Quelques points fondamentaux dans la pédagogie du latin (Sylvie Franchet d'Espérey)

"Des langues pour dire le monde : quelques points fondamentaux dans la pédagogie du latin"

Ce texte est la retranscription de l'intervention qu'a donnée Sylvie Franchet d'Espérey lors de la conférence "Français - arabe - latin : faire vivre la relation des langues", organisée le 12 octobre 2013. Nous le proposons ici avec l'aimable autorisation de son auteur.

Introduction

L'apprentissage du latin

L’apprentissage du latin, tantôt exalté, tantôt décrié, a toujours eu un statut particulier dans l’enseignement français. Il me semble que deux conceptions coexistent :

1. envisager le latin plus ou moins comme une langue vivante ;

2. l’envisager comme le lieu d’un exercice intellectuel initiant à la rigueur, presque comme un problème de mathématiques.

Cette seconde option a longtemps prévalu, laissant sur le bord de la route les élèves plus intuitifs et finalement plus linguistes. Récemment on a remis à l’honneur ici ou là un apprentissage actif, proche de celui des langues vivantes. J’avais moi-même dans le cadre de séances de formation organisées par l’Inspection générale, plaidé pour une « lecture dynamique » de la phrase latine, c’est-à-dire une lecture qui prend les mots dans l’ordre où ils apparaissent, créant une série d’attentes que la suite vient combler ou réorienter. C’est une démarche qui tente de retrouver la perception que les Romains avaient de leur langue. Mais pour une phrase complexe, comme il y en a beaucoup dans nos textes latins, ma conclusion était qu’il faut pratiquer une double lecture : la première de type dynamique, qui suit le texte, et la deuxième de type monumental, qui envisage synchroniquement et rétrospectivement la phrase comme un tout.

Le projet d'aujourd'hui

Le projet d’aujourd’hui invite à adopter encore une autre perspective, qui peut renouveler l’apprentissage du latin.

Il repose sur l’idée d'un jeu entre des langues de statut différent, avec un coefficient différent de familiarité ou d’étrangeté : le français comme langue maternelle ou seconde (familiarité) / la ou les langues vivantes européennes comme outil de communication et de découverte d'une culture (étrangeté dans l'espace) / les langues maternelles non européennes, en particulier l'arabe (familiarité pour ceux qui sont concernés, étrangeté pour les autres) / une langue ancienne (étrangeté dans le temps).

Il repose aussi sur l’idée d'une médiation : la relation d’une langue à l’autre n’est pas seulement un face-à-face fermé où l’on recherche des équivalents linguistiques, elle passe par une prise de conscience de l’existence d’invariants, de grandes catégories, que chaque langue exprime à sa manière. C’est une façon de réfléchir tout simplement sur ce qu’est une langue. Certes on peut le faire sans passer par une langue ancienne, mais l’apprentissage des langues vivantes est conçu actuellement d’abord pour la fonction de communication, et je pense que c’est la vocation propre – et noble – de l’enseignement des langues anciennes, notamment du latin, que de permettre cette approche. L'esprit y acquiert une certaine hauteur de vue, hautement souhaitable dans la formation d’un enfant.

Dire le monde

La fonction que j’ai retenue est donc moins la fonction de communication qu’une fonction que j’appellerai « dire le monde », proche de la fonction référentielle de Jakobson. Chaque langue dit le monde à sa manière, avec des différences, mais aussi des points communs. Chaque langue reflète la réalité. Ainsi des notions comme le temps, le genre et le nombre, les personnes, sont des catégories universelles. Comparer des langues est donc passionnant, car cela amène à repérer ce qui est spécifique à chaque ensemble de locuteurs, à chaque peuple, dans l’expression d’une réalité, qui, elle, est universelle.

Cas particulier des langues anciennes

Or dans l’apprentissage des langues anciennes la fonction de communication est nécessairement atrophiée, puisqu’il n’existe plus de locuteurs et que nous n’avons que des textes. La fonction référentielle prend d’autant plus d’importance. Le latin et le grec disent le monde. Ils disent leur monde, un monde du passé, mais avec des invariants, qui permettent de saisir à la fois l’universel et le spécifique. La piste que je proposerai aujourd’hui pour rendre leur apprentissage intéressant sera d’envisager la langue ancienne comme un outil d’appréhension du réel, dans ses grandes catégories, pour renouveler le regard sur sa propre langue et sur les autres. La langue ancienne, parce qu’elle est « ancienne », c’est-à-dire passée et close, offre la distance nécessaire pour ce repérage.

