La Deffence et Illustration de la langue françoyse en classe de français ? (Gaspard-Marie Janvier)
Saluons l’initiative des éditions 1001 Nuits de rendre accessible au grand public et donc, espérons-le, aux élèves du secondaire, ce texte fondateur de l’identité de la langue française à un coût très accessible.
Le texte original apparaît en regard d’une « translation » en français moderne visant à éclairer les obscurités du texte pour le lecteur contemporain. Il est suivi d’une postface pour le moins tonique de son éditeur, Gaspard-Marie Janvier, dénonçant les illusions de la langue globale et vantant la douceur du retour au « palais de la langue nourrice », que nous publions ci-après.
J’habiterai ma langue
Nature, c’est le premier mot de la Deffence, première image d’un premier grand discours sur la langue française : le voici d’emblée protégé des deux excès où s’égarent tant de propos sur la langue.
Affirmer que la langue est un fait de nature, ce n’est pas la figer dans une formule intangible dont il faudrait confier la surveillance aux vénérables Druydes nichant sur les hauteurs sorbonnicoles, mais dès l’abord affronter un paradoxe : la langue est cette donnée de nature par laquelle l’être humain trafique sa nature. Elle lui permet de transformer son environnement et de se transformer lui-même, dans un dialogue incessant dont rend compte sa propre transformation. Le français a plus changé au seizième siècle que dans les cinq qui précédèrent. Regardons l’évolution des mœurs, nous comprendrons l’évolution de la langue ; observons l’évolution de la langue, nous anticiperons l’évolution des paysages et des mœurs. Un philosophe un peu poète eut l’idée malheureusement tardive de diagnostiquer le nazisme à ses prodromes langagiers. On en eût fait autant de la terreur communiste. Et si nous restons impuissants devant le déferlement des maux venus du futur, c’est sans doute que nous ne sommes pas assez poètes. Je dévale à vélo la pente de Glatigny où vint séjourner Joachim en visite chez ses cousins Du Bellay. Ravivée par l’encadrement des haies, l’herbe du Perche est d’une verdeur adorable. Les vaches me lorgnent en mâchant et les grands saules du bord de l’eau fredonnent un vent venu de la mer. Le Parisien passant dans son 4x4 s’écriera : ‑ Ah les enfants, on peut dire ce qu’on voudra, ça fait tout de même du bien d’être dans la nature !... Pourtant ce paysage n’est ni plus ni moins naturel que le véhicule imbécile qu’il s’est acheté. La vache et l’herbe des prés sont des inventions humaines, tout comme les futaies le long des rivières. Elles résultent comme lui d’une négociation longue, âpre, avec les éléments premiers. Ce dont elles témoignent seulement, c’est d’une autre relation à la matière, d’une autre perception du temps, donc d’un autre état de la langue, plus doux, plus patient ‑ dont il reste suffisamment de traces dans la langue actuelle pour que j’en puisse encore jouir. La langue, dit une autre image féconde de la Deffence, est notre maison : là où mes contemporains décident de ne plus sortir de l’appartement du bas donnant sur le garage, je passe encore des après-midi entières à rêvasser dans les ailes que plus personne n’entretient ‑ et dont commencent à s’effondrer les escaliers.
Car, de ce que la langue évolue naturellement, ne point déduire que tout progrès de langue soit bon en soi : c’est là la marotte des modernes qui mythifient le mouvement sans regarder où il mène. Ce n’est pas parce que le langage des cités fleurit de formules et d’expressions nouvelles, souvent amusantes ou heureuses, que les valeurs qu’il sous-tend - la thune facile, le goût des marques, le mépris des femmes, le ressentiment communautaire - sont amusantes ou heureuses. Exalter cette langue, c’est promouvoir les valeurs qu’elle véhicule, en les rendant comme naturelles. Au saisissant Nique ta mère, je préfère le labeur nycthémère et séculaire des poètes français, de Ronsard à Valéry, pour établir la parité du féminin au masculin dans leurs rimes. Et je ne peux croire qu’une attention aussi scrupuleuse à la féminité, que n’exprime aucune autre langue ‑ et surtout pas l’anglais incapable de considérer le monde dans cette amitié poétique entre les genres ‑, n’ait eu pour effet d’infuser le locuteur francophone un peu sensible d’un respect naturel pour la féminité.
