Témoignage de René-Jean Tizzani
Le temps était gris et triste en ce dimanche 9 novembre 1879. Comme souvent dans le Queyras, la période de Toussaint avait été très agréable dans la magnificence des mélèzes qui offrent selon l'altitude un festival de teintes d'automne allant du plus bel or jusqu'au vert sombre et à la neige près des sommets.
Les habitants du hameau de Gaudissard étaient allés à la messe à Molines, la messe se terminait lorsqu'on vint prévenir qu'il y avait le feu à Gaudissard. Tous partirent de l'église et coupant à travers champs rejoignirent le vieux sentier qui part du centre de Molines pour rejoindre Gaudissard. Toutes les fois que j'emprunte ce sentier, qui existe toujours, j'imagine l'angoisse et sans doute l'affolement des habitants rejoignant en courant leurs habitations, sachant très bien que le feu dans un hameau était redoutable, difficile à combattre, et capable de détruire en quelques heures des dizaines de maisons.
Les conséquences de l'incendie
Ce sont quatorze maisons qui avaient été la proie des flammes, la plus grande partie du mobilier, linge, foin, paille, seigle, farine, fromages, un cochon et de la volaille avaient été consumés. La perte approximative était estimée à l'époque à 57 000 F et rien n'était assuré.
Une aide sera cependant apportée aux sinistrés grâce à un fonds créé à partir d'un legs du sénateur Ladoucette, et ils auront le droit de couper du bois en forêt pour reconstruire. Onze familles avaient pratiquement tout perdu, ce qui n'avait pas été brûlé fut entreposé dans les maisons du hameau qui avaient été épargnées par l'incendie, ce fut le cas de notre maison, située plus bas dans le hameau, maison importante appartenant à Jean Martin où vint s'installer Etienne Bellon et sa famille... La plupart des ruines ne furent pas relevées et le hameau de Gaudissard fut peu à peu abandonné.
Le 14 juin 1905 un nouvel incendie porta le coup de grâce, quatre maisons furent détruites.
La fuste de notre maison fut sans doute incendiée partiellement, mais la maison résista ou put être protégée, en raison des pièces voûtées du caset.
Pendant les 60 années qui suivirent, les ruines des maisons de Gaudissard s'écroulèrent peu à peu, et quand, en 1962, je visitai ce hameau, il ne restait que trois bâtiments debout, dont un seul était habité par un émigré Italien Giovanni Poet, qui vivait là avec son cheval et sa chèvre, et qui faisait le débardage de bois. Les deux autres maisons, en partie ruinées, allaient être restaurées: la Maison de Gaudissard et notre maison : La Fuste.
Croquis de la Maison Tizzani