Le latin a de ce point de vue un statut particulier. Dans son rapport au français, il allie proximité et étrangeté. L’étude du vocabulaire latin permet de comprendre l’origine des mots français, suscitant un véritable plaisir de la reconnaissance : soudain tout s’éclaire. Les enfants aiment énormément les étymologies. Mais la syntaxe est très différente, ce qui peut être, selon le cas, rebutant ou excitant. Or précisément appréhender la syntaxe comme une grille de lecture des grandes catégories du réel peut en rendre l’étude excitante. Là aussi, tout s’éclaire : oui, il y a un présent, un passé et un futur ; oui, les temps se déterminent par rapport au locuteur, donnant lieu à différentes configurations possibles. Oui, il y a le singulier et le pluriel ; mais il peut y avoir aussi – en grec, par exemple, avec des traces en latin – le duel, qui reflète une autre catégorie. Oui, il y a je et tu, mais aussi il ou elle, dont le référent est plus ouvert et qui, en tout cas dans les langues indo-européennes, porte la marque du genre. Etc.

Pour la séance d’aujourd’hui nous avons retenu deux éléments de la langue : la possession et la proposition relative. Ils ne sont pas à proprement parler des grandes catégories de la réalité, mais ils s’y rattachent. La possession est une réalité anthropologique : on n’imagine pas une langue qui ne permettrait pas de dire « ceci est à moi ». La proposition relative est une réalité purement linguistique, mais qui correspond à une nécessité, à un besoin interne de la langue pour dire le monde, consistant à rattacher une idée à un nom. Mais, avant d’aborder ces deux points, je voudrais commencer par un autre enjeu pédagogique de l'apprentissage du latin, plus général et emblématique, le système des cas.

A. Le système des cas

Le jeune Français ne ressent pas le besoin des cas, puisque l’ordre des mots suffit à faire comprendre la fonction de chacun. Pour en faciliter l’apprentissage, il faut parvenir à les faire sentir comme des catégories de la réalité et retrouver ce que les petits Allemands, par exemple, ont naturellement grâce à leur langue maternelle. Deux types de configurations le permettent.

1. Le premier est de retrouver la situation de communication dans des textes pourvus d’une deixis . J’en donne deux exemples :

- Le dialogue de comédie. Je propose dans l’exemplier un texte des Ménechmes de Plaute, où le jeu des pronoms personnels et/ou démonstratifs est facile à repérer : ego/me/mihi et tu/te/tibi d’une part, hic de l’autre. C’est le triangle linguistique des personnes. Cela permet aussi d’apprendre d’emblée ces déclinaisons, qui sont problématiques quand elles viennent après celles des noms. On peut aussi fabriquer des petits dialogues à partir d’un texte comme celui-ci. Le jeu entre nominatif, accusatif et datif peut presque se jouer : il y a des gestes qui peuvent accompagner un accusatif ou u datif. Et même, dans le cas présent, le nominatif, puisqu’il y a interrogation sur l’identité.

- Les inscriptions, qui offrent aussi l’intérêt d’être un objet archéologique. On y retrouve le triangle linguistique, auquel correspondent trois cas : le dédicant (nom.) / le dédicataire (dat.) / l’objet dédié (acc.). Mais tout n’est pas toujours exprimé : parfois manquent le sujet (dédicant) ou l’objet ; mais il y a jours le datif du dédicataire. Je recommande les inscriptions pour l’apprentissage du datif : on y sent vraiment ce cas. Dans les épitaphes métriques il y a en outre un aspect dialogique, avec apostrophe au passant ; le mort dit « je » et « tu ».

2. Le second type de configuration est la lecture de textes narratifs (ou discursifs) simples, selon le principe de ce que j’ai appelé la lecture dynamique. Il s’agit de suivre le mouvement le la phrase en respectant l’ordre des mots.

