sport international, en particulier la Coupe du Monde, offre un terrain naturel pour étudier l'impact du nationalisme sur l'agressivité d’un Etat.
Le nationalisme sportif comme facteur de conflit
Pour Bertoli, ce nationalisme peut soit provenir de causes accidentelles, soit être volontairement amplifié par les dirigeants politiques. Il indique également que les conflits issus du nationalisme sportif ne surviennent pas toujours entre des pays qui s'affrontent déjà directement, puisque celui-ci peut justement en donner des effets provocateurs en aval.
Pour illustrer cela, de nombreux exemples historiques sont étudiés dans l'article :
La "Guerre du football" de 1969 entre le Salvador et le Honduras : Un conflit issu de tensions économiques et territoriales exacerbées par les matchs de qualification qui font s’affronter les deux pays pour la Coupe du Monde. Ici le sport n’apparaît pas comme cause profonde mais comme catalyseur du conflit.
Le cas du Sénégal en 2002 : Le Sénégal, qui n'avait jamais participé à la Coupe du Monde auparavant, a surpris en atteignant les quarts de finale. Deux semaines après le tournoi, le Sénégal a engagé un différend militaire avec la Gambie, une action inhabituelle pour le Sénégal qui n'était pas engagé dans un conflit militaire depuis 1993. On peut donc y voir un lien entre la participation à la Coupe du monde et l'agressivité de l'État sénégalais.
Le différend entre l'Égypte et l'Algérie lors de la Coupe du Monde de 2009 : Un match décisif a provoqué des émeutes et des tensions diplomatiques entre les deux pays.
Le conflit entre la Serbie et l'Albanie en 2014 : Déclenché par un incident impliquant un drone arborant un drapeau albanais lors d'un match de football de qualification pour l’Euro 2016 en Serbie, il provoque des émeutes violentes sur le terrain.
Bertoli utilise aussi d'autres exemples historiques plus anciens, notamment les Jeux Olympiques de 1936 sous le régime nazi et la Coupe du Monde italienne de 1934 sous Mussolini.
Les conséquences du nationalisme sportif
Nous observons alors avec Bertoli un modèle en spirale du conflit nationaliste, où le nationalisme peut conduire à la violence entre citoyens de différentes nationalités via les compétitions sportives. Cela peut rendre le public plus enclin à adopter une position belliqueuse envers d'autres nations en l'amenant à considérer les autres pays comme des "tigres de papier" et influencer les dirigeants en modifiant leurs attitudes et croyances indépendamment de l'opinion publique.
L’impact de la participation à la Coupe du monde sur le nationalisme
L'auteur met en évidence que la participation à la Coupe du Monde peut augmenter considérablement l'agressivité de l'Etat, avec un niveau des fois comparable à celui qui serait provoqué par une révolution ou une accession au pouvoir d’un dirigeant ayant une expérience militaire. En ce sens, le nationalisme peut contribuer à l'escalade des conflits internationaux. C’est justement pour cela que Bertoli recommande d'éviter la tenue d'événements sportifs internationaux dans les pays où les dirigeants utilisent le nationalisme pour soutenir des politiques étrangères agressives. Cependant, il note que cette recommandation n'est pas toujours suivie, comme en témoigne la tenue de la Coupe du Monde au Qatar et des Jeux olympiques d'hiver en Arabie saoudite. Il est important de garder à l’esprit la conclusion de Bertoli : le nationalisme sportif agit généralement comme une cause contributive, c’est-à-dire en accompagnement et catalyseur, plutôt que comme la source principale d’un conflit.