Ainsi, en convoquant Nature au seuil de son discours, Du Bellay renvoie dos à dos tant les vieux cons du français-qui-se-perd que les cons neufs du français-qui-se-parle. Il montre seulement que la question de l’humanité de l’homme est inséparable de celle de la langue pour la dire - donc pour la faire. Il dit surtout qu’elle est poétique autant que politique, imaginale autant que philosophique. L’affirmation est si radicale que nous en mesurons à peine la portée ‑ rompus par notre éducation à considérer l’humanisme comme une philosophie politique, comme un ensemble d’idées qu’il s’agirait plus ou moins d’appliquer. Au même moment, dans ce qui va devenir son Discours sur la servitude volontaire, Étienne de La Boétie part de la même image d’une nature matricielle pour affirmer que nous sommes tous égaux - mais se reprend aussitôt : ou plutôt, frères. L’égalité n’est qu’une idée abstraite, provoquant à toutes sortes de dénis brutaux de réalité ; la fraternité est une image concrète, un appel à imiter, donc à douter sans cesse des qualités de l’imitation ; invite à illustrer aussi, par images et discours incessamment renouvelés, ce qu’on attend au juste de cette fraternité - et ne voyons-nous pas là l’élan donné à l’une des littératures les plus fécondes et les plus riches de l’histoire de l’humanité ? Ne comprenons-nous pas que les Essais de Montaigne, les tragédies de Racine, les Rêveries de Rousseau, marquent autant de refus de conclure par un discours d’idée, autant de renonciation à laisser consigner en formules catégoriques, ce que nous appelons hâtivement liberté ou égalité, raison ou passion ? La littérature est cette seule et même interrogation, sans cesse reprise, jamais satisfaite, sur l’amour et l’amitié, sur le besoin d’agir et le comment vivre au sein d’une humanité marquée par la finitude et l’imperfection, s’illusionnant pourtant, au prétexte qu’elle est capable d’« idées », d’avoir maille à partir avec l’infinitude et la perfection. - Ah non Renard ! Plus d’idées ! supplient les trois compères de la fable…
Aussi ne confondons pas l’image, dans son humilité, et l’idée, dans sa prétention. Ne laissons pas la littérature céder un pouce à la philosophie - ou concédons qu’elles ne soient qu’un seul et même appel à progresser dans notre humanité, l’idée suscitant l’image, l’image démentant l’idée, comme cheminent, cahin-caha, l’aveugle et le paralytique. Faisons toute la différence entre un humanisme poétique qui se cherche dans ces textes (mais déjà le terme « d’humanisme », inventé aux époques dogmatiques pour désigner l’esprit d’un siècle, dérange, il faudrait parler simplement d’humanité poétique, ou même d’humanité puisque l’humanité est, par nature, poétique, affirme un Du Bellay nourri des leçons de son maître Dorat !), donc n’identifions pas ces tentatives de construction poétique d’un habitat humain aux différents pavillons clés en main qu’on a voulu nous livrer depuis sous la marque humaniste, produits de chantiers sanglants, jalonnés de persécutions et de massacres, et dont la dernière promotion, vendue en crédit illimité avec hypothèque sur l’air, la terre et les étoiles, est ce Global World où il fait de moins en moins bon parler français. J’écoute parfois en préparant le dîner une émission de radio qui se veut l’arbitre des élégances contemporaines, et dont l’originalité est de donner à entendre des musiciens live. Après un indicatif pour aérogare internationale, ce sont la plupart du temps des chanteurs ou des groupes français qui viennent singer dans un accent franchouillard les tubes manufacturés outre atlantique :
I love you hou hou,
You miss mi hi hi…