En français, l’ordre normal est sujet / verbe / complément ; en latin tout est possible, on peut jouer à M. Jourdain : sujet, verbe ou complément peuvent indifféremment se trouver en tête. Je laisse de côté pour l’instant le verbe. Si on a le sujet en tête de phrase, l’attente éveillée par le premier mot est la même qu’en français et il n’y a pas de problème pour l’élève. Mais si on a en tête un accusatif, le regard est posé sur l’objet ; on attend le verbe, un verbe transitif, et éventuellement le sujet (pas toujours exprimé). Si on a un datif, on attendra un verbe ou un adjectif exprimant l’idée de donner. Autrement dit chaque cas crée une attente et une première orientation de lecture.

Une piste intéressante pour faire prenre conscience du fait que les cas correspondent à des schémas de la réalité est de commenter leurs noms : nominatif, accusatif, génitif, datif et ablatif (sans parler du locatif) sont des mots qui ont un sens. On peut aussi les représenter par des signes, ainsi que je vais le montrer.

Le rôle central du verbe

Dans une phrase complète les cas s’organisent en fonction du verbe.

On distinguera les schémas fondamentaux suivants :

o verbe transitif actif : avec un acc. (COD : signe à)

o verbe d’état : avec un nominatif (Attribut du sujet : signe =)

o verbe passif : avec un abl. avec ou sans ab (compl. d’agent : signe ß)

Structurellement, ces schémas sont parallèles, mais le cas du nom n’est pas le même.

Les expansions du nom

Au-delà du noyau sujet/verbe/complément (ou attribut), il y a des développements possibles, des expansions du nom. Il s’agit alors de faire prendre conscience du fait que les types de syntagmes nominaux ne sont pas infinis et qu’il y a des équivalences structurelles.

Types possibles de syntagmes

o Nom + adj. (qualificatif ou grammatical ; participe) à accord

parua uilla ; haec uilla ; uilla mea ; uilla ab hostibus deleta

o Nom + génitif à pas d’accord

patris uilla ; huius uilla ; eius uilla.

o Nom + relative à accord complexe

Entre ces types il y a des équivalences structurelles :

o Équivalence adjectif / génitif. Cela explique les deux modes d’expression de la possession : uilla mea / patris uilla. Cela permet aussi une première approche de la question du réfléchi/non réfléchi à la 3° personne (suus accordé / eius au gén.).

o Équivalence participe passé / relative.

Villa ab hostibus deleta / uilla quae ab hostibus deleta est.

Je trouve là la justification des deux points à traiter.

B. La possession

La possession s'exprime

- soit par le génitif d'appartenance (patris uilla/eius uilla), correspondant en français à la préposition de.

- soit par le datif, en général avec le verbe être au sens d’ « appartenir à » ; correspondant en français à la préposition à (« C’est à moi »). Mais on le trouve aussi en concurrence avec le génitif dans bien des cas.

- soit par l'adjectif possessif (mon, ton son, notre, votre, leur).

Je laisse aujourd’hui le datif, qui ne fait pas système avec les deux autres. Mais il est intéressant de noter qu’en français populaire on a longtemps dit « la copine à ma sœur », à entrant en concurrence avec de.

Les deux autres modes d’expression de la possession (génitif et adj. possessif) font système, c’est-à-dire qu’on trouve soit l’un soit l’autre selon des contextes et des fonctions précis. Le latin a en effet exploité cette double possibilité pour marquer la différence entre le réfléchi et le non réfléchi à la troisième personne. C'est la fameuse alternative suus / eius, eorum, earum.

A priori le mode naturel d’expression de la possession serait plutôt le génitif, car il est commun au nom et au pronom. On remarquera d’ailleurs que les enfants qui apprennent à parler français disent d'abord: "la maison de moi, de toi, de lui", sur le modèle de "la maison de mon père". Je ne sais pas comment les petits Romains apprenaient à parler (encore qu'on trouve des choses passionnantes à ce sujet chez Quintilien), mais il semble que le réflexe premier serait donc plutôt le génitif, l'adjectif possessif correspondant à un stade plus élaboré du langage.

Toute langue offre des cas d'ambiguïté. Ainsi le génitif peut être subjectif ou objectif : metus hostium, "la crainte des ennemis". Mais selon les langues, on estime important de désambiguïser telle formulation et non pas telle autre. L'ambivalence du génitif ne gêne pas, ni en latin, ni en français. Mais il apparaît que le fait de désambiguïser le possesseur à la troisième personne est plus important pour le latin que pour le français.

Rappel du système

Pour les deux premières personnes le latin a recours à l'adjectif possessif, comme en français :

uilla mea, uilla tua, uilla nostra, uilla uestra. Il n’y a aucune ambiguïté possible. Le génitif est possible dans certains cas particuliers : imago mei = "une image de moi" (à côté de imago mea "mon image", qui est ambigu). Le latin et le français se ressemblent.

A la 3e personne les choses se compliquent, car le référent est virtuellement multiple : qui est il ou elle ? Seul le contexte (réel ou textuel) permet de le savoir. Le latin a fait des choix spécifiques, qui visent à distinguer réfléchi et non réfléchi.

1. L'adjectif possessif suus s'est en quelque sorte spécialisé dans la fonction de réfléchi. Cela permet de lever les ambiguïtés, bien mieux qu'en français. Exemple :

Heluetii… fere cotidianis proeliis cum Germanis contendunt, cum aut suis finibus eos prohibent, aut ipsi in eorum finibus bellum ferunt (César)

« Les Helvètes se battent avec les Germains dans des combats presque quotidiens, soit qu’ils leur interdisent l’accès de leur territoire, soit qu’ils les attaquent chez eux. »

Mais qu'est-ce qu'un réfléchi? Pour l'apprentissage on pourra partir de l'image du miroir, qui est sous-jacente dans le verbe "réfléchir". Le locuteur renvoie à lui-même, comme un miroir nous renvoie notre propre image

Il y a une difficulté spécifique d'apprentissage du fait que suus, sua, suum ou le pluriel sui, suae, sua s'emploient aussi bien quand le possesseur est singulier ("son, sa, ses") que quand il est pluriel ("leur, leurs" dans tous les cas). Pour un Français, l'idée de traduire suus par "leur" n'est pas naturelle.

2. Eius / eorum, earum, génitif de l'anaphorique is, ea, id, désigne simplement comme possesseur une personne ou des personnes dont on a déjà parlé. On dit "de lui, d'elle, d'eux" alors qu'on ne dit pas (ou presque jamais) "de moi, de toi, de nous, de vous" (mei, tui).

Il est important de comprendre qu'eius ne s'accorde pas, dans la mesure où il veut dire "de lui, d'elle" et pas "son, sa". Les apprentis latinistes ont énormément de mal sur ce point. On trouve souvent dans les phrases de thème "eia", ce qui est un barbarisme tout à fait compréhensible : les latins avaient ainsi créé l'interrogatif cuius, cuia, cuium pour dire "de qui?", "appartenant à qui?" à partir du génitif de quis? Mais cela n'existe pas pour eius.

En revanche on distingue « de lui/ d'elle/ d'eux/ d'elles » (eius, eorum, earum). Là encore il y a une difficulté d'apprentissage qui vient du fait qu'on dit souvent "singulier" ou "pluriel" sans préciser de qui ou de quoi il s'agit. Il faut bien distinguer le nombre du possesseur et le nombre de l'objet possédé :

eius uilla = "sa villa" (à lui ou à elle) = un seul possesseur, un seul objet possédé

eorum/earum uilla = "leur villa" (à eux / à elles) = plusieurs possesseurs, un seul objet possédé

eius uillae = "ses villas" (à lui ou à elle) = un seul possesseur, plusieurs objets possédés

eorum/earum uillae = "leurs villas" (à eux / à elles) = plusieurs possesseurs, plusieurs objets possédés.

La difficulté est renforcée par le fait qu'eius est le génitif commun de is et de ea (masculin et féminin).

3. Comparaison entre les deux constructions

Si l'on compare ce qui se passe pour eius/eorumm, earum avec ce qui se passe pour suus, sua, suum, on voit que l'ambiguïté sur le nombre du possesseur est levée pour le non réfléchi et pas pour le réfléchi, suus signifiant à la fois « son » et « leur ». Pourquoi? Sans doute la marque du réfléchi était-elle ressentie comme prioritaire et, comme on ne disposait pas d'un autre adjectif pour dire "leur" au réfléchi, on a laissé l'ambiguïté. En revanche, c'était facile pour le non réfléchi, puisque il existait un pluriel à is et donc à eius. Encore une fois la langue choisit en quelque sorte ce qu’elle souhaite désambiguïser, mais dans les limites des moyens dont elle dispose.