Et s’il leur prend la lubie de chanter en ce français qu’un Trénet, un Brassens, un Nougaro, un Annegarn (pourtant batave), surent amplifier en le faisant jaser et bleuser selon son génie propre, ils ne peuvent s’empêcher de l’étriquer par leur scansion à contresens, plaçant l’accent tonique à l’anglaise, sur l’avant-dernière syllabe, comme naguère Gall ou Cabrel :
Quand je JOUUe du PIAAno DEUUbout
Je N’AI plus de PLAAce DAANs le TRAAfic…
Ah ! oui, la grande pitié de voir ainsi les seigneurs de notre temps dépriser leur vulgaire ‑ dit l’insolent Joachim qui ne rate pas l’occasion, dans un rictus, de douter de leur santé mentale ‑ pour se faire serfs volontaires de la globe-langue. Gogos comme Orgon, gagas comme Argan, têtus comme dindons de comédie, si fascinés par leur marotte qu’ils en égarent leur humanité. Des malades en somme, frappés sans le savoir de la maladie désormais la plus répandue au royaume de France : la haine de soi. Et comment ne le serions-nous pas, haineux de nous-mêmes, après deux siècles de mystification universaliste où l’on nous a seriné que le français ferait le salut du monde, en découvrant qu’un autre idiome promeut infiniment mieux que le nôtre cette aberration, jusqu’à susciter l’aspiration universelle à un globe entièrement édenisé par le commerce et la technique ? Que de défaites, d’humiliations, de collaborations et d’abominations pour en arriver là !
Pour savoir que quelqu’un va mal, faites-le causer. La recette ne date pas de Freud, elle est aussi vieille que les dialogues de Platon et constitue encore le B.A. BA méthodologique des humoristes et imitateurs. Écoutons parler un Français d’aujourd’hui : nous entendrons une langue qui n’est ni la semaison ronsardienne ni le sarclage racinien, mais rappellera, au talent près, l’enguirlandage célinien. C’est cela : Céline est notre maître à tous, avec sa formule si facilement reproductible de verdeur, de vigueur, de veulerie et de vulgarité. Ouvrons Libé ou un journal quelconque, allumons TF1 ou une chaîne quelconque, écoutons notre président ou un politicien quelconque : le célinien est devenu si naturel qu’on n’est même plus surpris par l’énergie maléfique et géniale de cette prose surgie, comme le nazisme, de la crise des années trente, et qui sut contaminer tout un pays par sa rage à dire la haine universelle. La prose célinienne illustre chaotiquement le français moderne dans l’expression de la honte de soi d’un peuple exsangue, divisé, rongé par la rivalité. Elle annonce une défaite qu’elle semble attendre avec gourmandise, elle pronostique le déclin inexorable d’une nation compromise, déchirée, moisie, comme dira l’un de ses innombrables disciples ; elle augure de la ferveur des intellectuels français de l’après guerre pour les causes les plus universelles et les plus délétères.
Au génial prophète du malheur de France qu’est Céline, je préfère donc le génial prophète du bonheur gaulois qu’est Du Bellay, dont le travail donne l’élan à un siècle d’or pour la pensée humaine ‑ et dont nous profitons encore des dernières miettes. Nous sommes en 1549. Le français n’est qu’une petite langue européenne, largement éclipsée par cet italien qu’on parle dans un pays qui fait sa renaissance depuis plus d’un siècle, et dont le lustre artistique et littéraire resplendit sur un continent entier. Henri vient de succéder à Françoys ‑ grâce à qui n’est du tout ensevelie la Langue Françoyse. Et si la France, sous la nouvelle dynastie Valois, brille dans le bien faire militaire, juridique et politique, elle n’a pas encore excellé dans le bien dire. Le chantier de la langue est en panne ou plutôt : le jardin est en friche, par la…
… coulpe de ceux qui l’ont euë en garde, et ne l’ont cultivée à suffisance : ains comme une plante sauvaige, en celuy mesmes Desert, où elle avoit commencé à naitre, sans jamais l'arrouser, la tailler, ny defendre des Ronces, et Epines, qui luy faisoint umbre, l'ont laissée envieillir, et quasi mourir.
Ce magnifique surgeon de l’image augurale élève notre cœur.
Aux naturistes, primitivistes, zélateurs de bons sauvages, qui pensent qu’une langue, il n’y a rien à en faire, qu’il suffit de laisser ses « locuteurs », comme y disent, en ramasser les glands, Du Bellay oppose la vision d’une plante bien traitée dans un jardin bien soigné. Car pense-t-on que les anciens Romains et les Grecs aient condescendu à la friche ? Que c’est en broutant à quatre pattes qu’ils produisirent leurs écrits mystiques, leurs recueils poétiques, leurs codes juridiques et leurs traités philosophiques ? Les fleurs et les fruits de ces jardins dont nous jouissons encore sont venus de ce que de bons jardiniers surent planter, repiquer, émonder, greffer. Et de même que le verger le mieux entretenu retourne au maquis dès qu’il cesse d’être cultivé, de même la langue française laissée à la négligence des journalistes, à la vulgarité des politiques, à la mauvaise humeur de chacun et chacune dans les incivilités quotidiennes, devient ce brouillon de culture où toutes maladies peuvent renaître et proliférer.
Mais qui sont les cultiveurs et en quoi consiste leur travail ?
La réponse déplaira souverainement en un temps où l’on s’en croyait enfin débarrassé, surtout en littérature : ce sont les poètes bien sûr, seuls capables d’illustrer une langue ‑ c’est-à-dire de la rendre lumineuse en jetant sur l’expérience humaine des mots tels qu’elle devienne digne d’être vécue. Là où l’idiome s’assombrit dans l’universel reportage, faisant de chaque objet de la création, fût-il produit de notre imagination, un bien de consommation, le poète « ouvre un atelier » comme dit Francis Ponge, pour y « prendre en réparation le monde par fragments, comme il lui vient ». Il se fait le raccommodeur attentif de la vache rendue cannibale, du chocolat spolié du fruit du cacaotier, du pénis emballé dans son blister, du corps féminin livré à la question technologique. Et cela, insiste Du Bellay dans une simplification saisissante de la poétique latine, sans jamais séparer l’inventio de l’elocutio, le fond de la forme, le contenu du contenant. Là se tient la différence, toute la différence, entre philosophie et poésie. Deffence n’est pas « défense », il ouvre les barrières. Si « Heureux qui comme Ulysse » annonce l’espoir du retour, « Heureux comme Ulysse qui » glisse et tombe par terre. Et quand le grammairien sépare les dix mots de « Je sens venir l’hiver de qui la froide haleine », l’amateur de poésie n’en perçoit qu’un, dont « tristesse », « inquiétude », « angoisse » ne sont plus que de fades synonymes.
Vient alors l’important rappel qui décidera de la renaissance française en littérature et d’une illumination de deux siècles avant l’éclipse poétique du 18ème : la poésie est imitation. Parce qu’elle est tentative naturelle pour représenter par les mots quelque chose qui existe en dehors des mots, elle ne vise pas à produire, mais à re-produire. Son génie ne vient donc pas de cette « originalité » narcissiquement revendiquée par l’auteur moderne jaloux de ses droits, surgissant sur l’écran avec ses airs de poète et son grand chapeau, mais de l’aptitude d’un homme à faire sonner sa langue, en reprenant les trois ou quatre thèmes essentiels, sempiternels, dans lesquels se débat toute existence humaine : naître et mourir, aimer et haïr, jouir et souffrir. Toutes les bonnes littératures parlent de la même chose. En même temps qu’il publie la Deffence, Du Bellay sort son premier recueil de poèmes intitulé l’Olive ‑ cinquante sonnets desrobés à Pétrarque, à l’Arioste et à d’autres. Nul doute que Ronsard, Molière et Racine seraient aujourd’hui condamnés par les tribunaux pour plagiat, tant leurs poèmes et leurs drames imitent délibérément, parfois au mot près, les modèles grecs, latins ou italiens. Aussi n’ayons aucun complexe poétique à piller les autres, estrangiers ou anciens. Cela nous évitera au moins de singer nos contemporains en croyant faire du neuf. Prenons à ces alter ego ce qu’ils ont de meilleur : leurs images. En retrouvant énergie et chair dans les formes de la langue que nous parlons, elles se rechargeront d’une puissance insoupçonnée.