4. Dernière remarque : le français "leur" n'est pas plus simple et l'ambivalence entre la fonction de possessif et celle de pronom personnel (signifiant « à eux ») est d'une grande difficulté pour les enfants. Nous savons tous que « leur » vient de illorum qui a remplacé eorum pour marquer la possession quand le possesseur est pluriel "leur = d'eux, d'elles". Mais il est devenu adjectif et prend la marque du pluriel, ce qui n’est pas le cas du pronom personnel. Il et clair qu’un élève qui aura assimilé ce qu’est un datif n’aura pas de difficulté à identifier « leur » pronom personnel.

C. Pronom relatif et proposition relative

Le pronom, comme son nom l’indique, remplace le nom. On peut dire que le pronom relatif représente son antécédent ; il en est le représentant et à ce titre il en garde le genre et le nombre : si c’est "un homme", il sera masc. sg., "des soldats", masc. plur. ; si c’est "une femme", fém. sing etc… Mais il le représente dans un autre contexte, dans une autre proposition (sinon, il n’y en aurait pas besoin) ; il le représente dans la proposition qu’il introduit et qui s’appelle la proposition relative. Il n’a donc pas la même fonction ni le même cas que l’antécédent, qui se trouve dans une autre proposition (cela peut arriver, mais c’est un hasard). Bref, il n’y a pas d’accord en cas du pronom relatif avec son antécédent.

C’est d’après mon expérience d’enseignement à des étudiants débutants un point fondamental dans l’apprentissage. Une fois que l’élève-étudiant a non seulement compris ce point, mais l’a intégré dans une sorte de réflexe (c’est ce que j’appelle « sentir »), c’est gagné pour la suite.

Apprentissage : faire des exercices à trous, en donnant une phrase avec sa traduction et en laissant en blanc l’espace du pronom relatif. Une structure utile pour approfondir ce point est la corrélation is… qui. Elle permet de faire travailler les deux déclinaisons et de mettre en évidence le système.

Ex. Sirenes uocum suauitate … reuocabant … praeteruehebantur

Les Sirènes rappelaient par la douceur de leur voix ceux qui passaient devant elles

Caesar cum … legionibus uenit … e Britannia eduxerat

César vint avec les légions qu’il avait ramenées de Bretagne.

Seneca … clementem uocat … animus mitis est

Sénèque appelle clément celui dont l’âme est douce

Atticus … profuit … carissimum habebat

Atticus fut utile à celui qu’il considérait comme lui étant le plus cher

Là encore on peut prendre en compte le sens du mot « relatif » : on est relatif à quelque chose, c’est-à-dire lié à quelque chose. La proposition relative est relative à (= liée à) un nom ou un pronom qu’on appelle son antécédent.

Le cas de la relative incluse, intraduisible telle quelle en français, est apparemment complexe. Il s’agit des phrases où le relatif n’a pas sa fonction dans sa propre proposition mais dans une proposition qui en dépend. Or ce type de phrase devient à mon avis plus aisé à comprendre quand on a complètement assimilé le principe de dissociation entre genre/nombre d’un côté et cas de l’autre, et qu’au lieu de l’analyser, on le sent.

- Vestrane urbs electa est ad quam cum adirent ex Italia, crucem ciuis Romani uiderent... ? (Cic. )

« Votre ville a-t-elle donc été choisie pour qu’en arrivant d’Italie les voyageurs vissent une croix pour un citoyen romain… ?

- Ea suasi Pompeio quibus ille si paruisset, Caesar tantas opes non haberet (Cic.)

« J’ai donné à Pompée des avis qui, s’il les avait suivis, n’auraient pas permis à César d’avoir toute la puissance qu’il possède aujourd’hui »

Conclusion

L’idée que j’ai essayé de faire ressortir dans cet exposé est la suivante : l’apprentissage d’une langue, et spécifiquement d’une langue ancienne comme le latin, est l’occasion de réfléchir sur ce qu’est une langue en général. On le fera d’autant plus aisément qu’on n’a pas, pour ces langues, l’urgence de la communication, qu’on peut prendre le temps d’observer la phrase et son fonctionnement, de la mettre en relation avec la réalité, de voir en quoi elle dit le monde, celui d’alors et celui de toujours.