Soyons francs pour finir : Du Bellay a-t-il voulu dire cela ? Non bien sûr ! Comment diable en sommes-nous arrivés à penser que ce qui comptait dans une œuvre, c’étaient les « intentions de l’auteur » ? Pourquoi lisons-nous encore ces articles, pourquoi regardons-nous ces émissions littéraires où un petit paon, où une petite dinde, viennent glouglouter doctement du sens de la vie et du salut du monde quand le meilleur d’eux-mêmes devrait se trouver dans leur livre ? Comme tous les hommes, Du Bellay regardait son époque avec les moyens, rudimentaires, de son cerveau et de son temps. Imprégné des lectures littérales des écrits bibliques prophétiques, il a pu espérer en écrivant la Deffence que l’essor du français serait celui de la chrétienté toute entière. Le héros était jeune. Quelques années de vie de cour, un long séjour à Rome dans les égouts du Vatican, suffirent à le dessiller, comme le montrent ses Regrets, féroces, ou les Antiquités, vertigineuses. Eût-il vécu vieux, il fût sans doute devenu le grand poète gallican qui a manqué si cruellement, et manque encore, à notre littérature ‑ par qui la France se trouvât préservée de ses démons.
Nous lisons aujourd’hui la Deffence dans un tout autre contexte. Nous avons vu se succéder d’innombrables bêtes monstrueuses aspirant à la monarchie universelle sans que jamais ne soit établi ce Royaume des Saints du Très-Haut annoncé par le Livre de Daniel. Ce qui nous parle dans la Deffence, ce ne sont pas les quelques idées politiques qu’on y glane mais les images qui en jaillissent, d’une force, d’une énergie enthousiasmantes, propres à ressusciter en nous ce que les crises sempiternelles et successives de la modernité finissent par nous faire oublier : la joie de vivre notre humanité, le bonheur de dire des paroles d’amitié, le goût de mettre en mots nos amours et nos peines, afin de les rendre plus nobles et plus fécondes. On nous dit que le français est en ruine, qu’il faut évacuer notre logis pour habiter la globe-langue (et j’aime trop la langue de Milton et de Melville pour la confondre avec le pidgin qu’on jaspine à Globeland). Certains, j’en suis, en ont tout simplement perdu l’envie. Ils ne gobent plus. L’argumentaire est usé et le catéchisme trop mal écrit. Sans être architectes, ils pressentent bien qu’une tour de Babel qui s’édifie en sapant ses propres fondements ne peut que s’écrouler. Sans être prophètes, ils devinent bien que le rêve est en train de tourner au cauchemar. Sans aigreur ni désespoir, priant seulement le bon dieu que les dégâts ne soient pas trop lourds, ils anticipent déjà le retour à la maison mère. Au fond, le mal ne vient-il pas toujours de la prétention d’un idiome à imposer son ordre à l’univers ?
En Télémaque avertis, en Pénélope rusées, habiles et heureux serviteurs de leur langue jusque dans leurs usages les plus quotidiens et les plus intimes, sachant, comme ces vierges sages de l’Évangile au milieu des vierges folles, garder de l’huile dans les lampes au cas où le maître surgirait de nuit, ils attendent patiemment le moment où les Français, un à un revenus des sirènes et des monstres de Gogoland, s’aviseront…
… Qu’il n’est rien de plus doux que voir encore un jour
Fumer sa cheminée et après long séjour
Retrouver le palais de sa langue nourrice.
La maison requiert tous nos soins : amis, retroussons nos manches. Si nature a toujours le premier mot, le dernier n’échappe jamais à la langue.
Gaspard-Marie Janvier